Adossé au mur du Subway, j’attends Alexis. On a rendez-vous ici mais je suis un peu en avance. Elle avait cours ce matin donc il y a peu de chances pour qu’elle arrive elle aussi plus tôt que prévu. Mais j’avais peur d’être en retard, du coup je suis parti assez tôt de la maison, et comme il n’y a pas eu de problème particulier sur la route, je me retrouve avec 20 bonnes minutes d’avance. J’ai mis mes écouteurs et j’écoute avec nostalgie les morceaux qu’on avait enregistrés avec mon groupe de musique.

Dans mon sac-à-dos, soigneusement posé au-dessus de ma trousse pour que le paquet ne soit pas abîmé, un petit cadeau emballé dans du papier argenté. Je l’avais acheté pour elle, pour son Noël, avec les sous que j’ai gagné en bossant chez Thomas. C’est pas grand chose, mais je voulais le lui donner. On est déjà début Janvier, et je n’ai toujours pas eu l’occasion de la croiser depuis Noël. J’espère que mon cadeau lui plaira, et surtout qu’elle l’utilisera. J’ai tenu ma promesse, et j’ai pas cherché à en savoir plus sur ce qui l’inquiétait tant l’autre jour. Mais j’ai quand même eu du mal à ne pas m’inquiéter, et malgré moi, j’y ai réfléchi. Un peu. Le fait qu’elle veuille toujours être rentrée avant la nuit. Qu’elle dise non à chaque fois que je lui propose un ciné le soir. J’ai fini par en déduire qu’elle avait des problèmes avec les vampires. C’est comme ça que j’ai eu cette idée de cadeau. J’espère qu’elle le prendra pas mal et qu’elle verra pas ça comme une tentative de ma part pour m’occuper de ses affaires.

Perdu dans mes pensées je ne la vois pas arriver, et ce n’est que quand elle est arrivée jusqu’à moi et qu’elle me parle que je réalise qu’elle est là. J’enlève mes écouteurs précipitamment, m'excusant en bredouillant de pas l’avoir vue. Je la prends dans mes bras en guise de bonjour, et lui demande si elle va bien. Je récupère les écouteurs qui pendouillent de ma poche et les enroule autour de ma main pour les ranger tandis qu’on se dirige vers l’entrée du Subway. Je lui ouvre la porte et tend le bras en lui souriant.

« Après toi. »

J’avais pas vraiment eu envie d’aller en cours, ce matin. Pas du tout, même. Mais j’avais promis d’être sage. Enfin, un peu… Ou peut-être l’imaginais-je. Je ne savais pas trop. Mais j’y étais quand même allée. Et je m’étais endormie. Fatiguée, un peu triste peut-être. J’avais pas vraiment de nouvelles de Charlie, et j’aimais pas trop ça. J’avais peur pour elle. Vraiment. Très peur, même. Je dormais mal, et faisais beaucoup de cauchemars dans lesquels elle se faisait manger. Surtout après avoir vu ce qui était arrivé à la Lupa, à l’amie de Roxie. Et Roxie allait pas bien non plus. Je m’inquiétais aussi pour elle. Même si j’essayais de le cacher. Mais bon, j’étais quand même allée en cours, parce que je voulais pas rajouter ça à ses peines. Et je servais à rien à Wolfheaven de toute façon. Je tournais en rond, et je me sentais pas toujours à l’aise.

J’étais partie précipitamment, une fois le cours fini. J’en pouvais plus. Je détestais toujours autant mettre les pieds dans cette école. Je détestais les gens qui s’y trouvaient, sauf Savannah, et Darren, bien sûr. J’étais gênée de devoir le rejoindre au Subway. J’avais pas du tout d’argent. J’aurai qu’à faire semblant que j’avais mangé un sandwich. En plus, c’était noël et son anniversaire y’a pas longtemps, et j’avais pas pu lui acheter quoi que ce soit. J’aurai pu le voler, mais bon… C’était pas un vrai cadeau, si c’était volé. Alors je lui avais fait des biscuits à la vanille. En forme d’étoiles. J’avais pris au moins cinq heures pour les faire… D’abord parce que j’étais nulle en cuisine, ensuite parce que les premiers avaient du sel dedans parce que je m’étais trompée de paquet, et les suivants trop de sucre, et encore après parce que j’avais renversé le paquet de farine par terre, alors que j’y avais déjà renversé de l’eau avant, et que ça avait fait une sorte de bouillie immonde quand j’avais passé la serpillère. J’avais récuré la cuisine de Wolfheaven de fond en comble. J’espérais au moins qu’ils se seraient pas cassés dans leur sachet. J’avais essayé de les entourer d’un joli papier, que j’avais volé, sans vraiment de succès. Mais c’était déjà ça. Et puis j’avais mis une boite autour avant de faire le paquet cadeau, que le papier tienne un peu.

Je m’approchais et rougissais légèrement alors qu’il me prenait dans ses bras. J’étais pas toujours très à l’aise avec ça. Ou toujours pas très à l’aise. Mais c’était presque pareil. Mais j’étais contente de le voir, vraiment. Je lui avais promis de plus l’éviter, de toute façon, et c’était mon ami, alors je pouvais pas trahir ma promesse. Je fis un petit oui de la tête, pour dire que j’allais bien même si c’était faux.
« Et toi ? », demandais-je à mon tour, en entrant dans la salle du Subway.

Le petit hochement de tête timide me chagrine un peu. Je suis sûr qu’il y a encore quelque chose qui ne va pas, et qu’elle va encore rien me dire pour pas m’embêter avec ses histoires. Mais en même temps je peux pas lui en vouloir. Je pense pas que je lui dirai ce qui s’est passé avec cette fille qui m’a pris pour mon frère. Pas tout de suite en tous cas. Je lui dirai peut-être plus tard, quand tout ça sera terminé. Du coup je fais semblant de n’avoir rien remarqué.

« Ca va. »

Je suis mon amie à l’intérieur. J’enlève mon écharpe et ouvre mon manteau. Il fait bien meilleur ici que dehors. On commence à faire la queue. Ce ne sera pas très long, il n’y a que 3 personnes devant nous. Je sors mon porte-feuille de mon sac, faisant bien attention à ne pas abîmer le petit paquet qui attend dans mon sac. Je lui offrirai quand on sera assis. Je commence à regarder la vitrine pour essayer de me décider sur ce que je veux manger.

« Tu prends quoi, toi ? Je sais jamais quoi choisir. »

J’aimais bien la sauce au miel, mais pour ce qui était de quoi mettre avec, j’arrivais jamais à me décider. J’avais déjà essayé avec du jambon et du fromage je crois, c’était pas mal. Mais y avait beaucoup trop de choix dans ce truc.

« Ca a été les cours ce matin ? T’avais quoi déjà ce matin ? »

Je me souvenais pas de l’emploi du temps exact de tout le monde. J’avais une bonne mémoire, mais elle était pas mal chargée, et j’avais déjà le mien à retenir. Je connaissais ses horaires, et ceux de Sav, mais le détail de leurs cours, j’avoue que je m’en souvenais plus exactement.

J’aime pas mentir à Darren, mais j’ai pas vraiment le droit de lui dire tout ce qui me tracasse. Ca serait trahir les secrets des loups, non ? En plus de la vampire qui veut peut-être me capturer à nouveau, que je lui ai presque dit sans le vouloir… Non, tant pis, si je dois mentir, je le fais et puis voilà. Ca veut pas dire que c’était pas mon ami, mais… C’était juste compliqué. Et puis, au moins, je le voyais. C’était déjà beaucoup, alors que j’avais peur, non ? J’avais pas fait attention sur le moment, mais le spectacle dans la clairière de Wolfheaven était horrible. Si Roxie n’avait pas eu besoin de moi… Je crois que je serai morte de peur. Pour de vrai. Alors j’essaye quand même de sourire un petit peu. Je veux pas perturber Darren non plus. Je veux pas le faire se sentir mal ou triste, juste parce que je vais peut-être être attaquée comme Mary…

Je me triture les doigts, alors qu’il me demande ce que je prends. Comment je peux lui dire que je prends rien, que je viens juste pour passer du temps avec lui ? Est-ce qu’il va au moins me croire, si je lui dis que j’avais mangé ? J’espère parce que j’ai pas le choix du tout de toute façon. Il faut que je me trouve un travail. Un vrai. Et que j’arrête d’aller au lycée. Ca m’ennuie, et j’écoute rien, de toute façon. Et puis je suis sûre que je peux trouver mieux que voleuse, qui attirera d’ennuis à personne. Vraiment personne.

« Oh euh, j’ai déjà mangé. Un sandwich. Des petits bouts pendant le cours parce que j’avais trop faim, et le reste en venant jusqu’ici. Tu veux qu’on choisisse à deux pour toi ? Tu manges quoi d’habitude ? »

J’essayais de garder un air enjoué, pour attirer son attention dessus, et pas sur la rougeur qui envahissait mon visage, parce que je mentais et que je savais pas vraiment mentir. Mais il faisait chaud, et dehors très froid, alors mon visage rouge pouvait venir de là, non ? Je souriais encore, de manière hésitante, avant de grimacer à sa question. Un cours que je n’aimais pas, comme d’habitude ?

« J’avais histoire… J’ai rien retenu, encore. Et toi ? »

Alexis s’empêtre un peu en m’expliquant qu’elle a déjà mangé. J’ai l’impression qu’elle ment, mais je ne suis pas sûr. C’est cette façon de dire plein de mots pour pas dire grand-chose. Elle fait toujours ça quand elle est gênée, ou qu’elle dit pas vraiment la vérité. Mais je comprends pas pourquoi elle mentirait pour me dire qu’elle a mangé un sandwich. C’est bizarre. J’ai dû mal comprendre. C’est sans doute ça. Je rebondis sur sa question du coup, oubliant bien vite son comportement un peu bizarre.

« Ben je suis pas venu très souvent. J’avais tenté un truc pas trop mal la dernière fois, avec la sauce au miel. Il y avait du jambon et du fromage je crois. Mais j’ai pas envie de reprendre pareil. J’vais essayer la même sauce mais avec du poulet et des poivrons.»

Alors que le gars prépare ma commande, je lui demande quel cours elle avait. Histoire. Je grimace en entendant le mot. J’étais pas vraiment doué en Histoire. Mike m’avait un peu aidé pendant un moment, et mes notes avaient un peu remonté, mais c’était toujours pas ma matière préférée.

« Ouais normal. Histoire quoi. Je suis pas mauvais pour retenir des trucs, mais l’Histoire j’arrive pas. Ca m’intéresse pas de savoir que le Roi truc 1er a été couronné en telle année. C’est pas intéressant et ça sert à rien de savoir ça.»

Je paye et prend mon sandwich, avant de me diriger vers une table.

« Moi j’avais pas cours ce matin. Je reprends cet aprem. Le prof de bio est absent depuis une semaine, et il a toujours pas été remplacé. On va pas s’en plaindre ça nous fait des grasses mat’ cadeau.»

Je souris en m’asseyant, et pose mon sandwich sur la table pour poser mon sac sur mes genoux et l’ouvrir. Je sors le petit cadeau et le lui tend par-dessus la table.

« Tiens c’est pour ton Noël. J’espère que ça te plaira.»

*Et que tu le prendras pas mal.* A l’intérieur du paquet, il y avait un petit bâton à accrocher sur ses clefs qui servait à se protéger des créatures surnaturelles. C’est ma soeur qui m’avait conseillé ça. Pour moi à la base, mais du coup je me suis dit que ça pourrait être utile à Alexis, vu qu’elle avait l’air d’avoir des problèmes avec un vampire. J’étais pas sûr, et je voulais pas forcément qu’elle me le dise. Juste qu’elle ait un truc pour se défendre. L’objet se présentait sous la forme d’un petit cylindre noir assez discret, et il y avait deux boutons, un à chaque bout du cylindre. Il fallait appuyer sur les deux boutons en même temps pour que le truc s’enclenche. Un enregistrement d’une prière se mettait en route, ce qui permettait de repérer un Semi-démon, et si on secouait le truc en même temps qu’on appuyait sur le bouton ça se mettait à émettre des micro-particules d’argent, comme un brumisateur. Il fallait acheter des recharges par contre parce que ça marchait qu’une fois pour le truc de l’argent.

J’aime pas m’embrouiller comme ça, dès que je mens. J’aime pas mentir, mais j’ai pas d’argent pour payer, et je veux pas lui dire. J’ai déjà eu honte de tout ce que je lui ai raconté… Et je peux pas lui expliquer, de toute façon. Où je vis, pourquoi je peux pas continuer à voler. Je peux rien lui dire, et ça m’embête. Parce que je suis triste. Triste, parce que Roxane est triste, parce que la gentille Lupa qui m’avait dit que j’étais en sécurité a été tuée par des vampires. J’ai peur, et ça non plus je peux pas lui dire. Mais je dois pas l’avouer. Il doit pas comprendre que… que je vis avec des loups. C’est trop compliqué. Je soupire, en essayant de chasser mes idées noires, et de lui sourire. C’est facile, presque, de faire semblant. De parler du jambon, et des poivrons. J’aimerai bien goûter la sauce au miel.

Je souris, en l’entendant. C’est vrai, après tout. Je sais certainement pas de quel Roi il parle, mais je m’en fiche aussi. J’aime bien savoir comment ils vivaient, mais c’est tout. Ce qu’ils mangeaient, comment ils s’amusaient… Pas qui ils étaient. Quel intérêt de retenir que Clotilde de Borlogna de France ou je sais pas qui avait mangé son chien le jour où elle est venue en Angleterre pour épouser Machin et être couronnée Reine ? Bon, j’invente peut-être, mais je suis presque sûre que y’avait des choses du style.

« Tu sais pas, ça se trouve, on va être transportés dans le passé, et on va devoir incarner le Roi Chaussette 92 et la Reine Colombe 321, et on regrettera de pas avoir écouté en Histoire. Tu crois qu’on devrait laisser ton sandwich là, et aller réviser dès maintenant, au cas où ? »

Je souriais, à défaut de rire, parce que je disais n’importe quoi. Sa commande prête, je me dirige vers une table en attendant qu’il arrive avec sa commande, m’asseyant, triturant le ruban qui retient le paquet que j’offre à Darren, dans mon sac, avant de le lâcher subitement. Et si je l’avais abimé, alors que j’ai mis longtemps à faire le nœud correctement ? Je soupire de soulagement en constatant que c’était pas le cas.

« C’est bien ça ! Tu crois que je peux venir dans ta classe ? »

J’ai posé mon sac sur la table, à côté du plateau entre nous deux, attendant pour lui donner son cadeau. Et s’il aimait pas ça ? Je contemplais mes mains dessus, quand il me surprit en sortant un petit paquet. Je rougis aussitôt, gênée. Il fallait pas. Je murmurais ces trois mots, contente malgré tout, touchée qu’il ait pensé à moi.

Je lâchais mon sac, pour prendre et ouvrir le cadeau sous son regard, rougissant encore plus. Je le regardais, perplexe, avant de voir la petite étiquette attachée au mini cylindre qui expliquait ce que c’était. Et de blêmir. Il avait compris ? J’avais pas été assez discrète. J’attachais quand même l’objet à mon porte clefs, avant de dire un bref merci, un peu gêné. Touchée, encore, mais dérangée qu’il ait compris. « Je… C’est adorable. Mais ça va, d’accord ? » Non, ça n’allait pas. J’avais plus peur que jamais, depuis que Mary avait été tuée. Et si c’était Constance ? Mais je pouvais pas lui dire.

Je lui tendais son paquet, pour changer de sujet. Je voulais pas en parler. « Joyeux Noël, ça te plaira j’espère ! »

Je me mets à rire franchement pendant qu’Alexis commence à partir dans un délire sur le Roi Chaussette et sa Reine Colombe. Faussement vexé, je la regarde avec les yeux pétillants.

« Le Roi Chaussette ? Alors que toi t’es la Reine Colombe ? Je sais pas trop comment je dois le prendre. Je pue des pieds c’est ça ?»

Je sais qu’elle est pas sérieuse en me demandant si elle peut venir dans ma classe, mais n’empêche que ce serait vachement cool.

« Si ça tenait qu’à moi, on serait dans la même classe.»

Je réfléchis quelques secondes avant d’ajouter.

« Non en fait si ça tenait qu’à moi on aurait pas classe du tout.»

Alors que je lui tends mon cadeau par dessus la table, je vois son petit sourire gêné. J’attends quand même qu’elle ait vu ce que c’est avant de me féliciter. Son regard perdu me fait un peu perdre mes moyens, mais j’essaye quand même de lui expliquer.

« C’est un truc de self-défense. C’est marqué comment ça marche dessus normalement.»

Je la laisse regarder en fouillant mes poches pour sortir mes clés, desquelles pendait le même petit cylindre.

« J’ai le même regarde.»

Elle n’est pas 100% ravie de son cadeau, je le vois bien. J’aurai pas dû, elle a raison. C’est juste que j’avais peur qu’elle puisse être en danger. Mais je me suis mêlé de ce qui me regarde pas, et c’est pas bien.

« Je sais que ça va. C’est juste au cas où. On sait jamais. Je serai plus rassuré si tu l’as avec toi quand je suis pas là.»

Je prends quelques bouchées dans mon sandwich pendant qu’un petit silence gêné s’installe entre nous, qu’elle brise en me tendant un petit paquet.

« Oh merci !»

Je lâche mon sandwich et m’essuie les mains sur la serviette que la dame m’a donnée avec le sandwich.

« Prends-en un bout si tu veux goûter pendant que je l’ouvre.»

Je pousse un peu le sandwich vers elle et prend le petit paquet. Je défais le petit noeud et trouve une petite boîte que je soulève pour secouer, avant de me raviser.

« C’est fragile ?»

Quand j’ouvre finalement la boîte, je découvre un petit sachet avec des biscuits visiblement faits maison.

« Oh c’est toi qui les a fait ? Je savais pas que tu savais faire les gâteaux ! Ils ont l’air trop bon en tous cas. Merci !»

Je me lève pour déposer un bisou sur sa joue par-dessus la table, avant de me rasseoir et de poser le petit paquet sur la table, un grand sourire sur les lèvres.

J’aime l’entendre rire, alors que je dis n’importe quoi. Ca me rappelle les moments qu’on passait ensemble, quand j’ai été presqu’adoptée, un peu avant que je le sois pour de vrai, que je l’ai rencontrée. C’était pas toujours facile parce que je comprenais rien parfois à ses blagues ou à sa façon de se comporter parce que j’étais pas trop habituée à voir beaucoup de gens, mais c’était un peu comme ça, des fois. On riait beaucoup, je riais même sans trop savoir pourquoi par moment, et c’était agréable. Ca faisait combien de temps, que je ne l’avais pas entendu rire comme ça, que je n’avais pas été contente comme ça ? J’avais beau l’avoir fuit et avoir été méchante de pas répondre à tous ses messages, il m’avait quand même beaucoup manqué, et j’étais vraiment très très contente d’être là avec lui. J’avais envie de me lever et de lui faire un câlin, mais j’étais encore gênée avec ça. Beaucoup trop. Mais bon. Je lui souriais, riais même en l’entendant parler. « Mais non, t’es nul, c’était pas ce que je voulais dire ! Tu seras le Roi… le Roi Pigeon ? Non, pardon ! Le Roi Glorieux ? C’est bien ça, non ? Ou le Roi Aigle ? Le Roi Aigle Royal ! » Je riais et rougissais un petit peu, parce que c’était nul, quand même, comme blague. Mais bon… Je réfléchissais pas toujours, avant de parler.

Je prenais un petit air triste, en l’entendant me dire qu’il voudrait bien qu’on soit dans la même classe, comme avant. Moi aussi. Même si j’aimais pas aller à l’école du tout, ça serait quand même bien moins dur avec lui avec moi. Mais bon, on choisit pas. Peut-être que j’aurai pu redoubler juste pour être avec lui ? Demander à revenir un niveau en dessous parce que je comprenais rien ? C’était vrai de toute façon. Mais je supportais déjà plus l’école, alors refaire un an… Non, je voulais et pourrais pas. Je laissais échapper un rire franc, pas longtemps, en l’entendant. Oh oui, moi aussi, je voudrais ça. Peut-être qu’on pourrait abandonner et… je sais pas, ouvrir une boutique ? « Tu veux pas qu’on arrête, et qu’on… je sais pas, qu’on fasse un café ? Genre le Starbucks mais en mieux ! Ou un petit resto, de… bah, je sais pas de quoi, mais quelque chose ! Ou une galerie d’art ? Je suis sûre qu’on peut demander à ma copine Cha... » Je m’arrêtais subitement. Non, je pouvais plus demander à ma copine Cha. Et ça, c’était nul. Roxane voulait pas que je la vois, et même si j’avais été la voir à l’aéroport je l’avais loupée. J’avais peur qu’elle soit partie. Et que je la revois jamais. Décidément, pourquoi je pensais qu’à des trucs tristes ?

Mais je veux pas continuer à y penser. Je veux juste profiter de passer du temps avec Darren et puis voilà. Je prenais un air surpris, en voyant que Darren avait le même porte-clefs qu’il m’avait offert. Est-ce qu’il avait des problèmes ? J’espérais pas. « C’est très gentil. Ca me fait très plaisir, vraiment. Merci beaucoup. » C’était vrai. Même si je voulais pas qu’il sache que j’avais peur et tout, ça me touchait beaucoup. Déjà je m’attendais pas à ce qu’il me fasse un cadeau, alors… Mais je m’inquiétais quand même, qu’il ait le même. « Dis… T’as eu des problèmes, pour en avoir un ? »

Un petit silence s’installa, mais j’espérais qu’il me réponde. J’en profitais quand même pour lui donner mon paquet. C’était pas comme ce qu’il m’avait offert, j’espérais quand même que ça lui ferait plaisir. Je prenais un mini bout de son sandwich – j’avais vachement faim, en fait – mais pas trop pour pas le priver de son repas, en attendant un peu stressée qu’il ouvre. Ca se trouve, il aimerait pas. J’espérais qu’ils étaient pas cassés. Y’avait plein de formes, des étoiles, des lunes, des boules de Noël, des feuilles de houx… Ca aussi, ça m’avait pris du temps, trop de temps.

« Je savais pas faire, ça m’a pris trop longtemps ! Je suis pas très douée, j’ai fait plein de bêtises… j’espère que tu aimeras ! »

Je rougis, alors qu’il me fait un bisou sur la joue, contente que ça lui plaise.

C’était bête, mais j’étais soulagée qu’il ne me regarde pas bizarrement, et même qu’il rit, en entendant mes bêtises. Après tout, être un pigeon, c’était pas très flatteur. Je crois. Enfin bon, c’était le Roi Aigle, maintenant, et ça, c’était carrément plus classe. Carrément plus à la hauteur de Darren. Après tout, il était très classe, quand il jouait dans son groupe. Enfin bon…

« Ouais, et on parcourra le monde ensemble ! On sera inséparables, et on verra tous les pays. »

S’il savait… S’il savait que si je m’entrainais, je pourrai peut-être me transformer en colombe ou en aigle. Je mourrai d’envie de le lui dire, mais, mais je savais que c’était un secret. Un de plus. Ou peut-être le premier et le plus important, je le lui cachais depuis tellement de temps maintenant. C’est pas vraiment comme s’il s’en rendait compte. Est-ce qu’il m’en voudrait, s’il l’apprenait ? Je sais pas. J’en sais vraiment rien. Ca fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas parlés, pas comme ça, pas librement ou presque. Mais si je pensais encore à ça, j’allais encore m’en vouloir, et pas en profiter. Même si c’était difficile. La diversion offerte par son cadeau était la bienvenue, même si je me sentais franchement gênée. Parce que j’avais pas été une amie exemplaire, j’avais pas vraiment mérité de cadeau. Bon, ça m’aurait gênée en temps normal, mais là…

Son air surpris me surprit moi-même, me faisant froncer les sourcils. On se balade pas avec ça, si on a pas un souci, si ? Enfin, peut-être que j’avais tort. Je sais pas, je sais pas du tout. J’espère que oui. J’espère que je m’inquiète pour rien. Parce que je voudrais pas qu’il se retrouve dans des problèmes, alors qu’il est… normal. Juste normal. Je vois bien qu’il est troublé, comme si je lui posais une colle. Mais c’est pas comme si c’était difficile, si ? Bon, je pouvais me tromper, j’ai toujours été nulle à juger les gens, mais… même si j’avais dû répondre à cette question moi-même et que j’avais dû mentir, j’aurai menti plus rapidement. Mais je lui avais promis de pas mentir. Peut-être qu’il voulait pas mentir non plus ? Ma main s’était crispée sur le bord de la table, sans même que je m’en rende compte. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé.

« T’es sûr ? Tu dis pas ça parce que tu veux pas que je m’inquiète, hein ? Parce que je m’inquiète quand même… Mais si c’est juste pour qu’elle soit rassurée, d’accord. »

Oui, je jetais l’éponge un peu rapidement, alors qu’il ne m’avait rien confirmé puisque j’avais parlé d’une traite, mais j’avais confiance en lui, quand même. Je me taisais quand même. Au cas où. Peut-être qu’il voulait ajouter quelque chose. Je savais pas. Je voulais pas mettre une gêne entre nous, alors j’en profitais pour lui donner mon propre cadeau, rougissant légèrement en voyant la joie avec laquelle il ouvrait ce que j’avais fait, et son bisou. Il était vraiment trop gentil. Je riais malgré moi, en l’entendant dire que je pourrais goûter si je pensais qu’il mentait. J’étais pas sûre de vouloir avoir confiance en moi… Enfin, on verrait.

« Peut-être. Une fois que j’aurai vérifié que tu tombes pas inanimé empoisonné, des fois que je me sois trompé… Je riais encore, avant d’enchainer. Tu sais, Darren… Je suis vraiment désolée, de… Enfin… T’es mon meilleur ami, même si j’ai fuit. »

Je me recroquevillais un peu sur mon siège, j’avais pas du tout prévu de dire ça, c’était sorti tout seul, et c’était vraiment trop gênant.

C’était agréable, de voir Darren sourire. Etait-ce l’idée de faire un tour du monde avec moi ? Je ne savais pas vraiment, mais ça me mit du baume au cœur, de le voir content. Même si je n’en étais pas directement la cause – je savais pas trop, vraiment. Peut-être que je pourrais économiser suffisamment, ou voler suffisamment d’objets chers mais je n’espérais pas que ça serait le cas parce que je voulais pas trop faire de cadeau que je n’avais pas eu honnêtement, pour nous faire partir en voyage. Pas loin sûrement, mais… Je sais pas, quelque part. De l’autre côté de la mer ? Ca serait drôlement chouette. Mais c’était pas pour tout de suite. Je voulais pas risquer de partir loin, longtemps… Et si la terrifiante vampire me suivait ? Je retenais difficilement un frisson, avant de faire un sourire un peu crispé mais sincère quand même à Darren.

« D’accord, mais tu m’en parlerais, si ça n’allait pas, promis ? Croix de bois, croix de fer… ? »

C’était enfantin comme méthode, et je le savais, mais j’espérais que ça allègerait l’esprit de Darren, et lui ferait lui donner plus facilement cette promesse et, ensuite, penser à la respecter parce que je lui avais demandé doucement sans le forcer, et en ayant confiance en lui. Mais j’étais un peu mal à l’aise, parce qu’on aurait dit que je le manipulais sciemment alors que ça n’était pas le moins du monde mon but. Non, je voulais simplement qu’il sache qu’il pouvait compter sur moi, et que je l’épaulerai, quel que soit le problème. Mais pouvais-je seulement le lui faire comprendre, quand je l’avais lâchement fuit par peur ? Je ne savais pas.

J’aime vraiment l’entendre rire. Au moins, il ne croit pas vraiment que j’ai pu empoisonner les biscuits. Mais je devrais peut-être goûter, pour en être sûre ? Au moins il ne risquerait rien. Mais essayer son cadeau avant lui, c’est pas très gentil. Tant pis. Il ne devrait rien arriver, il n’y a pas de raison. Mais ça ne m’empêchait pas de stresser un peu, si ça se trouve il aimerait juste pas, et de dire n’importe quoi. Comme que je le considérais comme mon meilleur ami. Mais Sav aussi, et Roxie aussi, et Cha aussi, et… et tous mes amis. Mais c’était pas grave. Je baissais la tête, un peu désolée de le gêner comme ça, et la relevais surprise en l’entendant reprendre ce qu’il avait. En fronçant les sourcils devant son regard fuyant et ses propos, perturbée. Apeurée, aussi, et triste.

« La PES ? Je leur fais pas confiance. Fais attention, promis ? Je peux être ton garde du corps, si tu veux… Je peux ? Je veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit… »

Je me retenais de dire que je ne le supporterai pas, ou même que les corps de mes parents avaient officiellement été retrouvés, et que je ne voulais pas perdre quelqu’un, encore.

« Tu m’appelleras, si tu as un problème ? »

Ça me fait du bien, qu’il me dise la vérité. Même s’il a essayé de me la cacher. Mais je me sens mal, du coup. Pourquoi je lui dis pas ce que je suis ? Je devrais. Il vient bien de me dire ce qui lui arrivait vraiment, non ? Et puis, je lui ai proposé de devenir son garde du corps. Je souris, en l’entendant. Bien sûr, qu’il ne m’en pense pas capable. C’est normal. Je frémis, en l’entendant parler de la famille de Savannah. Je ne dois pas trahir que je les connais. Enfin, Sav’ est mon amie, mais… Je sais pas, j’ai peur d’en dire trop. Mais je peux pas continuer à lui cacher ce que je suis. Combien j’ai d’amis ? Je les compte sur le doigt d’une main, je crois. Et lui, c’est… Enfin, je l’aime beaucoup. Il a toujours essayé d’être là, bien que j’ai essayé de l’éloigner. Je grimace, en entendant son plus de secret. Mince. Je peux pas le lui cacher. Je soupire aussi, en l’entendant dire qu’on doit aller en cours. Bien sûr, qu’il sait que j’ai cours. Enfin, si ça se trouve, il a demandé à un ami à lui dans ma classe pour être sur de me trouver. J’acquiesce en souriant doucement, et me lève pour sortir en même temps que lui.

Une fois dehors, je lui prends la main sans m’en rendre compte, et avance jusqu’au lycée. Un peu inquiète, sûrement, de ce que je vais lui avouer. Comment lui dire une telle chose ? ‘Bah en fait, tu vois, je suis pas humaine. Je suis bizarre, je peux me transformer en plein d’animaux.’ Bien sûr. Je grimace encore, et l’entraine dans un recoin isolé du lycée, que les gens utilisent en général pour se bécoter. Je rougis, relève mon regard vers lui.

« J’ai quelque chose à t’avouer… Je te crois pour en parler à personne. Je… Je suis pas normale. Je suis comme un loup, mais pas vraiment. Je peux me transformer en animal. Pas tous parce que c’est difficile de le faire en trop de différents, mais plusieurs. »

Je reculais, hésitant à le serrer dans mes bras ; et me laisser aller à mon impulsion. La sonnerie retentit à ce moment la. Je m’éloignais, un peu blême, gênée aussi de lui balancer comme ça. « Je dois aller en cours, et toi aussi. Je… J’espère que tu m’en veux pas. Je, t’es encore mon ami, un des plus proches… A plus tard. »

Je tournais les talons, entrant dans ma salle de cours non loin. Il pourrait m’envoyer un SMS, s’il voulait encore me parler.