Mission « Méfiez-vous des apparences, une carte peut en cacher une autre » [Livre 1 - Terminé]

Je savais que les choses ne seraient pas aisées. En fait, elles ne le seraient jamais avec Lilith, pour la simple et bonne raison que nous étions par essence des entités antagonistes. Nous avions aussi peu en commun l'un avec l'autre qu'avec tout le reste de nos congénères et de l'humanité toute entière. Des points communs nous reliaient les uns aux autres bien sûr, mais il fallait bien avouer que rien n'aurait pu être plus différent qu'un démon et qu'un humain. Même certaines bêtes me paraissaient infiniment plus proches et plus compréhensibles que l'espèce dominant cette misérable et pathétique planète. La situation présente semblait répondre au meme sac de nœuds inextricables que d'ordinaire. Pour le coup, nous avions même changé et alterné nos accointances naturelles. Moi qui avait toujours utilisé monstres et bêtes de ce monde à dessein, je devrais probablement les combattre puisque Lilith me les opposait... Alors que de son côté, le folklore vampirique impliquait que ce fut elle qui donna naissance à l'espèce des nocturnes rouges aux temps jadis. Très honnêtement, je ne savais rien de la véracité de tout ceci et m'en fichait bien. Quand bien même serait elle leur créatrice que je pouvais les dominer, maintenant qu'il m'apparaissait comme évident qu'elle n'avait pas plus de contrôle sur eux que je pouvais en avoir moi même. Les choses étaient étranges, mais plus elles seraient anormales et plus le chaos se renforcerait. Si on pouvait parvenir à gérer tant de désordre que le tissu de la réalité se déchirerait un peu plus... En tant que démon majeur, je pourrais alors réunir toutes les progénitures démoniaques sous ma coupe, tout en levant en parallèle des légions de démons mineurs pour envahir, saccager, violer et assassiner sur ces terres des hommes qui ne demandaient qu'à être conquises. Mais avant cela, il restait tant de choses à faire... Je reliais lentement mais sûrement les fils d'actions trouvant leur but des millénaires après leur préparation. Il fallait récolter ce monde comme le fruit mûr qu'il était devenu.

Comme d'habitude aussi, notre échange ne passe pas inaperçu et nous sommes l'objet de toutes les curiosités des loups, qui nous regardent, nous jaugent. D'une voix forte et décidée, Lilith me jette ma proposition au visage. Je ne sais pas si elle est ou non sérieuse, mais peu importe. Le but était d jauger le terrain, de préparer la suite. Rien de plus, rien de mois. J'étais sûr que je pouvais arriver à mes fins en en apprenant plus sur les motivations de la démone qui sillonnait ce monde elle aussi depuis des millénaires. Les choses allaient bien, mais pouvaient encore aller mieux. Je ne ressentais pas de peur, seulement l'excitation de bientôt amener à tout détruire. La beauté vint ensuite me frôler, avant d'entretenir l'ambiguité de ses ambitions. Je souris d'un air de conspirateur. Qu'il était bon de pouvoir retrouver un adversaire à ma mesure... Cela fit diminuer mon envie, pire, mon besoin de carnage, dans le sens où martyriser quelques mortels m'apparaissait comme bien pathétique en comparaison de l'opportunité que j'avais de contrarier les plans de Lilith tout en avançant les miens.

| J'espère que tu y réfléchiras à deux fois. Mes pièces avancent déjà. Et j'ai déjà commencé à ressembler la base des légions démoniaques. Ne tardes pas à choisir ton camp, Lilith. Après, il sera trop tard. Comme pour cette soirée... |

J'utilisais mon pouvoir, me rendant en l'espace de très peu de temps invisible. Les démons et semis démons me verraient sous ma véritable forme, une forme vile, ancienne, démoniaque et funeste, les loups et vampires sentiront mon odeur, mais je serais bien en mal de dire que les humains percevraient quoi que ce soit ; stupides créatures qu'ils étaient ! Je m'éloignais rapidement en tournant le dos à Lilith, partant d'un petit rire mauvais. Un homme fit l'erreur de jeter sa cigarette par terre et l'écrasa du talon. Mon rire se fit plus franc, alors que j'évitais aux cendres de s'étendre, et attisais les flammes. On aurait pu croire à une explosion, et le feu monta très vite. En quelques secondes, l'arbre à côté était en feu, et les flammes se propageaient déjà aux arbres suivants. Je savourais la peur, la panique, l'incompréhension. Bientôt, il n'y aurait pas que cette réunion de loups garous qui prendrait feu. Je devais rencontrer les responsables vampires, et très vite qui plus est.

L’homme que je combattais m’inspirait certes un peu de peur, mais pas dans le sens qu’il le pensait. Je n’avais pas peur pour moi non, mais pour mes frères de meutes, mes enfants et Johan. En me confrontant à lui, je comprenais que la mort elle-même ne m’effrayait pas. Je n’avais rien à perdre, rien aussi minable puisse être cette constatation. Savannah était avec son père et n’avait pas besoin de moi. Quant aux jumeaux… j’étais inutile au possible. Ma meute pouvait se passer de moi sans mal, et trouver un exécuteur ne leur prendrait pas autant de temps que je le souhaiterais. Je n’étais pas irremplaçable et j’en prenais vraiment conscience en cet instant. Au fond, je savais que la meilleure chose que je pouvais faire c’était pousser Nathanaël à se montrer sous son vrai jour afin qu’il soit pourchasser par les humains et brûler par les êtres que j’avais promis de protéger.

Je me lançais entièrement dans ce combat, peu importe les risques que je pouvais encourir. Cela exaltait ma Louve que je ne retenais nullement. Elle voulait du sang, et je lui en offrais. Elle voulait se venger des coups que l’on portait sur mon corps d’humain et je lui accordais. Nous étions en parfaite symbiose et c’est ce qui expliquait pourquoi le démon avait du mal à prendre vraiment le dessus sur moi. Je n’étais pas une créature fragile comme le laissait penser ma silhouette. Je pouvais contrer et lui rendre chaque coup. Je me fichais de tout le pouvoir qu’il avait. Dans ce combat seule la force physique comptait et à ce jeu là je n’étais pas la dernière des quiches. Il voulut passer un deal avec moi, mais je refusais. Plutôt mourir que de m’associer à un être aussi vil et destructeur que lui. J’avais beau de ne pas aimer ma Lupa, l’intérêt de ma meute passait avant ce sentiment. S’il nous connaissait aussi bien qu’il le prétendait, il l’aurait su. J’imaginais cependant que dans sa tête les mots loyauté et fidélité n’avaient aucun sens. Seul sa petite personne l’intéressait cela ne faisait pas de doute. D’ailleurs, n’obtenant pas ce qu’il désirait, il décida de mêler de la magie à notre évènement et de se montrer menaçant envers les humains. Je m’apprêtais à lui sauter dessus lorsqu’Elle s’avançait. Hmmmm. Je n’avais pas confiance en elle mais je ne bougeais pas, la laissant gérer le problème Nathanaël. Après tout entre démons ils s’égalaient et se comprenaient. Elle refusait également de passer un pacte avec lui, et affirma sa protection sur les notre. Sortant discrètement du ring après un signe de tête de Mary me sommant de la rejoindre, je me plaçais devant cette dernière prête à faire barrière de mon corps toute atteinte envers sa personne. A cet instant je ne me doutais pas que l’on viendrait dévaster notre refuge.

La confrontation entre les entités avait tournés court et en partant Nathanaël venait de semer le trouble dans ce lieu. Je ne l’avais pas vu mais ça ne faisait aucun doute. Alors que les gardes du corps de notre chef l’entoura et l’éloigna de tout danger, je me tournais vers les humains et leur criait de rejoindre dans le calme leur voiture. Déjà la tension montait et la foule se bousculait de toute part, paniquée. Cela allait très mal tourner, je le sentais au fond de mes entrailles. J’essayais de les inciter à rester calme mais rien n’y faisait, et bientôt des cris montèrent et des bousculades s’en suivirent. Nous devions intervenir mais comment ? Je vis le doyen des loups rappliquer un téléphone à la main sans doute en train d’appeler les pompiers. Quittant l’estrade, je me mis à couvert et muta en loup gris et blanc. Je dus me forcer à me transformer vite et sans attendre je poussais un long hurlement. Je prévenais tous les miens d’un danger imminent, et que nous devions rejoindre au plus vite Wolfheaven. J’espérais que tous ceux en chasse à cet instant entendraient mon appel, bien que j’en doutais. Une fois cet appel passé, je courais jusqu’à la foule et fit claquer mes dents pour orienter la foule dans la bonne direction. Cela rajouta un peu de terreur mais c’était le seule moyen que j’avais pour qu’ils ne viennent pas à s’égarer dans les bois et se retrouver piégé. Alexander en avait fait de même et n’abordait plus l’image d’un loup gentil avec qui on pouvait prendre des photos. C’était un peu comme une partie de chasse, dans laquelle nous rabattions le gibier vers une carrière où nous l’achèverons rapidement. Cette pensée excita mes sens, que je calmais en me rappelant qu’il ne s’agissait pas de proie mais d’humain que nous devions protéger.

Le prochain combat allait se révéler particulièrement étrange, je ne vous le fais pas dire. Mais avant de me concentrer sur ce dernier, je remerciais Johan de sa sollicitude, même si mon nez allait parfaitement bien. La petite fracture, qu'il y aurait pu avoir, serait dans tous les cas bientôt guéri et j'avais déjà vu bien pire. Un hochement de tête à l'attention de mon frère de meute et quelques paroles allaient me détendre avant la suite et mon flaire m'indiquait qu'il y en aurait des tensions...

"Merci Johan! Je suis tombé sur un fourbe à peine assez aimable pour se serrer la patte avant de se trucider! J'ai du lui apprendre les bonnes manières!"

Ensuite le combat allait commencer et je ne pu ressentir qu'une once de jalousie vis-à-vis d'Isadora, car l'honneur était grand de pouvoir combattre cette engeance de démon glabre qu'un puceau. Le combat tournait clairement à l'avantage du démon, même si Isadora donnait tout ce qu'elle avait, je ressentais la même chose par rapport à Caïm que lorsque je combattais cet humain. Tendu comme un filin d'acier, je devais me retenir de sauter sur le démon pour protéger une de mes sœurs de meute. Les griffes m'en poussaient presque... Je m’aperçus que Johan était dans le même état que moi et qu'il appréhendais l'issu du combat, même s'il avait toute confiance dans les capacités de la jeune louve. Le combat semblait s'éterniser et je vis à plusieurs reprises Isadora être bloqué par Caïm et que l'espace d'un instant, il lui murmurait quelque chose. Je ne perçu pas grand chose de ces échanges, mais je compris facilement que le démon proposait quelque chose d'outrageant à Isadora. Johan voulait également savoir ce qu'il se tramait et m'avoua avoir comprit quelques brides de paroles.

"Cette créature ne peut lui murmurer que des insanités destinées à la déstabiliser. Il essaie de la faire abdiquer autrement que par la force. Il devrait savoir que cela ne marche pas sur les nôtres!"

Tout s'enchaina par la suite et je perçu un immense bruit de verre cassé vers le bar et le temps de me tourner, je vis le bar littéralement disparaitre derrière des millions d'éclats de verres. Une clameur se levait parmi l'assistance et quelques cris de paniques se firent entendre! Le temps s'arrêta à ce moment et cela me déstabilisa, car je ne compris pas tout de suite la source de cet arrêt. L'autre était entré en scène... Bien que je ne l'aimais pas, il fallait avouer qu'elle était plus fréquentable que Caïm. Et elle disposait apparemment d'une pléthore de pouvoir elle aussi. Ne pouvaient-ils pas se contenter de griffes et de crocs comme les gens normaux??? Toujours faire dans la désire, mais ou va le monde...Il tourne réellement plus très rond depuis que les vampires sont apparus sur la scène publique. Pour en revenir à nos deux démons, ils se disputèrent, comme nous nous pourrions le faire entre meutes, seulement ce qui me dérange, c'était qu'ils discutaient de nous... Je me préparais déjà mentalement à subir la transformation et peu m'importe qu'elle se passe devant tout le monde!

Heureusement la conversation prit fin plus ou moins rapidement et le temps reprit son cours. C'était tout de même terrifiant ce que pouvaient faire ces choses. La terreur prit comme un brasier dans l'assemblée et je compris bien vite qu'il fallait que l'on agisse! Isadora s'était déjà transformait et avait commencer à rabattre les humains vers la sortie avec l'aide d’Alexander. Pour ma part, je savais ce qu'il me restait à faire, c'est à dire de rameuter le plus de loup possible en vu d'une éventuelle représaille de la part de Caïm ou même des humains qui viendrait enquêter sur cette bizarrerie. Car ces derniers temps, les humains étaient particulièrement attirés par ce genre de cas. J'allais donc derrière les vestiaires des catcheur et je me transforma. Je fis juste avant cela un signe de tête à Johan pour lui indiquer que ça présence à mes côtés serait surement nécessaire. Suite à ma transformation je me dirigeais vers une proche clairière et je poussa le plus long et le plus fort hurlement de rassemblement de mon existence et je sommais tous les loups disponible de me rejoindre. J’espérais que dans cette confusion les "sans-meutes" reviendrais vers moi également et ne serait pas partie se cacher...

Mais que se passait-il bon sang ? Toute cette situation échappait au contrôle du changelin et ça n’était pas pour le ravir. Plus, il cherchait à balayer les environs, plus l’incompréhension l’assaillait. L’action qui se déroulait sous ses yeux perdait toute cohérence. Makayla arriva un peu avant la frénésie générale et elle parvint à placer une remarque amusante qui ne parvint pas à dérider le métamorphe trop occupé à scruter les environs. Un incendie se déclara et se propagea trop rapidement pour qu’il soit jugé accidentel. La fumée grimpait déjà, la peur aussi. Isadora les pria alors de rejoindre la sortie alors que l’agitation prenait de l’importance, la panique s’emparait peu à peu de chaque invité. Le chaos débutait mais le français ne voulait pas déserter les lieux sans réponses. Pire en fait, même s’il n’avait rien saisi à ce qui se tramait, il aurait voulu aider. Après tout, lui aussi n’avait rien de tout à fait humain. S’exposer, en voilà une idée saugrenue. Sauf que c’était pour la bonne cause. Il fixa la foule en délire mais également son amie la photographe. Allait-elle rester là ? Ce serait plutôt déraisonnable alors que tout indiquait une catastrophe imminente. Malgré le fait qu’elle soit fragile, son courage la portait peut-être à se tenir là et à ne pas battre en retraite. La brunette semblait plutôt rebelle vu sous cet angle mais ça n’était pas le moment d’en rire. Le français la poussa sans ménagements vers la sortie, inquiet pour elle.

« T’as entendu Isadora, vite, va rejoindre ta voiture ! File ! »

En ce qui concernait son autre interlocutrice ? Il espérait que le barman l’aiderait à quitter le lieu au plus vite. On ne pouvait vraiment déterminer la source du danger au milieu de tout ce fichu bordel. Camille fit la chose la plus censée au Monde, il alla à contrecourant, bousculant plusieurs personnes sur son passage. Il lui serait tellement plus simple de se transformer et de survoler la zone afin de comprendre mais il se voyait mal opérer de la sorte pour le moment. Les vagues d’humains créaient presque des barrages par endroit. Un hurlement déchira la scène et glaça le sang du riche héritier. Son regard fouilla toujours les recoins de l’endroit, à la recherche d’un visage connu. Mary, il tentait de repérer Mary. Il risquait sûrement de se faire refouler mais ça valait le coup de tenter. Il détestait être tenu à l’écart des événements surnaturels, son ignorance le rendait malade. Alors qu’il cherchait à trouver quelqu’un de ce clan toujours indéterminé, son esprit fonctionnait à mille à l’heure. Comment pourrait-il prêter main forte ? Que pouvait-il faire concrètement ? Peu de choses sûrement et pourtant, cette pensée ne l’empêchait pas de continuer sa course. Le feu se propageait à vitesse surprenante et il s’arrêta d’ailleurs de courir pour analyser l’avancée dévastatrice de l’incendie. Il tomba alors nez à nez avec un loup mais ne recula pas pour autant. En règle générale, il ne craignait pas les autres animaux – même les plus féroces. Il planta son regard sur dans les yeux de la bête en méditant sur la marche à suivre. La créature allait finir par le mordre s’il restait là contemplatif, à faire obstacle. Aussi, il chercha à le contourner toujours dans le but de retrouver l’hôte de cette journée. Oui, il espérait vraiment profiter de l’incident pour découvrir leur nature et également pour les aider. Leur odeur se rapprochait bien trop de la sienne pour qu’il l’ignore bêtement.

" Je vois double ou quoi ? Il n'y avait pas qu'un seul loup à la base ? D'où sort le deuxième ? Oui, je suis là, je n'arriverais pas à me sentir en sécurité dans ma voiture en te sachant là, désolé. "

Il n’y a aucun autre moyen de le dire. Ce démon me révulse. Non pas parce qu’il m’inspire une peur quelconque, mais simplement parce que je le hais avec une telle force que ce pauvre corps humain serait capable de dégobiller son déjeuner. Ah non. C’est déjà fait. Mon sens de la perfection j’imagine. J’ai gardé quelques-uns de ses petits rituels. Et j’avoue que le fait qu’elle se maltraite afin de garder cette apparence de femme fatale m’amuse énormément. Quoi qu’il en soit, si l’estomac de mon hôte contenait autre chose que ces Cosmopolitans ou autres mixtures alcoolisées, j’aurais probablement tout rendu. Pauvre petite chose qui n’est pas apte à supporter de réelles ambitions, de réels efforts psychique. Ou même physiques. Nous démons sommes tellement plus que cette enveloppe faîte de chair et d’os. Je vaux tellement plus que ces cheveux bruns, et que cette paire de seins. Certes, ils me sont bien utiles, mais ne sont qu’un faible instrument entre mes mains. Je les sublime. Je sublime cette humaine qui aurait pu briller bien plus qu’elle ne l’a jamais pensé. Bref, je m’égare… J’exècre Caïm.
Cette suffisance, cette condescendance. Je rêve de pouvoir l’aplatir entre mes mains tel un vulgaire moustique. Lui montrer qu’il n’est pas aussi puissant qu’il le croit. Que j’ai peut-être même une longueur d’avance. Je m’imagine, rester à la surface pendant qu’il retourne dans les tréfonds. Ce sera peut-être une brève victoire, mais une victoire. Quand bien même elle ne sera effective que durant quelques pauvres décennies. J’exècre Caïm… tout autant qu’il m’amuse.

Il faut dire que j’ai pris goût à cette opposition constante et que je ne peux pas réellement le blâmer de mettre le feu aux poudres. Non, ce n’est pas une image. Les environs ont littéralement commencé à cramer. La fumée se met à envahir les lieux, les êtres grouillant dans la pièce suffoquent, certains se ruent à l’extérieur pour s’échapper. La peur leur ronge les entrailles, je peux le sentir du bout de mes doigts, au plus profond de moi-même. Leur naturel égoïste reprend le dessus et ils seraient prêts à tout pour sauver leur peau au détriment de leurs congénères. Je sens un léger chatouillis et devine qu’un rire puissant menace de m’échapper. Je n’y peux rien, voir leur détresse et les voir courir comme des petits animaux perdus, je trouve cela hilarant. Mais au lieu de rigoler, une quinte de toux m’échappe. Pauvre petite humaine, corps faible et sensible à son environnement. Néanmoins ce moment d’égarement me pousse à observer ce qu’il se passe aux alentours.

Des loups, qui poussent les humains vers la sortie, je jette un regard à la foule et ne voit Mary Wellesley nulle part. Bien entendu elle est partie se mettre à l’abri. Une autre figure de l’égocentrisme à proprement parlé, mais elle en a la légitimité. J’observe le chaos se répandre peu à peu, les êtres quitter la pièce, certains hurlant comme des possédés. –Façon de parler- Je sais que je devrais les imiter, afin de passer inaperçue. Mais je ne peux me résoudre à feindre une quelconque peur. Pas quand la situation est aussi jubilatoire et jouissive. Rester ? Mais pour quoi faire ? Cela ne fait pas parti des clauses de mon accord avec la lupa de la meute. Caïm est parti, je n’ai donc plus obligation qui m’est incombée. Tout ce qui se passe n’est que dommage collatéral. Alors que je me dirige vers la sortie, je croise ce charmant petit héritier et ma chère Makayla. Qui contrairement à la plupart des invités ne semblent pas vouloir quitter les lieux. Se tenant devant l’un des loups. Stupides ? Téméraires ? A moins qu’ils ne soient extrêmement observateurs… Qu’importe. Je m’arrête quelques secondes et pose ma main sur le bras du jeune homme. Fais signe au loup de s’éloigner, siffle entre mes dents comme si j’étais douée pour contrôler ces bêtes.

- Eh bien, ne serait-il pas temps de nous diriger vers l’extérieur ? A moins que vous ne désiriez tous deux terminés en rôti tout juste bon à nourrir ces loups. Ils peuvent paraître amicaux mais soyez certains qu’ils vous rongeront les jambes tel un vulgaire jambon si vous vous attardez de trop dans les parages. Ce qui ferait fort dommage Monsieur Fontayn. N’êtes-vous pas d’accord ?

Je glisse de quelques mètres, ayant parfaitement conscience de quoi j’ai l’air dans cette tenue outrageuse que je n’ai pas quitté. Je me penche sur l’oreille de Makayla et lui susurre quelques mots.

- Je vois que tu as excellent goût. J’en aurais moi-même goûté. Regarde-le, tentant n’est-ce pas ? N’hésites pas à me contacter pour quelques croustillants potins. Puis je déclare d’une voix forte. . En ce qui me concerne, j’envisage de m’en sortir indemne. J’espère vous revoir l’un et l’autre rapidement.

Je leurs souris et m’éloigne, me moquant bien de savoir si oui ou non ils me suivront. J’ai sauvé les apparences de ces loups et j’ose espérer que la lupa saura s’en souvenir. Dès que je me retrouve à l’abri de tous regards, je songe à l’appartement de mon hôte et ferme les yeux. Lorsque je les ouvre à nouveau je me mets à rire tout en observant mon reflet dans le miroir plain-pied situé sur ma porte d’entrée.

Sasha se sentait si mal à l'aise face à Tolin ! Elle en avait oublié le jeune homme à côté d'elle, avec qui elle avait discuté auparavant. Elle avait aussi oublié la raison de sa présence ici. La jeune femme cherchait ses mots, cherchait les bonnes phrases qui le ferait revenir vers elle, qui briserait cette gêne occasionnée par leur dernière dispute. Elle se rendit soudain compte qu'elle avait terriblement besoin de lui. Tout autour d'elle avait disparu, au point qu'elle ne voyait pas les combattants, n'entendait pas leurs cris ou les exclamations de la foule. Son verre plein trônait devant elle, la narguait presque. Soudain, une voix masculine qu'elle connaissait depuis peu s'exclama à côté d'elle :

On peut dire que votre libraire cache bien son jeu.
Sasha se sentit encore plus gênée quand elle se rendit compte qu'elle n'avait pas du tout suivi le combat de Johan. Abandonnant enfin le visage et les mains de Tolin - si désirables -, elle se tourna vers le ring. Elle faillit lui répondre d'un air humble "Ce n'est pas mon libraire", quand elle comprit d'où venait l'air captivé de Camille. Johan et son adversaire étaient de même constitution, pourtant, "son" libraire désarma l'autre avec facilité au bout d'un court laps de temps. Bien qu'il soit plus malingre que musclé, Sasha apprécia sa force cachée. C'était étonnant, mais elle ne releva pas plus. Elle ne s'y connaissait pas trop en catch : elle pensait que Johan avait du suivre des cours d'arts martiaux et qu'il avait beaucoup travaillé son corps à corps. Johan sortit du ring et Sasha le suivit un peu du regard. Il se tourna vers le bar, regarda vers elle et leva le pouce.
*A qui s'adresse t-il ? Quand même pas à moi ? Il m'a reconnue ?*
Hésitante, elle se retourna et vit Tolin lui répondre.
*Bêtasse.*

Le combat suivant concernait le barman aux paroles déplacées et Sasha se désintéressa du ring. Ele en profita pour finir son verre et écrire discrètement quelques points dans son calepin. Personne ne s'intéressait à elle. Mais ensuite, elle entendit quelques exclamations et leva la tête, à bon escient. C'était Nate Gordon ! L'ancien de l'immobilier, l'homme sympathique qui cachait peut être un secret.
*D'où te viens de pareilles idées, Sasha ? C'est fini de chercher le mal partout ?*
Étonnamment, il combattait une femme alors que les hommes et les femmes sont rarement de forces égales. Étrange. La femme avait présenté tout à l'heure les combats et les règles du jeu. Sasha ne la connaissait pas mais elle éprouva de la compassion pour elle. Elle avait se faire battre à plate coutures comme la jeune femme brune au premier combat. Sasha n'avait pas vraiment suivi le premier combat, elle discutait avec Camille et jouait la fille écervelée, activité qui demande beaucoup d'énergie et d'attention !

Pourtant, la femme se défendait bien. Même très bien. Elle ne laissait pas un pouce de terrain à Nate. Sasha frissonna devant tant de puissance, c'était beau, mais en même temps, on sentait que chaque coup pouvait être mortel. Ils se retenaient tous les deux, on sentait une tension très palpable. Electrisée par le combat, Sasha sentit soudain entre ses doigts son verre se briser. Un fracas épouvantable se fit entendre. Elle eut pour réflexe de fermer les yeux et de plaquer ses mains sur ses oreilles, mais ce fut trop tard. Un fragment de verre vint se ficher quelque part dans son cuir chevelu. Sous le choc, elle bascula sur le comptoir, se recroquevilla. Elle sentait au fond d'elle que quelque chose clochait mais sans pouvoir mettre le doigt dessus.

Personne n’a rien ? Tout va bien ?
Une voix masculine lui parvint en déformé. Sasha releva la tête doucement, prête à lui assurer que tout allait bien. Elle ne put parler. Le temps s'était figé.

"Je vais bien, merci." dit-elle plus tard, mais pour elle, une seconde s'était écoulée. Mais elle comprit que Camille ne l'écoutait pas. Il discutait avec la première combattante, la jeune femme brune. Elle la contempla un long moment. On aurait dit que les mots peinaient à s'échapper de sa bouche. Elle était comme hébétée. Un point rouge se développait doucement sur son crâne. Une odeur de brûlé flottait dans l'air et autour d'eux les gens commençaient à paniquer. Sasha resta assise sur sa chaise. Tout lui parvenait en déformé. On se mit à la secouer, et quelqu'un lui prit la tête pour la regarder dans le blanc des yeux. Un grand brun ténébreux. Elle essaya de mettre un nom sur son visage. Le blanc. Puis la lumière soudain.

Elle sourit à l'homme, un sourire confiant et rayonnant :
"Je vais bien Tolin, tu peux aller les rejoindre."
L'étonnement se peignit sur le visage de l'homme mais il acquiesça et la quitta.
Elle se leva doucement et tenta de trouver le chemin de la sortie. Rien de bon ne ressortirait de tout ça. Tout ce qu'elle devait faire maintenant, c'était rentrer chez elle. Une ligne froide et humide lui traversa la joue. C'était du sang, son sang. Sasha porta la main à sa joue. Enfin, sa raison revint brutalement.
*J'ai besoin d'aide.*

Irving se trouvait donc au bar, en train de servir les clients, quand un jeune homme brun se mit à discuter avec une jeune femme brune et plus précisément à parler de "l'ami Johan". Toujours à l'affût quand un nom d'un des membres de la meute est mentionné, Irving tendit l'oreille. Mais rien de précis ne ressortit de leur discussion. La jeune femme semblait gênée et regardait fréquemment devant elle. Irving, ébahi, entendit Tolin s'adresser à elle. Il comprit soudain que c'était lui qu'elle dévisageait depuis tout ce temps. Elle semblait si mal à l'aise qu'il se demanda s'il n'y avait pas eu quelque chose entre ces deux-là. Un loup et une humaine !
*Sait-elle la vérité ?*

Irving ne pouvait pas répondre pour l'instant : Johan quitta le ring et James y entra, ce qui provoqua un mouvement dans la foule, entre ceux qui venaient boire un verre et les autres qui prenaient la place des anciens spectateurs. Il dut répondre à un plus grand nombre de demandes et perdit donc tout idée du contact prolongé et tendu entre Tolin et la jeune femme.

Par contre, il vit du coin de l'oeil Mak et son adversaire arriver près du bar. Irving pensait que les loups garous battraient les humains à plate couture. Ces derniers n'avaient vraiment aucune chance. Déjà, Mak avait du abandonner rapidement contre cette femme étrange qu'Irving n'avait pas remarquée avant.
Alors qu'elle s'approchait de leur table, Irving remarqua qu'elle était... très séduisante. Elle dégageait des effluves sensuelles qui réveillèrent ses sens. Mais quand elle arriva sur le comptoir, son excitation retomba net. Elle avait la même odeur que Caïm ! Cette fois-ci, il dut se retenir pour ne pas s'enfuir à toutes jambes.
Il avait honte de cette réaction incontrôlable, mais il repensa fortement à Mary, et sa peur se calma.

Fort heureusement, elle quitta vite le bar pour retourner vers le ring. Irving la suivit du regard. Et resta muet encore une fois : Isadora se battait contre Caïm !
*Mais quel esprit vicieux a t-il pu les laisser s'affronter ? Pourquoi pas James, le plus expérimenté ? C'est du Mary tout craché : elle veut se débarrasser de sa rivale !* Nul parmi la meute ne se doutait de la tension existante entre Isa et Mary. Irving pensa qu'il pourrait se faire une alliée d'Isa, à moins qu'elle ressorte vivante de la confrontation ! *Jamais nous ne la laisserions en plan!*
Comble de douleur, il était trop loin et ne pouvait bouger. Il vit James venir vers Johan le réconforter comme il pouvait. Il perçut la détresse de Johan et se sentit mal pour lui.

Soudain, il sentit comme un sixième sens l'avertir d'un danger. Il lâcha son carnet de commandes et se plaqua à terre. Une demi seconde plus tard, les verres explosaient. Quand il se releva, tout le monde paniquait. Irving se demanda si se mettre à éponger les tables et ramasser les morceaux de verre serait vraiment utile. Qui aurait envie de rester après un tel incident inexplicable ? Il entendit Mak, fidèle à elle-même, lancer une blague à ce sujet. Lui n'avait pas envie de rire. Ce qui se passait était grave. Les pouvoirs de cet étranger dépassaient ce qu'il avait pu imaginer.

Et encore, il n'avait rien vu. Car d'un coup, la foule s'arrêta net. Tout mouvement cessa. Irving regarda autour de lui, inquiet. La jeune femme près de Tolin, Mak, et le jeune homme brun étaient comme figés. Leur verres à la main, ils gardaient un visage bloqué.

"C'est elle qui a fait ça ?" murmura t-il, sous le choc.
Il entendait distinctement les paroles de la femme, apparemment furieuse contre Caïm. *"MA MEUTE" mais pour qui elle se prend ? Qui est-elle ?*
Irving ne savait rien d'elle mais s'énerva en comprenant qu'il n'avait pas été mis au courant. Ce devait être un arrangement entre Mary et elle. Il écouta leur discussion, tout comme les autres loups, qui n'étaient pas figés. Il avait du mal à tout comprendre. Et puis, elle "dé-figea" tout.

La panique reprit brusquement. Brutalement, même, car une fois que la femme "Lilith" eut "défigé" tout, Caïm se... comment dire ? Il changea de forme. Irving ne distinguait pas bien de son point de vue, mais cela semblait... démoniaque, terrifiant. Il provoqua une onde de terreur parmi les humains déjà bien effrayés, et disparut soudain au loin. A l'endroit où il s'était tenu quelques secondes plus tôt, l'herbe n'avait pas supporté sa présence. Elle jaunit, puis crépita, puis se transforma en flammèche. Le feu prenait et se répandait doucement, puis de plus en plus vite, aux terrains environnants. Là, ce qu'Irving prenait pour de la panique, se transforma en... chaos.

Irving se sentait un peu perdu, sans savoir où aller. Il aperçut au loin Mak avec le jeune homme dont il ignorait le nom. Mais avant de pouvoir se rapprocher d'eux, il perçut au milieu de cette cacophonie l'appel conjoint de James et d'Isa. Il s'élança dans la forêt pour se transformer. Caché dans les broussailles, il revint vers la clairière. Les deux humains dont il aimait l'odeur - l'une agréable l'autre si ressemblante à la sienne - se tenaient toujours là, et se rapprochaient d'eux, les loups. Irving ressentit une envie irrépressible de les rejoindre. La fille ne devait pas rester là, c'était trop dangereux. Il s'inquiétait de son sort. Alors il sortit et galopa vers eux. Il dut s'arrêter net car Lilith apparut près d'eux. Elle siffla et leva le bras. N'eut-ce été son odeur, Irving lui aurait sauté à la gorge mais il stoppa brutalement. Il poussa un gémissement plaintif. Il s'éloigna un peu mais heureusement, la femme ne resta pas longtemps.

Curieux, encore craintif, Irving se rapprocha du jeune homme à l'odeur caressante. Il leva les yeux vers lui.
*Si je pouvais comprendre... qui il est vraiment* pensa t-il.

TOUT LE MONDE SUIT L'HOMME EN AVANT ! NE VOUS EN FAITES PAS POUR LES LOUPS, ILS VOUS DIRIGERONT !

Vous allez bien ?

Les pompiers ont été appelés, des secours viendront. Il faut seulement rester calme.

JOHAN ! On a besoin de toi !

Il y a des choses très sombres qui se passent ici et d'autres se passeront encore. Faites attention où vous mettez les pieds.

Je savais qu’on ne pouvait pas leur faire confiance, je le savais. Les cabots ne sont que des bêtes sanguinaires que nous devons exterminer et non pas avec qui nous devons collaborer. Alors que la panique envahissait tout le lieu et que la forêt brûlée, l’un d’eux en avait profité. La meute était éparpillée, entre protéger sa Lupa et guider les humains. Une seconde avait suffi, une seule seconde d’inattention et il avait vu sa chance arriver. Alors que nous guidions tant bien que mal les humains vers la sortie, je l’avais vu se faufiler entre les arbres, une femme évanouie dans les bras. Il pensait sans doute que personne ne l’avait vu. Moi si. Enfin je l’avais entendu plus exactement, faisant attention à ce qu’aucun humain ne soit derrière moi et resté en retrait. Un coup de museau à Alexander pour l’avertir de mon départ puis je me mis à la poursuite de ce fourbe, ce traitre, cet homme qui ne méritait que la mort. Ma louve était d’ailleurs satisfaite de la tournure des évènements. Elle n’avait pas eu le droit au sang de Caïm, elle aurait le droit au sang de ce cabot. Lorsque je vins le trouver, il venait de se transformer et s’approcher de cette femme sans défense, tous crocs sortis. Je n’hésitais pas une seule seconde. Je lui sautais sur le dos, enfonçant mes griffes dans sa chair. Il jappa tel un chien prit sur le fait et blessé. Son regard fut terrifié alors qu’il comprenait à qui il avait affaire. Il n’avait aucune chance et il le savait très bien. Il regarda un peu partout autour de lui, essayant de trouver une échappatoire qui n’existait pas. Alors il fit quelque chose dont je ne m’attendais pas. Il plongea que l’humaine et la tua en lui arrachant la gorge. Grognant de colère, je l’entrainais dans un combat qui finit très mal pour lui. Enragée, je pris soin de ne laisser de lui que des morceaux éparpillés. Ma fourrure blanche et grise était teintée de rouge, tout comme ma gueule. Le feu approchait à grand pas, et je laissais le corps de cette pauvre femme là où on venait de la tuer. On ne retrouverait rien d’elle après que les flammes auront fini leur œuvre. Elle sera portée disparue et personne ne saura jamais ce qui lui était arrivé. Tel était le prix à payer pour préserver la meute et son secret. Si on trouvait un corps humain déchiqueté par un loup, on ferait fermer notre domaine. Les humains sont des êtres stupides qui ne sont pas capables de discerner leurs alliés et leurs prédateurs. Sans nous, ils seraient livrés tout cru aux vampires et nous ne pouvions pas le permettre. Quelque fois, je me disais qu’ils ne méritaient pas notre protection, mais tel était le rôle des meutes depuis toujours et tel était le rôle que nous devions tenir. Les sirènes se mirent à retentir, de plus en plus près. Déjà le corps de la femme n’était plus. J’étais restée, à me brûler quelque peu ma fourrure, comme pour ne pas la laisser seule alors que ce qui restait d’elle disparaissait. Je me frayais un chemin difficile entre les flammes et les branches alors que les combattants professionnels évacuaient les derniers humains présents et éteignaient le feu. Notre beau domaine, parti en fumée. Nous avons tout prévu mais pas que le démon stupide qui avait essayé de m’acheter avec ses subterfuges et ses belles paroles mettrait le feu au domaine. Il ne faisait pas de doute qu’il en était l’auteur. Je me tapis non loin, observant, écoutant tout ce qui se déroulait. Les loups regagnaient notre territoire, et les humains avaient tous étaient évacué. Il ne restait plus rien, pas même les pompiers qui avaient finis par s’en aller. Mary était revenue quand tout fut calme pour répondre aux questions et régler la paperasse. Elle tourna le regard vers moi une seconde, et je sus qu’elle avait décelé mon odeur et celle du sang séché de loup. Je n’avais plus rien à faire ici. M’élançant vers la maison que j’habitais à présent, j’y trouvais une horde de loups discutant des évènements. Ils levèrent les yeux sur moi lorsque j’arrivais sous ma forme humaine, le corps et les cheveux plein de sang qui ne m’appartenait pas. Je ne leur accordais pas un regard et fila à la douche. Je détestais être poisseuse. Mon travail était salissant, et bien que mon rôle était exaltant pour ma louve, il n’en restait pas moins terrible pour l’humaine que j’étais. Je devais tuer, tuer des monstres oui, mais tuer quand même. J’avais les mains sales depuis bien longtemps maintenant et le pire dans tout cela était que je m’y habituais et que cela ne me faisait plus rien. Avant j’avais des remords et j’en rêvais parfois la nuit. Maintenant c’est comme manger un steak : mon quotidien, une action nécessaire. Je devenais une sorte de monstre sans vraiment en avoir conscience, ôtant la vie quand j’estimais que cela était nécessaire, me prenant quelque part pour Dieu… Lorsque Mary fut rentrée, elle dispersa les lycans, les renvoyant chez eux. Mon rapport attendra demain. Pour l’heure nous avions tous besoin de sommeil…

Tout continuait de s’enchaîner rapidement, trop rapidement pour que le métamorphe puisse raisonner et prendre un recul nécessaire. Tout d’abord, les crépitements du feu se rapprochant dangereusement puis une voix familière qui fait naître instantanément une frustration sans nom dans la poitrine de Camille. Il avait vraiment espérer qu’elle ne s’aventure pas dans cette folie avec lui – il n’avait même pas voulu l’envisager. Pourtant, il devait suffisamment connaître Makayla pour savoir qu’elle était du genre à foncer la tête la première dans ce type d’expédition. Evidemment. Sa présence énervait relativement le changelin qui la foudroya du regard aussitôt il s’aperçut de sa proximité. Il s’apprêtait à répliquer alors qu’elle venait de lui pondre une excuse plutôt bidon – en tout cas, jugée inacceptable par le riche héritier mais une autre personne intervint. La demoiselle Beauregard n’insista pas vraiment mais son discours acheva toute sa volonté. Trop de paramètres à prendre en compte et l’horizon perdait en netteté à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la foule. Il hocha de la tête en direction d’Aurora mais ne lui offrit en aucun cas l’ombre d’un sourire, trop déçu de devoir rebrousser chemin. Ses yeux se posèrent sur la photographe et il soupira lourdement en amorçant leur marche. Il la laissa le devancer tandis que son attention fut retenue par un loup proche. Ses prunelles semblaient s’interroger, elles l’observaient avec intelligence. Le français fut captivé par ce regard et se perdit dans cette contemplation. Il chercha à capter la fragrance de l’animal mais avec les arômes de souffre se dégageant de l’incendie, il ne put saisir l’odeur de la bête. Il en fut d’autant plus frustré. Il chercha à approcher sa paume du pelage de la créature mais un arbre à proximité craqua dangereusement et la chaleur commençait à lécher la peau du fumeur. Il dû battre en retraite à regrets. Non sans avoir tenter de convaincre son nouvel ami sur pattes de déguerpir de là à grands gestes de la main. Quand il se mit à tousser, il décida qu’il était bien temps de retrouver Makayla et sa voiture. Il courut jusqu’à la sortie sans se retourner en espérant que personne n’était pris au piège derrière lui. Il parvint à hauteur de la brunette et la colla aux talons sans dire un seul mot. Son esprit se mettait à tourner et remuer les événements. Sa déception l’obligea à déglutir avec difficultés et même s’il cherchait à tirer des conclusions hâtives au vu de sa dernière rencontre, il n’en fit rien. Il n’en savait pas assez pour se prononcer. Tout juste des théories bancales. Tout était encore à découvrir. L’oiseau se mordait les lèvres frénétiquement tout en prenant conscience qu’il était plus retourné par son absence de vérité que par le chaos autour de lui. Quel égoïsme, il se giflerait bien.

Une fois qu’il eut atteint le parking, il se retourna vers son amie et la jaugea. Elle ne semblait présenter aucun dégât, tant mieux. Il ouvrit sa Porsche et en voyant toujours les flammes menaçantes jongler avec le paysage, il décida de quitter les lieux aussi sec.

« Tu as un moyen de locomotion ? Je pense qu’il faut évacuer les lieux là ! »

Le jeune homme comprit que sa comparse avait loué un véhicule. Après s’être assuré qu’elle n’avait plus besoin de lui, il mit le contact et fila. Mince et si les autorités voulaient des témoins ? Ceci serait considéré comme un délit de fuite ? Oh et puis zut, ils auraient surement la liste des invités. S’ils avaient vraiment besoin d’un témoignage, ils n’auraient qu’à venir le trouver. Pourquoi s’éterniserait-il dans un endroit dangereux ? Drôle de journée, drôle de fin. Quelques réponses mais aucunes révélations. Un bilan mitigé mais pas vain. Il finirait par savoir. Ca n’était plus qu’une question de temps désormais.

» Un loup peut en cacher un autre [Livre II - Terminé]
» Vous n'êtes pas folle, vous savez ! [Livre II - Terminé]
» Soyons malins, rusés et peut-être idéalistes [Livre II - Terminé]
» “Nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit.” [Livre III - Terminé]
» La chance cache parfois autre chose. [Livre II - Terminé]