I Will To Suck You [Livre 1

Quelle réunion ennuyeuse. Toujours la même chose. Ventes en hausse, débit augmenté, les cadences s'accéléraient. Le conseil d'administration de True Blood était toujours aussi morne, aussi réglé que du papier à musique, et il m'ennuyait gravement. Et la bouteille qu'avait ouverte plusieurs des vampires m'entourant me retournait l'estomac par l'odeur si particulièrement fade qui s'en dégageait. Pour un vampire aussi ancien que moi, aussi expérimenté en matière de nourriture, la boisson dont j'avais financé le développement, la production et la commercialisation, s'avérait totalement inutile. Elle évoquait pour moi ce que l'odeur de l'eau de javel éveillait chez les humains si on leur demanderait d'en boire. Sans même parler du goût. Mais je devais me montrer à ce genre de conseils. Déjà d'une part parce que je pouvais ainsi infléchir la trajectoire de développement de l'entreprise, de sorte à favoriser les plans complexes qui étaient concernés, et d'autre part parce que j'étais devenu une figure publique depuis le mariage royal. Je ne pouvais plus m'amuser à tisser l'écheveau de mes ambitions dans l'ombre, comme je l'avais fait depuis plus d'un millénaire. Les gens me connaissaient, j'entrais chez eux sans en demander la permission à chaque apparition télévisée, à chaque interview donnée dans un magazine, à chaque fois que je sortais voir le monde. Ce monde qu'on m'offrait déjà sur un plateau. Que c'était plaisant. Que c'était jouissif, de voir les humains se débattre au milieu de toutes les contradictions que leur histoire et leur mode de vie induisaient. Je me retenais de manger la secrétaire humaine, ou la responsable de la filière Asie, alors qu'on me détaillait les courbes prévisionnelles pour les mois à venir. Bien. Bientôt, le Tru Blood serait l'une des boissons les plus écoulées dans le monde entier. Alors, on pourrait passer à la phase deux. Mais ce soir, ces considérations ne m'intéressaient que moyennement. J'avais faim. Ou plutôt, j'avais soif. Soif de pouvoir, d'ascendant, soif de violence, soif de sang. Soif de souffrance. J'avais envie de m'amuser, ce soir. Je patientais que la réunion se termine, ne parvenant plus qu'à grand peine de fixer les courbes de la jeune employée venant servir des rafraîchissements à la fin de la réunion, sans compter mon attraction pour ses veines et autres artères. Je m'éclipsais rapidement. Je ne pris pas la voiture, me mouvant trop vite pour que l'oeil humain ne suive mes mouvements. Ma voiture repartirait sans moi. Le chauffeur savait quoi faire.

Ce soir, le prédateur le plus terrible foulant le monde arpentait la ville. Je m'arrêtais partout où mes sens me guidaient, tel un anonyme, utilisant ma vitesse et ma furtivité presque naturelles pour faire en sorte que l'on ne me remarque. Je fis un tour dans les quartiers chauds, voyant tous ces humains et vampires venus en quête de chair fraîche. Je sentais l'odeur du sexe, de la drogue, de l'alcool. Je sentais la sueur, et aussi du sang. Je ne me sentais pas d'humeur à châtier mes congénères en quête de sensations fortes ; c'était le boulot de leur shérif de les tenir, et je me sentirais presque coupable de les massacrer pour avoir fait quelque chose que je m'apprétais à faire. Je me laissais aborder par une ou deux prostituées, et elles furent bientôt attirées à moi comme des mouches sur le cul d'une vache. Mon costume onéreux et mon allure de conquérant indiquaient que j'avais et du pouvoir et de l'argent. Je laissais deux d'entre elles m'entraîner dans une ruelle sombre. Dans mon impatience, je ne profitais pas de leur corps. Je laissais leur cadavre derrière moi quand leur gorge déchirée, j'avais bu qu'à satiété. Enfin, je l'avais cru, mais cela ne m'avait pas suffit. Cela avait été trop rapide, trop brutal, je n'avais pas pu savourer leur mort ; je m'étais précipité comme un humain sur une friandise goûteuse, et la frustration me poussait à en chercher toujours plus. J'étais non loin de la Pomme du Diable. Je souris. Et y entrais aussitôt. D'un regard, je fis comprendre aux videurs que je voulais être discret. Ils ne s'inclinèrent pas, et le personnel fut bientôt mis au courant de ma venue. Je plongeais mon regard dans la fosse, où dansaient des dizaines de personnes. La boisson coulait à flots, et de nombreux couples se formaient partout. Je dévoilais un sourire carnassier quand j'identifiais ma proie. Je m'approchais derrière la serveuse, me retrouvant juste derrière elle en un instant. Je laissais mon souffle rencontrer sa nuque, et mes lèvres lui susurrer quelques mots.

| Bonsoir, délicieuse créature... Serait il possible de se faire servir à manger dans ce bouge ? J'ai une faim de loup... |

Aucune ambiguité dans mon propos, je suis bien d'accord.

Hannah rêvassait. Assise sur son tabouret derrière le comptoir, elle fermait les yeux. Il y avait beaucoup de monde ce soir, mais bizarrement, on aurait dit qu'ils étaient tous venus chercher non pas du sang mais une nuit de débauche. Une nuit de sexe plutôt qu'une nuit d'ivresse. De toute façon, ils ne se gênaient pas pour lui crier dessus. Elle pouvait tout à fait reposer ses paupières fatiguées par cette longue journée car les hommes aussi bien que les femmes viendraient sans problèmes s'échouer sur le bar. Elle les entendrait arriver, elle sentirait leur odeur âcre de sueur et de sang, et elle n'aurait qu'à tendre la main pour attraper leurs verres, les nettoyer rapidement sous le robinet, et les remplir de la même boisson au teint ambré ou rouge foncé.

Oui, elle se sentait épuisée ce soir. Elle travaillait beaucoup ces temps-ci pour oublier. Le manque cruel de William, aussi bien physique que mental, ses pensées sombres envers son frère et Cora, le souvenir maudit d'Augustus, tout cela elle le noyait littéralement dans son job de serveuse. Tous ces sentiments qu'elle devait apprendre à contrôler. Elle se sentait à bout de courage aussi. Alors elle luttait de toutes ses forces pour tenir le jour et une partie de la nuit, puis retrouvait son lit pour s'y effondrer et dormir d'un sommeil sans rêves. Elle faisait tout pour ne pas retrouver dans ses songes l'horreur et le plaisir mélangés. Mais immanquablement, dès qu'elle fermait trop les yeux, comme ce soir-là, elle avait des flashs, des souvenirs brûlants et cuisants.

Heureusement ou malheureusement - tout dépend du point de vue - elle fut tirée de ses rêveries par un remue ménage devant son bar. Un gars avait piqué le tabouret attitré d'un habitué et ce dernier tentait de le faire descendre. Le gars, l'air aviné de celui qui a bu plus que de raison, voulut lui donner un coup de poing mais son geste maladroit eut pour résultat de renverser la moitié des verres par terre. Le bruit du verre brisé ne tira aucunement les danseurs de leur transe, mais les vigiles à l'affût accoururent pour mettre les ivrognes dehors. Comme personne ne lui demandait si cela allait ou ne faisait cas du liquide et des morceaux de verre, Hannah soupira, redressa ses manches et se mit à la tâche.
Une femme saoule la dépassa en s'écriant :
"Hey mais ça glisse ce truc ! Vous pouvez pas faire attention, vous êtes une cruche, ça déborde..."

Son compagnon l'aida à se redresser et ils disparurent dans les toilettes pour femmes.
*Mmm... oui ça commence à déborder chez moi aussi !* pensa t-elle. Non, il lui fallait garder son calme. D'un, elle n'avait pas fait tomber ces verres, de deux, cette femme avait bu et était bête. Une fois son travail fini, elle dut resservir les autres et le calme revint. Elle prit une éponge mouillée et se la passa sur le front. Se tournant dos au comptoir, elle ferma de nouveau les yeux, cherchant la paix... Mais impossible ce soir. Une présence se matérialisa derrière elle, une voix trop connue la réveilla brutalement :

| Bonsoir, délicieuse créature... Serait il possible de se faire servir à manger dans ce bouge ? J'ai une faim de loup... |

Tout se précipita dans sa tête mais elle s'efforça de garder son calme. Elle pensait avoir évolué. Elle savait qu'elle devait se montrer très respectueuse, pas un mot plus haut que l'autre, une vraie automate !
Elle se retourna doucement. Il était très proche ; sur son visage transparassait l'envie, son haleine chargée montrait qu'il avait bu il y a peu. Apparemment, cela ne lui suffisait pas.

"Bonsoir mon Roi, je suis touchée que vous soyez venu ici. Nous avons encore beaucoup de choix à cette heure-ci."
Même si elle devinait aisément quel sang il voulait boire et sur quelle personne il voulait le prélever, elle essaya de ne pas jouer à la plus maligne avec lui. Il gagnerait toujours. Elle recula doucement, glissant en légèreté sur le plancher, attrapa un nouveau verre et attendit qu'il lui indique son choix.

La jeune femme que je vins voir n'était pas terrifiée, ou en tous cas elle n''en montrait rien. Je sentais bien son sang prendre des senteurs d'appréhension, mais rien de bien notable. J'avais l'impression pendant un instant, de me retrouver devant le fantôme qui lui servait lieu de frère. Elle aussi, s'était blindée. Peut être que notre dernière fois en tête à tête lui avait laissé une trace indélébile qui l'avait changée à jamais ? J'espérais bien que non, il me semblait important de pouvoir continuer à la traumatiser un peu. Sinon, quel message transmettrait elle à William si je ne la faisais plus souffrir comme il se devait ? Je devrais me montrer créatif, imaginatif même, et faire en sorte de refaire briller cette flamme à l'intérieur d'elle à chaque fois qu'elle me verrait. Cette flamme qui la mènerait tout droit à la damnation. Quoiqu'il en soit, elle semblait en forme, plus alerte que la dernière fois que je l'avais vue, en tous cas. Et clairement, ce n'était pas plus mal. J'avais horreur du gibier incapable de se défendre et de me distraire par la même occasion. La jeune femme me répondit même avec politesse et bienséance, avec tout le respect dû à mon rang. Je n'en attendais pas moins de sa part, mais quand même... Cela me surprenait. Peut être tenait elle à ce que je ne fasse aucun esclandre sur son lieu de travail. De toute manière, je pouvais hypnothiser tout le monde et supprimer tout problème qui viendrait à se placer sur ma route. Beaucoup de choix ? J'en étais ravi, et je découvris ma dentition en un sourire charmeur, alors que mon regard se fit appréciateur du petit geste à mon encontre, qu'elle venait de faire. Me considérer comme un client normal, que ce serait amusant!

| N'as tu donc aucun désir de nourrir personnellement ton suzerain ? Tu préfères me servir l'immonde breuvage que tu sers aux autres ? Je m'attendais à mieux de ta part, petite humaine. D'autant que je me rappelle très bien que tu t'es déjà montrée beaucoup plus empressée de me servir... |

L'atmosphère manquait singulièrement d'intimité, mais je m'en fichais pour le moment. Ici, il y avait plein de proies, et je me sentais d'humeur festive et joyeuse. Je savais que j'étais ici en maître absolu, rien ni personne ne pourrait trouver à redire à ce que je dirais. Cela au moins, était plus que certain. Si le besoin s'en faisait sentir, restait toujours l'étage privatif de l'ancien prince, juste au dessus de la boîte... Enfin, je pensais bien qu'on m'avait parlé d'un bureau en haut, et de plusieurs pièces privées, mais peut être me trompais je ? De toute manière, l'endroit appartenait désormais à ma petite fille, alors autant dire que j'étais ici chez moi, je ne serais pas du tout du genre à faire de chichis ; étant le maître de ma lignée, c'était à moi de la régir, et donc tout ce qui la constituait m'appartenait de plein droit, là dessus tout le monde serait d'accord.

| Bon, très bien, puisque je dois me comporter comme les gens du commun... Je prendrais le même sang que toi ma douce. Bien chaud. Et ta compagnie aussi, qui serait plus qu'appréciée. |

Quoiqu'elle dise, Augustus trouvait le moyen de la déstabiliser. Allez, c'était prévisible qu'il sache contrer la moindre de ses répliques. Il avait une expérience en la matière qui se comptait en siècles, il était le roi des bourreaux, et Hannah ne devait pas espérer réussir à lui couper le sifflet. Le surprendre peut-être. Et si cette nuit se révélait plus douce que la précédente ? Avait-elle une quelconque chance d'influer sur les évènements ? Même si elle se montrait respectueuse, elle dépendait de son bon vouloir, de son humeur du moment. Il semblait joueur, sournois, prêt à la dévorer tout cru. Elle tenait serré le verre dédié à Augustus contre elle, dans une attitude protectrice. Se rendant compte de son geste, elle le reposa doucement sur la table.

Hannah baissa le regard sous le feu des paroles doucereuses du Roi. Comment allait-elle se comporter cette fois-ci ? Est-ce que cette passion sale et méprisable s'emparerait encore d'elle pour la rendre folle de plaisir et de douleur mêlés ? Vite, elle adressa une pensée à William, pour le supplier de lui pardonner. Oui, c'était sa faute si elle avait attiré les foudres de la royauté sur sa personne, mais elle espérait que William comprendrait qu'elle n'avait jamais voulu mériter une telle punition. Si elle avait imaginé qu'elle serait la teneur de son châtiment... Non, la jeune femme refoula cette pensée inutile. Il ne servait à rien de ressasser le passé. Seul comptait l'instant présent, et la façon dont elle réussirait à "agrémenter" la soirée de son roi.

"Je suis prête à vous satisfaire de toutes les manières possibles, mon roi. A respecter vos désirs. Veuillez excuser mes dernières paroles. J'ai passé une soirée longue qui m'a fait perdre mes esprits. "
Contrition. Humiliation. Hannah allait passer une soirée où elle mettrait sa fougue et son caractère casse-cou de côté. Mais elle savait qu'une fois soumise aux caresses, coups et sollicitations lascives d'Augustus, elle ne pourrait s'empêcher de répondre sans contrôle, entière, se donner à lui et s'abandonner.
Mais à peine avait-elle fini de s'excuser qu'il décidait de prendre un verre, comme s'il voulait effectivement boire un coup attablé au comptoir, comme tous les poivrots et poivrottes autour de lui... Ce n'était pas digne de son rang, mais comme il demandait un verre de son sang, elle décida de lui obéir. *Il souhaite se remémorer le goût.. aime-t-il tous les types de sang ?*

Hannah s'exécuta tout de suite. Elle hocha la tête quand il déclara la vouloir auprès de lui pour cette nuit et se détourna pour lui servir un verre. Sa main tremblait un peu quand elle le posa près du roi.

"J'espère qu'il vous plaira. Puis-je m'enquérir de votre santé ?"
Un peu de politesse ne peut pas faire de mal. Hannah ne s'intéressait pas vraiment à l'humeur du Roi, mais espérait qu'elle l'adoucirait en se montrant pleine d'attentions. Elle était restée auprès de lui, elle voyait sur son visage l'effet que lui procurait le sang. Elle le regardait, captivée par ses lentes gorgées. Il allait se jeter sur elle, faire un scandale devant tout le monde. Mais il était le Roi. Personne ne s'en offusquerait. *Et moi ?*

Pour l'instant, je ne brutalisais pas encore ma vis à vis pour la simple et bonne raison que je savais d'expérience que je retirerais autant de plaisir dans le prélude à ce qui allait suivre ce soir, qu'à justement ce qui se passerait ensuite. J'avais bien conscience que ma seule présence suffisait à faire ressentir à la jeune humaine une gêne et une peur importantes, mais je savais aussi qu'elle avait en elle la force d'y résister. Qui plus est, elle avait l'immense avantage d'être totalement débauchée, et je savais aussi que l'empreinte de mon corps dans le sien ne s'était toujours pas effacée. Que ce devait être difficile pour elle, si comme je le soupçonnais elle était attirée par moi, par la jouissance sexuelle ou dûe à la violence qu'elle pouvait retirer de nos entrevues, alors que dans le même temps elle restait profondément terrorisée par ma force, ma cruauté, et tout ce qui me définissait en tant qu'individu. Peu importait, j'étais de toute manière venu pour m'amuser cette nuit et pas pour m'inquiéter pour une humaine qui représentait ce qui s'apparentait le plus à un nouveau jouet entre mes mains, et une arme aussi, puisque la garder sous mon emprise me permettait de posséder son maître vampire, le traître William, sous mon contrôle. Tant que j'aurais son humaine entre les mains, le prince déchu ne pourrait plus jamais entreprendre quoi que ce soit contre moi de peur des représailles. Si je la tuais, il serait suffisamment affaibli pour mourir rapidement. Alors, il était forcé de se tenir à carreau... Et la situation était d'autant plus délectable que toutes les souffrances et plaisirs mêlés que je faisais ressentir à l'humaine, étaient directement ressentis par William via le lien qui les unissaient... C'était si intéressant ! J'avais moi même pu tester de nombreux phénomènes avec ma propre humaine, Suzy. Mais je pouvais continuer d'explorer les liens entre un vampire et son servant en allant plus loin, notamment au niveau de la souffrance physique et psychique. De mon point de vue, Hannah était autant une source de distractions qu'une mine d'informations sur une situation que je partageais avec elle d'un certain point de vue. Je souris assez largement à la jeune femme quand je me rendais compte qu'elle s'excusait aussi sincèrement que possible.

| Je compte sur toi petite humaine, pour me montrer toute la soirée jusqu'où va ton mea culpa. Et crois moi, tu peux satisfaire mes désirs de bien des façons... |

J'agréais à ses excuses, principalement parce que je n'avais pas moi même besoin de raison pour la punir plus tard si je le souhaitais à ce moment là. Or pour l'instant je ne peux pas dire que j'avais vraiment envie de me montrer violent. Patientons un peu, voulez vous ? Et puis il y avait tant de regards indiscrets, alors que je savais qu'Hannah préférait largement l'intimité de mon bureau pour ce genre de choses... La belle me servit comme demandé un verre de son sang, que je levais à sa santé avec un sourire réjoui sur les traits. Reniflant l'odeur du verre comme un connaisseur, j'en engloutissais une gorgée.

| Tchin-Tchin! |

La serveuse me demanda ensuite comment allait ma santé, tout en avançant qu'elle espérait que j'apprécie son sang. Toujours aussi goûteux d'ailleurs, salé, lourd de luxure et amer de peur. C'était un met comme on n'en trouvait que rarement ; le plus souvent sur des victimes marquées par toute une série d'attentions physiques...

| Me demanderais tu cela pour savoir si je suis suffisamment en forme pour t'apporter les mêmes délices que la dernière fois ? C'est le cas. Pourquoi ? C'est ce que tu désires pour terminer ta soirée de travail? | dis je, un air moqueur sur le visage

| Je compte sur toi petite humaine, pour me montrer toute la soirée jusqu'où va ton mea culpa. Et crois moi, tu peux satisfaire mes désirs de bien des façons... |

Mes yeux restaient fixés sur la bouche du Roi. Mon Attention Entière concentrée sur ses mains, ses gestes, ses paroles. Ma compréhension de ses mots était limpide. Je n'étais plus serveuse. J'avais oublié mon rôle. Tant et si bien qu'une habituée - femme au regard terne et aux cheveux sales - m'apostropha pour me demander de la resservir. Je sentis tellement d'énervement dans sa voix que je compris qu'elle avait du m'appeler plusieurs fois sans obtenir de ma part une réaction. Je me détachai difficilement de mon "nouveau maître" pour porter mon regard sur la femme. J'espérais qu'Augustus comprendrait : après tout, tant que nous n'étions pas seuls tous les deux, tant que le bar était ouvert, je devais faire mon travail.

"Je veux une autre bière, mam'zelle. Vous êtes là pour faire les yeux doux ou pour bosser ?"
Ceci dit sans une once d'élégance. Elle ne savait pas qui était le vampire en face de moi. Je masquai un sourire en pensant à la "possible" réaction du roi face à cette femme. Mais peut-être n'esquisserait-il aucun geste pour me défendre. *Sûrement. Il se contentera de rire sous cape ou d'envoyer un sous-fifre la brutaliser un peu pour lui rappeler qu'on doit aux vampires. Nous sommes dans un bar de vampires, tout de même.*

Je la servis donc sans un mot, un peu irritée de m'être laissée fasciner par lui, au point d'en oublier que je travaillais et que j'avais besoin de ce job pour subsister. Je me sentais aussi irritée pour une autre raison : que cette femme me dérange dans ma rencontre avec le roi. C'était un moment crucial : j'étais anxieuse, mal à l'aise ; je savais à quoi ressemblerait le reste de ma soirée. J'étais prisonnière de cet homme. Sa propriété, avec les autres biens de William. Heureusement, après avoir déposé sur le comptoir son argent, la femme retourna dans sa conversation avec un autre gars.

Je reportai mon attention sur Augustus qui buvait et semblait apprécier son verre. *Une petite mise en bouche avant la suite ?* pensais-je en imitant tant bien que mal un sourire - forcé. J'essayai de rendre le début de soirée aussi agréable que possible, en faisant preuve d'une courtoisie "légendaire". Comme à son habitude, il reprit ma question en la formulant d'une manière qui me rendrait mal à l'aise. Mais c'était son petit jeu et je ne savais pas quoi faire. Le laisser me déstabiliser ou rester de marbre ? De toute façon, je ne pouvais l'empêcher de renifler mon odeur et de comprendre ce que je tentais de cacher. Dieu ! Je n'arrivais pas à lui répondre. Aucune inspiration, aucune formule de politesse, quelque chose qui me sauverait de cette situation. Le brouhaha ne m'avait pas empêchée de comprendre sa question. Personne ne faisait attention à moi. Même si Leslie jetait un oeil à l'intérieur du bar, il n'interviendrait pas. Bien que je ne veuille pas de son aide... quoique... Dans un moment pareil, tout appui serait le bienvenu. J'étais en présence du Grand Chef, contre lequel on ne peut rien tenter.

"Oui' m'entendis-je répondre, d'une voix faible.

Spoiler:

[Hj : oui bien sûr je m'adapte tu sais, pas de problème]

La soirée était pleine de rebondissements. Quelqu'un appela ma toute nouvelle pomme de sang, pour lui réclamer de la bière. Quelle vulgarité inconséquente de la part de ces humains toujours. S'en devenait presque lassant. Presque, parce qu'au fond de moi je devais dire la vérité ; je m'amuserais follement de la situation à partir du moment où celle ci permettrait la persécution, la violence, la luxure ou encore la cruauté. Non pas que j'ai réellement besoin de ces choses pour jouir de l'existence, mais c'était tout de même un bon début. Je regardais la grossirté de ce groupe d'humains avec un fin sourire étiré sur les traits. Calme, confiant. Je soutenais leur regard un à un, laissant mon pouvoir transpirer de ma peau. C'était quelque chose que j'appréciais, et cela mit mal à l'aise chacun leur tour ces créatures bien misérables. Qu'ils étaient impressionnables... Je laissais cependant l'humaine les servir. Il fallait qu'elle puisse comprendre quelle était sa place, et quelle était celle que je lui réserverais à l'avenir, ce qui quelque part n'était pas très différent de celle qu'elle occupait déjà. Enfin, à l'avenir... Façon de parler. Je changeais parfois d'avis au gré des humeurs. Et je savais aussi que tout le désir et la soif que je ressentais ce soir n'étaient qu'une passade, et que toutes ces pensées s'en iraient. Je voyais bien à l'air qu'arborait Hannah qu'elle aurait bien aimé lui faire bouffer sa bouteille à l'autre abrutie d'humaine, mais elle parvint à se contenir. Bien. Docile, serviable. C'était quelque chose de vraiment pas mal. Intéressant, je notais l'information dans un recoin de ma tête. Mon sourire se fit plus large alors que j'entendais la réponse que me fit la jeune femme. Oui. Elle souhaitait que cette entrée en matière ne soit que le prélude à une soirée plus corsée. Tant mieux. Je dévoilais mes canines l'espace d'un instant, pour dissiper toute ambiguité sur la soif ardente qui m'habitait. Je me dressais sur mes pieds derrière Hannah en un éclair ; bien trop rapidement en tous cas pour etre perçu par un simple regard humain. Je lui soufflais quelques mots.

| As tu seulement conscience de ce que ton « oui » implique ? Je ne sens pas le sang affluer vers ton bas ventre. Tu veux me faire plaisir parce que tu n'as pas d'autre échappatoire. Pourtant, je sais que certaines choses t'ont plus, la dernière fois. Ne bouge pas beauté, je reviens. |

Aussitôt dit, aussitôt fait. Je m'assis en un éclair à la table des gens malpolis et qui me cassaient ma soirée avec l'humaine de mon fils adoptif. Ils allaient commencer à hausser le ton pour me demander de partir, jusqu'à ce qu'ils croisent tous mon regard. L'hypnose de groupe est affreusement compliquée à faire, même pour un vampire de mon envergure. Je ne m'y attelais pas du coup ; trop de témoins potentiels. Mais tous purent sentir la menace que sous tendait mes propos. Je leur expliquais que j'étais un vampire, fort ancien. Que cette serveuse était mienne, et qu'eux n'étaient que du bétail à mes yeux. Qu'il ne fallait pas prendre leurs supérieurs pour des moins que rien, ce qu'ils étaient précisément. Et que s'ils recommençaient à nous importuner, je les viderais de leur sang, les démembrerais à mains nues et donnerais leurs restes à mes chiens de garde. Ils blémirent, en bons touristes amateurs de sensations fortes qui ont vu leurs limites dépassées. Je sais qu'ils sont apeurés maintenant, et qu'ils vont sortir. Aucune importance. Je reviens vers Hannah rapidement, l'air plus grave, mais un rien de cruauté dans les yeux. J'aime être l'annonciateur de mauvaises nouvelles. Peut être parce que je suis le seul à avoir le droit de massacrer le messager.

| Il va bien falloir que quelqu'un nourrisse tes désirs, chère et tendre Hannah. Je tiens de source sûre qu'on ne risque pas de revoir ton beau prince de sitôt. Il semble qu'il a coulé par le font durant sa dernière équipée maritime... Au sens littéral. |

Mon "oui" faiblement murmuré, mon acquiescement si ténu, démontrant une motivation hésitante, ne parut pourtant pas déplaire à Augustus. Je lus dans ses yeux une envie décuplée : peut-être cette faiblesse excitait-elle son égo, son pouvoir sur les autres, et en l'occurrence sur moi-même, la pauvre servante sans défense ? Il apparut soudainement derrière moi sans que je puisse le voir venir : encore une tactique pour démontrer sa supériorité sans conteste sur tous les êtres humains du bar. Tel un serpent, il me susurra à l'oreille des mots doucereux sur la suite des "opérations" de cette soirée et nuit avec lui. A la fois surprise, apeurée et excitée par ce soudain rapprochement, je l'écoutai et compris qu'il savait et devinait tout sur ce qui pouvait se passer en moi. Si jamais je me mettais à penser à William, je culpabiliserais et cela aussi il le sentirait. Ce n'était pas le cas avec mon prince : il n'était pas aussi puissant que cela ; je pouvais lui cacher certaines choses, notamment toutes les fois où, quand lui voulait mon corps, moi je ne pensais qu'à mon frère, ou bien à Cora, ou à ma vie déjà compliquée. Et il prenait mes moments "de distraction" pour de la fatigue, ou il croyait que je me lassais de lui. Impossible ! Une fois devenue sa servante humaine, il fut plus difficile de lui cacher ma mélancolie, surtout qu'il ne pouvait concevoir que je regrette mon pays natal et ma vie d'avant... Pourtant j'avais bien des regrets, des envies de m'échapper, même quand il avait encore son titre de prince et il me choyait comme si j'étais sa femme... *Arrête de penser à lui ! Tu n'as plus le droit.*

Avant que j'ai pu rassurer Augustus sur mon dévouement envers sa personne royale, que dis-je sacrée, il m'abandonna d'un seul coup. Je le sentis partir plus que je ne le vis. Je l'avais perdu de vue. Je mis de longues minutes à comprendre que quelque chose vibrait contre ma cuisse. Mon téléphone dans la poche de mon pantalon ! L'attrapant fébrilement, j'ouvris le nouveau message, au contenu aussi mystérieux que cataclysmique :

Krystel Raybrandt a écrit:

VOUS VENEZ DE RECEVOIR UN SMS. 15 NOVEMBRE 2010
CORRESPONDANT : SA MAJESTÉ

Ma respiration s'arrêta. Je crus défaillir. Que voulait-elle dire ? Maintenant carrément effrayée, je cherchais Augustus du regard pour pouvoir m'échapper plus facilement. Toute conscience serviable et docile m'avait désertée. Je reculai derrière le bar, dénouait maladroitement mon tablier sans avoir réussi à repérer le roi. Sa voix derrière moi me fit sursauter ; j'avais perdu toute contenance. J'avais peur des mots de la Reine, peur de souffrir, envie de mourir encore plus. Je sentais quelque chose en moi qui s'éteignait doucement, puis quelque chose qui se réveillait, qui grandissait à l'intérieur de mon corps, une délicate douleur. Les mots du roi confirmèrent ce que mon corps me hurlait maintenant : mon prince avait été jeté à l'eau et souffrait mille morts dès l'instant présent.

Toute prudence envolée, je cherchai ma salive, la gorge sèche. Je n'arrivais plus à avaler quoi que ce soit ; une nausée sans nom me prit et je reculai encore plus, pour m'éloigner de ces êtres abjects et sans pitié. L'envie qui m'avait prise de lui s'était envolée. J'étais prisonnière de la douleur que me transmettait sans le vouloir William. Je balbutiai :

"Qu'avez-vous fait ?"
Je m'affaissai sans élégance à terre, le ventre noué, les hauts le coeur m'empêchant de perdre tout à fait la tête.
Je criai soudain, alors que je le voyais se rapprocher de moi :
"Ne me TOUCHEZ pas !"
Je rampai comme je pouvais sur le sol ; mes sens bloqués par la douleur, je ne percevais plus le bar, les gens malpolis, l'environnement, la chaleur. Je faisais encore un esclandre, sauf que je ne pouvais contrôler mes actes.
"Tuez-moi..."
J'abandonnai la partie trop facilement. Jamais Augustus ne me donnera cette grâce.

Spoiler:

Alors que j'étais revenu dans la direction de la jeune humaine, j'avais remarqué son trouble tout autant que je l'avais senti. Il fallait bien avouer que les choses auraient pu être pires, dans le sens où j'avais pris quelques risques avec les humains pour les punir. Mais de quels risques parlais je justement ? J'avais bien conscience que les choses allaient toujours dans mon sens, puisque c'était ainsi que je forçais le destin depuis bientôt deux millénaires. Je ne souffrais ni contradictions, ni frustrations. Je faisais toujours en sorte de pouvoir me défendre, de pouvoir obtenir tout ce que je désirais pour le simple fait que j'en étais capable. Ce soir ne dérogeais en aucun cas à cette règle que je pressentais presque comme manichéenne, dévastant tout ce qui entrait en contradiction. Je sentais bien entendu que le profond désarroi que ressentait la servante humaine de celui qui fut jadis mon fils adoptif, n'était de ce fait pas loin de se terminer pour de bon. J'allais la mettre devant le fait accompli, la torturer quelque peu pour pouvoir encore plus profiter, me nourrir, de chacune des sensations qu'elle pourrait connaître lorsque je m'occuperais de son cas. Je comptais bien me nourrir de toutes ces délicieuses petites réactions humaines qui, loin de me manquaient, m'amusaient toujours autant. C'était l'idée chez moi de ce qui faisait de plus fun, ce qui n'était absolument pas la même chose pour les simples humains que je pouvais être amené à côtoyer. Peu importait de toute manière ce n'était absolument pas cela le plus important, le plus important c'était que je m'amuse, et que j'obtienne comme il se devait ce que je désirais le plus. Cela m'allait plutôt bien, je devais bien l'avouer. Je remarquais alors la peur, la tristesse et le désespoir, qui semblaient étreindre toutes à la fois le cœur de la donzelle. Perdue, elle reculait et semblait vouloir se débarasser de son espèce de pièce d'uniforme. Je souris, dévoilant la pointe de mes crocs. Il n'était aucunement question de laisser tomber l'affaire ; je sentais que je n'allais pas tarder du tout à m'amuser comme un petit fou. Plus les secondes passées et plus je la sentais dans l'état d'esprit d'une bête acculée, que je repoussais par la seule force de la vérité implacable qui s'était imprimée en elle. Je ne regrettais en aucun cas ce qui était en train de se passer. Alors qu'elle tenait ce qui semblait être un téléphone, elle se rendait compte peu à peu de toute l'horreur qui l'attendait. Balbutiante, perdue, elle s'adressa à moi nullement comme on était pourtant sensé s'adresser à son supérieur. Je lui répondais, souriant mais plein d'importance.

| Ce que j'aurais dû faire depuis longtemps, ma douce, et tu le sais tout aussi bien que moi crois moi. |

Parce qu'elle n'était pa foncièrement stupide comme le reste de l'humanité ; elle n'avait rien d'un bovin. Elle était pleine de fougue et de délices, dont je savais bien profiter. Comme son précédent maître avant moi, mais cela, je n'y pensais pas vraiment. Elle se laissait tomber au sol, comme dépourvue de la plus élémentaire des forces vitales. Peu importait aussi son état ; il ne m'intéressait pas. Cela attirait le regard, mais je savais que je ne risquais rien dans une antre à vampires. Aucun de mes sujets ne tenterait rien contre moi, et l'hypnose de groupe était toujours une solution si les choses commençaient à déraper. Je finissais par me rapprocher pour la relever brutalement par le col.

| Ne me touchez pas, Votre Majesté. N'avais tu donc pas appris comment t'adresser à moi ? |

Je hisse son regard que je rive dans le mien.

| Je t'ai libérée plutôt. D'un être vil et faible, qui t'aurais entraînée dans sa ruine. Etait ce donc ce que tu désirais, ma petite ? Nous allons faire une petite expérience. Au fur et à mesure que l'affaissement de son pouvoir te laissera pantelante, je t'en insufflerai du miens. Et tu iras bien mieux... As tu donc oublié tous les délices auxquels je peux te faire gouter? |

Le choc et la douleur m’empêchèrent de réaliser que je commettais encore une fois une grande erreur. Encore une fois, j'oubliais auprès de qui je me tenais, j'oubliais mon travail, je ne ressentais aucune gêne à étaler en public les marques d'une souffrance explosive. On aurait que la pudeur était une notion inconnue pour moi ou que j'ignorais le sens du mot "orgueil". Je ne cherchais pas à masquer que le contenu du message de Krystel me retournait l'estomac ; que la signification de la présence et des mots d'Augustus faisait enfin surface dans ma tête ; que je comprenais enfin ce qui lui plaisait autant en moi : la possibilité de me torturer mentalement, sans avoir à lever le petit doigt !

Dans un moment de lucidité entre deux spasmes, je le vis se rapprocher de moi tel un félin leste sur sa proie, prêt à jouer au jeu que nous connaissons bien. *Quand il me donne si peu, qu'il me domine et me laisse quelques initiatives, car ensuite je les regrette et je m'en mords les doigts, quand il me prend tout et me rend à sa merci, lascive et...* La honte me submergea à la suite de ses pensées honnies.

Augustus... Cela se lisait sur son visage qu'il prenait plaisir à me voir souffrir, tomber, balbutier telle une enfant apeurée face au grand méchant loup. Même s'il n'avait pas besoin d'en rajouter, je savais qu'il n'allait pas en rester là.

| Ce que j'aurais dû faire depuis longtemps, ma douce, et tu le sais tout aussi bien que moi crois moi. |

Non... La réalité m'attaquait le corps, se nourrissait de moi comme d'une personne faible. Je ne me défendais pas contre le désespoir qui m'envahissait. Ils avaient emprisonné William, le faisaient souffrir mille tourments, par ma faute. Mais Augustus avait tort ; il n'aurait pas du agir de la sorte contre un vampire aussi proche d'eux, fils de Krystel, fut-il un traître. William était prêt à donner sa vie pour être aimé de Krystel et en retour, il n'avait reçu qu'incompréhension. Il avait voulu l'impressionner, mais ils avaient découvert ce qu'il avait fait. Je me refusais à accepter la solution définitive au problème que représentait William.

Tout en Augustus me répugnait ; je voulais mettre le plus possible de distance entre lui et moi mais me traîner sur le sol du bar n'allait pas m'aider dans cette tache ! Effrontément, je lui ordonnais de ne pas me toucher, mais bientôt il fut sur moi et me ramenait plus près de son visage haï. Je fermais les yeux pour ne plus le voir mais les rouvrais aussitôt, comprenant que son ton ferme et glacial ne m'accordait aucun repos. Sans me laisser le temps de répondre, il me rapprocha encore plus près de lui, pour que nos regards se rivent l'un à l'autre. C'est ainsi qu'il me dévoila une des raisons de sa présence ici : me donner de sa puissance pour que je supporte la souffrance. Grâce à lui, la douleur de William ne sera plus qu'un souvenir. Ramassant les restes de mon courage, je répondis en essayant de mettre toute mon énergie dans ce souffle :

"Votre Majesté... Cette souffrance... me rappelle que William est en vie. Je veux la garder." affirmais-je.
Et dire que l'instant d'avant, je voulais qu'il me tue. Ironie du sort. Au départ, cela me semblait préférable ; trop difficile de vivre quand on sait que c'est par notre faute que celui qu'on aime souffre. Mais maintenant qu'il m'offrait un soulagement, je le refusais tout net.

"J'aimais William. Comprenez-vous au moins ce mot, votre Majesté ?"

Je n'avais plus peur, ou aucune envie de vivre. Quel autre genre de souffrance pouvait-il m'apporter ?

Je laissais la vérité s'imprimer lentement mais sûrement dans l'esprit de la jeune servante humaine. Elle était décidément longue à la détente ce soir ; je ne savais pas si c'était seulement de la peur ou s'il n'y avait pas aussi un peu d'incompréhension alors qu'Hannah ne semblait pas voir où je voulais en venir : la punition de son mentor chez les vampires, de son amant et ami, de ce misérable qui n'avait eu de cesse de me trahir, ourdissant complots et tromperies derrière mon dos à la moindre occasion. Ce qui me semblait sûr, c'était qu'il n'y avait rien de défavorable à avoir enfin laissé Krystel punir son fils comme il se devait. Il fallait bien avouer qu'il l'avait amplement mérité, cet infâme cancrelat, alors qu'il semblait que nous avions fait tant d'efforts pour lui garantir un avenir et une destinée les plus stables possibles. Moi de mon coté en tous cas, j'avais du déployer au fil des âges de véritables trésors de patience et d'inventivité pour muer la sourde colère qui m'étreignait cet organe vide et froid que les humains appelaient cœur, en quelque chose de suffisamment serein pour laisser cet infatué vivre. J'avais fini par atteindre mes limites, et Krystel avait elle même sauvé son propre honneur en s'en prenant à son fils, lui préférant l'infamie d'un emprisonnement dans les tréfonds sous marins de notre monde plutôt que les longs et douloureux sévices que je lui aurais rituellement infligé, respectuant nos anciennes traditions des trois morts que devait subir un vampire avant de tendre les bras vers la véritable fin. Ma douce Reine avait eu la bonté de s'occuper de ce petit problème.

Je ne me laissais pas démonter par les désirs stupides de cette petite humaine, alors que notre petit « altercation » semblait attirer les regards malgré tous mes efforts pour nous dissimuler. Cette foule devenait inconvenante, je ne saurais m'attarder ici, il me faudrait donc faire en sorte de pouvoir emmener Hannah à un autre endroit ou bien de faire suffisamment d'efforts pour que la conversation prenne à nouveau un tournant semblant de normalité dont je savais fort bien ne pas être capable. Cela dit, je devais reconnaître beaucoup de courage à cette petite. Elle me tenait tête sans se montrer irrespectueuse, repoussant pour autant les bienfaits de ma proximité. Décidément, ces humains se montraient particulièrement récalcitrants aux honneurs qu'on pouvait bien daigner leur accorder, ce qui ne m'étonnait guère de la part de cette sous espèce vile et butée.

| Je comprends bien plus que tu ne le penses, ma petite serveuse. J'aime une femme depuis plus d'un millénaire. J'ai tout fait pour elle ; j'ai même fini par lui accorder la direction commune de l'oeuvre de mon existence toute entière. Mais ce que je ressens pour elle n'a rien de semblable à ce que tu ressens pour ce traître. |

Je vins lui murmurer dans le creux de l'oreille, sur le ton de la confidence et de la vérité.

| Il a produit un travail admirable sur toi, je dois bien l'avouer. Il a réussit à te donner l'illusion de l'amour, alors que tout ce qu'il te soutirait, c'était du pouvoir supplémentaire pour me défier. Pensais tu votre idylle réciproque ? Il a toujours aimé sa mère, bien trop pour son propre bien. Moi évincé, il l'aurait fait sienne. Je le sais, j'ai lu en lui comme je lis en toi. Tu voudrais souffrir pour tes idéaux? Tiens, ça me rappelle quelqu'un! |

Je partais d'un petit rire franc et quelque peu libérateur.

| Ton frère aussi l'a fait. Regardes où il en est aujourd'hui. Savais tu aussi qu'il avait pensé à attaquer ce bouge, armé jusqu'aux dents, pour te libérer ? C'était avant que ma Reine ne lui fasse découvrir la réalité sur sa propre nature. Aujourd'hui, ton cher frère ne se débat plus dans le mensonge de ses soit disant sentiments. L'objet de son amour perdu est devenu l'une des nôtres. Il a été battu et rejeté par tous les siens. Et il n'y a pas de plus loyal serviteur à ma divine épouse que lui. Bientôt, toi aussi tu ouvriras les yeux. Même si je dois te briser comme lui l'a été, pour mieux te reconstruire. Persistes tu dans ton arrogance, ou es tu prête à enfin exister? |

*Il va falloir te débrouiller toute seule ; ici au moins tu es dans ton élément.*

"Hannah, il va falloir fermer. Il y a une baston qui a démarré près de l'entrée et on n'arrive plus à la contenir."

"Comment c'est possible ? Que fait Leslie ?"

"Leslie est pas là ce soir ; les autres vampires non plus. Je te l'ai dit tout à l'heure, tu as oublié ?"

*Oui totalement.*

"Euh... non."

*Tu ne vois pas que je suis avec le roi des vampires, qui veut me faire passer dans sa casserole ?*

"Et bien fermons."

*Reste donc seule avec le roi.*

*Les Badenov damnés et jouets royaux !*

"Votre Majesté, vos paroles ouvrent un cheminement en moi que je ne connaissais pas. J'aurais aimé que nous continuions cette conversation, mais comme vous le voyez, le bar va fermer. N'y a t-il pas quelque chose que vous puissiez faire pour nous permettre de poursuivre ?"

Avec cette grande expérience que j'avais de l'âme humaine au bout de bientôt deux millénaires d'existence, je perçus le trouble qui habitait Hannah. Je savais bien entendu comment rouler son esprit d'un seul regard, comme je l'avais fait avec toute une partie de l'assemblée qui s'était mise à nous observer. Je sentais ses battements cardiaques accélérer de plus en plus ; je sentais sur elle l'odeur de l'excitation primaire qui habitait chaque humain, mais aussi chaque vampire. Comme je l'avais escompté, elle avait malgré elle apprécié le supplice de la dernière fois ; elle en avait retiré en égales parties de la souffrance, du désespoir, des blessures, mais aussi et surtout du plaisir. Un plaisir malsain et pervers qui ne faisait que sacrifier l'image qu'elle avait de l'amour et du sexe, l'image qu'elle avait de sa propre relation avec le prince de jadis de mon empire nocturne. Je la laissais à ses réflexions, qui semblaient être intenses, alors qu'un humain vint très vite nous interrompre comme le malpoli qu'il était. N'avait il reconnu le monarque de ces terres froides d'Ecosse ? Non, visiblement pas, et l'individu semblait nerveux. Il prévint la serveuse d'une bagarre et de la fermeture à venir. Je fronçais les sourcils. Etait ce comme ça que Jana comptait s'occuper de ses nouvelles possessions, de les laisser libres et ouvertes à l'anarchie ? Non. Je savais que Jana n'avait pas encore toutes les qualités pour faire une princesse vampire digne de ce nom, mais je la savais compétente. Elle aurait su gérer cette situation. Un impondérable... C'était excitant ! La belle demanda ce que faisait Leslie, j'imaginais donc qu'il s'agissait d'un des agents de sécurité de la place. La décision de fermer venait donc de tomber, et je souriais à la jeune femme quand celle ci reporta son attention sur moi. C'est alors que s'opéra la transformation. Charmeuse et séductrice, Hannah l'était devenue. Sa voix était pleine de sensualité, et elle me fit dévoiler mon plus beau sourire.

| RIen n'est permis, tout est possible. | vins je lui murmurer dans le cou avant de l'embrasser à cet endroit aussi lentement que sensuellement.

Puis, je la pris dans mes bras, et la portais. Partant à toute vitesse, l'humaine n'allait pas avoir le temps de voir ou de comprendre ou nous partions. La vitesse des vampires est quelque chose d'étonnant. On ne coure ni l'on vole à proprement parler. Pourtant, nous sommes plus rapides qu'une flèche ; il n'y a que les balles qui vont plus vite que nous. Nos mouvements sont si vifs qu'ils paraissent aux yeux des humains comme de la magie, et qui leur donne l'impression que l'on peut disparaître sous leurs yeux pour réapparaître dans leur dos. Il ne nous faut que quelques courts instants pour rallier l'Eternal Rest, l'hôtel pour vampires. Je déposais Hannah sur ses pieds à l'entrée, et lui présentait mon bras pour l'inviter à entrer. Foulant la foule d'un pas vif, je me dirigeais vers la réception. Le gérant, que j'avais moi même recruté, me donna la clé de la suite. Avec un petit sourire satisfait, je me retournais vers Hannah.

| Nous y serons à l'aise pour poursuivre. L'hotel est à moi, comme l'immense majorité des entreprises destinées aux vampires. La suite est spacieuse, et te changeras de l'atmosphère de mon manoir. On va nous livrer un repas pour toi, et une bonne bouteille. |

L'ascenseur nous amena au dernier étage ; il n'y avait qu'une chambre sur tout l'étage. La suite était énorme et recelait une multitude de pièces. Elle se louait d'ordinaire à coups de montants à cinq chiffres, mais étant propriétaire... Nous avancions dans le grand salon avec cheminée, le feu était déjà allumé. Je déposais ma veste sur le rebord du canapé.

| Tu ne m'as pas dit, petite humaine. Quel est donc ce cheminement que j'ai ouvert en toi? |

"C'est parfait. Merci mon Roi."

Tu ne m'as pas dit, petite humaine. Quel est donc ce cheminement que j'ai ouvert en toi?

"Ce serait mentir que de dire que vos paroles ne m'ont pas troublée. Ce que vous avez dit à propos de William ... J'avais deviné son faible pour sa mère, mais pas les vrais sentiments qu'il avait pour moi. Enfin, je devrais dire, ses faux sentiments envers moi."

"J'ai des pensées honteuses en moi ; vous comprenez, je suis sa servante humaine, je n'ai pas le droit de me montrer déloyale."

*Tu l'as bien fait il y a peu de temps envers ton frère.*

"Vous avez aussi parlé de mon frère. C'est douloureux pour moi de songer à notre lien qui s'effiloche. Pouvez-vous aussi comprendre l'amour fraternel ?"

La jeune humaine ne me répondit pas immédiatement. Je ne savais pas si c'était parce qu'elle hésitait, parce qu'elle réfléchissait à la meilleure réponse à me faire, ou si elle continuait simplement de contempler l'opulence de ces lieux. Je n'en savais rien et je m'en fichais ; je n'avais peur d'aucun secret ou d'aucune conspiration. Qu'elle souffre donc, puisqu'elle avait choisit la proximité de William. J'étais simplement déterminé à me jouer d'elle comme durant notre dernière rencontre, un peu à l'image de l'enfant qui s'amuse d'une mouche en lui coupant les ailes une à une, puis les pattes, pour mieux la regarder se morfondre de son triste sort. J'étais joueur ; je n'avais jamais cessé de l'être. Je me satisfaisais déjà d'avoir su amener l'humaine jusqu'ici sans avoir à rouler son esprit, quelle drôle de petite perverse elle faisait au final, elle qui se plaisait à se mettre parfois en tête qu'elle était capable de me résister, à moi, le maître de toute chose sur cette Terre ! Reportant mon attention sur la jeune femme alors que je défis les boutons de mes manches pour retrousser celles ci sur mes coudes, je remarquais qu'elle s'était approchée du feu. Avait elle froid, ou est ce que la simple contemplation des flammes ? Je n'en savais rien non plus. Je me plaisais à l'idée que, peut être, la belle pensait peut être s'emparer d'un tison pour me l'envoyer en pleine figure ? Peut être pensait elle trouver un bien terrible allié contre moi en regardant l'âtre ? Non. Même elle ne pouvait s'avérer aussi vaine ; elle ne pouvait que se douter que j'étais bien trop fort, trop rapide, trop résistant, pour la laisser ne serait ce que m'approcher. Je souris aux paroles qu'elle envoya sur William et sur moi, je ne pensais même pas à sonder la véracité de ses dires dans son ton ou son attitude ; je laissais sa franchise à sa discrétion. De fait, je m'amusais autant à la voir se dépétrer dans ses mensonges qu'à se jeter à mes pieds, et je savais bien ce que j'attendais d'elle. Purement et simplement du divertissement.

| Si tu savais seulement à quels vices il s'adonnait volontiers... J'ai eu la faiblesse de croire qu'il serait capable de mûrir et de prendre sa place auprès de nous. Il n'en a rien été. Il est toujours resté le même ; puéril, capricieux, et ambitieux. Je ne pouvais plus tolérer ses affronts à mon pouvoir. |

Des pensées honteuses ? Cela ne fit que dévoiler mes crocs en un sourire pervers et sadique alors qe je sentais une certaine impatience en moi.

| Ssatisfaire ton roi n'est pas déloyal. Si tu le désirais, je pourrais t'absoudre du reste de tes liens avec le traître... C'est en mon pouvoir, pour le peu que tu me laisses essayer... |

J'essayais de l'impliquer, de lui montrer qu'elle avait voie au chapitre et qu'elle se devait de passer outre. Je devais me l'aliéner, pas en faire une ennemie. Quand elle parlait de son frère, j'haussais les épaules.

| Honnêtement, je ne le comprends pas. Autrefois, si. Il se battait pour la haine qu'il nous portait. Ce que toi tu connaissais dans les bras de William, il l'exécrait. Je l'ai affronté une fois ou deux. Il en a tué un grand nombre, de mes serviteurs. Du rebut pour la plupart, certes, mais tout de même. Je crois que la Reine a en fait su le révéler à sa propre nature. Il n'est pas fait pour aimer, ni pour être aimé. Ni pour enfanter, semer une terre, ou façonner des choses de ses mains. La seule chose à laquelle il a quelques talents, c'est la mort. Il la dispense avec une efficacité redoutable, et il ne vit que pour ça. Il a trouvé sa voie. Trouveras tu la tienne? |

Pensive, je contemplais les flammes, pourtant très consciente de la présence du roi derrière moi. Difficile de l'oublier ! Nous nous trouvions dans sa suite luxueuse à l'Eternal Rest. Un instant saisie de découvrir que nous avions voyagé si vite, j'avais mis du temps à lui répondre. Peut-être croyait-il que j'étais encore intimidée de sa personne. Ce n'était pas totalement faux. Je connaissais ses penchants, ses travers, sa cruauté, son envie de m'utiliser jusqu'au bout et de me blesser par tous les moyens possibles. Déjà notre début de conversation me laissait nauséeuse, maussade. Je n'aurais pas du lancer la discussion sur William. Mais quels autres sujets aurais-je pu trouver pour entretenir la conversation ? Et puis d'ailleurs, me trouvais-je ici avec lui pour le simple plaisir de faire "causette" ? Non, il fallait être réaliste.

Alors à contrecœur, je me détournais du feu captif dans la cheminée pour contempler celui près de moi.

Satisfaire ton roi n'est pas déloyal. Si tu le désirais, je pourrais t'absoudre du reste de tes liens avec le traître... C'est en mon pouvoir, pour le peu que tu me laisses essayer...

De quoi parlait-il ? Devais-je le croire ? N'étais-ce pas encore une tentative pour me soumettre à son pouvoir ? Augustus voulait-il vraiment que j'abandonne tout combat ? Mais si je lui obéissais totalement, quel intérêt trouverait-il en une Hannah docile et exempte de remords ? Non, je ne devais pas me surestimer. Il m'était impossible de me donner à lui sans éprouver un malaise. Impossible sans que l'odeur de la trahison ne vienne me faire suffoquer. Une douleur sourde revenait doucement depuis quelques secondes ; à chaque respiration, l'air me paraissait devenir lourd et grumeleux, presque solide. Je décidais de ne pas relever et d'enchaîner sur un autre sujet, mais le seul qui me vint à l'esprit fut celui sur Torben. Un autre sujet douloureux. Décidément, je ne savais pas comment soulager mon esprit !

Il a trouvé sa voie. Trouveras tu la tienne?
La conclusion d'Augustus, sa question ouverte, ne m'apportait pas de réponse toute faite. Je ne savais pas encore quel était mon but sur cette terre : dispenser du plaisir ? Torben avait trouvé sa voie, selon le Roi, et je trouvais ce choix misérable, triste. J'espérais que le roi se trompait. Une vie basée sur la mort n'apporte rien de bon. Toutes les paroles du roi se mélangeaient dans ma tête ; et continuer à converser ne me procurerait rien de bien. Je m'approchais du roi, lentement, vins près de lui pour lui murmurer :

"L'avenir nous le dira, votre Majesté."
C'était bien formulé, mieux que d'annoncer simplement que je n'avais pas trouvé de réponse à sa question.
"Ma voie est sûrement différente de celle de mon frère ; je n'ai pas envie de tuer qui que ce soit."ajoutais-je en souriant.
*Sauf peut-être ceux qui font souffrir William et moi-même par la même occasion.* Cette douleur devenait dérangeante. Je la laissais transparaître dans mes yeux.
"Votre Majesté, de quelle manière pouvez-vous me soulager de cette douleur ? Elle revient par à-coups ; elle me transperce. Vais-je vivre le restant de mes jours prisonnière d'elle, et de vous, qui pouvez me procurer un antidote ?"
Question intelligente et importante. Comment allais-je vivre ? Où ? Toujours à portée du roi pour qu'il puisse me soulager ? Le pire, c'était que j'étais dépendante de lui maintenant. Et je devais mériter son aide.

Spoiler:

L'humaine m'attacha finalement son regard, alors qu'elle était restée jusque là concentrée sur le feu qui était allumé dans la cheminée. C'était chose rare pour un hôtel que de disposer de cheminées, pourtant c'était une obligation pour chaque batiment qui m'appartenait. Il fallait avant tout que je continue à plonger mon regard dans le sien, car ce simple contact visuel recelait une part de pouvoir incroyable que je ne pouvais ni nier, ni rejeter. Il fallait bien entendu que j'évite de la rouler avec mes pouvoirs, car ce n'était pas de cette façon que je contrôlerais vraiment Hannah. Le voulais je seulement ? Avec elle, je ne savais jamais à l'avance ce que j'allais faire ; j'agissais à l'instinct, selon mes caprices. Il faut bien se rendre compte qu'elle était un passe temps, un sujet d'expériences, parfois voire souvent de plaisirs, puisqu'elle m'aidait à satisfaire tous mes penchants quels qu'ils soient. Il fallait bien avouer qu'elle était tout aussi partante que déterminée à ne pas se laisser faire, mais le goût du stupre était pour elle quelque chose de très compliqué auquel il fallait résister, et elle n'y parvenait d'ailleurs jamais tout à fait. Elle aimait et détestait en parts égales ce que j'étais capable de lui faire, et c'était d'ailleurs le constat de cette attirance qui la conduisait à se remettre en question. Ou bien, je me leurrais sur ce que j'éveillais chez elle ? Peut être. Je connaissais bien la psychologie humaine pour le coup, puisque je côtoyais ce bétail depuis quantité de siècles, bientôt deux millénaires. Mais je ne m'étais jamais impliqué vraiment auprès de l'un d'eux, hormis avec Suzy, ma servante humaine. Ce que je voyais passer sur son visage, était ce de l'intérêt pour la solution que je lui proposais, ou bien du rejet ? Je n'en savais rien. Je m'en fichais. Peu importait ses désirs, puisque j'étais capable de lui imposer les miens. Cela dit, ce petit jeu de doutes était somme toute très divertissant, et j'aimais la voir se débattre avec les opportunités que je lui laissais miroiter...Par contre, je lisais clairement le déplaisir que lui causait l'évocation de son frère.. C'est alors que la belle se rapprocha pour me murmurer que l'avenir seul répondra à ma question. C'est le moment précis où elle choisit d'en appeler implicitement à mon aide.

| Il n'y a aucune science dans ce domaine. Je suis désormais convaincu qu'il existe quelque chose d'autre en ce monde que l'empirisme. Tu es attachée à William qui va vivre une éternité d'agonie selon mon bon vouloir. Rien ne nous dit que tu peux t'en défaire. |

J'apparaissais dans son dos, posant délicatement mes mains de part et d'autres de son bassin pour ensuite frôler son ventre, tandis que je humais ostensiblement l'odeur de l'humaine contre sa nuque.

| t'apposer de nouvelles marques, alors que je suis plus vieux et plus puissant que William, pourrait être une solution... Mais te considères tu réellement comme ma prisonnière. La dernière fois était un avertissement pour ton maître. Ce soir, il n'arrivera rien d'autre que ce que tu auras souhaité. Que veux tu, humaine? |

J'attendais tout d'Augustus : par mes questions, par ma supplication, je me remettais entièrement en son pouvoir. Persuadée que d'une certaine manière encore inconnue et éloignée de ma conscience, il saurait trouver un antidote, un remède à mon mal, qu'il viendrait me soulager, par on ne sait quel prodige. Un vampire aussi puissant et ancien que lui devait posséder des pouvoirs dépassant mon imagination ; il me restait maintenant à pouvoir bénéficier de son ombre protectrice, de son onguent bienfaiteur. Je devais le mériter, j'en étais sûre. J'étais persuadée qu'il me refuserait toute aide tant que je n'aurais pas prouvé mon allégeance indéfectible, tant que je n'aurais pas effectué actes de contrictions, attitudes soumises, tant qu'il n'aurait pas été satisfait de mon humiliation. Je quémandais son aide comme une chienne battue vient retrouver son maître violent pour qu'il la soigne. Il était le seul appui que j'avais, assez puissant autant pour m'aider que pour me blesser. Dans le monde des nocturnes, mes alliés se comptaient sur les doigts d'une seule main.

| Il n'y a aucune science dans ce domaine. Je suis désormais convaincu qu'il existe quelque chose d'autre en ce monde que l'empirisme. Tu es attachée à William qui va vivre une éternité d'agonie selon mon bon vouloir. Rien ne nous dit que tu peux t'en défaire. |

Sa première déclaration, fataliste, paralysa en moi l'espoir que j'avais nourri auparavant. Allais-je donc souffrir éternellement ? Etait-ce là ma punition pour avoir aimé le mauvais chevalier de cette partie d'échecs sinistre ? Voilà pourquoi il ne m'avait pas humiliée ou fait du mal, du moins physiquement ; il n'en avait nulle besoin, je n'avais aucune échappatoire dans mon enfer ; même lui, mon ancien bourreau, n'avait aucun outil pour apaiser ma douleur ! Cette constatation développa encore plus les maux de tête et de corps qui m'envahissaient ; je me sentais faiblir et je serais tombée s'il n'était pas apparu dans mon dos. Ses mains chaudes en comparaison de mon corps glacé furent comme un baume sur ma souffrance - éphémère mais apprécié.

| t'apposer de nouvelles marques, alors que je suis plus vieux et plus puissant que William, pourrait être une solution... Mais te considères tu réellement comme ma prisonnière. La dernière fois était un avertissement pour ton maître. Ce soir, il n'arrivera rien d'autre que ce que tu auras souhaité. Que veux tu, humaine? |

La voilà, l'échappatoire. Un soulagement sans bornes entra en moi, alors que je réalisais avec peine ce que cela signifiait. Echanger un maître pour un autre. Pouvais-je devenir une deuxième servante humaine ? Etait-ce cela qu'il me proposait ? Bien que je doute, je ne voulus pas le lui montrer. Sa question sonnait comme un ultimatum ; je n'avais pas le droit de le faire attendre. Je ne ressentais aucun chagrin particulier, juste une envie de continuer notre échange douloureux et agréable, jusqu'à m'y perdre totalement.

"Mes désirs vous importent donc, votre Majesté. J'aimerais ne plus être votre prisonnière et pouvoir vous servir de toutes les manières possibles. Me repentir de mes conduites passées."
*Je n'ai pas peur de vous ; j'ai déjà mon enfer et mon purgatoire personnels.* ajoutais-je pour moi-même.
J'eus l'audace de poser mes mains sur les siennes ; l'audace de coller mon bassin au sien, pour lui montrer aussi ce que j'attendais de notre entrevue. Le vice faisait partie de moi ; le vice, et une capacité inégalée à creuser l'écart entre les deux Hannah, l'une fidèle et rebelle, l'autre traîtresse et lascive.

"Je veux ce que vous consentirez à me donner. Que vous apaisiez ce feu en moi. Brûlant, dévastateur..." murmurais-je de plus en plus bas en me retournant et en l'embrassant à pleine bouche.

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Sujet: Re: I Will To Suck You [Livre 1 - Terminé]

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