Le trépied d'une destinée [Livre 1

Le trépied d'une destinée [Livre 1 - Terminé] Angiebumliac_vd2d_009

Augustus King & Laura Willoughby

Il y a des semaines que Laura enchainait les jours banals et sans surprises dans la peur d‘une menace ultime. Elle avait été avertie que leur puissant maitre Augustus King était à sa recherche. La rumeur racontait volontiers, à qui voulait bien l‘entendre, qu‘ il la cherchait. Il avait, apparemment, eu vent d’une certaine anecdote de son passé. Ce moment qu’elle avait toujours estimé libérateur était sur le point d’éclater pour en faire la victime de ses souvenirs. Elle avait toujours craint cet instant et il s'installait doucement dans sa vie si tranquille. Prise au piège dans les toiles de cette araignée l‘enroulant lentement pour en faire son repas, elle s’accrochait à l’illusion de sa continuité existentielle.
En effet, un jeu où nous saurions à l’avance le vainqueur était sur le point de commencer. Le tambour de la mort résonnait plus fort, la cloche de l’enfer prévenait sa perte, l’écho de cette radio infernale parcourait les ondes de son cerveau. Elle n’avait d’autres choix que d’y remédier, au moins la débrancher un cours instant pour ne pas céder à la panique de cette incertitude.

Depuis toujours, la jeune femme était littéralement fascinée par l’art, elle décida de prendre la route en pleine nuit direction la National Gallery of Scotland. Paradoxe pour un suceur de sang, elle avait garder cet instinct artistique qu’elle avait travaillée durant sa vie humaine. Les émotions, marionnettistes de cette race dominant la Terre, lui manquaient, elle ne s’était jamais remise à créer de la beauté.
Elle se souvenait plus particulièrement d’une œuvre qu’elle eut la chance d’exposer lors d’un festival de jeunes créateurs. Certains musiciens, d’autres comédiens où encore peintres, sculpteurs… Des artistes inconnus venaient des contrées les plus lointaines afin de partager un imaginaire commun à tous. L’art abstrait était son point fort.
La création dont je vous parlais plus tôt, tenait son inspiration de sa propre vie.
N’ayant pas les moyens pour du matériel sophistiqué, elle s’était servie de papier transparents de plusieurs couleurs assemblés et mélangés puis exposés au soleil. Ce tableau censé représenter les émotions en général, une sorte d’âme dénuée de paroles transmettant son langage par les rayons et les couleurs. Elle se souvenait encore que ce jour avait été d’une importance capitale pour son évolution d’avant.

Dorénavant, cela lui semblait bien loin et elle patientait dans l’attente du destin. Elle entra donc par effraction dans cette galerie, sans doute nostalgique de son innocence perdue. Elle pris le temps de regarder, d’analyser et même de critiquer tout ce qu’elle observait. Mieux valait s’occuper le plus longtemps possible avant de s’en remettre aux bras du sombre futur qui se profilait...
En pleine distraction devant un tableau représentant la première guerre d’indépendance du pays, où le roi Robert Bruce illustrait son centre, elle fût parcourue par un détonnant frisson. Elle guetta les horizons de l’immense pièce décorée, parcouru les entrées du coin de l’œil avant de partir à la recherche d’un endroit éclairé et sécurisant. L’effroi refaisait surface et le bruit de ses talons s’accentuait rapidement à l‘intérieur du bâtiment. La belle trouva une fenêtre où la lune pouvait renforcer l’éclairage. Essoufflée et affolée par cette excitation soudaine, elle s’accroupit dans l’attente des évènements.

Ce fameux King, elle ne le connaissait pas. Elle savait juste qu’il tenait quelques rênes du règne des vampires mais à savoir lesquelles exactement, elle n’était pas la mieux placer. Willoughby ne s’était jamais renseignée sur les origines de sa race, sur leurs agissements où bien leur but. Seul son existence avait de la valeur à ses yeux. Egoïste de son propre bonheur, bien que généreuse envers ceux qu’elle aimait, elle regrettait de ne pas s’être impliquée d’avantage. Maintenant que la situation s’en trouvait bouleversé grâce à ses congénères, elle n’avait pas le choix que de plonger dans cette piscine emplie de trahisons et de rapports de force. Elle allait prendre part à l’aventure de l’histoire du monde bien malgré elle. La conséquence de cette action la paralysait et malheureusement, elle était sur le point d ’y gouter.
Une silhouette s’avançait nonchalamment en sa direction. Ignorant le visage de cet homme imposant, elle se leva, essaya de transpercer le regard de celui-ci avec le sien mais pas moyen d’y parvenir; l‘éloignement et l‘ombre très présente l‘empêchait de parvenir à ses fins. Elle saisit rapidement le joint roulé dans la soirée se trouvant à l’intérieur de la pochette de son sac brodé à la façon des années cinquante. Les chaussures soignées de cet homme s’avançaient, elle eu le temps de tirer quelques taffes de sa drogue et les rayons de l’astre nocturne vinrent enfin à découvrir les traits de son interlocuteur…

Quand la nuit me voyait sortir de mon manoir, c'était presque invariablement pour une raison simple. Je devais traiter avec un vampire. C'était le cas ce soir. Une vampire même, pour être plus précis. Une jeune femelle, qui n'avait pas le dixième de mon âge. Elle aurait pu être fragile et inutile, mais je la savais dotée de formidables capacités. De là à faire le rapprochement avec un éventuel pouvoir d'immortel, je n'en savais rien encore. Mais je savais me ménager des opportunités avec ce que la vie laissait sur ma route, et il me semblait clair qu'on ne pouvait pas faire machine arrière dans ce genre de cas. Je voulais le pouvoir, et je disposais de toute l'éternité pour l'acquérir. Je n'avais donc pas à lésiner sur les moyens à employer pour gagner le moindre petit avantage. Que pouvais je faire d'une catin vampirique? On aurait pu croire que ce genre de personne ne présenterait pas le moindre intérêt pour moi. Mais le sexe avait toujours eu un pouvoir de corruption plus certain que l'argent, car plus absolu. Je pouvais jouer de ça, avec une putain à mon service. Et je savais que je pouvais faire des offres qui ne se refusaient pas; un serviteur qui n'a pas le choix et qui a des choses à perdre est toujours plus utile qu'un simple esclave terrorisé par l'ascendant qu'on prend sur lui. Je n'allais cependant pas la jouer particulièrement fine ce soir, je savais déjà ce qu'il me fallait pour mener à bien ma tâche. Merci à mes informateurs, qui étaient partout. Informaticiens de ma société Tru Blood. Petites frappes des bas fonds des grandes métropoles. Anciennes connaissances humaines ou vampiriques. Alliés. Dealeurs de V. J'avais tant de contacts, qui eux mêmes avaient leurs propres contacts, que je n'aurais sans doute aucun mal à savoir n'importe quoi sur n'importe qui.

On avait commencé par me parler d'une catin de luxe, qui vendait ses services à prix d'or. Seuls les humains les plus riches pouvaient se l'offrir. Seuls les vampires les plus puissants pouvaient se permettre de côtoyer cette beauté vénale. On m'avait ensuite dit que sa clientèle était plus fidèle qu'à quiconque d'autre. Je me demandais s'il y avait là talent sous jacent, et ma curiosité avait été aiguisée. J'avais longtemps cherché des moyens plus doux et plus subtils pour détruire et corrompre, que la force et la ruse dont j'usais habituellement. Peut être que j'en avais enfin trouvé un. Alors, j'avais investit un petit pécule dans la découverte d'informations. Disparition suspecte, libertée retrouvée, libertinage... J'avais compris la totalité de l'histoire, pour le peu que je me sois mis à y réfléchir. Un bon moyen de pression donne toujours plus de résultats que la brutalité aveugle. Alors, j'avais demandé à ce qu'on la suive. Chose faite. Je savais où elle se trouvait, et j'étais en route. Je ne suivais pas les traces olfactives que son parfum avait laissé derrière elle. Je me hissais par une fenêtre, prenant mon élan. Je n'eus pas besoin de briser la vitre et de provoquer une alarme. Passer par le toit était plus facile. En quelques minutes, j'étais à l'intérieur. Je suivais son odeur, et finit par sentir une présence. Je n'eus qu'à me rapprocher un peu plus de l'endroit pour voire une délicate silhouette féminine pour reconnaître une jeune femme d'apparence sensuelle, ma vision de nuit me permettant d'y voir comme en plein jour. Je m'avançais de quelques pas, restant prudemment dans l'ombre. Je savais qu'elle avait pris conscience de ma présence, tout comme je sentais son intérêt pour moi. Elle devait avoir sentit ma vieillesse et ma puissance. A moi de jouer là dessus. J'entamais la discussion d'un ton solennel, et mystérieux. Sans la moindre émotion.

Bonsoir, Mademoiselle Willoughby. Puis je vous appeler Laura?

Je n'avais pas besoin de son autorisation, et voulais bien le lui montrer.

Je pense que vous vous doutez peut être de mon identité. Augustus King. Je suis votre roi. Et je suis venu pour vous, ce soir.

La jeune femme au tempérament de feu ne fît guère surprise de cette visite tant redoutée. Elle s’y attendait mais ne s’était jamais attardée à imaginer la scène. La peur parlait et son esprit perdait de sa vivacité. Elle se trouvait là, prise au piège, tel un rat traqué par le félin. Le présent devenait son ennemi, elle n’avait jamais connue pareil rencontre. Ses amis, lorsque ceux-ci se montraient sincères, lui avaient conseillée de se faire discrète et prudente mais tout au fond de sa conscience, elle savait pertinemment qu’il la retrouverai un jour ou l’autre malgré ses efforts déployés. Il aurait fallu fuir en Alaska ou dans une autre contrée perdue et se faire oublier du monde. Laura en était incapable, ses intérêts la guidait et si disparaitre se serait avéré efficace, elle en aurait payée le prix, bien trop élevé pour agir de la sorte. La perte de ses clients, de ses amis, de sa vie si jouissive, décidemment non; mieux valait affronter la punition.
Le vieux vampire envahissait l‘espace. Son assurance et son charisme lui coupait le souffle, bien qu‘elle n‘en avait pas. Sa réaction fût des plus respectueuse, son comportement devait être irréprochable. Alors, elle pourrait essayer d’atteindre sa liberté, se libérer de son emprise. Laura ignorait encore ce qu’il lui voulait, elle savait que ses hommes de mains la recherchaient mais pour quelles raisons? Elle en avait bien une petite idée mais cela restait à prouver. Son créateur, celui qui lui donna une deuxième fois la vie, celui qui lui avait tant appris sur sa race, celui qui lui avait fait tant subir à la fois, celui qu’elle avait assassinée… L’accident de voiture devait la protéger des ragots sur sa mort mais il n’en était rien, elle ne parvenait pas à berner sa famille. Elle avait pourtant déployée toutes ses forces en ce mensonge mais les vampires n’étaient pas dupes.

Elle fixa son regard, ces yeux si menaçants et charmeurs à la fois. Elle lui trouva une beauté presque inégalable. Son pouvoir en était surement la cause. Elle avait toujours était appâtée par la puissance, par ces êtres influents, manipulateurs et si intelligents. Elle les enviait et d’ordinaire elle mettait tout en œuvre pour profiter de la situation.
Aujourd’hui, il n’en était rien et les rôles s’inversaient. Elle subissait son grade et sa jeunesse comme tous les autres nocturnes. Elle qui avait si bien échappée à cette terreur allait y gouter prochainement. Il faut, à un moment ou un autre, répondre de ses actes et accepter les règles. L’obligation la tenait.
Il prit la parole et elle s’exécuta. Willoughby s’accroupit, un genou à terre, les yeux au sol. Elle saisit sa main si virile et l‘embrassa sur le dessus.

« Effectivement mon roi, j‘ai sentie votre présence ces jours derniers. Je vous appartiens et vous voue un culte sans pareil. C‘est un honneur de vous rencontrer.
Un être aussi insignifiant pour votre personne ne peut être que flattée de votre déplacement. »

Jouer à l’élève modèle, elle savait faire. La crainte des représailles tiraillait toujours ses entrailles. Esclave de son passé, il fallait recoller les morceaux. Comment pouvait t’elle s’y prendre? De quoi avait t’il envie ce soir, sa mort ou ses services? L’insignifiance de son existence pesait dans la balance et cela avait le don de la rendre totalement perdue face à Augustus King. Sa présence l’impressionnait bien qu’elle en était fier. Elle voulait tant participer au mouvement vampirique, faire partie de l’aventure, avoir de la valeur aux yeux de ses congénères… Elle était servie, s’en était sûr, mais à quel prix?
Elle décida de tenter une approche cordiale.

« Au risque de vous paraitre prétentieuse mon roi, puis je vous proposer mes atouts? »

Intimidée, elle s’interrogeait et tournait autour du pot, histoire de faire durer la sentence. Peut être aurait t’elle mieux fait d’attendre la suite des évènements avant de prendre la parole. De toute manière, on ne pouvait revenir en arrière donc elle assuma cette dernière réplique avant de se relever et faire face à celui qu’elle craignait tant.…

J'espérais que mon ton solennel annonce correctement la couleur de ce qui se passerait ensuite. En tous cas, il ne me fallut que très peu de temps pour me rendre compte qu'elle était subjuguée par ma présence. Sans doute était ce la première fois pour cette jeune vampire qu'elle se retrouvait devant l'un des plus grands seigneurs de son espèce toute entière. Je ne m'avançais pas trop en disant qu'il était rare que telle présence soit accordée à un vampire de rang faible. En règle général, seuls les subordonnés directs aux shérifs et aux grands maîtres avaient l'occasion de voir ceux ci, et pas les autres. Cependant, je pensais aussi que la jeune femme me trouvait particulièrement puissant; il y avait comme une lueur révérencieuse dans son regard, une étincelle de désir à peine voilé. Je savais que la puissance était ce qui motivait cette catin de luxe; elle ne faisait pas son travail pour l'occupation que cela représentait ou pour l'argent. Non, elle n'était pas du tout comme cela. Ce qu'elle aimait, je l'avais compris, était l'ascendant que sa position lui permettait. Le côté pathétique d'hommes riches et politiquement responsables, pendus à ses basques. Cette sensation de soumission à ses charmes, comme si le monde tournait autour d'elle. Dès lors, j'avais eu l'assurance que la jeune nocturne rouge avait un prix, comme tous les individus ambitieux qui foulent la Terre. Elle avait envie d'avancer dans la société, et de ne pas se retrouver dans une position figée. Laura Willoughby était un jouet malléable entre mes mains expertes.

Alors, la vampire tomba à mes genoux en une position pleine de respect et de déférence. Elle était véritablement impressionnée, bien que je me doutais qu'il y avait probablement une part de calcul dans cet acte de soumission. Elle me confirma qu'elle avait sentit ma présence les derniers jours, près d'elle. Avait elle la capacité de sentir le pouvoir des autres, ou était ce le mien qui devenait si prégnant que même une jeune femelle comme elle pouvait le sentir? Bien sûr, elle m'embrassa la main qu'elle prit entre les siennes. Sa peau me paraissait immensément douce et pleine de volupté. Sensuelle aussi. Tout n'était qu'artifices destinés à la séduction, mais je devais reconnaître qu'elle était plutôt bonne dans son domaine. Elle était désirable. Alors, il faudrait que je prenne garde à continuer de contrôler la situation de bout en bout. Laura força sans doute un peu le trait dans ses paroles, même si elle observait une déférence quasi-religieuse à mon égard. Bien entendu, cela n'était pas pour me déplaire. En plus de savoir se montrer physiquement attirante, elle avait apprit à séduire par ses paroles. Je comprenais à quel point elle était redoutable, finalement.

Je suis heureux, jeune créature, que tu sois consciente de l'honneur que je te fais aujourd'hui. Il m'aurait été désagréable de constater que la célèbre catin de luxe que tu es ne connais rien aux bonnes manières.

Alors qu'elle se relevait pour me faire face, elle me proposa ses atouts. Sa phrase avait l'avantage de son côté d'avoir des sens multiples. Me parlait elle de ses services, ou plutôt de sa mise à mon service à proprement parler? Je n'en savais rien du tout, et me contentais un instant de la toiser le plus sérieusement du monde. Quitte à choisir, je répondrais aux deux propositions sous jacentes.

Je suis effectivement ici pour te mettre à mon service. Quant à tes atouts, peut être t'accorderais je un jour l'honneur de mes les montrer en privé. Oui, qui sait, peut être saurais tu être utile à ton maître de toutes les façons possibles et imaginables. Mais j'avais avant tout besoin de toi pour un travail. Un travail à temps plein, que tu feras à tes propres frais. Parce qu'ainsi, tu auras l'honneur et le plaisir de servir le roi que je suis, mais aussi parce que je sais comment la vie immortelle de ton créateur s'est achevée. Es tu prête à me faire cette faveur, ou dois je te menacer en cas de refus?

Les bonnes manières. S‘ils savaient ce par quoi elle avait dû passer afin d’apprendre ce mode de vie. Cela semblait bien loin maintenant mais c’était surement l’un des moments les plus ennuyeux de son existence humaine. La révérence, la posture, le pied droit devant le gauche formant la lettre V, l’apprentissage des nombreux couverts et le fameux baise main; le truc, effleurer la main de son prétendant sans la toucher. Toute une science pour un beau monde riant à gorge déployée du malheur des autres, ne se souciant aucunement du tiers monde où des conflits mondiaux. Ils vivaient dans le luxe et la paresse. Le plus souvent catholiques, ne pêchaient t’ils pas, justement? Elle s’était infligée cette peine afin de continuer sa quête du bonheur. Sa recherche d’une vie normale sans contraintes. A ce moment là, l’argent importait plus que sa propre vie, elle avait d’ailleurs connue celui qui deviendrait son engendreur lors d’une de ses leçons avec la maitresse de maison. Femme noble et ignorante de la loi de la pauvreté. Elle cachait son jeu derrière ses sourires hypocrites et ses jupons. Tous les soirs, elle retrouvait celui que Laura assassinerait par la suite afin de se livrer à une débauche sexuelle incroyable. Alors qu’elle se baladait dans les couloirs de ce somptueux manoir, une porte entrouverte et elle pu apercevoir ce qui lui sembla être de la pure démence à l’époque. Cette femme si respectée se faisait mordre par celui-ci, entre les cuisses, jusqu’à se faire saigner. Elle criait, encore et encore; mais ces cris n’était que plaisir et jouissance. La prostitué avait surmontée sa peur au lieu de prendre la fuite, elle était trop proche de ce qu’elle désirait, appartenir à ce monde tout en or. Elle faisait bonne figure chaque jours qui suivirent jusqu’à ce qu’elle meurt pour enfin renaitre...

Willoughby observait son roi, elle épiait le moindre détail, le moindre geste de sa part. Que lui voulait t‘il réellement, pourquoi elle, pourquoi s‘intéressait t‘il à sa personne? Une si jeune beauté décédée lui importait t‘il vraiment? Les questions se bousculaient, s’entrechoquaient même, dans sa caboche. Elle fût tout de même soulagée et calmée après que celui-ci remarqua sa délicate politesse. Elle se soumettait par obligation, hors de question de disparaitre alors que sa vie de nocturne commençait à peine. Il ignorait ça, mais jouer les filles rabaissées et brimées elle ne connaissait pas vraiment. Une première expérience qu‘il fallait maitriser. Epée de Damoclès au dessus de la tête, prisonnière de son emprise, la panique s’accentuait, ses mains tremblaient et ses jambes devenaient lourdes mais elle faisait bonne figure. Elle avait tout de même l’honneur d’avoir à faire à cet être si puissant et la moindre des choses était d’en tirer une chance. On dit bien que la chance à son prix et justement, Augustus King, impitoyable vampire, alla directement au but. Il ne s’encombrait pas de paroles futiles, il l’examinait et énonça directement ce qu’il était venu faire ici, ce soir. Ses craintes étaient fondées, il savait tout à propos de son sombre passé et la menace se faisait plus présente. Il lui fît part de sa requête, elle eut un moment d’hésitation mais n’eut guère le choix d’y répondre positivement.

« Vous me faites honneur, cela va sans dire, mais je ne suis pas sûre de comprendre l’enjeu. Etes vous certains de vouloir accorder votre confiance en un vampire si jeune et, sans doute, moins efficace que certains autres? »

Elle se rendit vite compte de l’audace de son interaction. Soit il lui répondrait, soit il s’énerverait face à cette curiosité mal placée. Elle ne le connaissait pas le moins du monde, à part les oui dires, et elle n’avait pas la moindre idée d’où cette aventure allait l’entrainer. Elle renchérit pour ne pas être mal comprise de son interlocuteur.

« Quelque soit votre requête, je m’y emploierai, n’ayez aucun doute là-dessus. Je suis quelqu’un de déterminer, vous devez le savoir, et je ferais tout pour vous rendre heureux mon roi. »

Et hop, lécher les bottes par ci par là, elle savait faire, elle en était reine. Son regard pénétrait le sien, elle apitoyait les hommes de part son charme et de plus elle allait dans son sens, se pliant à ce qu’il voulait surement entendre. Laura attendait avec impatience sa mission toujours aussi peu sûre d’elle. Paradoxalement, elle sentait la joie d’être enfin repérée par un personnage si important. Peut être qu’avec le temps, elle pourrait y trouver ses grâces et même trouver une place au sein de cette hiérarchie si bien ficelée qu‘aime tant les vampires. Rêve ou réalité, elle se posait la question mais ses espoirs s’amplifiaient et elle jubilait devant cette idée utopiste.

Je faisais tout mon possible pour faire sentir chaque fibre de mon pouvoir sur le corps de la petite Willoughby. Il me restait plusieurs choses à découvrir à son sujet, mais je ne pensais pas que ces petites zones d'ombre pourraient vraiment gêner les missions que je comptais attribuer à la jeune vampire. Au contraire même, sans aucun doute. J'étais impatient d'en savoir plus à son sujet, pour plusieurs raisons. D'un côté, parce que le savoir caractérisait la forme de pouvoir la plus omnisciente à notre époque. Finies les grandes guerres, ou même l'argent. On pouvait détruire la vie et la mainmise de l'homme le plus riche sur Terre si on savait que le bon monsieur trompait sa femme dans de violentes orgies sado-masochistes. Détruire quelqu'un était devenu le seul moyen de s'attaquer aux grands industriels, aux financiers, ou aux politiques. Le sexe, la drogue, l'amoralité quelconque, toutes ces petites choses si personnelles de la vie pouvaient conduire n'importe qui à la déchéance la plus totale. C'était de ce type d'arme que je comptais désormais détenir et utiliser sans la moindre retenue. Car si les vampires étaient d'une moralité et d'une éthique plus que douteuse aux yeux de leur propre bétail, je savais que détruire une réputation était souvent la chose la plus terrible qui puisse arriver à mes congénères. Et je pourrais toujours la retourner contre les humains bien entendu, ce qui m'intéressait parfois tout autant, quand ces animaux étaient trop protégés pour une attaque trop directe, trop frontale.

Je n'eus pas à insister pour la faire plier. Je sentis le doute s'immiscer en elle, comme une forme de retenue, que je pouvais assimiler à une espèce de panique succinte et mentale. Elle savait que je savais; je n'avais pas pris d'embarras pour cela. Les choses étaient claires et posées, je savais qu'elle n'avait pas le choix, et j'étais convaincu que la vampire l'avait compris elle aussi. Je savais qu'elle se plierait à mes volontés, je sentais aussi de l'ambition en elle, et un fabuleux désir de puissance. Bien sûr, cela ne pouvait pas toujours renverser l'égo, la fierté, voire même un sens de l'honneur exacerbé. Mais j'avais confiance. Personne ne pouvait me résister bien longtemps, ce que je ne pouvais prendre par la discussion et la domination verbale, je l'avais par la force brute et la persuasion forcée. C'était donc à Laura de choisir ce qui lui conviendrait le mieux, et je lui faisais confiance dans le sens où étant prostituée, elle savait forcément où était son intérêt si elle ne voulait pas voir s'abîmer son outil de travail. Bien entendu, quand la nocturne rouge accepta finalement ma proposition après un moment, elle émit de subtiles réserves que je sus relever, mais il me semblait aussi que ma proposition ne la faisait pas tant déchanter que cela. Sans doute était ce dû à cette ambition que j'avais pu ressentir chez elle un peu plus tôt. Je souris doucement, d'un air satisfait et sûr de moi même.

Comprendre l'enjeu est optionnel. Seul compte l'accomplissement de la tâche que je compte vous attribuer à l'avenir. Je ne place pas ma confiance directement sur votre bonne foi et votre volonté en elles mêmes. Par contre, je place ma confiance et mes attentes en vos capacités, et surtout votre habileté à imaginer ce qui pourrait vous arriver si le désappointement serait le fruit que je retirerais des tâches que je vous attribuerez très vite. Disons que j'ai donc confiance en vous alors, en quelque sorte.

Juste ensuite, la jeune vampire me fit part de sa volonté à me servir. Je ne doutais pas de ça, et sa dernière phrase me fit tiquer. Me proposait elle directement ses services de prostituée de luxe? Je n'en savais rien, mais je n'étais pas pour marquer une nouvelle maîtresse en ce moment. Certes, cette nouveau-né était appétissante, mais Krystel devait déjà assumer ma position vis à vis de Suzy, une petite humaine qui me distrayait. Il était temps pour moi de rentrer un peu plus dans le vif du sujet.

Vous feriez tout pour me rendre heureux, vraiment? Peut être une autre fois, quand vous aurez honoré votre roi. En attendant, je vous charge de plusieurs missions. Vous allez surveiller pour moi plusieurs personnes. Des hommes, humains et vampires. Vous allez les approcher, et vous rendre indispensable auprès d'eux. Me dire tout ce qu'ils disent et font. Je veux tout savoir d'eux. Leurs noms sont Leopold d'Aubuisson, Nikos Panapopoulos et William Raybrandt. Bien sûr, votre mission doit rester secrète à tous...

Magnifique complexité, subtil mélange et un poil mystérieux. Cet outil utile à toutes créatures, l’énigme du cerveau. Depuis des siècles on le juge vital et pourtant une infime partie de lui nous sert réellement. Pourquoi ne pas satisfaire les possibilités infinies de cette création perplexe? En effet, la question restait entière depuis des siècles, depuis que l’homme découvrit la science. Laura n’apportait que trop peu d’intérêt à la race humaine et pourtant il lui arrivait de se poser ces quelques questions existentielles. Certains nocturnes rouges saisiraient n’importe quelles opportunités pour enfin se libérer des inférieurs, les faire disparaitre à jamais; mais la blondinette, lors de ses soirées mortelles, se laissait aller à la réflexion que sans ces misérables, les vampires ne valaient pas grand-chose à vrai dire. C‘était bien grâce à eux s‘ils avaient leurs nombreuses connaissances du monde actuel, c’était bien grâce à leurs savoirs multiples qu’ils avaient pu enfin se révéler à eux depuis peu, sans compter sur leur sang si crucial à leur existence, non? Bien sûr, la prostitué voyait les choses avec les yeux de son jeune âge, mais elle se jugeait véridique sur ce point. A vrai dire, elle estimait que son point de vue devait rester confidentiel puis qui s‘intéressait vraiment aux pensées des péripatéticiennes? Elle savait pertinemment que son grade lui valait le statut d’une vulgaire bête en soif de pouvoir et de liberté mais puisque sa nature profonde la guidait sur cette voie, même si parfois dangereuse, elle se vouait toute entière à son instinct, elle avait foi en elle et personne d’autre.

Elle savait l’importance de se fondre dans la masse. Elle connaissait les tuyaux pour se faire acceptée et capter l’intérêt afin d’en tirer profit. L’estime que l’on pouvait avoir d’elle lui était égal, du moment où elle arrivait à ses fins. Qu’il soit roi, reine ou simple bouffon ça ne l’effrayait plus désormais. Augustus afficha un air détendu et satisfait, il avait suffit que celui-ci se montre confiant, malgré ses quelques réserves à son sujet, et le tour était joué. A présent, elle se sentait pleine de confiance et de certitudes, mise sur un piédestal qu’il élevait en personne. C’était incroyable comme elle pouvait changer du tout au tout aussi bien en apparence qu’en son moi intérieur. La menace revint sur le tapis une nouvelle fois mais elle ne craignait plus le moindre geste de sa part; pour la soirée en tout cas. Epreuve passée avec succès, cette rencontre qu’elle craignait tant quelques minutes plus tôt se déroulait plutôt bien. Les dernières répliques de King laissaient supposer qu’elle lui servirait simplement d’outil. Un vulgaire marteau enfonçant les clous de la future demeure de celui-ci. Elle s’en fichait, elle en était persuadée dorénavant, elle allait jouer dans la cour des grands et un jour ou l’autre, elle serait en position de lui dicter sa conduite. Folle d’ambition démesurée, elle se laissait aller à ses doux rêves de gloire et de puissance… Ces pensées eurent pour effet de lui remplir le regard d’un néant certain, elle se ressaisit rapidement, avant que son hôte se rendent compte qu’elle dispersait son attention.

Elle affronta les yeux charmeurs de celui-ci et continua d’endosser son rôle de servante fidèle et dévouée. Malgré ses espoirs égocentriques exacerbés elle l’admirait de son être tout entier, elle n’avait pas le moindre mal à se montrer intéressée par la proposition. Quand bien même piquée par la curiosité de cette requête, elle comprenait la décision du roi, ne pas s’attarder sur son but ultime. Légèrement frustrée face au rejet de ses avances, elle se dandina trois pas sur la droite avant de revenir à l‘endroit ou la lumière lunaire éclairait son teint pâle. Elle s’amusait à créer l’effet de la beauté en passant délicatement sa main dans ses cheveux soyeux et lui expliqua calmement ses ressentis.
Ses délirantes envies correspondaient parfaitement à cette demande sous pression mais elle y trouva à redire tout en argumentant. De plus elle ne connaissait qu’un tiers des personnes citées présentement et on ne lui avait jamais confié tant de responsabilités à la fois.

« Je vous le redis, je servirai votre cause, quel qu’en soit le prix mais avez-vous réellement confiance en mes talents pour répondre à toutes vos attentes? J’en serai flattée, croyez moi, mais n’est-ce pas prendre trop de risques de votre part? Je sais ce qui m’attends si j’échoue mais tout de même, vous me semblez bien sûr de vous pour le coup. »

Le bluff emplissait ses paroles. Willoughby avait assez confiance en elle pour savoir que la réussite, elle l’a tenait au bout de ses doigts mais un problème survenait. William Raybrandt. Le fils de celle qu’elle enviait. Femme qui était le puits de ses fantasmes, la bise de son inspiration. Elle l’admirait peut être plus que son roi. La prostitution de luxe ne représentait t’elle pas d’ailleurs le fait de pouvoir être maitresse de tous ses clients mâles, sa faiblesse était peut être le simple fait qu'une femme puisse atteindre tant d'importance?
Bref, elle prenait l’avantage de la situation simulant cette dévotion et ses craintes s’envolaient peu à peu. Elle pouvait maintenant s’en remettre au destin laissant transparaitre une panoplie de possibilités. Une seule tâche au tableau, elle rentrait dans le jeu et Laura ne pouvait plus commettre la moindre erreur où elle serait amener à disparaitre. La réflexion était de mise et celle-ci s’annonçait intense et emplie de manipulations. Elle voulu ajouter un petit détail sur la répression dont il usait comme un maitre mais décida d’en rester là, attendant la suite des directives.

J'avais affaire à une grande ambitieuse, j'en étais maintenant persuadé. Il me semblait clair et net que la jeune femme, ou plutôt la jeune vampire, était bouffie de rêves et pétrie d'ambitions. Elle voulait s'élever, et les effets de me menace avaient majoritairement glissé sur elle. La méthode de la carotte et du bâton n'était pourtant pas mauvaise pour faire avancer Willoughby. La menace n'avait eu pour l'instant qu'assez peu de prise sur elle, mais il me semblait clair et certain que la carotte, c'est à dire la récompense promise, l'avait plus que jamais alléchée. Elle en voulait plus. Elle voulait sa place chez les vampires, et j'étais sans doute le seul à pouvoir lui épargner la pénible ascension par soi même en se faisant reconnaître d'abord par une hiérarchie subalterne. Je savais comment ça se passait pour tout autre vampire que moi, qui voudrait grimper les échelons. C'était toujours le même schéma qui était reproduit. Il me semblait que l'on ne pouvait pas passer à côté. Elle aurait probablement dû tenter un de ses shérifs, coucher avec lui ou elle pour avoir ses faveurs. A partir de là, elle aurait pu se voir confier quelques missions ou des tâches relativement simples. Mais il me semblait tout aussi clair qu'elle aurait dû ensuite reprodurie le même genre de schéma avec les grands maître. Probablement tuer quelques uns de ses congénères, et de plus en plus au fur et à mesure de son ascension au pouvoir. Beaucoup de vampires se risquaient par tradition à ce genre d'emploi et tout autant à comploter contre leurs aînés et leurs supérieurs hiérarchiques, mais l'immense majorité finissait par mourir dans d'atroces souffrances une fois que leur petit manège était révélé.

Je vis la jeune vampire s'éloigner doucement de frustration alors que je refusais ses charmes. N'avait elle pas compris que les récompenses devaient se gagner en ce monde? Je n'en savais rien du tout, mais elle semblait frustrée. J'étais satisfait. La frustration était un puissant moteur, surtout quand il était couplé à l'ambition. Je me sentais tout prêt à la mettre totalement sous mon emprise. Quand j'y repensais, c'était une période plutôt faste pour moi en ce qui concernait le nombre de serviteurs qui se rangeaient sous mon emprise. J'avais affilié Krystel à mon service, plus que jamais. Jana, sa pupille, m'était à son tour toute dévolue. Sans compter tous les autres, nombreux, que j'avais pu croiser et subjuguer sous ma puissance. Oui, la foule de mes suivants se faisait plus dense de jour en jour, et on ne pouvait certes pas dire que j'étais dans le besoin. D'autant que les perspectives futures étaient radieuses. Laura corrompra par le sexe ceux qui seraient prêts à me trahir. Jana s'occupera de se faire ses dents de nouvelle née sur le coup de mes opposants, tandis que Krystel maintiendra tout ce petit monde au calme. Oui, décidément, ma puissance ne serait jamais aussi grande qu'à cet instant, tant que je ne mettrais pas mes plans de conquête à exécution. Je devais cependant signaler, de façon plus terre à terre, que la prostituée, sa sensualité, m'explosait au visage alors qu'elle roulait des fesses en s'éloignant, pour finalement me revenir. Laura me demanda si j'étais bien certain de moi. Je faisais un signe lui signifiant le silence. Ne pas mettre ma patience à rude épreuve serait sans doute déjà pas mal, si elle voulait monter dans la hiérarchie, sans même parler de rester en vie.

Je suis le roi. Je suis votre maître, à vous, et à tous ceux qui sont frappés de la malédiction de la non-vie. Ma parole doit vous suffire. Si ce n'est pas le cas, votre existence ne tiendrait plus qu'à un fil, très chère. Je n'admets pas la remise en question de mes ordres, aussi ténue soit elle. Alors taisez vous maintenant, et obéissez simplement.

Je m'approchais d'elle, restant à quelques centimètres de son corps.

Vous commencez ce soir. Si vous choisissez de vous en prendre à Raybrandt en premier, redoublez de prudence. Je ne veux pas que sa mère soit au courant de ce petit arrangement entre vous et moi. Il en va de votre vie. Et vous devrez la jouer d'autant plus fine que William est maintenant promis à Jana Pfeiffer, la descendante de ma lignée, tout comme lui. Et si l'affection ne les lie pas tous les deux, il est clair que l'honneur de la jeune vampire serait de vous combattre. A moins que ce ne soit Krystel qui s'en occupe. Alors, jouez la doucement, voulez vous. Avez vous des questions, sur vos nouvelles tâches?

L‘impertinence de Laura déplaisait à son roi. Elle n‘y pouvait rien, elle avait beau essayer de charmer ou encore de tourner ses phrases dans tous les sens pour que ses pensées ne soient pas prisent de manière insolente, cela ne fonctionnait pas avec Augustus King. Il la prenait de haut et elle n‘avait guère le choix que de s‘écraser face à la puissance de celui-ci. Un regard hautain, une classe certaine, une allure royale soumettait la pauvre petite créature qu‘elle était en réalité. Willoughby avait l‘impression qu‘il la cernait toute entière. Son ambition était certes très présente mais elle essayait de dénoter à la règle; elle aimait l’originalité de sa personnalité, ne pas ressembler à ses congénères, ne pas s‘agenouiller directement sans rétorquer ou encore tirer avantage de la situation mais la chose semblait plus difficile qu‘elle l‘imaginait. Il était là, plein de dénégation face à ce visage pourtant si ravageur. Un doute s‘installa en sa personne. Et si celui-ci décidait de lui retirer le si peu d‘importance qu‘il lui accordait ce soir? Ca en serait finit pour elle, s’en était sûr; et qui voudrait d‘elle si le roi en personne la laissait de côté. Désolante conclusion mais surement aucun autres nocturnes rouges. Elle se retrouverait seule avec aucun espoir d’exister auprès de ses frères et sœurs de la nuit.

Elle se calma donc et décida de réfléchir au moindre de ses faits et gestes à venir. Le temps n‘était pas à la plaisanterie ni aux loisirs d‘ailleurs, elle commençait à le comprendre. King prit le temps de la mettre en garde sur ses futurs agissements. Il lui déconseilla formellement d‘atteindre William Raybrandt par l‘atout de la séduction et encore moins par sa carte favorite, le sexe. Les relations semblaient complexes dans ce cocon familial. Krystel, femme admirable, mère de celui-ci et supérieur de Laura; son fils, promis à Jana, nouvelle vampire si importante et protégée de tous apparemment.
Décidemment, elle se dit que la chance n‘avait rien d’un atout au sein de son existence. Elle n‘avait jamais eu le privilège d‘être autant entourée d‘alliés. Si les gens venaient la voir c‘était pour tout autre chose et seulement pour en tirer une quelconque récompense, elle n‘avait jamais connue une relation basée sur la franchise et la confiance absolue. Peut être était ce là le chemin à prendre avec sa future proie?
Oui, l‘idée lui plaisait mais elle s‘assura que celle-ci soit dans la logique de son roi tant qu’il pourrait lui prodiguer quelques conseils précieux. Avant d’en venir au faits, elle préféra s’exempter face a son comportement intolérable aux yeux du mâle dominant.

Je vous ai entendue, mon roi. Je vous présente mes excuses et vous promet de respecter la moindre de vos décisions. J’assumerai l’importance de mes réussites autant que celle de mes erreurs.

Pour en revenir à ma réflexion, pensez vous que William aurait besoin d’une camarade fidèle à l’intérieur de ce clan que forment les Raybrandt?
Je m’explique, vous me dites que mes charmes seraient là une fatale erreur; dans ce cas pensez vous que mon intégration au sein de cette fratrie pourrait générer un avantage certains pour eux comme pour nous?

L’imagination, elle n’en manquait pas mais de là à s’imposer dans une unité bien soudée, la mission lui semblait vouée à l’échec. Comment y parvenir seule? Elle n’en avait pas la moindre idée et comptait bien sur son supérieur hiérarchique pour lui prodiguer les secrets d’une telle incrustation. La peur formait un nœud dans son estomac alors que peu de temps auparavant elle était emplie de confiance. Le yoyo de l’émotion jouait avec elle comme une marionnette et la guidait sur les sentiers de l’incertitude. Laura en perdait ses moyens et malheureusement elle n’y pouvait rien. Elle pensa un instant à fuir le plus loin possible de ce pays mais se rappela l’enjeu trop important pour l’abandonner. Si par miracle, elle arrivait à satisfaire son roi, elle en retirerait une certaine joie, un grade estimé sans pareil mais à condition, bien évidemment, de mener sa quête d’une main de fer et sans se faire repérer ni tuer…

Je n'aimais pas que l'on me brave, que ce soit sous n'importe quelle forme possible et imaginable. Je n'étais pas du genre à melaisser marcher sur les pieds. Ce n'était déjà pas le cas avec ceux que je connaissais et qui m'obéissais depuis des siècles, alors que dire d'une parvenue qui devait avoir moins d'un demi siècle d'existence? Nul doute que je n'avais absolument aucune envie de transiger. J'étais le maître, un point c'est tout. Je faisais ce que je voulais, c'était comme ça et pas autrement. Le roi, c'est moi, et je voulais m'assurer que cette nouvelle servante aie bien compris où était sa place, c'était à dire terriblement en dessous de la mienne. De fait, il était nécessaire que Willoughby débute au plus bas de l'échelle sociale chez les vampires. La gratification d'une récompense n'en serait que plus grande si l'accomplissement de sa tâche s'avérait concluant. Nul doute qu'elle le serait; je ne misais que rarement sur un perdant, et plus rarement encore quand je tenais la personne par les bijoux de famille, passez moi l'expression. Laura n'avait donc aucun autre choix que celui de réussir, sous peine de mourir. Je ne laisserais pas passer cette chance. Ni pour elle, ni pour moi. Je n'avais pas grand chose à perdre, certes, mais l'échec n'était jamais toléré au niveau de pouvoir où je me trouvais. Le moindre grain de sable se foutant dans mes pattes serait tout de suite perçu comme un point de faiblesse par mes opposants et les quelques dissidents vampiriques que je pouvais rencontrer sur mon chemin. Alors, je devais toujours surveiller chaque chose qui se faisait en mon nom. Et plus encore quand il s'agissait de tâches cachées de surveillance comme je venais d'en donner à Laura.

La jeune vampire s'était rendue compte qu'elle était allée trop loin. Sans doute n'avait elle pas l'habitude de s'adresser à ses supérieurs; leçon qu'elle apprendrait de la manière la plus rude qui soit si jamais elle n'arrangeait pas cela très rapidement. Elle me promit le respect ainsi que l'acceptation totale de son sort selon sa réussite dans les tâches que je lui donnerais. Nul doute qu'elle avait au moins appris la prudence et l'humilité; elle ne jouait pas la rebelle en me bravant de façon plus marquée qu'elle ne l'avait déjà fait.

Très bien. Ravi que vous ayez appris à vous adresser à vos supérieurs. N'oubliez jamais que moi, les grands maîtres, et même le plus insignifiant des shérifs, avons droit de vie ou de mort sur vous. Je suis patient, mais j'ai des serviteurs plus élevés que vous qui n'hésiteraient pas à vous enfermer pour dix ans dans un cercueil cerclé d'argent, de vous fouetter jusqu'à l'os pour votre impudence, ou de vous jeter en pâture à leurs sous fifres. Ayez toujours en tête que votre vie est placée entre lesmains de vos chefs, qui peuvent faire ce qu'ils veulent de vous. C'est la première et la dernière fois que je vous met en garde.

Elle persévéra néanmoins dans ses interrogations, mais elle prit des gants pour y mettre la forme qui convenait. Cette petite apprenait vite, et je me doutais déjà que je pourrais faire de grandes choses d'elle une fois qu'elle aurait un minimum d'expérience. Elle voulait placer les espoirs de sa réussite dans la dissension, mais je savais déjà que c'était peine perdue. Je réfléchissais cependant à un moyen de l'aiguiller. Avec Krystel dans les parages, il serait compliqué pour la catin vampire de se faufiler au nez et à la barbe de sa surveillance. A moins que les nouvelles tâches et prérogatives de reine des vampires de ma belle l'éloigneraient suffisamment de son si cher fils?

Remarque... j'ai appris que vous disposez d'un don de séduction. Vous pouvez l'essayer sur William, mais il vous faudra vous ménager une porte de sortie. Car le fils reste très lié à la mère. Lui fournir un appui dans sa famille ne donnerait aucun résultat; il a déjà tout ce qu'il désire. Essayez peut être de découvrir son point faible, et de l'exploiter. Pour le coup, ma seule directive à ce sujet est que vous devez vous débrouiller... Charmez sa promise, Jana, s'il le faut. Votre petit tour de passe passe fonctionne t'il aussi sur les femmes?

Augustus la rabaissait encore et encore. Il voulait lui démontrer par A plus B que sa vie ne tenait dorénavant qu‘à un seul fil, qui de plus, devait être de nylon. La belle le savait, elle venait de l‘apprendre et mettait en application la loi du respect de ses ainés. Il lui balançait une nouvelle fois qu‘elle n‘avait guère le choix, elle était, à ses yeux, une vulgaire boule de billard que les queues royalistes pouvaient détruire ou torturer à leur bon vouloir. Elle acquiesça, baissant son regard devant celui de son hôte. Au lieu d‘effrayer notre jeune nocturne rouge, la menace avait pour effet d‘accroitre sa motivation. Elle voulait faire ses preuves, coûte que coûte. Son ambition n‘avait d‘égal que l‘infini, elle se sentait puissante et appréciée. Le roi en personne s‘était déplacé pour elle et ce n‘était pas rien pour une personne de sa qualité. Cet homme plein de charisme et de sujets loyaux, parmi lesquels il comptait Krystel, quoi de plus honorable pour une vulgaire prostitué de luxe des temps modernes?

Elle sentait le destin la défier, madame Destinée s’affolait et lui ouvrait les rideaux du bal des mensonges et des espiègleries de toutes sortes. Le monde des vampires est compliqué, elle en avait bien conscience. La moindre erreur, la moindre folie de sa part et ce monde l’avalerait toute crue. Laura avait tout de même quelques points fort à son actif pour agir comme bon lui semblait. Elle pouvait, malgré sa courte existence, compter sur quelques amis fidèles; son répertoire était rempli de contacts influents et manipulables, sa silhouette parlait d’elle même et le bonus de son pouvoir hypnotique renforçait ses chances de réussites.
Bien que sûre d‘elle, en apparence, ses points faibles se voulaient malheureusement très présents. Une curiosité dévorante, une envie de reconnaissance incontrôlable sans compter sur l‘appel du pouvoir. Willoughby s‘imaginait volontiers toute puissante, régnant sur quelques immortels tout en pratiquant l‘art de la liberté. Rêve ultime d’une vie briser de ses chaines.

Afin d‘atteindre son but, découvrir ce que William Raybrandt cachait à son roi, elle allait enfin prouver sa valeur et il valait mieux faire ça dans les règles. Il lui indiqua un chemin à suivre, la piste de cette Jana si populaire aux yeux de tous. Jeune mais protégée avec un lourd passé, il lui semblait. Ses méninges s‘activaient déjà et un plan vint à voir le jour en seulement quelques minutes.
A vrai dire, les femmes, ça n‘était pas réellement son truc. Tant qu‘elle pouvait éviter d‘avoir à faire sexuellement à une personne du même sexe, elle l‘éviterai; bien qu‘elle en retirerai un certain plaisir si jamais elle n‘avait d‘autres choix. Elle leva alors son doux visage et examina son interlocuteur avant de lui répondre poliment.

Je vous remercie pour ses indications et votre confiance. Il me semble que la tâche que vous me confiez sera plus facile qu’elle n’y paraissait. Cette fameuse Jana, je peux, et j’en suis persuadée, la mettre dans ma poche. Une amitié naitra entre nous et ce cher William n’aura plus de secrets pour moi comme pour vous. Je vous en donne ma parole.

Laura, emplie de confiance à l’égard de cette mission, s’approcha d’Augustus King et tendit sa main décorée de bracelets en couleurs, signe d’un acte de bonne volonté. Attendant la poignée de main de celui-ci elle ressentit un frisson l’envahir à nouveau. Il dégageait une aura séduisante et elle en perdait tout à coup ses moyens. L’attraction sulfureuse qui s’en dégageait devenait insupportable. C’était donc ça, ce qu’elle exemptait en permanence avec les humains, le pouvoir de l’excitation…
Elle souffla discrètement afin d’évacuer se sentiment envahissant mais rien à faire. Il était tellement serein, plein de charme et en même tant si terrifiant que la jeune vampire en perdait ses moyens. Ses pensées s’orientaient sur la voie de la débauche et du libertinage mais hors de question d’essayer d’y goûter, il pourrait en retirer là une sorte d’arrogance encore très mal venue.

J’étais convaincu que la jeune et lascive vampire avait compris le message, désormais. J’étais étonné. Je me serais attendu à un minimum de protestations et de dénis, mais pas du tout. Elle s’était déjà résignée à son sort. En même temps, quand on vit de la prostitution, on n’est sans doute pas les mieux placés pour pouvoir choisir la voie que l’on désirait pour son sort. La résignation devait constituer son lot quotidien, sans nul doute possible. Je pensais aussi que la loyauté devait l’être, car elle devait être habituée aux situations extrêmes et aux menaces. J’espérais en tous cas qu’elle ne me ferait pas me déplacer à nouveau, mais pour la punir, cette fois. D’autant que j’étais convaincu qu’elle avait tout de suite pu sentir son intérêt, dans le sens où elle pouvait gagner bien plus en se montrant arrangeante avec moi qu’en continuant de vendre son corps. Même, elle pouvait multiplier les revenus, dans le sens où l’une de ces tâches n’empêchait pas l’autre… Et William ne la tuerait jamais s’il découvrait le pot aux roses. Devenant bientôt son propre père et devenant aussi le maître de son destin, et de celui de sa si chère mère… Il m’obéirait, et trouverait peut être même cette surveillance tout ce qu’il y a de plus normal. Le roi, c’est moi. Et je faisais ce que je voulais de mon peuple, rien ni personne ne pourrait m’en empêcher.

Laura me convainquit de son implication, elle m’écoutait lui donner quelques conseils et lui montrer que j’étais prêt à tout, et qu’elle devrait l’être aussi. Je lui conseillais après tout d’exploiter le talon d’Achille de tout vampire. La corruption. S’en prendre aux proches, s’infiltrer dans l’entourage, pour mieux surveiller, et frapper le cas échéant. Elle était intelligente. Elle en avait l’air en tous cas. Elle ne me dévoilerait pas à moins d’y être obligée. J’étais satisfait, cette rencontre de ce soir n’était pas vaine, et c’était tout ce qui importait. Laura me dit même qu’elle était convaincue de parvenir à mettre Jana dans sa poche. Je n’en étais pas si certain, dans le sens où Jana avait Krystel pour mentor, et que de ce fait, on lui avait appris à se méfier de tous et de tout le monde. Elle ne se laisserait pas avoir si aisément, alors qu’elle me semblait si prometteuse. Cela dit, cela ferait un excellent test pour la pupille. Ainsi, je saurais quels axes de progression donner à son éducation, puisque je deviendrais moi-même son père adoptif très bientôt, en m’unissant à Krystel. Mon emprise sur ma lignée n’aura jamais été si complète. Et j’en étais satisfait. Elle me donna alors sa parole, elle comptait se rapprocher de Jana comme de William. Une dernière chose à dire avant de partir.

Usez de vos charmes et atouts si la situation l’exige, mais ne poussez pas trop loin. Ne prenez pas le risque de subir l’ire de Krystel, et ne nuisez pas non plus au mariage qui unira bientôt ces deux vampires. Je vous demande du doigté, et de l’efficacité. Sur ce, je vous laisse, mademoiselle Willoughby. La prochaine fois que nous nous reverrons, j’attends de vous que vous ayez progressé dans votre infiltration. Ne me déplaisez pas.

Je la sentais attirée par moi, je lisais en elle comme dans un livre alors que les émotions se bousculaient en elle. Je l’effleurais, avant de partir. Maintenir une bonne petite tension sexuelle entre nous ne formulerait qu’une motivation supplémentaire. Je m’évanouissais dans le nuit. J’avais une future reine à honorer, des préparatifs à terminer.

Sujet: Re: Le trépied d'une destinée [Livre 1 - Terminé]

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