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La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]
MessageSujet: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyMer 28 Nov - 17:31

    Je papillonnai des yeux en les reculant du microscope. Je ne comprenais pas ce que je venais d’observer. Enfin… je comprenais ce que je voyais, mais pas les causes ni les conséquences. Il fallait que je mette tout cela au clair, sur les cahiers qui nous suivaient pendant nos heures de recherche en laboratoire. Et sur mon ordinateur ou j’avais les résultats des analyses et des tests qu’on avait demandé. Ce qui était intéressant en recherche, du moins en génétique, c’était que l’on travaillait réellement en équipe. Bien sûr, chacun avançait personnellement chez lui, mais tout était automatiquement mis en commun sur les ordinateurs du labo. Pour qu’on puisse réellement se servir des données des autres. Le désavantage de tout ça était bien sûr qu’une étude fausse pouvait faire chuter l’équipe de dix mois de travail. J’avais envisagé cette possibilité lorsque les résultats de l’analyse du premier échantillon étaient tombés trop vite. Mais toutes les études étaient accompagnées du nom des scientifiques qui avaient travaillé dessus, et il était certain qu’une grosse erreur de manipulation ou d’interprétation ne pouvait pas être ignorée. J’aurai été certainement écarté des gros travaux, et ça, c’était ce que je craignais le plus. Lorsqu’on nous avait contactés, j’avais passé un certain temps dans les labos de Londres avec tout le matériel dont je pouvais avoir besoin, à faire connaissance avec les autres membres de l’équipe de recherche. Nous n’étions pas plus d’une vingtaine à travailler sur les échantillons. Il y en avait peu, nous avions cherché dans un premier temps à amplifier l’ADN que nous avions. Puis ils nous avaient renvoyés dans les universités où l’on avait eu droit à du matos de professionnels. Enfin, nous étions des professionnels, mais nous avions droit à des salles d’audioconférence, des ordinateurs reliés entre eux par des connexions sécurisées pour transmettre les données. A Édimbourg, nous n’étions que cinq. Je m’appuyai sur le dossier de ma chaise pour m’étirer un peu. Je poussai sur le sol pour faire reculer ma chaise portée sur roulettes et atterrir sur la paillasse où étaient posées mes affaires, histoire de noter mes observations et fignoler les croquis que j’avais commencés à la va-vite. Je jetai quelques mots clés et études scientifiques que je savais exister, pour les consulter ce soir.

    Je m’aperçus soudain que j’étais seul. Ils m’avaient dis bonsoir ? Oui. Peut être. Je n’avais pas fait attention. Je retournai au microscope pour ranger les échantillons, l’outil de travail, et mettre hors de portée des femmes de ménage les produits sensibles. Je n’avais pas envie que la soude ou l’acide chlorhydrique qui nous servaient à maltraiter l’ADN soit la cause de blessures. D’autant plus que j’avais l’habitude de toujours bien ranger mon poste de travail. Maniaque ? Non, je ne l’étais pas. Précis et consciencieux surtout. Au moins, je n’étais brouillon que sur mes cahiers, contrairement à d’autres. Finalement, pendant que s’enregistraient mes derniers ajustements et les hypothèses que j’avais posées, mon regard dériva sur l’horloge de l’ordinateur central. Vingt et une heure. Et moi qui avais promis à Kate de rentrer tôt ce soir… J’avais un peu abusé pour le coup. Je rangeais rapidement tous mes papiers, pour éteindre le labo quelques minutes plus tard, non sans avoir jeté un dernier coup d’œil sur les installations. Rapidement, je rangeai ma blouse dans les vestiaires où j’avais laissé mon manteau, et je descendis les escaliers, les préférant aux ascenseurs. D’un mouvement de tête, je passai la sécurité que je savais présente (elle n’était pas non plus des plus visibles), et qui était sûrement inhérente au fait de signer des papiers de non divulgation de secrets d’état. Secrets que j’avais confié en toute confiance à Kate, soit dit en passant. Je n’en ressentais pourtant aucun remord. Elle était concernée autant que moi par les aboutissants de ces recherches. Je relevai le col de mon manteau, tout en me crispant un peu sous l’assaut du vent que je n’avais pas vu venir. Les nuages étaient hauts dans le ciel. Je considérais les lampadaires qui éclairaient la grande rue comme en plein jour. Je n’avais pas envie de prendre les transports souterrains qu’étaient les métros. Même si j’étais en retard. Même s’il était horriblement tard. Même si c’était stupide de rentrer à pied. J’avisais l’abribus, et le bus qui arrivait et je courus rapidement pour sauter dedans avant qu’il ne démarre. Il n’y avait pas grand monde. Je regardai par la vitre l’état du ciel. Des nuages. Eparpillés. Une lune en forme de croissant qui éclairait du mieux qu’elle pouvait. J’hésitai encore entre faire la dernière partie du trajet à pied ou en bus. Old Town était fort heureusement interdit aux vampires. Je regardai ma montre, une moue hésitante au visage. Bon. Vingt et une heure trente. Un quart d’heure de plus ou de moins…

    Je descendis à l’arrêt suivant, pour flâner devant la cathédrale Saint Gilles. Soudain, les sens en alerte, je m’arrêtai. Il fallait que je prête attention à quelque chose. J’avais un étrange sentiment. Peut être étais-je en train de virer à la paranoïa mais j’avais l’habitude de faire confiance aux signaux que m’envoyait mon instinct et/ou mes sens. Et cette fois, j’avais la désagréable impression d’être observé. Je fis un tour sur moi-même. Quelqu’un avait découvert que j’étais un changeur ? Non. Impossible. Kate et moi étions bien trop prudents. Il y avait bien eu cette femme, et l’autre aussi mais… en même temps, dans le cas de la deuxième, elle était aussi une métamorphe et elle avait elle aussi sentie ce que j’étais. Et depuis l’incident avec la première femme, Kate et moi veillions à nous transformer chacun notre tour pendant que l’autre montait la garde, pour ainsi dire. Non. Ce n’était pas ça. Alors… le gouvernement s’était aperçu que j’étais celui qui avait fait perdre tout un flacon d’échantillon ? Non plus, j’avais été prudent là aussi. Je n’étais pas sensé être au bureau, et je n’étais pas connu pour être maladroit. Je savais me faire discret aussi. Bref, non. Ce n’était pas possible. C’était juste moi qui me faisais des films. J’hésitais pourtant, lorsque je me remis en marche, à aller directement chez moi. J’essayais de paraître détendu mais l’étrange impression ne disparaissait pas. L’idée de me transformer pour disparaître plus facilement m’avait traversé l’esprit mais c’était trop visible. Je me mordillai la lèvre en m’engouffrant dans une ruelle éclairée par des lampadaires blafards. Charmant. Et dire qu’on me disait intelligent. J’essayai de voir comment me rendre de la manière la plus alambiquée possible à mon immeuble. Je regardai derrière moi une cinquième fois. J’étais stupide. Je me faisais des films. Mon portable vibra dans ma poche, et je le sortis, sachant qu’une communication avec quelqu’un était le meilleur rempart contre le stress. Kate. Cinq appels en absence. En même temps, il était dix heures moins le quart. Normal. Je décrochai de justesse, m’excusai pour le retard et l’assurai de faire vite.

      « Je suis passé par les petites rues, ne m’attend pas si tu veux dormir, ma chérie. Je suis désolé, j’avais pas vu l’heure au bureau et… oui. Non, mais… Oui. Je te dis que… »


    Je m’interrompis. Là, je n’avais pas rêvé. J’avais réellement vu quelqu’un. Ou pas. Je plissai les yeux. Kate me demanda pourquoi je m’étais arrêté, et sans réellement quitter du regard la ruelle, je lui répondis avant de raccrocher.

      « Rien, rien, ne t’inquiète pas. Une impression bizarre. J’t’explique ça tout à l’heure, ou demain. T’inquiète, y’a rien. Allez, je t’embrasse. A toute à l’heure. »


    Je gardai le téléphone en main, et fronçai les sourcils. Haussai les épaules. Avançai un peu en direction de chez moi. M’arrêtai encore.

      « Bon. Quitte à être ridicule, autant l’être vraiment. Y’a quelqu’un ? Voilà, Alan, y’a personne, maintenant tu arrêtes de te faire des films. »

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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyMer 28 Nov - 22:28

L’aube grignotait le ciel à nouveau, elle commençait à étendre son influence. Des nuages passaient au loin mais ne parvenaient pas à contenir le flot de lumière qu’elle emportait dans son sillage. Le matin lui parvenait déjà et comme à chaque levé de Soleil, les épaules de Camille s’affaissèrent sous le poids de ce soulagement passager. Il avait installé un de ses fauteuils près de sa baie vitrée et chaque soir – ou presque, depuis la visite de la Reine, il restait là à fixer les ténèbres, s’attendant à la voir apparaître d’outre-tombe pour le détruire psychologiquement. Il évitait de s’égarer dans les rues d’Ecosse au maximum quand le soir tombait. De peur de la rater et que le carnage qui l’attende à l’arrivée soit pire. Ces songes revenaient sans cesse le torturer et il avait encore passé son temps à ressasser cette dernière entrevue sans trouver de solution, d’alternative. Alors, il attendait là une fois l’obscurité totale. Et quand la journée démarrait, il se levait alors comme maintenant et filait jusqu’à sa chambre. Il se déshabillait et se couchait. Il était rare qu’il parvienne à dormir – pas plus de trois heures à la fois. Ses sens restaient en alerte à chaque instant. Krystel avait beau être à des kilomètres de lui une fois l’astre solaire maître des cieux, il craignait de voir débarquer des humains travaillant pour elle comme ce Torben Badenov. Il ne pourrait rien faire contre ces types, il était réaliste. Ils étaient entraînés et lui ne l’était pas du tout. Un autre problème avait en plus fait son apparition annihilant son seul atout et sa seule porte de sortie en cas extrême. Le riche héritier n’était pas parvenu à se transformer depuis le début de cette galère. Il faisait un terrible blocage là-dessus. Était-ce parce qu’il détestait sa nature ? Parce qu’il avait l’impression à l’inverse de la trahir ? Ou alors était-ce dû à son état de fatigue mental et physique avancé ? Il n’en savait rien.

Il était vrai que physiquement, il commençait à dévier dans un rythme de vie qui pourrait devenir dangereux à long terme. Trop peu de sommeil et une perte d’appétit conséquente. Un réel état de choc et de peur s’était emparé de lui. Il n’avait jamais connu ça de toute son existence. Lui qui d’ordinaire trouvait des solutions simples et efficaces à tout type de problème. Dans ce cas-ci, il était complètement largué. Et son état précaire avait empiré sur les deux derniers jours quand il avait découvert et appris par ses collègues que Tanwen avait mystérieusement disparu alors qu'elle enquêtait sur Dieu seul savait quoi. Depuis leur dispute, il n’avait plus eu l’occasion de la voir. Et maintenant plus que jamais, il avait besoin d’elle. Sa détresse n’allait qu’en croissant depuis cette révélation et il espérait toujours qu’elle finirait par réapparaître. Il s’accrochait de façon complètement déraisonné à cette seule idée. Elle ne pouvait pas avoir été enlevée par la Reine. Non. A chaque fois qu’il pensait à l’inspectrice, il suffoquait. Il lui était arrivé quelque chose. Il le savait. Elle n’avait plus relevé son courrier depuis un sacré moment, elle ne répondait pas à ses appels, ses affaires ne semblaient pas avoir bougés, elle n’était pas partie de son plein gré ou du moins n'avait-elle pas entrepris un déménagement. Il avait forcé la serrure de son appartement pour récolter des indices mais s’était heurter à du vide et à de l’incompréhension. Mais que pouvait-il faire? Au-delà de sa culpabilité, il se sentait abandonné, délaissé par la seule personne qu’il désirait et qu’il chérissait. Car oui, il avait bien dû se rendre à l’évidence que cette absence nuisait à son quotidien d’une façon qu’il n’aurait pas forcément envisagé. Un amour avorté à peine éclos – même si il préférait continuer de l’ignorer, il le savait au fond de lui. Cette souffrance était aussi vive que celle de ses souvenirs d’adolescent. C’était stupide à un point. Le métamorphe préférait se dire que c’était la somme des événements qui le rendait aussi mal en point et pas ce fait isolé. Une part de vraie là-dedans et en même temps…

Il ferma ses paupières et se retourna dans tous les sens, incapable de trouver et de capturer Morphée. Son cœur battait à un rythme accéléré attestant de son épuisement et compensant pour le manque d’énergie. Il pouvait le sentir palper vigoureusement contre sa cage thoracique et dans ses oreilles. Au bout d’une heure à gesticuler et à remuer, il se releva. D’un pas lourd, il fila sous sa douche dans l’espoir que cela calme ses nerfs et revint s’allonger. Ca n’avait rien changé du tout. En désespoir de cause, il s’empara de son portable sur la table de nuit et s’aperçut de la réception d’un message. Il ouvrit sa boîte de réception et tomba sur un sms de sa maîtresse. Tic-tac. Ses mains tremblaient, son estomac se contracta et il fixa longuement les quelques mots alignés avant de jeter son téléphone en travers de la pièce. Mettre de la distance entre lui et l’objet ne changerait fondamentalement rien à la situation et la pression psychologique qu’elle exerçait mais il avait eu besoin de le faire.

Dans un état second, il finit par sortir à nouveau de sa chambre, à enfiler des vêtements quelconques et à sortir. Il arpenta les rues comme un zombie, les tic-tac se rejouaient sans cesse dans son esprit. Il marcha une bonne partie de la journée sans but, s’arrêta dans un parc pour s’asseoir sur un banc, il alla boire un café histoire de tenir le coup et puis bientôt, ce qu’il craignait réapparu. Le crépuscule. Un moment qu’il chérissait autrefois et qu’il redoutait désormais. Il devait rentrer. Il devrait rentrer. Mais la frayeur le tétanisait sur place. Ses errances l’avaient amenés jusqu’à la cathédrale et malgré l’anéantissement qu’il ressentait, il ne se sentait toujours pas concerné par les actes religieux. Non, il ne se mettrait pas à prier pour ça. Il n’y croyait pas et traverser cette épreuve ne changerait pas ça. De toute façon, il avait déjà vendu son âme au diable. Alors qu’il allait bifurquer à droite, quand le vent lui porta une odeur qui attira instantanément son attention. Un des siens. Il l’identifia rapidement parmi les quelques personnes présentes. D’instinct, il se planqua derrière un des murs de la bâtisse. Que faire ? Lui éviter des ennuis et continuer son chemin ? L’accoster ? Ou bien… Découvrir son identité et… Non, il ne pouvait pas faire ça. Il avait peut-être une morale douteuse mais… faire ça, c’était le condamner, condamner un pauvre type qui ne méritait pas ça, un innocent qui devrait assumer ses conneries. Comment pourrait-il livrer qui que ce soit à la vampire ? En même temps, le tic-tac l’hypnotisait intérieurement et tout devint soudainement blanc dans son esprit. Comme contrôlé par des fils invisibles, il se mit à le traquer.

C’était facile pour lui de suivre les gens sans se faire prendre, il l’avait fait à de nombreuses reprises. Il était agile, souple, silencieux. Quelques caractéristiques qui étaient d’autant plus amplifiés de par sa nature. Il le suivait de près et savait que rien qu’avec son adresse, il pourrait facilement retrouver son nom. Il oubliait certainement un détail de poids. L’homme qu’il pistait n’avait rien d’un humain. Quand ce dernier s’arrêta pour téléphoner, le changelin se cacha contre un mur, voilé par les ombres de la ruelle. Il écoutait attentivement la conversation qu’il menait. De toute évidence, à l’autre bout, se trouver une femme, sa femme. Il lui disait de ne pas s’inquiéter, qu’il allait rentrer et également qu’il l’avait repéré mais de ça, le français ne parvint à enregistrer. Ce mec avait une famille, un foyer ou en tout cas une épouse. Peut-être avait-il des enfants ? Que deviendraient-ils s’il leur arrachait leur père ? Tout ça pour ses caprices ? Comment pourrait-il lui faire ça ? Il l’observait depuis son pan de rue. Ce pauvre mec qui avait l’air drôlement sympa à rassurer sa compagne sur le chemin du retour. Comment pourrait-il devenir aussi … inhumain ? Aussi cruel ? Aussi peu… lui ? Tout s’effondra. L’exaltation qu’il avait ressentie et l’absence de réflexion. Toute sa culpabilité grossissait à l’instar de son abattement. Il allait se laisser choir au sol quand la voix de son inconnu perça sa torpeur.

Il lui devait bien ça. Il devait le prévenir. Il fallait qu’il fuit lui aussi. Tout se mélangea alors sa fatigue, sa détresse, sa peur, son délit. Aussi quand il s’avança dans la lumière pour faire face à cet étranger, il eut l’air d’un zombie tout droit sorti d’un cimetière - un mort vivant habillé chic tout de même. Ses cernes étaient marqués, sa peau était livide et il marchait maladroitement en direction de son congénère. Il se stoppa à quelques mètres de l’autre homme et le fixa.

« Je suis désolé. Je suis vraiment désolé. »

Camille arqua les sourcils et lui offrit la mine la plus sincère possible pour exprimer pleinement son pardon. Il avait condamné sa race et il s’apprêtait presque à le vendre un peu plus tôt. Il ne serait jamais assez désolé pour tout ça.

« Vous devriez rentrer chez vous, faire vos valises et quittez le pays tant que vous en avez encore la possibilité. Cet endroit n’est plus sûr pour notre espèce. »

C’était le moins qu’il puisse faire. Le minimum. L’avertir. De but en blanc et sans explications ? Il ne savait plus ce qu’il faisait ou disait depuis un bon moment. Il était éreinté de toutes les façons possibles.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyJeu 29 Nov - 11:24

    J’étais prêt à me frapper mentalement pour ma bêtise et mon angoisse sans fondement lorsqu’un jeune homme, un fantôme plutôt, émergea des ténèbres. Je ne savais pas si je devais être soulagé de son existence ou si je devais m’en inquiéter. Il m’avait réellement suivi. Il n’avait pas la tête d’un espion ou d’un membre du gouvernement. Un vampire ? Le quartier était sensé leur être interdit, c’était d’ailleurs pour cette raison que Kate et moi nous y étions installés d’ailleurs, quelques mois plus tôt maintenant. Le dernier carton avait été déballé voilà prêt de cinq semaines, même. Donc ce n’était ni un vampire, ni un espion. J’avisai son air blafard, son regard hagard (et voilà que je me mettais à faire des rimes aussi ridicules que moches, en pensée en plus…). Etait-ce un drogué qui espérait quêter de l’argent ? C’était bien possible, pourtant ce n’était pas non plus le quartier le plus fréquenté par de telles personnes. J’étais perdu. Vraiment. Jusqu’à ce que le vent tourne. Je me tendis imperceptiblement en sentant cette odeur reconnaissable. Je me dressais comme un chien de chasse sentant l’odeur d’une proie à plusieurs mètres. L’inconnu, le métamorphe devais-je plutôt penser, prit la parole le premier tandis que ma main droite s’apprêtait à composer le numéro de Kate en toute urgence. Au cas où. Si elle devait fuir, partir, tout abandonner.

      « Je suis désolé. Je suis vraiment désolé. »


    Désolé ? De quoi donc ? De m’avoir suivi ? De m’avoir fait peur ? De… J’imaginai facilement le pire. Je me tendis de nouveau. De quoi était-il désolé ? Il fallait qu’il en dise plus ! Je fis glisser mon téléphone dans la poche de mon manteau, restant immobile, activant mes neurones pour essayer de comprendre. L’avais-je déjà vu quelque part ? Non. Son odeur était quand même particulière et peu courante. Je ne frayai que très peu avec mes congénères si on pouvait les appeler ainsi, et c’était à chaque fois involontaire. Kate était l’exception. Les autres que j’avais croisés ne m’avaient pas laissé des souvenirs… agréables. Enfin, si mais… La renard-garou d’abord, avec son attitude qui m’avait tant perturbé. Puis quelques effluves surpris dans un métro. Rien de probant. Et maintenant, lui. Le silence m’angoissa. Son silence plutôt. Le mien… J’allais lui demander de plus amples renseignements, voire lui dire que s’il s’excusait de m’avoir fait peur, ce n’était pas grave, tout du moins, quand il reprit, me devançant :

      « Vous devriez rentrer chez vous, faire vos valises et quitter le pays tant que vous en avez encore la possibilité. Cet endroit n’est plus sûr pour notre espèce. »


    Faire nos valises ? Il était désolé ? Je pâlis instantanément. Pour bondir en avant, l’attraper au cou et le plaquer contre le mur le plus proche dans la ruelle. Ma respiration s’était soudainement accélérée. J’avais additionné deux plus deux. Tout simplement. Je me retins de justesse de crier, mais je resserrai ma poigne en lui murmurant, paniqué et voulant être intimidant :

      « Qui es tu ! Qu’est ce que tu as fait ? Comment tu me connais ? »


    Trop de questions. Trop d’interrogations. S’il s’excusait, et s’il nous disait de partir juste après, c’était que nous étions en danger. Par sa faute. Nous avions tout fait pour être en sécurité. Tout. La prudence à son maximum. Bon sang j’avais raison. Le risque zéro n’existait foutrement pas. J’en avais la preuve devant mes yeux. J’avais peur. Pour Kate. Pour moi. Pour notre vie à tous les deux. Comment, pourquoi… trop de vide. Il me manquait des données. Et puis, pourquoi se souciait il de nous, s’il nous avait vendu, à je ne savais pas qui ? Hein ? Pourquoi ! Je répétai d’une voix plus forte, plus impérieuse :

      « P#tain mais réponds ! Tu me suivais ? Qu’est ce que tu racontes ?»


    Je continuai de jurer lorsque je le lâchai aussi brusquement que je l’avais attrapé. Je me pris ta tête entre les mains, me les passant sur le visage et me décoiffant nerveusement. Je tournai le dos au métamorphe, ne me souciant plus de lui. Mais pourquoi… c’était quoi ça. Qu’est ce que j’avais fait pour ? Mais… mais… mon monde s’écroulait. Il fallait que je sache. Devais-je appeler Kate immédiatement ? Non. Il ne fallait pas. Je ne pouvais pas disparaître du jour au lendemain. Déjà parce que le Gouvernement allait me chercher, me retrouver, et me demander des explications. Ensuite parce que remuer l’eau n’allait que remuer un peu plus la vase pour tout rendre trouble. Et ce n’était pas mon objectif. A essayer d’attraper le poisson, on rendait la pêche encore plus délicate. Et faire des comparaisons et métaphores n’allaient pas rendre les choses plus simples loin de là. Je m’appuyai contre le mur d’en face, rejetant la tête en arrière. Trop de choses. Trop de questions. Il fallait que je me calme. D’autant plus que… peut être que je paniquai prématurément. Qu’est ce qu’il m’avait dit ? Qu’il était désolé, et que je devais partir d’Ecosse au plus vite. « cet endroit n’est plus sûr pour notre espèce ». Que voulait il dire ? Nous étions en sécurité dans le secret de notre existence. Je faisais tout pour que ce secret reste un secret le plus longtemps possible. J’étais enchaîné en Ecosse par le Gouvernement, mais dans un sens, partir serait stupide. Les vampires étaient partout dans le monde, et ce devait être aussi le cas pour la troisième espèce surprise. Je regardai le jeune homme, m’apercevant seulement maintenant dans quel état il était. Un cadavre ambulant. Je l’avais pris pour un drogué au départ, et cette hypothèse tenait toujours la route. Un drogué en manque. Je me passai à nouveau une main nerveuse sur le visage. Mon ordinateur bien rangé dans son sac était encore sur mon dos. Dedans, il y avait presque toutes mes recherches. Presque, parce que je n’avais pas le droit de sortir toutes les données du labo. J’observai le jeune homme. Ma réaction me parut disproportionnée. Le coup de stress passé, je m’en voulus un peu. Peut être racontait il juste n’importe quoi. Peut être que j’avais cédé d’importantes informations sans le savoir. Peut être avait il juste besoin de moi. Trop de peut être.

      « Je suis désolé je… je suis un peu sur les nerfs. Je… explique moi… »


    Spoiler:
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyVen 7 Déc - 0:56

Les mains de l’étranger l’agrippèrent sauvagement, trop soudainement pour qu’il puisse l’anticiper. Et quand bien même, il était trop éreinté pour parvenir à réagir avec sa vivacité habituelle. Le mur accueillit âprement son dos, il serra les dents afin de retenir un gémissement de douleur. Son corps avait déjà été pas mal maltraité par la vampire quelques jours plus tôt, il encaissa mal cette réception. Le corbeau laissa sa tête pendre sur le côté, incapable de supporter le regard de son agresseur. Il les avait tous condamnés. Tous. Chaque personne qu’il côtoyait, était en danger par sa faute. Son crime le dépassait de loin. Sa propre arrogance et insouciance le liaient à ces conséquences qu’il ne parvenait pas à endurer. L’homme articula des paroles qui atteignaient à peine l’esprit complètement replié du métamorphe. La violence de cette réaction semblait terriblement justifiée, il méritait ce traitement. Aussi, il ne chercha pas à se débattre ou à répliquer. Il resta là, immobile. Un pantin n’ayant plus de maître pour être manipulé. Il aurait aimé que ce type l’assomme et le laisse là. Il n’arrivait plus à encaisser cette répétition de discours, de rejet, de rancœur. Tanwen, Victoria et lui maintenant. Bien sûr, ils avaient raison de lui balancer des reproches mais Camille était trop largué pour parvenir à surmonter ça. Il avait cruellement besoin d’alliés, de soutien même si il n’était pas encore prêt à le reconnaître et qu’il était un peu gros de réclamer un tel investissement après ce qu’il avait fait. Le riche héritier allait devoir se contenter de cette descente aux enfers. Jusqu’où allait-il plonger ? Il préférait encore l’ignorer pour le moment. Chaque jour le projetait dans un autre degré de démence et il commençait à penser sérieusement qu’il finirait par devenir tout simplement fou. L’aliénation le guettait très certainement.

Son interlocuteur le pria une seconde fois de s’exprimer et à nouveau, il ne fit qu’étaler un silence inconvenant entre eux. Comment délier sa langue devant un être qui sans savoir l’histoire le persécutait déjà ? Comment faire face à ce ressentiment une fois de plus ? Comment pouvait-il détruire un peu plus l’existence de ce mec qu’il ne connaissait même pas ? Qui était-il pour débarquer dans sa vie et lui dire qu’il l’avait menacé, lui et sa famille ? Le voleur se laissa tomber au sol quand il le relâcha. Avachi contre la paroi, il ne remua pas durant de longues secondes alors que son assaillant lui présentait désormais son dos. Il était simple de s’éclipser maintenant et pourtant, il ne le fit pas. Il ne se défila pas. Il n’y avait plus rien à fuir, il emportait ses démons avec lui peu importe l’emplacement, peu importe les rencontres. Tout était fichu. Tout. Sa seule lueur d’espoir s’était évanouie. Plus de rédemption, plus de salut, il allait finir par crever mentalement entraînant sa carcasse dans cette chute improbable. Il lui en fallait peu pour être aussi brisé ? Il ne semblait pas utile de refaire l’historique de sa situation et des révélations en cascade qui l’avaient dérouté durant ses deux derniers mois. Le français avait beau être plutôt solide d’ordinaire. Jamais, il n’avait eu à affronter une situation aussi délicate et délirante. Son éducation pesait t-elle dans cette balance ? A force d’avoir été choyé et aimé, surprotéger, il n’avait jamais été réellement mis à l’épreuve. Surtout sur le plan émotionnel et psychologique. Il suffisait de revoir son parcours. La seule fois où il avait été profondément blessé, il avait fait en sorte que cela ne se reproduise plus, il avait tout fait pour empêcher le schéma. Il n’avait pas réussi à gérer sa peine, alors il avait mis de la distance avec tout ça. Il fuyait, c’était son seul mécanisme parce que personne ne lui avait appris à se poster devant les problèmes et à les combattre. Ses parents avaient veillés à ce qu’il soit enfermé dans un cocon utopique depuis sa plus tendre enfance. Il s’était détaché en partie du cliché mais en même temps… Il avait toujours eu une solution de repli, une épaule sur laquelle s’agrippée pour remonter, une échappatoire et maintenant qu’il n’y avait plus que lui, il ne savait plus quoi faire.

Faire porter le chapeau à sa jeunesse restait bancal et complètement absurde. Il avait toujours cru pouvoir tout gérer seul, être indépendant et solitaire. Finalement, il s’était trompé et sur toute la ligne. Il avait fait les pires choix qu’il soit, avait sacrifié plus que ce qu’il ne pouvait offrir et il ne lui restait plus rien à part une âme fracassée et un peu de tabac. A cette pensée, le corbeau amena ses paumes fébriles jusqu’à ses poches et en sortit une cigarette qu’il alluma. Sa dernière, sa seule amie. La nicotine apaisa sommairement sa nervosité et il s’agrippa férocement à cette faible sensation positive. C’était tout ce qu’il pouvait se permettre pour l’instant. Un peu enhardi par le goudron, il parvint à relever ses yeux vers l’homme qui lui faisait à nouveau face et se passa à son tour la main sur le visage. Il cherchait à redevenir cohérent. Mais qui le croirait réellement avec cette mine déphasée, ses traits grignotés par la fatigue et la faim ? Le volatile proposa son paquet à l’inconnu avant de le replacer dans sa veste.

« J’ai juste perçu votre odeur, j’ignore qui vous êtes. Mais vous n’avez pas à vous excuser, c’est moi qui m’excuse. Pour tout. »

Le fumeur tira une nouvelle bouffée sur sa clope et envoya la fumée paître dans le ciel. Il ne savait même plus par où reprendre le fil de cette conversation. Il se sentait comme éparpillé, écartelé entre tant de choses. Mais il devait une explication, la vérité. Il voulait prévenir chaque personne concernée, les mettre en garde et les protéger du fléau qu’il leur avait infligé. Cependant, soyons réaliste. Il n’était pas à la hauteur de cette mission. Il n’avait pas la carrure, pas assez de courage, de volonté et de force. Il n’était qu’une ombre recroquevillée sur elle-même à pleurnicher sur ses états d’âme. Il se serait bien gifler pour ça.

« Ils savent que nous existons. Ils veulent nous avoir. Elle veut tous vous avoir. Et si elle n’obtient ce qu’elle veut. Elle va continuer à tuer. C’est ma faute. Tout est de ma faute. »

Il se prit la tête entre les mains et respira lentement. La panique le rendait complètement sénile. N’y avait-il pas une façon moins dramatique et plus subtile d’amener le sujet ? Non ? Il était au bord du précipice, il ne savait plus ce qu’il racontait ni dans quel ordre tout ça sortait. Plus rien ne semblait important. L'oiseau revint poser ses prunelles sur la silhouette du changelin.

« Partez, quittez le pays. Sauvez votre peau. Je vous en prie. Je ne veux pas qu'elle parvienne à ses fins. »

Il avait peur. Peur comme jamais.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyDim 9 Déc - 21:36

    Le jeune homme sortit un paquet de cigarettes de sa veste et m’en proposa une que je refusai d’un geste de la main. J’étais stressé. J’étais nerveux. Et surtout, j’avais la tête remplie de questions qui ne demandaient qu’à avoir des réponses, et vite si c’était possible. J’essayai de respirer calmement, de me contenir… J’avais besoin de ses réponses, j’avais besoin d’en savoir plus mais il ne fallait pas que je me laisse dicter ma conduite par mon impulsivité. Il ne fallait pas que la brutalité dont j’avais fait preuve en le plaquant contre le mur ressorte une nouvelle fois. Ce n’était pas moi, cet Alan violent. C’était l’Alan d’il y avait plusieurs années, mais il était parti. Et je ne voulais pas qu’il revienne. J’essayai de calmer ma respiration. Je fermai les yeux, me passai encore une fois la main sur le visage.

      « J’ai juste perçu votre odeur, j’ignore qui vous êtes. Mais vous n’avez pas à vous excuser, c’est moi qui m’excuse. Pour tout. »


    Mon odeur ? Quelle odeur ? j’étais étonné mais un nouveau coup de vent me répondit à ma question interne. Bien sûr… Cette odeur là. J’oubliai parfois qu’elle existait sur moi comme elle existait sur les autres. En même temps, je ne la rencontrais pas très souvent même si elle était très reconnaissable. Il était donc un genre d’illuminé qui voulait faire copain-copain avec tous les métamorphes qu’ils croisaient ? Non, certainement pas… Plutôt un gamin qui avait gros sur le cœur. Qui se sentait coupable de quelque chose… et le pire, c’était qu’il avait certainement de bonnes raisons de se sentir coupable. J’avais envie de m’enfuir, d’appeler Kate et de lui dire de préparer nos bagages. J’avais envie de me volatiliser. Mais étrangement… Je ne pouvais pas le laisser là. Déjà, parce qu’il n’était à mes yeux qu’un gamin, qu’un jeune garçon dont je ne connaissais certes rien, mais qui n’allait foutrement pas bien, tant physiquement que mentalement, mais aussi, c’était un métamorphe. C’était un… il était comme moi. Comme Kate. Et il aurait été mentir que de dire que je ne m’en sentais pas responsable. Il sembla prendre une décision ou du moins, comme moi, se poser un peu. Je regardai la fumée se disperser dans le ciel, tout en restant sur mes gardes.

      « Ils savent que nous existons. Ils veulent nous avoir. Elle veut tous vous avoir. Et si elle n’obtient ce qu’elle veut. Elle va continuer à tuer. C’est ma faute. Tout est de ma faute. »


    Ils savent que nous existons. Oui, bien sûr. Ce n’était pas pour rien que je n’étais actuellement pas à des mille d’ici, c’était parce que justement j’avais participé à la découverte de notre espèce, contre mon gré, mais quand même. Donc bref, il ne m’apprenait rien de bien nouveau… sauf si… Il se prit la tête entre les mains, et je retins la question un peu trop pressante qui s’était imposée à moi. Il renouvela son avertissement, et je ne bougeai pas d’un pouce pendant quelques instants.

      « Partez, quittez le pays. Sauvez votre peau. Je vous en prie. Je ne veux pas qu'elle parvienne à ses fins. »


    J’étais aussi inerte qu’une statue. De qui parlait-il lorsqu’il évoquait une « elle » ? D’une femme ? De la couronne ? D’une fille ? De la mort… ? J’étais capable de partir bien loin dans mes théories, je le savais. Mais j’étais inquiet, quand même. Le plus probable était quand même qu’il parle des services secrets par le biais de la Couronne d’Angleterre. Même si nous étions en Ecosse. Bon, d’accord, mon raisonnement était étrange, bancal, et ne tenait que très peu la route, mais c’était la seule piste qui me semblait probable et qui me venait à l’esprit à cet instant. Je ne savais pas quoi faire. J’étais partagé entre le violenter encore pour avoir plus de précision et veiller d’abord à sa santé mentale. Finalement, ce fut l’instinct de grand-frère, de père, ou juste de membre d’une même « espèce » qui l’emporta. Je me rapprochai du Métamorphe pour le prendre par les épaules.

      « Qui ça, ils, qui ça, elle ? Calme-toi. Je ne peux pas partir, pour des raisons qui me sont personnelles. Alors il va falloir m’expliquer. Et toi, pourquoi n’es-tu pas déjà parti ? Pourquoi m’as-tu suivi, si c’est pour me dire que tu étais désolé ? Pourquoi donc… ça ? Cette scène ? Je… je suis perdu. »


    Je retenais mes hurlements et mon envie de lui mettre des pains pour qu’il avoue tout, tout de suite, et qu’il paye si jamais il nous avait mis, Kate et moi en danger. Je voulais me dire que je me fichai totalement des autres, si ça ne me concernait pas, si ça ne concernait pas Kate. Les autres Métamorphes ? Je n’avais jamais réellement voulu en trouver, et nous vivions tous les deux très bien sans. A quoi servirait un comité métamorphique sinon nous rendre plus vulnérable. Le nous employé par le jeune homme me dérangeait. Parce qu’il m’incluait dans une communauté qui n’existait que lorsqu’on la nommait.

      « Quand tu dis elle, tu parles de la Couronne hein ? Tu parles des services secrets, tu parles de ça, pas d’autre chose, non ? Je veux dire que… C’était ton sang ? »


    Non divulgation de secrets d’état, Alan, non divulgation… je savais ce que ça voulait dire et pourtant voilà que j’en parlais presque au premier venu. Non, au premier Métamorphe venu. Et s’il était lui aussi aux ordres du gouvernement ? Non, ça, c’était impossible. Parce que sinon, il était autant dans la mouise et la trahison que moi. En fait, c’était possible alors… Probable même. Logique. Mais il était jeune quand même pour être généticien. Et je les avais tous rencontrés. Donc… il était des services secrets ? Je sentis mon sang se glacer, et mon cœur accélérer soudainement. Il était des services secrets. Je ne savais pas si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle pour moi. Et je faisais des conclusions hâtives. Il ne fallait absolument pas que je m’emballe. Il fallait que je reste lucide.

      « Tu… tu veux quelque chose à boire ? Qu’on aille se poser dans un bar ? Je… Si oui, faut juste que je passe un coup de fil pour euh... prévenir quelqu'un. Enfin, rien qui te concerne hein, mais... »


    Je voulais mettre les choses au clair avant de rentrer. Je ne voulais pas rester dans le flou, c’était une certitude. Il fallait que je sache exactement ce qu’il se passait, qui il était, ce qu’il avait fait. Il fallait que je sache. Je sortis mon téléphone, pour appeler Kate, mais j’attendis qu’il me réponde.

    Spoiler:
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyMar 18 Déc - 22:05

Chaque contact avec son congénère le déstabilisait, il sentait toute cette rage contenue, cette envie de le fracasser. Et à raison. Aussi quand il le vit se rapprocher, il se redressa afin de lui faire face. Pas vraiment prêt à se manger des coups mais quitte à subir des dégâts autant ne pas se les manger à terre. Quelque chose qu’il aurait au moins retenu de sa virée avec Mercutio. L’inconnu le saisit par les épaules et Camille attendit presque son poing. Ce dernier pourtant, ne chercha pas – pas encore tout du moins, à lever la main sur lui. Les questions fusaient cependant, pareil à des phalanges lui fracassant l’estomac. Peut-être même pire qu’un peu de chair broyée. Il se retrouvait pour la troisième fois face à une des victimes – non, à une de ses victimes. Qu’il connaisse ou non leur existence aurait pesé dans la balance ? Nous ne le saurons jamais et le voleur lui-même ne parviendrait pas à répondre à cette interrogation qui n’avait pourtant de cesse de le harceler. Il se remettait en question et il savait que c’était trop tard pour avoir ce genre de sursaut de conscience. Évidemment, il n’avait jamais voulu nuire à qui que ce soit. Ses actes ne regardaient que lui à la base. Lui qui croyait avoir trouvé un arrangement viable et profitable pour tout le monde, lui qui voulait être au centre des événements. Chapeau bas, il avait réussi. Son secret n’en serait bientôt plus un et ça, ça dépendait entièrement de la Reine à qui il s’était vendu sans une seule hésitation. Avait-il eu besoin de se sentir spécial ? Avait-il recherché une aventure sordide avec une vampire ? Pour les mauvaises raisons, il s’était associé à la belle. Quel bel enfoiré, il était le premier à le reconnaître.

S'il commençait à s’emmêler les pinceaux intérieurement ? Carrément. Il recommençait même à s’évaporer dans un méli-mélo de songes sur ces revers et ses travers. L’heure n’était pas à la contemplation de son œuvre mais davantage à la concrétisation de ce qu’il l’avait amené à sortir de l’ombre. Non, ce n’était pas une rédemption mais plus un élan d’humanité et de raison. Le riche héritier fixa son interlocuteur durant une longue minute mais plus il songeait à une réponse élaborée plus les mots lui échappaient. Il ne voulait pas construire ces phrases, voilà tout. A force de le répéter, il avait l’impression de creuser sa tombe plus profondément et de s’engouffrer dans toutes ces choses qu’il s’était sciemment empressé de fuir. La réalité, tangible, dur, trop tenace. Mais que pouvait-il y faire ? Assumer – il ne le faisait pas encore mais déguerpir face à l’inquisition, le choix ne s’offrait pas à lui. L’oiseau serrait toujours sa cigarette entre son index et son majeur, ce simple geste l’aidait à passer son agitation sur quelque chose. Il passait son pouce sur le filtre de façon régulière afin de rechercher un semblant d’équilibre à cette situation chaotique. L’étranger continuait son monologue face à son mutisme ingérable. Il le laissait parler, c’était plus facile d’écouter que de lui dévoiler la somme de ses conneries. Gagner du temps, toujours. Finalement, certain de ses mécanismes ne déraillait pas encore et tenait la route. Pour le meilleur mais trop souvent pour le pire. Il ne broncha donc pas alors que son comparse tournait ses suspicions sur un terrain… inattendu. Le gouvernement ? Mais de quoi parlait-il donc? Le changelin cligna plusieurs fois des yeux un peu abruti parce que venait de lui balancer son voisin. Services secrets ? Sang ? Quelle était cette histoire ?

« Service secrets ? De mon... Mon sang ? De quoi est-ce que tu parles ? »

Le jeune homme balbutia ses mots toujours plongé dans l’incompréhension et la seconde d’après, il semblait déconnecté à nouveau et ce jusqu’à ce que son opposant mentionne la possibilité d’atterrir dans un bar… un endroit public. Les réflexes ne se discutent pas généralement et dans ce cas précis avec son état précaire et sa dépression chronique, le volatile ne parvenait plus à discerner les différences entre l'imaginaire et l'instant présent. Il n’était plus lui-même depuis plusieurs jours – il n’avait plus ses comportements habituels. L’animal semblait prendre davantage de poids dans cette version désordonnée du français. Sans réfléchir, le corbeau bondit sur l’autre métamorphe et agrippa les pans de sa veste.

« Non, non, non. Je t’ai peut-être déjà mis en danger. Il ne faut pas qu’on te voit avec moi ! Je ne devrais même pas traîner ici d’ailleurs. »

Il le relâcha aussi sec et envoya sa clope au sol sans même prendre la peine de la finir. Il détailla l’homme qui lui faisait face alors silencieusement. Il devait au moins lui répondre sur les zones d’ombres que sa présence et ses demi-révélations avaient apportées.

« Mais avant, je te dois au moins des réponses. Si je ne suis pas parti, c’est parce que… Je ne le peux pas. Je nous ai tous fichu dans cette galère et puis elle me retrouverait… où que j’aille. »

Il enfonça ses mains dans les poches de son manteau alors et baissa le regard. Il voulait en savoir le moins possible sur le gars qui lui faisait toujours face, moins il en savait, plus il était en sureté.

« Je n’ai rien compris à ce que tu as raconté mais la couronne dont nous parlons n’a rien d’humaine. Elle sait ce que nous sommes. J’étais… je suis… je… Elle veut quelqu’un d’autre. Je ne sais pas pourquoi mais elle veut quelqu’un d’autre. Tu dois surveiller tes arrières. »

Quant à la raison de qui l’avait amenée à le trouver, il n’en dit mot. Pas maintenant. Il n’était pas prêt à faire face à ça. A sa totale et pitoyable réaction. Sa lâcheté n’avait aucune limite et il le prouvait bien encore ce soir.

« Si tu connais d’autres personnes dans notre cas, je t’en supplie contacte les, préviens les. Personne ne doit m’approcher de loin ou de près. Vous devez sauver votre peau. »

L’animorphe leva les yeux vers le ciel. Non, il n'avait plus rien à voir avec Camille Fontayn. C'était comme une mauvaise cuite, un mauvais trip qui n'avait pas de fin et encore moins de commencement. Il avait beau être clean, il se sentait comme drogué et déficient.

« J’ai cru que j’étais seul… J’ai cru que ça n’engageait que moi. Je ne savais pas que… je... Il faut que j’y aille. Je ne peux pas te mettre plus en danger. »

Un semblant de lucidité semblait commencer à poindre derrière les barrières de sa folie. Il recula alors déterminé à cesser cette mascarade. Il en avait dit assez, bien assez pour qu’il fasse attention. Que pouvait-il faire de plus ? Ce mec ne pouvait pas l’aider, les aider. Personne ne le pouvait. Personne.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyVen 18 Jan - 20:45

    Lorsque je m’étais à nouveau approché du métamorphe, il avait semblé s’être résigné à se prendre des coups, à se manger des gnons, en bref, à se faire tabasser. Etais-je aussi… effrayant ? pensait il réellement que j’allais le frapper ? Qu’avait il subi jusqu’à maintenant ou récemment pour croire ainsi recevoir des coups de ma part, et pire que cela, les mériter ? Je me faisais des films dans ma tête, de plus en plus réalistes. De plus en plus improbables, aussi. La piste des Services Secrets était la plus propable.

      « Service secrets ? De mon... Mon sang ? De quoi est-ce que tu parles ? »


    Je lui avais proposé d’aller dans un bar. Le jeune homme semblait ailleurs, songeur, déconnecté de la réalité. Je ne savais moi-même pas trop quoi rajouter. J’étais prêt à appeler à Kate, j’avais le téléphone dans ma main, mes doigts avaient tapé dans un seul mouvement le numéro que je connaissais bien évidemment par cœur. Qu’attendais-je ? Une réponse. Certainement pas une réaction brutale de la part de l’autre métamorphe qui bondit sur moi, me faisant lâcher mon portable et agrippant les pans de ma veste. Trop surpris pour réagir de quelque manière que ce soit, Je ne raidis mes muscles qu’après la surprise passée mais il m’avait déjà là. J’étais sur mes gardes, la respiration rapide, et assez inquiet.

      « Non, non, non. Je t’ai peut-être déjà mis en danger. Il ne faut pas qu’on te voit avec moi ! Je ne devrais même pas traîner ici d’ailleurs. Mais avant, je te dois au moins des réponses. Si je ne suis pas parti, c’est parce que… Je ne le peux pas. Je nous ai tous fichu dans cette galère et puis elle me retrouverait… où que j’aille. Je n’ai rien compris à ce que tu as raconté mais la couronne dont nous parlons n’a rien d’humaine. Elle sait ce que nous sommes. J’étais… je suis… je… Elle veut quelqu’un d’autre. Je ne sais pas pourquoi mais elle veut quelqu’un d’autre. Tu dois surveiller tes arrières. »


    Je voulus le couper à plusieurs reprises mais mes « je… » mourraient dans les airs tandis qu’il reprenait, cherchant à me répondre, cherchant à comprendre, comme moi un peu plus tôt.

      « Si tu connais d’autres personnes dans notre cas, je t’en supplie contacte les, préviens les. Personne ne doit m’approcher de loin ou de près. Vous devez sauver votre peau. J’ai cru que j’étais seul… J’ai cru que ça n’engageait que moi. Je ne savais pas que… je... Il faut que j’y aille. Je ne peux pas te mettre plus en danger. »


    J’essayais de trouver une cohérence à tout ce qu’il disait. Il y en avait forcément une. Seulement… ce que j’avais compris, ce que j’avais cru comprendre, la fine toile des comparaisons, similitudes, des liens entre les événements que j’avais tissé depuis qu’il m’avait interpellé s’effilochait entre mes doigts gourds. Je l’attrapai par le bras, lorsqu’il disait qu’il devait partir. Non. Il n’allait pas s’en tirer comme ça. Tout d’abord parce qu’il n’avait pas répondu à mes questions, mais aussi parce qu’il en avait créés d’autres. Et encore plus pressantes que les premières. Et aussi, enfin, parce qu’il avait besoin d’aide. Je ne voulais pas flirter avec les problèmes, ce que j’avais étaient venus à moi sans que je ne le demande, et je ne voulais pas risquer que ma vie s’effondre une nouvelle fois. J’avais une situation, j’avais rangé ma violence et mon passé dans un placard, de l’autre côté de l’Île. J’avais une femme. J’avais une famille. J’avais un métier. Et je ne voulais pas que tout cela disparaisse comme brume au soleil, sans comprendre pourquoi, sans savoir pourquoi. Je ne pouvais pas permettre cela.

      « Attends ! Attends, s’il te plait. De quoi as tu peur ? De qui ? Si ce n’est pas de la Couronne, si ce n’est pas des RG, qu’est ce que tu fuis, ou ne peux pas fuir ? Tu me jettes des miettes, en espérant que je vais être rassasié et t’obéir. Je suis désolé, mais ça ne suffit pas. Quand tu parles de Couronne qui n’a rien d’humaine, de qui parles tu ? Des Vampires ? ils n’ont pas le droit de venir ici, ils ne sont pas là. Ils ne peuvent pas me trouver. Nous trouver. »


    Je refusais de lui lâcher le bras, de peur qu’il ne se volatilise. Il me fallait des réponses. Il m’en fallait, et vite. Parce qu’il me faisait peur. Ou plutôt, ce qu’il me cachait me faisait peur. Je m’aperçus que je serais un peu trop fort le bras du jeune homme et je relâchai un peu la pression et cherchai à m’excuser. Tout en l’empêchant de partir :

      « J’ai une vie. J’étais tranquille, avec mes problèmes, et toi, tu débarques en me disant de partir. Comprend bien que ça ne me suffit pas. Tu as peut être enclenché je ne sais quelle manigance, mais tu ne peux pas me demander de te croire sur parole et de t’obéir. J’étais tranquille, tu viens m’annoncer que le ciel va s’écrouler sur moi. Tu dois m’expliquer calmement et clairement ce qu’il en est. Allons boire un verre dans un café. Les Vampires, si tu parlais d’eux, n’ont pas le droit de venir ici. Alors tu ne risques rien. Allons boire un verre. Tu as visiblement plus besoin d’aide que moi. »


    Je le lâchai brièvement le temps de ramasser mon portable qui, fort heureusement, n’avait rien. C’était résistant ces petites choses. J’écrivis un SMS pour Kate, pour lui dire que j’allais rentrer tard et de ne pas m’attendre, une nouvelle fois. Je lui promis de tout lui raconter en détail demain matin, et je rangeai mon portable dans la poche de mon manteau. Je me tournai vers le métamorphe, espérant de tout cœur qu’il allait m’expliquer. S’il essayait de fuir, je pouvais le rattraper sous ma forme de chien. J’étais habile lorsqu’il s’agissait de courir et de courser quelqu’un dans un milieu urbain. Bon, s’il se transformait en oiseau, j’aurai du mal, mais si j’avais autant de mal à me métamorphoser en volatile, pourquoi serait-ce facile pour d’autres ? La seule chose qui m’embêtait, c’était que s’il partait et que je devais lui courir après, je risquais de devoir laisser mon sac d’ordinateur, et ça il n’en était pas question. Je croisais les doigts pour que le métamorphe se calme et qu’il accepte de me parler.

    Spoiler:
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyMer 23 Jan - 20:57

Le voleur avait commencé à amorcer sa sortie en reculant de deux pas quand l’inconnu lui attrapa le bras. A quoi s’attendait-il au juste ? A ce qu’il l’écoute ? A ce qu’il le laisse partir comme ça ? Si tel avait été le cas n’aurait-il pas été qu’un pauvre fou égaré criant à la fin du monde ? ll devait bien ressembler à un aliéné avec ses cernes et sa mine déconfite qu’il trainait depuis plusieurs jours. Mais à quoi jouait-il franchement ? Débarquer comme ça au milieu de la nuit, révéler tout ça d’une traite à un parfait étranger. La Reine allait le massacrer si elle l’apprenait. Il devint livide à ce seul songe. Il devait se reprendre nom d’un chien, il partait complètement en diagonale en s’alimentant peu et en ne dormant pas. Puis agresser des métamorphes en pleine obscurité… Le pompom vraiment. En quelle créature venait-il de se transformer ? L’homme lui serrait si fort le bras qu’il en avait des fourmis dans la main et pourtant, toujours replié dans son propre esprit, il ne cherchait même pas à s’en dégager. Il aurait très bien pu lui casser le poignet qu’il n’aurait rien fait pour l’arrêter. Tout se confondait dans ses méninges, il ne savait plus ce qu’il faisait. Pourquoi était-il là plutôt qu’à son appartement à attendre son prochain châtiment ? Son assaillant remuait les lèvres et il devait vraiment se forcer à concentrer son attention là-dessus pour en saisir la teneur de ses propos muets pour son esprit refermé. La naïveté de son interlocuteur creusa un peu plus la culpabilité déjà grandissante du changelin. Il le pressait de parler, se faisant oppressant et par sa joute verbale et par son emprise physique sur lui. La nervosité du corbeau redoubla et elle éparpilla un peu plus ses raisonnements. Tout ce qui sortirait de sa bouche n’aurait rien de réfléchi, de ça, il fallait en être certain. Surtout qu’avant de pouvoir placer un mot, il reprit de plus belle son discours. Le cœur du volatile fit plusieurs embardées, pressé d’en finir avec tout ça.

« Non, tu ne comprends pas ce qui se passe! Ils m’ont fait suivre sûrement. Par des humains à leur service. Elle est capable de tout. De tout.»

Il raisonnait vraiment comme un dément, il commençait doucement à en prendre conscience. Sa main s’était posé sur le coude de son comparse mais lui ne chercha pas à lui froisser un muscle. Il la retira aussi vite qui plus est. Suivi par le mouvement de son allié d’infortune. Il était libre de ses mouvements désormais. Fuir ? Oh bien sûr, il y avait pensé à la seconde où l’étranger avait repris son portable et composer un message. Mais sa conscience – oui elle était toujours là, revenue de sa désertion, la traitresse, le forçait à rester là pour poursuivre l’entretien. Son regard cherchait frénétiquement dans les ombres, l’un ou l’autre serviteur. Non, il ne pouvait pas mener cette conversation ici. A quoi pensait-il en lui balançant tout ça de cette manière ? Mais restait-il un seul endroit sûr alors ? Camille réalisait bien qu’il ne pouvait pas le planter là alors qu’il avait lâché l’information. Pour plusieurs raisons, il ne pouvait pas ne pas lui expliquer le problème. Mais où aller ? Pas chez lui, si Krystel s’y trouvait… Rien que d’y penser un frisson d’effroi le parcourut. Ses yeux allaient et venaient des quatre coins de la ruelle. Avait-il besoin d’aide ? Evidemment ! Était-il prêt à en recevoir ? Ca s’était encore une autre histoire. Sa fierté n’allait peut-être pas se mettre en travers éternellement cependant. Il allait finir par sombrer définitivement sinon. Son peu de raison le poussa à fixer son opposant et à rassembler un semblant de lucidité.

« Tu as raison. Je… Je suis désolé. Je ne peux pas partir sans tout t’expliquer. Mais j’ignore où on pourrait trouver un endroit hors d’atteinte. Et je ne suis pas sûr que tu réalises vraiment les risques que tu coures si je t’avouais tout. Rien qu’en t’approchant, je risque de les mettre sur la voie. Je suis désolé. Je n’aurais jamais dû t’accoster. Je ne sais pas ce qui m’a pris. »

Finalement, il parvenait à reprendre le dessus sur la folie. Pour combien de temps ? Le riche héritier déglutit difficilement.

« J’ai mis en colère les mauvaises personnes. Je ne pensais pas que d’autres personnes auraient à subir mes fautes. »

Il recommençait à délirer. Oui et non. Enfin, il ne savait toujours pas où il en était mais bon. Il avait besoin de bouger tout à coup. Il ne supportait plus cette tension nerveuse. Il se mit à marcher alors allant et venant en ligne droite face à son interlocuteur, en guettant toujours les recoins de l’endroit. Comme si, l’un des agents de la Reine allait se monter. Ils étaient surement bien entrainés. Peut-être qu’ils allaient leur tomber dessus d’un seul coup sans crier gare. L’oiseau se sentait pris au piège et horriblement à l’étroit soudainement là.

« Il faut qu’on trouve un autre lieu et qu’on parte d’ici. »

Son instinct parlait. D’habitude, il ne lui faisait pas faux bond. Pour l’heure, il était peut-être parasité par sa crise d’angoisse et son aphasie chronique des derniers jours. Toujours est-il qu’il ne voulait pas titiller ce genre de Destin probable. Ils devaient tous deux se tirer de là.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyLun 4 Fév - 18:50

    Je sentis chez l’autre métamorphe une once d’hésitation et je regrettais momentanément de lui avoir laché le bras. S’il partait, je ne pourrai m’en prendre qu’à moi-même. S’il partait, j’allais rester avec mes questions sans réponse et ma paranoïa latente allait enfler davantage. S’il partait… Il choisit de rester. J’avais l’impression d’être face à un animal traqué, et j’avais de la peine pour le jeune homme. Je me demandai brièvement ce que je ressentirais si j’étais traqué, moi aussi. Nous n’étions pas des proies par nature. Un berger allemand n’était pas une proie. J’ignorai en quoi il se changeait, mais j’avais l’impression que notre espèce privilégiait la plupart du temps les prédateurs aux proies, les carnivores aux herbivores. Les premières semaines, les premiers mois, la première année en Ecosse, j’avais peur que l’on m’ait retrouvé. Ce ne devait pas être un sentiment de la même envergure que celui que ressentait le métamorphe en face de moi, mais je me sentis en totale empathie avec lui. Je n’avais pas vécu exactement la même chose, mais… je commençais à comprendre l’état dans lequel il devait se trouver. Et j’avais peur pour lui, moi aussi, maintenant.

      « Tu as raison. Je… Je suis désolé. Je ne peux pas partir sans tout t’expliquer. Mais j’ignore où on pourrait trouver un endroit hors d’atteinte. Et je ne suis pas sûr que tu réalises vraiment les risques que tu coures si je t’avouais tout. Rien qu’en t’approchant, je risque de les mettre sur la voie. Je suis désolé. Je n’aurais jamais dû t’accoster. Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai mis en colère les mauvaises personnes. Je ne pensais pas que d’autres personnes auraient à subir mes fautes. »


    Mis en colère les mauvaises personnes ? Plus il parlait, il je comprenais qu’il s’était mis en très, très mauvaise posture, et qu’il avait besoin d’aide. Une aide que personne ne pouvait lui apporter, et moi encore moins, parce que si « elle », dont je n’étais toujours pas sûr de l’identité, le cherchait parce qu’il était métamorphe, j’étais moi aussi en danger. Et je risquais donc moi aussi d’avoir besoin d’aide. Kate aussi. Je restai muet, un peu… pris au dépourvu. Je repris mon sac d’ordinateur, plus pour faire quelque chose que par réel besoin. Je ne savais pas quoi lui répondre, alors j’attendais qu’il dise quelque chose ou qu’il se confirme qu’il ne dirait rien de plus. Je gagnais du temps parce que je ne savais pas ce que je devais dire. Ou ce que je voulais tout simplement. Il semblait plus… calme. Nous étions passés au tutoiement naturellement, et étrangement ça ne me dérangeait pas. D’ailleurs je ne savais pas depuis combien de temps nous avions laissé tombé le vous. Je me tendis soudain, et le jeune homme sembla lui aussi prêter attention à quelque chose. Notre instinct parlait. Au même moment. Je connaissais ce phénomène pour vivre avec une autre métamorphe, mais c’était toujours étrange de le vivre, quand même.

      « Il faut qu’on parte. »

      « Il faut qu’on trouve un autre lieu et qu’on parte d’ici. »


    Nous avions parlé presque en même temps, et si je n’étais pas aussi stressé, j’aurai volontiers esquissé un sourire complice à destination du métamorphe. Je repositionnai mon sac à dos qui contenait mon si précieux ordinateur. Je réfléchissais rapidement mais je n’arrivais pas à trouver d’endroits adéquats pour disparaître et se fondre dans la nuit ou la masse des citoyens. La nuit était bien avancée. Il avait raison, les vampires devaient certainement avoir des agents humains, et la nuit était leur royaume. Qu’on interdise à un chien d’aller dans le jardin était une chose, espérer qu’il le fasse en était une autre. Je posais une main sur l’épaule de l’autre changeur, et j’essayai de paraître confiant et calme et sur de moi. J’essayais… mais ce n’était pas gagné. Les tremblements qui agitaient mes mains étaient assez traîtres sur ce point.

      « Bon, écoute garçon, on commence par sortir de cette ruelle, on rallie l’allée marchande et on se pose tranquillement dans un bar fréquenté. Et tu pourras m’expliquer en détail ce qu’il se passe. Et un bon scotch ne sera pas de refus. Hum… Comment puis-je t’appeler ? Pour ma part, tu peux m’appeler James. »


    J’avisai le côté par lequel nous étions arrivés et celui qui se dirigeait vers mon appartement et je ne mis pas longtemps à choisir lequel des deux nous allions emprunter. Je fis un signe à l’autre métamorphe en me dirigeant vers l’allée marchande que j’avais quittée précipitamment tout à l’heure. Malgré l’heure plus ou moins tardive, elle était encore animée, surtout par des étudiants qui flânaient. Si les principales enseignes étaient fermées, c’était l’heure de joie des bars et pubs, et nous ne devions pas avoir de mal à en trouver un à notre goût, ou du moins au mien. La foule, c’était l’idéal pour disparaître, mes années londoniennes me m’avaient appris. La foule et l’animation.

      « So… disparaissons maintenant. Je te fais confiance pour ne pas totalement disparaître…. »


    Je n’étais pas encore pleinement convaincu qu’il n’allait pas en profiter pour se barrer et me laisser totalement en plan. J’étais d’un naturel plutôt méfiant, et il ne m’avait pas franchement mis en confiance. Dans un sens, ce n’était pas seulement pour mes réponses que je voulais qu’il reste, c’était aussi pour que je puisse tenter de l’aider. Et parler avec un autre métamorphe, autre que moi, et que Kate, même si je n’étais pas du genre à provoquer de telles rencontres, je ne voulais pas non plus passer à côté. Ces derniers mois, le sentiment d’être une espèce totalement à part s’était accru, décuplé par le fait d’étudier vraiment les caractéristiques de l’ « homo versipellis » ou quelque chose dans le genre (c’était bête, mais nous ne nous étions toujours pas mis d’accord sur l’appellation de cette nouvelle espèce…).

    Spoiler:
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyMer 20 Fév - 20:01

Sa phrase fit échos à la sienne ce qui désarçonna quelques instants le métamorphe. Donc, ses sens ne le trompaient pas. Etrange d’être rejoint par quelqu’un de son espèce dans les mêmes observations. Enfin plutôt inquiétant dans ce cas précis. Le volatile ne s’y faisait toujours pas au fait qu’il existait bel et bien d’autres personnes partageant ses facultés surnaturelles. Pourtant, après avoir côtoyé Tanwen ainsi que Victoria, il aurait dû désormais avoir dépassé ce choc. Mais le fait est qu’il avait encore du mal à s’y faire. En même temps, il avait passé plus de vingt ans dans l’ignorance la plus totale alors bon, une partie de lui n’arrivait pas encore à s’y adapter. Enfin, du moins, demeurait-elle toujours un peu sonnée par ça. L’oiseau se mordit la lèvre en balayant les environs plus fébrilement que jamais. Ses pieds n’arrêtaient pas de se décoller du sol pour se déplacer de quelques millimètres, il avait du mal de tenir en place. L’urgence oppressait violemment ses nerfs et il commençait à flipper plus sérieusement à mesure qu’ils tardaient à bouger. Camille avait beau être extrêmement paniqué, il perçut tout de même les tremblements qui animaient les paumes de son interlocuteur. Au moins, le message, la menace avait bien été reçue. Il ne le prenait pas à la légère ce qui le rassurait bizarrement. Il le croyait et rien que ça, c’était déjà bien. Le riche héritier fixa l’homme dans l’attente. Il ignorait complètement où ils pourraient se rendre sans attirer l’attention. C’était improbable. Tellement fou d’espérer ne pas se faire prendre. Pourtant c’était clairement ce que ce… James suggérait. Trop optimiste ? Ou bien trop ignorant pour réaliser ? Le changelin avait envie de lui proposer une fuite rapide sous leur forme animale pour semer tout potentiel agresseur ou oreille attentive. Mais il avait remarqué la présence de son sac à dos. Et lui-même se voyait mal abandonner ses fringues là. Le textile n’était pas le souci majeur. Laisser ses effets personnels par contre. Puis il se voyait mal se transformer comme ça devant cet inconnu. Il laissa donc très vite tomber l’idée. Puis en quoi il se changeait ? Pour le voleur, c’était facile, il ralliait le ciel mais ça n’était peut-être pas aussi simple pour son comparse. Il n’avait donc pas d’autres choix que d’accepter le plan très bancal que lui servit l’autre animorphe. Se mettre en danger volontairement, il en frissonnait d’avance mais hey, c’est lui qui avait engendré cette folie.

« Ok, je ne sais pas si ça les empêchera de nous suivre ou de nous entendre mais… On a pas le choix. Moi, c’est Cam. »

Venait-il de lui donner son diminutif ? Et pourquoi ? A vrai dire, il n’y avait pas réfléchi. Vu l’impératif qui les poussait à bouger et les circonstances complètement folles, il en oubliait que l’inconnu en était un. Ce dernier lui fit signe d’avancer et le français lui obéit sans rechigner. Ne craignait-il pas des représailles ? Après tout, ce type pouvait être quelqu’un de malveillant. D’après ses observations, ça n’était pas du tout le cas mais bon. Son jugement était peut-être altéré par sa démence et son besoin compulsif de se trouver des alliés. Il ne savait plus. Plus rien du tout. Où il en était, ce qu’il était en train de faire. Tout lui échappait et il ne parvenait plus à retrouver le contrôle. Sa vie filait entre ses doigts et il ne tentait même pas de la rattraper. Il l’observait distant, presque indifférent de cette déchéance. Il savait qu’il le méritait. Amplement. Mais pas ce mec. Ni sa femme. Bordel. Une nouvelle vague de culpabilité le submergea et il serra la mâchoire si fort qu’il perçut un craquement. Il suivait toujours la silhouette de son complice alors qu’il gagnait la rue marchande. Se retrouver au milieu d’autres carcasses et de l’animation le dérouta. Toute cette agitation, cette vie, toutes ses personnes qui riaient avec insouciance, qui ne se doutait pas de tous les dangers, de tous les mystères qui les attendaient recluses dans les ombres. Oui, le fumeur s’était bien perdu au milieu de ses propres ténèbres. Il se sentait en décalage totale avec cette population, maintenant plus que jamais. Il n’y avait pas sa place, pas dans cette normalité quasi euphorique. Il avait trop merdé pour ça.

Livide face à ces conclusions, il hocha de la tête quand son nouvel ami lui parla. S’enfuir ? Trop tard pour ça même si il aurait aimé. Il avait assez de sujet de discussions douloureux à traiter avec sa conscience, il ne comptait pas ajouter cet épisode à sa liste. Ils furent un peu séparés durant leur marche et c’est le cambrioleur qui se retrouva en tête. Il zigzaguait maladroitement dans la foule, un peu hébété. Ses pensées se retournaient sans cesse dans son crâne. Comment allait-il expliquer ça ? Ça avait beau être la troisième fois qu’il en parlait, il ne savait toujours pas comment s’y prendre. Il choisit le plus bar le plus fréquenté du coin et y entra non sans être au préalable entré en contact visuel avec le fameux James. L’endroit était presque plein à craquer, le brouhaha impressionnant. Pour le choix de la table, il n’y en avait pas dix milles, seules deux n’étaient pas occupées et il choisit celle se trouvant la plus éloignée de la sortie. A tort ou à raison. Il s’installa et attendit d’être rejoint. Ses mains pianotaient nerveusement sur la surface face à lui, il se sentait encore plus exposé, à découvert là bien que personne ne semblait faire attention. Derrière chaque gloussement ou regard volé, se trouvait peut-être un des agents de Krystel Raybrandt. Chaque personne dans cette pièce pouvait être une menace. Plus tendu que jamais, il se tenait droit, crispé sur son siège.

« Faisons vite. Je ne pense pas que nous soyons en sécurité ici. Si elle savait ce que je m’apprête à te révéler…»

Il en trembla littéralement. Pour eux deux et pour la compagne de son voisin de table également. Il impliquait combien de personnes là ? Il n’en avait aucune foutue idée.

« Je ne sais pas par où commencer. Je suppose que je devrais d’abord t’expliquer que je ne viens pas d’ici. Mais tu l’avais peut-être déjà deviné. Je viens de France. Et jusqu’à récemment, je croyais être le seul à ... être différent. »

Camille déglutit douloureusement. Au moins, ils étaient dans un lieu public, si jamais l’horrible vérité énervait l’étranger, il ne pourrait pas décemment le frapper ici sans être écarté. Oui, le corbeau savait mériter ses coups mais il ne se sentait pas forcément prêt à les recevoir là. Son corps avait assez été maltraité comme ça par la Reine. Un serveur arriva coupant son élan de révélations et il se tut avant de regarder l’autre métamorphe. Il n’avait pas soif mais il allait l’accompagner pour la forme. Il prendrait la même chose peu importe ce que ça serait.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyLun 25 Fév - 13:11

      « Ok, je ne sais pas si ça les empêchera de nous suivre ou de nous entendre mais… On a pas le choix. Moi, c’est Cam. »


    Cam ? Je me demandais si c’était un diminutif, un jeu de mots avec Caméléon, ou avec le fait que je l’avais pris pour un drogué au départ, et cette idée ne quittait pas encore ma tête vu son apparence et son état physique, dans tous les cas, j’acquiesçais d’un bref signe de tête. S’ils nous avaient trouvé, je me voyais mal être capable de leur échapper sous ma forme animale. A ce que j’avais entendu, les vampires étaient extrêmement lestes, endurants et leurs déplacements pouvaient même être invisibles à nos sens par leur célérité. S’ils nous avaient trouvé, pisté, suivi, nous étions certainement cuits. Mais pour le moment, mes sens en alerte ne s’affolaient pas encore plus que cela. Nous nous mîmes en marche au sein de la foule, et j’essayai de garder un œil sur l’autre métamorphe au cas où il tenterait de me fausser compagnie. Au gré des mouvements de foule et des aléas de déplacement il se retrouva à prendre la tête et je le suivis, cherchant du regard un bar ou quelque chose de similaire qui conviendrait à une discussion… si possible privée. Un bar très fréquenté attira son regard, puis le mien et j’hochai la tête pour confirmer que ça m’allait très bien. Nous entrâmes à quelques minutes d’intervalles, et le temps que je m’habitue à la température et au bruit ambiant, je n’étais pas franchement à mon aise, je le repérai à une table éloignée de la sortie. En quelques coups d’épaules et excuses, je me frayais un chemin et m’installais. Nous n’étions pas à notre aise, aussi bien l’un que l’autre, ses doigts pianotant sur la surface de la table le trahissant tout autant que mes coups d’œil méfiant en direction des autres clients.

      « Faisons vite. Je ne pense pas que nous soyons en sécurité ici. Si elle savait ce que je m’apprête à te révéler. Je ne sais pas par où commencer. Je suppose que je devrais d’abord t’expliquer que je ne viens pas d’ici. Mais tu l’avais peut-être déjà deviné. Je viens de France. Et jusqu’à récemment, je croyais être le seul à ... être différent. »


    C’était donc ça l’accent étrange de Cam ? Je l’avais perçu sans pour autant y prêter plus d’attention que cela. Mais je ne voyais pas en quoi être Français pouvait expliquer tout… ça. En revanche, je comprenais bien lorsqu’il disait avoir longtemps cru être le… seul. Ce devait être le cas de tous les métamorphes. Nous n’étions pas très sociables, tous, et il me semblait que c’état un point commun entre tous les changeurs. Nous étions différents des humains, sans que cela ne se voit, nous étions indépendants, et incroyablement… seuls. Persuadés de l’être, ou l’étant réellement. J’avais connu ça avec Kate, et malgré nos années de vie commune, nous avions encore le sentiment d’être les seuls dans notre cas. J’hochai la tête, pensif. Un serveur arriva, me coupant dans mes réflexions, et justifiant, peut être ?, mon silence qui se prolongeait. J’avisai rapidement l’état de Cam, et je m’aperçus qu’il me consultait du regard. Je commandais simplement de quoi boire, parce qu’au moins, ça nous donnerait une raison de rester attablés ici. Le serveur nota la commande, et partit tandis que je me tournais vers Cam, me mordillant la lèvre :

      « J’avais noté un accent étranger… mais je ne… on peut dire que je ne suis pas d’ici non plus. J’ai… fui, ma région natale. »


    J’avais l’impression de faire du « donnant-donnant » avec Cam. Il m’avait dit qu’il était français, je lui disais quelque chose sur mes origines de mon côté. Je restai quelques instants le regard dans le vague. Le serveur revint avec nos commandes et mes mains s’accaparèrent le verre pour passer leur nervosité et avoir quelque chose avec lequel jouer. Je repris, gardant les yeux fixés sur mon verre :

      « La… solitude. C’est certainement ce qui nous rapproche, tous. Mais je peux te dire… nous ne sommes pas seuls. Et nous ne pourrons certainement plus nous cacher très… longtemps. »


    J’avais l’impression de marcher sur des œufs avec ce que je disais. Il fallait que j’inverse la tendance, et que je mette, moi, à poser des questions pour qu’il m’en dise un peu plus et que j’en garde encore pour moi. Je n’avais pas le droit de parler de mes recherches, de mon implication dans la découverte des deux nouvelles espèces, et même si j’avais suffisamment sur mon ordinateur personnel pour le renseigner sur tout ce que je savais de… nous (le terme était encore assez étrange à mes oreilles), je ne pouvais pas le faire. Et je n’en avais pas spécialement envie. Je me méfiais de ce que je pouvais dire, parce que même si j’avais envie de le protéger, je ne pouvais pas décemment lui faire confiance. Je quittai mon verre du regard pour poser mes yeux chocolat sur ceux de l’autre changeur :

      « Qui t’a trouvé, ou plutôt comment a-t-on trouvé ? Je veux dire… que signifie « jusqu’à récemment ». Tu as rencontré d’autres… personnes… différentes, avant moi ? Par le biais de… d’Elle ? »


    Je ne savais pas très bien vers quoi, quelle discussion, quelles « révélations », nous allions. Quels choix, aussi, peut être… C’était flou, terriblement flou, et j’hésitais à mettre Kate dans la confidence en lui demandant de venir nous rejoindre. Si nous étions réellement en danger, suivis, pistés par des vampires ou autres, je n’avais pas le droit de la faire venir. Mais si nous commencions à parler de… nous… Elle avait plus que moi le droit à la parole, forcément. Surtout si nous faisions des choix. Nous ne parlions pas de notre histoire, avant notre rencontre, mais nous ne nous cachions rien, ou presque, depuis que nous étions mariés. J’hésitai à envoyer un texto à Kate pour lui résumer en deux mots la situation. Mieux valait éviter… Je lui en parlerai demain.

      « Désolé si je te pose beaucoup de questions… c’est assez déroutant… J’ai déjà.. « senti » d’autres personnes comme… nous, d’autres différentes aussi, mais j’évite généralement de trop… leur parler. Ce doit être pour ça, aussi, que nous sommes… seuls. J'imagine que notre... anonymat est notre principale défense depuis... toujours. »

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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyVen 8 Mar - 0:13

Son compagnon d’infortune comprit son message silencieux et commanda à la suite. Le métamorphe fit ensuite un signe rapide au serveur, lui faisant comprendre de la sorte qu’il prenait la même chose. Une fois qu’il fut éloigné, l’ambiance lourde de sens repesa sur les épaules du changelin et il se pencha un peu en direction de son interlocuteur afin de continuer à converser de façon discrète. L’inconnu précisa que lui aussi ne venait pas du coin. Ah bon ? Camille serra un poing et continua d’agiter ses doigts mais cette fois sur le dos de son autre main. Il voulait et ne voulait pas en savoir plus sur l’étranger qui lui faisait face. Sa curiosité maladive intervenait et puis au-delà de ça, il éprouvait une sorte… de satisfaction à rencontrer d’autres membres de son espèce. Après tout, il avait passé la majeure partie de sa vie en se croyant isolé, seul. Etre compris de temps en temps était agréable. Seulement, ça n’était pas le moment pour se sentir investi de telles émotions pas vrai ? Il ne pouvait pas décemment faire ami-ami avec les autres animorphes pour les raisons qu’il allait devoir servir à ce James. Ca l’attristait mais c’était un moindre mal comparé à ce qu’il avait réellement commis. Le riche héritier songeait à tout ça et comme si ses pensées rejoignaient son voisin de table, ce dernier se mit à lui parler de solitude, à l’englober dans un nous étrange. C’est vrai, ils auraient pu être une communauté, une vraie. Ils pouvaient peut-être toujours l’être. Oui mais sans lui. N’avait-il pas déjà vendu son âme et son corps au Diable ? Le corbeau se mordit l’intérieur de la joue alors que les propos de son allié temporaire se voulaient plutôt rassurants. Enfin… Au moins lui confessait-il que quelque part son pêché n’était pas aussi gros qu’il l’aurait craint. Mouais, à voir. Il n’osa pas le couper de peur de l’irriter et de ça, il n’avait pas besoin. Il se contenta de fixer ses mains durant les courts moments de silence s’installant entre eux. Comment formuler tout ça ? Comment rester cohérent ? Comment... Il fallait qu’il arrête de se poser trop de questions comme ça. Nom d’un chien, quelqu’un était sûrement en train de les pister là, ce n’était pas le moment pour s’épancher en des détours inutiles. Ça ne changerait rien aux faits de toute façon. Peu importe la manière dont il allait faire raisonner l’histoire, elle serait horrible dans tous les cas.

L’oiseau se redressa un tout petit peu, réalisant qu’il se tassait à mesure que ses cogitations internes lui lacéraient le crâne. Il allait ouvrir la bouche quand des interrogations le pressèrent de continuer son récit. Son comparse avait raison – il devait parler et vite. Il s’apprêtait à embrayer quand à nouveau, il fut coupé dans son élan. La façon dont le gars réagissait le rendait encore plus et plus coupable. C’était un brave type, il le sentait. Tout comme Victoria et comme Tanwen aussi d’ailleurs.

« Ne t’excuse pas, s’il te plait, c’est légitime de ta part. J’ai débarqué comme un fou et je t’ai prêché la fin du monde. Je suis désolé de t’avoir brusqué. »

Ses intonations se coupèrent net, il était tellement désolé. Comment aurait-il pu les vendre à la Reine ? Comment avait-il pu révéler leur nature comme ça ? Le français se prit la tête entre les mains et essaya de se calmer. Il partait complètement en panique à nouveau, il le sentait. Il devait se gifler là ou quoi ? Il inspira profondément et fit abstraction un instant de cette part d’humanité qui le rongeait. Il laissa davantage l’animal et ses instincts régirent son corps. Ses sens s’étendaient et prêtaient attention au moindre bruissement, à la moindre voix qui trahirait un potentiel traqueur. Plus ou moins sereinement, il reposa ses paumes sur la table face à lui tandis que ses prunelles se plantèrent dans celles trop sympathiques de son nouvel ami – enfin presque ami. Faire un crochet par sa rencontre avec l’inspectrice ne faisait pas parti de ses plans, l’urgence les obligeait à ne pas trop dévier. Cependant, il ne désirait pas ignorer bêtement les questions du métamorphe. Tout d’abord, il n’en avait pas l’envie – ouais, c’est vrai que ses envies l’amenaient souvent à faire de belles conneries mais bon. Et puis, ça lui permettrait peut-être de retomber sur ses pieds. Ou pattes dans ce cas précis.

« Non, une inspectrice m’a trouvé grâce à son odorat, il n’y a pas très longtemps. Elle a débarqué chez moi comme ça. Apparemment, mon odeur a… interféré avec une de ses affaires. »

Et elle l’avait suffisamment approché pour disparaître mystérieusement. Sa gorge se noua violemment et il eut du mal de déglutir. Il omettait énormément de choses-là mais c’était pour leur bien commun. Il ne fallait pas qu’ils soient liés l’un à l’autre d’une quelconque façon. Moins il en savait personnellement sur lui mieux ça valait et l’inverse se révélait vrai également. Même si il aurait désiré tout le contraire…

« J’ai encore du mal à m’y faire. Tout ça me semble tellement … fou. J’ai vraiment pensé que j’étais seul à… C’était vraiment con de penser ça. Et j’ai vraiment agi comme un abruti. »

C’était mignon de toujours s’insulter devant les autres mais non seulement, ça n’amènerait pas de la compassion mais juste de la pitié et puis dans le meilleur cas, il ne méritait pas cette compassion. Le fumeur détourna son regard et vint le poser sur le bout d’un de ses ongles. Ils avaient assez retardés les révélations et les confessions là non ?

« Si je suis venu en Ecosse, c’est à cause des vampires. Tu comprends, je me sentais proche d’eux d’une certaine façon parce que je ne me sentais pas tout à fait humain. Quand j’ai débarqué en Ecosse, j’ai voulu … les approcher. Mais j’ai été trop loin. Elle … Elle m’a complétement charmé. Je n’ai rien pour me justifier, très sincèrement. Elle sait ce que je suis depuis notre toute première rencontre… Ca allait jusqu’ici… Mais Elle s’est mis à poser des questions et je n’ai pas réussi à lui mentir. J’en suis incapable. Elle sait que je ne suis pas seul et elle veut mettre la main sur d’autres membres de notre espèce. J’ignore pourquoi mais ça ne sent pas bon. Mon instinct me dit de fuir. Mais c’est trop tard. Elle a tué des gens sous mes yeux simplement parce que j’ai refusé de lui donner un seul nom. Tu comprends. Elle est prête à tout pour obtenir ce qu’elle désire. Il faut que tu te casses de là, toi tu as encore le choix. »

Finalement, il avait tout déballé et d’une traite. Il commençait à avoir l’habitude de se confier en ce moment dis donc. Lui qui était resté si secret avant. Ca lui changeait. Il en était le premier surpris. Il garda ses yeux fixés sur les nervures qui composaient le bois du seul objet le séparant de son interlocuteur. Allait-il l’empoigner ? Le frapper ? L’insulter ? Ou juste courir, fuir, vite ? Le volatile attendit une réaction tout en continuant de sonder ce qui les entourait de façon discrète.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyJeu 21 Mar - 20:39

      « Non, une inspectrice m’a trouvé grâce à son odorat, il n’y a pas très longtemps. Elle a débarqué chez moi comme ça. Apparemment, mon odeur a… interféré avec une de ses affaires. J’ai encore du mal à m’y faire. Tout ça me semble tellement … fou. J’ai vraiment pensé que j’étais seul à… C’était vraiment con de penser ça. Et j’ai vraiment agi comme un abruti. »


    J’esquissai un fin sourire, me demandant combien nous étions à être aussi… seuls et ignorants de notre condition et de nos origines. Je me retrouvais dans Cam, dans le sens ou j’avais mis plusieurs années à me faire à l’idée que Kate et moi étions pareils, et que nous avions très certainement connu les mêmes sentiments, les mêmes souffrances à être différents des autres, tout en en étant d’une certaine manière fiers. Je ne rejetais pas ma part animale, ni mon appartenance à une nouvelle espèce, mais percevoir des choses que les humains ne percevaient pas, concevoir le monde avec les yeux et le sens d’un berger allemand me donnait un savoir et une façon de voir si différente des autres que je ne pouvais les partager. J’avais eu de la chance, beaucoup de chance, de rencontrer Kate à dire vrai. Nous nous étions rencontrés par hasard, et le hasard avait bien fait les choses… Avant cela…. Je m’étais sentis seul, effroyablement seul à être ce que j’étais. Je sentais bien parfois des restes d’effluves dans un lieu, mais je n’avais pas fait le lien avec mon odeur jusqu’à ce que je me rende compte que Kate sentait bon. Je sortis de ma rêverie lorsque Cam, qui s’était tu, repris, ressentant un soupçon de gêne à n’avoir rien écouté à ce qu’il m’avait dit après m’avoir avoué qu’il avait encore du mal à se faire à l’idée de ne pas être le seul… changeur.

      « Si je suis venu en Ecosse, c’est à cause des vampires. Tu comprends, je me sentais proche d’eux d’une certaine façon parce que je ne me sentais pas tout à fait humain. Quand j’ai débarqué en Ecosse, j’ai voulu … les approcher. Mais j’ai été trop loin. Elle … Elle m’a complétement charmé. Je n’ai rien pour me justifier, très sincèrement. Elle sait ce que je suis depuis notre toute première rencontre… Ca allait jusqu’ici… Mais Elle s’est mise à poser des questions et je n’ai pas réussi à lui mentir. J’en suis incapable. Elle sait que je ne suis pas seul et elle veut mettre la main sur d’autres membres de notre espèce. J’ignore pourquoi mais ça ne sent pas bon. Mon instinct me dit de fuir. Mais c’est trop tard. Elle a tué des gens sous mes yeux simplement parce que j’ai refusé de lui donner un seul nom. Tu comprends. Elle est prête à tout pour obtenir ce qu’elle désire. Il faut que tu te casses de là, toi tu as encore le choix. »


    A cause des vampires ? Mais… pourquoi donc ? Je n’avais certes pas quitté l’Ecosse dès l’annonce de l’existence des Vampires tout particulièrement dans cette région d’Europe, mais c’était uniquement parce que j’avais encore la certitude d’être protégé par mon anonymat. Et le secret posé sur l’existence d’une troisième espèce humanoïde. D’autant plus que Kate et moi n’avions pas envie de tout reprendre une nouvelle fois à zéro. Recommencer, changer de vie… cela faisait vieux de le formuler ainsi, mais ça ne me semblait plus de mon âge. Puis tout avait changé, lorsque j’avais été contacté par le Gouvernement pour étudier les échantillons sanguins trouvés sur le lieu d’un attentat. Un sang qui ne correspondait ni à celui d’un humain, ni à celui d’un vampire. Dès que les résultats des recherches étaient tombés, là, pour le coup, j’avais eu envie de fuir. Bref, tout cela pour dire que… venir en Ecosse pour les vampires… c’était si… illogique ! Et pourtant, une voix me souffla que si j’avais eu vent d’une espèce non humaine, lorsque j’avais vingt ans, et que je me pensais encore seul, j’aurai aimé moi aussi la côtoyer d’un peu plus près pour… savoir. Mon sang se glaça lorsque je réalisais pleinement ce qu’il avait dit. Cette personne, la Reine Vampire si je rassemblais tout ce qu’il m’avait dit, avait tué pour lui faire comprendre qu’elle avait tout pouvoir sur lui. Pourquoi nous cherchait-elle ? Que lui avait il dit exactement ? Je devais savoir… pour savoir exactement où en étaient les vampires sur leurs connaissances de… nous, par rapport au gouvernement. D’ailleurs, en pensant à celui là… mon inquiétude augmenta d’un cran. Donnant-donnant. Il ne fallait pas que j’oublie, c’était une question de… moral. D’honneur.

      « Tu n’es pas le seul à être enchaîné en Ecosse, à croire que les humains nous jalouserons toujours pour notre liberté et comme les loups, voudront toujours nous apprivoiser. Du sang… étranger… avait été trouvé sur la place d’un des attentats, il y a déjà quelques temps maintenant, et étant un expert en génétique, j’ai été contacté par le Gouvernement pour l’étudier. Si je pars maintenant, ils se douteront de quelques choses, puisque je fais tout pour ralentir leurs découvertes et conserver notre… anonymat. Ils savent seulement que nous existons pour le moment, rien de plus. Mais… les vampires… »


    Le verre avec lequel mes doigts jouaient tandis que je parlais m’échappa soudain et glissa vers le bord de la table. Je le rattrapai in extremis, usant de mes réflexes. Ce geste brusque eut pour mérite de me sortir de ma torpeur et de me donner une claque mentale. Qu’étais je en train de dire ? Ou plutôt qu’avais-je dis ? J’avais parlé de… mes recherches. Pas toutes, bien sûr, puisque j’avais tu l’existence de la quatrième espèce, mais… Je fuyais le regard de Cam en laissant dériver mes yeux sur la salle pleine de monde, en profitant pour guetter le moindre signe suspect.

      « Les vampires, que savent ils de nous exactement ?, je fis une petite pause, avant de fixer Cam dans les yeux, pour lui faire bien comprendre que ce que j’allais dit était sincère et que je ne comptais pas changer d’avis, J’imagine que tu t’en doutes, mais si ce n’est pas le cas, je veux que ce soit clair : je ne peux pas quitter l’Ecosse, et même si je le pouvais, je ne le ferais pas. Notre… espèce, est trop solitaire. Nous sommes trop seuls. Tu dis qu’elle veut que tu nous vendes ? Moi je dis, nous sommes plus forts à plusieurs que seuls. Je… »


    Qu’étais-je en train de raconter ? Etait-ce mes antécédents, mes vieux antécédents plutôt, londoniens qui ressortaient ? Peut être. Mais surtout, je comprenais peu à peu une chose au fil de notre conversation, de notre rencontre à nos révélations, de nos similitudes à nos… confidences : les métamorphes avaient toujours été seuls, livrés à eux même. Certains, comme Kate et moi, devaient se trouver, certes, mais les groupes n’excédaient pas les familles, puisque je me doutais bien du caractère héréditaires de la chose. Nous étions une espèce à part, Neandertal croisait Australopithèque, et nous étions bien évidemment l’espèce dominante. Et donc, je commençais à comprendre que nous devions changer cet état de fait. Isolé, nous étions en danger, d’autant plus lorsque l’existence d’autres espèces étaient révélées, que ce soit officieusement, ou officiellement. Nous devions réagir. Nous devions survivre, fuir, et exister. Que ce soit dans le monde de la nuit, en devenant des interlocuteurs dont la parole avait un poids et plus seulement des victimes, ou dans le monde de la lumière en se révélant au grand jour, comme les vampires l’avaient fait. Bien évidemment, je ne penchais pour aucune des deux options, mais c’était manière de parler. Il fallait que l’on se fasse connaître des autres métamorphes. Généralement j’évitais les effluves que je sentais, n’était-ce que pour ne pas risquer que l’on remonte à Kate et moi. Généralement, j’étouffais ma curiosité avec ma raison. Mais là… peut être était-ce un ras le bol, peut être était ce illogique, déraisonné, peut être était-ce l’alcool, mais j’avais l’impression que nous devions réagir.

      « Ca peut te sembler étrange d’entendre une telle chose de moi, même si nous ne nous connaissons pas vraiment mais… nous sommes une espèce à par entière. Nous ne nous vendons pas les uns les autres, mais il me semble logique que nous devons nous entraider. »


    Je me tus, un peu… hum… attendant avec appréhension ce qu’allait me répondre Cam.
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyLun 25 Mar - 23:10

La concentration du métamorphe oscillait entre ses angoisses concernant la possible traque d’un agent et son appréhension vis-à-vis des réactions de son interlocuteur. Sa nervosité semblait dépasser tous les paliers jugés sains pour un être normal. Sauf qu’il ne l’était pas normal. Le changelin ne s’étonnait plus d’enchaîner cigarette sur cigarette depuis son arrivée en Ecosse. Adieu sa vie paisible et son insouciance. Son calme légendaire l’avait déserté pour laisser place à cette créature à demi démente rendue complétement parano par les circonstances. Il se reconnaissait à peine. Mais là n’était pas le propos, pas pour l’heure. Le corbeau s’attendait toujours à voir son presque-ami renverser la table pour l’étrangler et il dû se faire violence pour ne pas fuir directement sans ajouter quoi que ce soit. Heureusement pour eux deux, sa culpabilité commençait de plus en plus à combler cette fâcheuse tendance à l’esquive. De toute manière où pouvait-il courir ? Il avait beau distancer les autres animorphes, le problème subsisterait car il ne pouvait s’éloigner de ce qu’il avait fait et surtout de ce qu’il était devenu. Camille pouvait presque voir les démons accrocher à ses talons, féroces succubes qui lui mordillaient déjà la cheville. Il déglutit douloureusement pour la énième fois de la soirée mais ne tenta pas de ralentir son cœur qui faisait des embardées à chaque froissement voisin. Ses sens s’affolaient au moindre signe jugé suspect. Ça n’allait pas du tout, il se sentait mal entouré de tous ces gens. Lui qui adorait ça d’ordinaire… Il ne pouvait plus s’y perdre et passer incognito maintenant. Il n’avait plus de filet, plus rien. Juste un danger planant au-dessus de son crâne et il était submergé comme jamais.

Il se prit la tête entre les mains à nouveau et contint toute sa panique en serrant sa mâchoire si fort qu’il en eut mal. Le riche héritier réalisait bien que baisser sa garde visuelle maintenant, là n’était pas le plus approprié si ce gars décidait de se jeter sur lui. En même temps, restons réaliste. Dans cet état, si ce type voulait vraiment le renverser, il le ferait peu importe qu’il le fixe ou non. De toute façon, il ne comptait pas remuer le petit doigt. Le volatile s’embarquait de plus en plus dans sa folie interne à tel point que des frissons commençaient à le déstabiliser. Il devait se calmer, il le devait. Il craignait atrocement ne plus pouvoir gérer… ses capacités. Il n’était pas parvenu à se transformer depuis le début du massacre et là maintenant, il avait l’impression qu’il … perdait le contrôle. Allez, il n’avait plus 10 ans, il savait contrôler oui, oui. Il se crispa, respira de grandes bouffées d’oxygène et puis, le James se remit à parler. Pas d’attaque ? Pas d’hurlement ? Le français releva alors lentement la tête, distrait de ses soucis et de ses convulsions passagères. Cet inconnu se montrait… compatissant ? Le français passa de l’étonnement à l’effarement. Les loups ? Quels loups ? Il cligna plusieurs fois des yeux captant le quart de la moitié de ce qu’il continuait à lui raconter. Des loups garous ? Comme dans les légendes ? Mais… Il n’y avait même pas pensé avant. Après tout, s’ils existaient, si les vampires existaient… Mais alors Mary et tout le reste. Une meute, une meute de lycans ! Son teint déjà blafard vira carrément cadavérique. Cette nouvelle devrait le réjouir, lui qui avait cherché à mettre le doigt dessus depuis un moment. Néanmoins, il aurait le temps de prendre pleinement connaissance et conscience de cette découverte plus tard. Pour l’instant, il devait se re-focaliser sur ce qu’il devait traiter avec le généticien. Il plaça cette information dans un coin de sa tête et passa à la suite.

Le gouvernement ? Ils savent ? Ou du moins, ils ont des doutes ? Toute cette tirade lui ficha la migraine, elle le tirait au-delà de ses problèmes, au-delà de sa compréhension, elle amenait un niveau supérieure à son effroi, une autre dimension pour ses peurs les plus viscérales. Il avait besoin de nicotine. Il en avait besoin mais il ne pouvait pas dans ce bar. Pourtant, il fallait qu’il s’occupe les mains, ces mains qui tremblaient toujours malgré lui. Alors il joua avec son briquet, le faisant rouler d’une paume à l’autre. Il ne masquait pas vraiment le choc qu’il venait de prendre, il n’en avait pas la force. Hébété, il l’observa manquer de renverser son verre à terre. Lui aussi était perturbé mais qui ne le serait pas dans ce cas ? Le voleur appréciait qu’il ne le regarde plus car il avait extrêmement du mal à maîtriser son corps pour l’instant. Il risquait de se transformer d’un moment à l’autre s’il n’y faisait pas gaffe. Quel délire. Ça ne lui était plus arrivé depuis plusieurs années. Il devait être vraiment flippé. L’animal se sentait menacé, captif. Il suffoquait. Et il refusait de l’écouter, il refusait de fuir pour se préserver, ses instincts de survie se réveillaient sous cette forme. Mais ça n’était pas le moment. Puis son interlocuteur revint poser son attention sur lui et il fût forcé de taire ses spasmes inconvenants.

La question l’obligea à serrer ses poings et puis… Et puis, il lui offrit une lueur d’espoir. Faible mais… Bien sûr, il y avait pensé à cette solution. Mais qui ? Qui se chargerait de les réunir ? Qui se chargerait de cette lourde tâche ? Ce James ? Pourquoi pas ? En même temps, il devait se racheter et le Destin n’avait pas cessé de mettre des membres de son espèce sur sa route. C’était peut-être… un signe ? Houlà. Il devenait de plus en plus étrange. Camille Fontayn se mettrait à croire à la destinée et à ce genre de conneries ? Peut-être chercherait-il un prétexte pour croire qu’il allait s’en sortir et qu’il allait pouvoir se racheter ? C’était ça, assurément.

« Elle sait que nous sommes capables de nous transformer, ce que nous sommes quoi. »

Mais qu’aurait-elle pu savoir d’autre ? Les propriétés de son sang, il ne les connaissait pas. Après tout, ce n’est pas un sujet qu’ils abordaient quand ils se voyaient lui et elle.

« Je veux y croire à ce que tu racontes, croire qu’il suffirait de… Mais comment ? Comment ? Je nous ai vendu. Comment pourrais-je me racheter ? Comment pourrais-je encore approcher les nôtres ? Tu ne devrais même plus m’adresser la parole. James, je ne sais pas quoi faire. »

Tout refondit sur lui en peu de temps et « sa crise » revint de plus belle, tous ses membres commençaient à se convulser, prêt à laisser place à l’oiseau. Il se leva d’un seul bond et fonça direct sur les toilettes – l’issue la plus proche, sans pouvoir rassurer ou non son compagnon. Il se jeta sur le lavabo, content que personne ne soit là pour le voir. Il fit couler l’eau et s’aspergea abondamment le visage bien décider à reprendre le contrôle. Une fois qu’il maîtrisa à nouveau ses pulsions, il ferma le robinet et s’observa. Ce reflet ne lui renvoyait que sa médiocrité. Ca suffisait là. C’était fini. Il ne pouvait plus, il ne devait plus subir ça. L’étranger avait raison. Ils allaient devoir faire front…ensemble et se battre. Mais comment ? Le doute subsistait. Une montagne de questions l’ensevelissait et il ne parvenait plus à discerner les vraies interrogations des fausses. Il resta plusieurs minutes là à se calmer.

[HJ: j'ai écrit ça complétement en diagonale, tu me dis si il faut que je modifie et/ou continue <3 ]
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MessageSujet: Re: La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]   La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé] EmptyMer 10 Avr - 22:24

    Plus les secondes s’égrenaient, plus ma volonté de faire quelque chose pour… nous, pour notre espèce, s’affirmait, se concrétisait dans mon esprit. Je ne savais pas exactement quelle forme cela pourrait prendre, mais… je savais que nous devions réagir. Il n’y avait pas de risque zéro, et il n’y en aurait jamais, mais comme il n’y en avait pas, mieux valait se tenir prêt à se manger le bélier en pleine poire, plutôt que de l’attendre tout sourire comme nous l’avions toujours fait, à croiser les doigts pour qu’il passe au dessus de notre tête. Cam semblait mal à l’aise. Je le comprenais. J’avais beau essayer d’ignorer les signaux d’alarme qui émanaient de mon instinct animal, je ne pouvais pas totalement en faire abstraction, et à ce que je supposais il en était de même pour l’autre métamorphe. Fichtre… c’était tellement… déroutant. Mais nous devions tenir bon pour que je comprenne exactement tous les éléments que nos… ennemis ?, avaient entre leurs mains. Je ne pouvais pas me dérober. Ennemis… avions nous ainsi déterrer la hache de guerre ? Il avait suffi que l’un d’entre nous devienne le jouet d’une vampire pour que je me sente aussi… attaqué personnellement ? Oh, ce ne devait pas être que cela. Je me voyais dans la détresse de Cam, puisque je me voyais entrer dans ce gang, vers mes douze ans, parce que mes capacités physiques, même pas métamorphiques puisque je les cachais !, avaient attiré l’attention de « grands ». Je me voyais dans ce jeune homme qui ne semblait plus voir la lumière, tout au fond du gouffre qu’il était. Je serrais les poings sur le verre, qui manqua de se briser, ou était-ce mon imagination ?.

      « Elle sait que nous sommes capables de nous transformer, ce que nous sommes quoi. Je veux y croire à ce que tu racontes, croire qu’il suffirait de… Mais comment ? Comment ? Je nous ai vendu. Comment pourrais-je me racheter ? Comment pourrais-je encore approcher les nôtres ? Tu ne devrais même plus m’adresser la parole. James, je ne sais pas quoi faire. »

      « Tu es comme moi, Cam, nous sommes... de la même famille. Je ne te laisserai pas tomber... »


    Pourquoi… pourquoi était il si… Je voulus poser une main amicale sur son épaule lorsqu’il se leva d’un bond comme s’il était assis sur un ressors et se dirigea vers les toilettes. Pendant le bref instant où ma main l’avait effleuré je l’avais senti dans un état de telle nervosité qu’il m’avait semblé prêt à se transformer devant tout le monde, ce qui aurait été, cela va sans dire, une catastrophe. Je ne savais plus quoi faire. D’un geste de la main, je fis signe au serveur et je commandai un nouveau verre d’alcool, fort, le temps que Cam revienne. S’il revenait. Je songeai à tout ce qu’il m’avait dit, ce que j’avais conclu, ce que j’espérai. Une chose était sûre, je ne pouvais pas le laisser tomber. Une autre était certaine aussi, il avait réveillé en moi une volonté de… ‘sauver les métas’, similaire à ma période ‘sauvons les tigres blancs’, mais plus puissante. Je me sentais presque prêt à nous traquer, à faire tout ce que j’avais soigneusement évité de faire pendant des années, pour nous rassembler. Nous devions être des centaines en Ecosse. Des milliers en Grande Bretagne. Des centaines de milliers dans le monde. Au moins. Je l’espérais. Il fallait qu’on se connaisse pour qu’on sache que l’on existe. Il fallait qu’on se rassemble. Cam, Kate et moi étions les pierres d’angle de la communauté des métamorphes, j’en avais la conviction. Il fallait que l’on agisse, et Cam avait besoin de ça. Je voulais qu’il sache qu’il n’était plus seul, qu’il n’était plus le seul métamorphe écossais. Qu’il était… une petite voix me murmura à l’oreille qu’il avait vendu notre espèce, qu’il avait pactisé avec le diable, avec l’ennemi, qu’il avait… qu’on ne pouvait pas lui faire confiance en résumé. Je bus la fin de mon verre d’une seule traite, pour chasser cette pensée.

    Il avait besoin de moi. Et j’avais besoin de lui. J’agissais seul dans mon coin, espérant changer les choses en cassant une lamelle de microscope, mais en réalité je ne faisais rien. J’avais vendu les métamorphes autant que lui, même si je les avais vendus au niveau génétique. La Couronne savait que deux espèces se terraient parmi la population, et même si je mélangeais les pistes pour qu’ils ne croient avoir à faire qu’à deux sous espèces, ils avaient les données, ils avaient la base, et il ne manquait plus que le temps pour leur permettre de nous connaître mieux que nous même nous nous connaissions. Je tremblais comme une feuille en songeant à cela. Que disait-il ? Les vampires savaient juste que nous nous transformions. Point. Pouvaient-ils nous confondre avec l’autre espèce qui présentait aussi cette caractéris… Je me figeai. Mon instinct me criait de partir, de tout laisser, de me transformer discrètement et de me terrer dans un coin du bar le temps que le danger soit parti. Quelqu’un était entré, quelqu’un qui ne nous voulait pas du bien. Ou pas. Etais-je trop paranoïaque ? C’était une possibilité, mais il n’y avait pas de risque zéro, et je ne voulais pas prendre de risque. S’il y avait une chance, ou plutôt malchance, pour que quelqu’un d’antipathique nous ait trouvé, il ne fallait pas que je l’ignore. Je songeai à Cam, toujours dans les toilettes à ce que je pouvais voir. Je payai nos consommations à tous les deux d’un billet propre (entendez par là sans mes empreintes…), sur la table, offrant au serveur un très large pourboire, avant de noter une adresse e-mail sur un morceau de papier. Une adresse « poubelle », sans aucun lien avec mon nom. Une adresse que je comptais créer ce soir, dès que j’aurai mis les pieds en sécurité dans mon appartement. Je passai près des toilettes, longeant les murs en tentant d’avoir l’air naturel, et de me transformer en caméléon au passage. Devant la porte, je murmurai dans l’entrebâillement, en y jetant le mot que j’avais au préalable bien marqué de mon odeur. :

      « File. Démerde-toi pour filer. Mon instinct me hurle de me barrer. On se recontacte. Tu n’es pas seul… »


    Je rejoignis la porte de sortie aussi vite que je le pouvais, le plus discrètement possible, aussi, la peur au ventre, quelqu’un jouant avec mes tripes pour faire des nœuds avec. Je me sentais capable de me transformer en berger allemand tellement j’avais hâte de sortir de ce bourbier et je me contraignis au plus grand calme, faisant pour cela des exercices de relaxation que j’avais appris avec Kate, et une fois à l’air libre, je me fondis dans la foule, disparaissant entre les citoyens normaux.
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La nuit, tous les chats sont gris [Livre 1 - Terminé]
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