Le bras de Roxane rencontre celui de quelqu’un. Encore un peu désorientée, elle regarde le visage au bout du bras. Ses yeux mettent quelques secondes à faire la mise au point. Hayden. Son esprit fait des sauts dans tous les sens, passant d’une idée à une autre, ne parvenant pas à se fixer, et à réfléchir. Hayden. Où est-il ? S’en sort-il avec son père ? Elle tente de regarder vers le combat qui fait rage un peu plus loin, mais les paroles de l’autre Hayden lui font de nouveau changer de direction. Elle se concentre pour répondre à sa question.

« Ca va aller. Ne t’inquiète pas pour moi. Je … oui je devrai pouvoir … marcher »

Le loup commence à prévoir un plan pour emmener les jumeaux à l’abri. Roxane est concentrée sur ses paroles, tentant de garder ses pensées focalisées sur leur sens. Ses yeux sont fixés sur les lèvres qui s’agitent, et soudain se stoppent. *Que se passe-t-il ?* La renarde s’agite et se débat sous la peau de l’humaine. Elle s’inquiète. Elle veut savoir. La métamorphe se secoue mentalement. Il faut qu’elle sache ce qui se passe autour d’eux.

Elle tourne la tête pour se concentrer sur celui qui parle non loin. Celui qui quelques secondes auparavant tentaient de mettre la main sur les jumeaux, prêt à verser le sang de Roxane, ou celui de ses frères de meute. Il rend les armes. Il accepte de ne pas se battre contre eux. Mais pas question d’emmener les jumeaux hors de Wolfheaven. La métamorphe avait promis de les mettre en sécurité. Risquent-ils encore quelque chose ?

Roxane se tourne vers le centre de la pièce. Vers le combat à mort. Trois loups se livrent un combat sans merci. Trois ? Roxane est perplexe. Le combat devait être celui d’Hayden contre son père. C’est la tradition lupine. Le nouvel ulfric ne le devient que lorsqu’il a mit fin aux jours de l’ancien. Dans le sang, la violence, et les coups de mâchoire. Jonathan est à terre. Mal en point, de ce qu’elle peut voir à cette distance.

Soudain Isadora reprend forme humaine. Elle entoure le cou d’Hayden de ses bras, et s’approche de son oreille. Roxane ne sait pas ce qu’elle lui dit. Elle se contente de regarder, impuissante. Elle observe la mise à mort de celui qui a été ulfric, de celui qui a trahi la meute. Elle imagine la souffrance du fils qui doit arracher la vie à celui qui lui a donné la sienne. Elle entend ses pleurs, qui se muent en appel. Le hurlement qu’il adresse à la Lune, et à ses frères. Ce hurlement qui veut dire « je suis votre nouvel ulfric ».

La métamorphe ne réfléchit pas longtemps. Elle a compris. Et elle lui a assuré son soutien. Malgré la douleur qui fait encore tourner sa tête, elle se concentre, pour prendre cette forme qui lui a permis de rester anonyme pendant les années sanglantes. Le corps fragile de la rouquine laisse place à une louve au pelage brun. Et elle se joint au chœur de la meute. Elle chante son soutien au nouvel ulfric, et son deuil de l’ancien. Son cœur lui donne le tempo, et son âme les notes.

Tout s'est passé tellement vite que tu as encore du mal à comprendre. Tes iris ambrés parcourent chaque membre de cette nouvelle famille que tu pensais stable. Finalement elle ne valait peut-être pas mieux que l'ancienne. Mais tu regrettes cette pensée, aussitôt qu'elle apparait dans ton esprit tu la chasse avec violence et tu t'efforces de retrouver un minimum de clairvoyance pour suivre l'action et surtout pour te rendre utile à Isadora. Celle-ci n'est pas écouté tes gémissements craintifs, elle s'est dressée fièrement devant tous, réclamant la destitution de la Lupa et prônant une certaine fraternité. Tu as dressé les oreilles à son appel et tu y as répondu même si tu n'as pu empêcher une lueur de méfiance de passer dans ton regard. Ta louve criait au sang et était avide d'une certaine violence exutoire mais tu as su pour une fois magnifiquement ignorer son appel. Tu observes, tout semble s'être calmé, les esprits quelque peu apaisés se tournent à présent vers le seul combat qui importe réellement et qui va déterminer la direction que prendra le futur de la meute.

Isadora s'interpose encore, ta partie humaine compatis à sa douleur, elle voudrait lui apporter tout son soutien et aussi la rassurer. Cependant la louve sait que c'est un affront, que cette femelle ne peut se mettre ainsi en travers des traditions sans qu'il n'y ait de graves conséquences quant à l'autorité du futur Ulfric. Tu ne bouges pas, sauf lorsque ton mentor se fait une fois de plus repoussée, tu t'approches de cette louve que tu connais si bien, malgré tout tu ne sais pas comment la consoler alors tu restes un peu en retrait, analysant et cherchant à savoir si elle n'est pas trop gravement blessée. Puis vinrent les jappements des autres membres de la meute, cela ressemblait-il à des applaudissements ? A des encouragements ? Tu n'en sais rien et pour dire vrai tu t'en fiches. Tu quittes quelques instants Isadora des yeux pour suivre apeurée le déroulement de la mise à mort de ce qui fut un glorieux et fier Ulfric. Tu n'oses imaginer les sentiments du fils mettant à mort son propre père. Ton humanité pourrait en être dégoûté mais tu sais bien que c'est le cycle d'une vie de mâle dominant et tu ne t'en émeut que peu sachant ce que cet homme à présent si faible a fait à ton géniteur. Tu aurais pu lui demander réparation pour cette vie prise en vain, mais le châtiment exécuté par le représentant même de la justice lupine te suffit.

Un long silence, c'est ce qui suivi le craquement sinistre de la gorge, tu ne peux détourner les yeux de ce spectacle beaucoup trop violent pour toi. Tu es hypnotisée par l'horreur de la chose mais tu tiens bon, fièrement, pour prouver que tu n'as peur de rien et que tu es un membre digne de faire partie de ce clan. Un long hurlement jailli soudain de la gorge du nouvel Ulfric, asseyant ainsi sa position il réclame la fidélité de ses congénères tout en défiant n'importe lequel des concurrents a tenter sa chance. Tu ne bouge pas, observant tout les loups hurlant à sa suite. Tu voudrais en faire de même mais une absence soudain flagrante te brise le cœur. Isadora est partie, sans bruits, sans sentiments, elle a tourné le dos à la meute pour s'enfuir dans la brume. Ton cœur se brise et tu te sens comme abandonnée par celle que tu considérais presque comme une mère spirituelle, un exemple parfois de la louve accomplie. Impuissante tu aurais aimé retrouver sa trace mais tu ne peux déroger à tes obligations, à tes responsabilités. Tu hurles donc, comme tout les autres, non sans regrets, mais pour l'instant ils sont encore ta famille, ton seul havre de paix.

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Il n'y avait plus de retour possible, Mary l'avait perçu à la seconde où Hayden s'était lancé contre son père. Isadora, toute exécutrice qu'elle soit était aveuglée par ses sentiments envers le loup. Elle était tout bonnement pitoyable. Mary avait réussi à ramener le calme et le loup en face d'elle semblait ne plus faire attention aux jumeaux mais regarder le combat qui opposait les deux titans, le père et le fils. Hayden en sortirait brisé, tout le monde en avait conscience. Mais il avait fait son choix et personne ne pourrait se mettre en travers de son chemin, pas même sa compagne. La Lupa jeta un coup d'oeil à Roxane, s'assurant qu'elle n'était pas blessée gravement. Elle lui adressa un sourire de remerciement ainsi qu'à Irving qui lui était fidèle. Le temps semblait ralentir alors que tout se déroulait très vite. Elle savait que l'issue déterminerait l'avenir de la Meute toute entière. Si Jonathan voulait réellement évincer Mary, chaque loup devrait choisir entre sa fidélité envers la Lupa ou l'Ulfric. Est-ce que l'exécutrice en avait conscience ? Absolument pas. Et Mary n'avait pas beaucoup d'illusion sur son choix si on lui proposait Jonathan ou elle-même. Elle ne méritait pas son poste. Elle était faible, à pleurnicher sur son mâle tandis que lui prenait ses responsabilités. Naturellement, Mary ressentait toute l'horreur de la situation, elle n'allait pas dire qu'un parricide était quelque chose de normal. Mais Hayden montrait l'étendue de sa dévotion envers la Meute, tandis qu'Isadora, elle, tirait les couvertures de son côté pour conserver son compagnon, rien de plus. Et le fait qu'elle défie sa Lupa venait probablement du fait qu'elle savait qu'Hayden serait sien s'il remportait le combat.

La Lupa observait le combat, le cœur battant. Tout n'était que fourrure sanguinolentes, éclairs blanc de crocs et griffes. Il devenait difficile de distinguer les deux combattants, enlacés dans une étreinte mortelle. Mais Jonathan commençait clairement à être en difficulté. Il s'effondra au sol, adressant un regard déchirant à son fils qui allait bientôt devenir son bourreau. En quelques secondes, tout fut terminé. Le claquement des mâchoires d'Hayden rompit le fil léger qui retenait l'ancien Ulfric à la vie. Tout était fini et Hayden était leur nouveau chef. Le choc fit planer un long silence autour du survivant, qui portait sur sa fourrure et dans sa gueule le sang de celui qui lui avait donné la vie. Mary resta silencieuse, contemplant Hayden. Oui, grâce à lui, la Meute avait éliminé le traître et retrouverait sa cohésion. Il le fallait. Les vampires n'attendaient qu'une petite dissension, qu'une faiblesse pour les anéantir.

Alors qu'Hayden pointait son museau vers le ciel, Isadora tourna les talons et se planta devant elle. Mary plongea son regard dans le sien tandis qu'elle lui adressait ses menaces ridicules. Mary sourit, d'un sourire cruel et pervers :

Une menace, hum ? Tu n'auras pas besoin de venir me chercher, chienne. Je viendrai moi-même régler mes comptes avec toi. Sache que je n'oublierai pas ton attitude de ce soir à mon égard. Fuis. Fuis loin. Très loin. Parce que je peux te promettre que si je remets la main sur toi, tu regretteras de ne pas être morte.

Lui adressant un regard méprisant, Mary détourna finalement la tête, ignorant ce cafard qui ne méritait pas son attention. Elle reporta son attention sur l'Ulfric qui chantait sa complainte, appelant ses frères à se joindre à lui si son autorité n'était pas contesté. Mary fut la première à se transformer et, pointant son museau vers le ciel, elle fit entendre une plainte langoureuse et longue. Elle reconnaissait l'Ulfric et se plaçait sous sa suprématie. Le sacre du nouveau chef était célébré. Maintenant qu'apporterait l'avenir ?

[TERMINE POUR MARY]