Accoudée au bar, j’attendais que ma nouvelle proie arrive. Elle avait ses habitudes et trainer dans cet endroit en faisait partie. Cela faisait plusieurs jours déjà que je l’observais maintenant et je n’avais toujours pas trouvé d’ouverture. A chaque fois qu’une femme venait l’aborder, il la repoussait gentiment, si bien que je commençais à croire qu’il aimait les hommes et non pas la gente féminine. Cela posait problème, c’était indéniable. J’allais devoir trouver une autre approche pour qu’il me suive docilement dans un lieu moins fréquenté, afin que je puisse le tuer. Autant dire que cela n’allait pas être de la tarte. En temps normal, il me suffisait d’endosser le rôle d’humaine dragueuse, en mal d’amour et enivrée. Les hommes tombaient dans le panneau tout de suite et me proposait d’eux même d’aller dans un endroit plus intime.
J’avais redoublé de prudence et de discrétion pour que ma proie ne se rende pas compte que je lui collais au train. J’avais troqué mes perruques flamboyantes contre une très classique. Mes cheveux étaient d’un noir corbeau et coupé très court. Mes grands masques habituels avaient été laissés au placard aujourd’hui. Je m’étais passé un rouge à lèvre très clair, pour masquer la couleur très rouge de ma bouche. Je m’étais ajoutée de faux cils pour les agrandir, puis redessinée mes sourcils. Je m’étais fait un léger trait d’Eyeline pour finaliser mon maquillage. Je portais des lentilles de contact qui transformés mes yeux marron en bleu foncé. En soi, je n’étais pas vraiment métamorphosée et, je l’avoue, cela me posait problème. J’avais l’impression d’être nue. Seulement… Seulement je n’avais pas le choix. Ma proie commençait à se douter de quelque chose. Elle était plus nerveuse qu’à l’habitude. Ce soir, je devais mettre fin à cette mission, et jouer en finesse.
En jetant un coup d’œil à ma montre, je fronçais les sourcils. Cela faisait une demi-heure que j’étais là à l’attendre. Il était réglé comme une horloge en temps normal. Là… Là il avait une bonne heure de retard. Je fis signe au barman de me resservir un verre de vin rouge. Un homme finit par s’installer à côté de moi, un vampire pour être plus exact. Je l’ignorais totalement, même si quelque chose en lui me dérangeait. Je n’arrivais pas à mettre la main dessus mais… je sais pas, il n’était pas comme tout les autres vampires. Je me forçais à ne pas le regarder et me concentrer sur ma mission. Je m’occupais en guetter dans le miroir du bar la porte, tout en me forçant à boire petite gorgée par petite gorgée la boisson en face de moi. C’était vraiment… Désagréable.
J’étais en train de porter mon verre à ma bouche quand un ivrogne me bouscula. Le liquide se renversa aussitôt sur le vampire. J’aurais pu l’éviter seulement… Seulement on aurait vu que je n’étais pas une simple humaine, mais une suceuse de sang, et ma couverture aurait été grillée. Hors c’était quelque chose que je voulais éviter à tout prix. Je tournais la tête vers le nocturne rouge, pour lui bafouiller, d’une voix gênée Oups… Désolée, je ne voulais pas. Je… Je pris mon sac à main, fouillais dedans, prenant le temps de faire mine de ne pas trouver tout de suite mon portefeuille. J’en sortais les mains légèrement tremblantes de honte quelques billets, et les posais devant lui. Laissez-moi vous payer le teinturier… Je m’appelle Awa. Vous venez souvent ici ? Je lui fis un sourire à la fois gênée et charmeur. Quitte à devoir attendre, autant faire la conversation non ? Et puis, je devais bien avouer qu’il était drôlement sexy ce petit vampire. J’avais beau toujours porter le deuil de mon époux et ne chercher aucune relation avec personne, cela ne m’empêchait pas de le trouver très charmant. La nature l’avait vraiment gâtée et c’était un vrai régal pour les yeux. J’étais étonnée d’ailleurs qu’il soit seul dans ce bar. Les femmes devaient pourtant se bousculer pour lui offrir un verre et être en sa compagnie.

Le vampire à mes côtés refusa l’argent que j’allais poser devant lui, m’indiquant qu’il préférait une serviette. Cela ne changerait rien. Le liquide avait déjà imbibé ses vêtements et un morceau de papier ne pourrait pas réparer les dégâts. Il portait un jean, difficile de le sécher juste comme cela. Je sortais cependant de mon sac un paquet de mouchoir. Oui, je suis vampire, je n’ai pas besoin de me moucher, alors pourquoi en aurais-je dans mon sac ? Tout simplement pour nettoyer ma bouche après un repas. Il n’y a rien de plus désagréable que d’avoir du sang séché autour sur le visage. Ah… Attendez, laissez moi faire. Je sortais un mouchoir, et tapota légèrement la tâche, les mains toujours un peu tremblante. Je ne craignais nullement le vampire, cependant, j’étais censée être une novice et lui… Lui il transpirait la puissance. Le nocturne n’était pas né de la dernière pluie. Il avait au moins 200ans, voir 300 ans même. Je le sentais.. Je pris bien garde de ne jamais le toucher directement, et ne pas paraitre ce que je n’étais pas : entreprenante. Je n’avais aucune envie de le draguer. J’étais en chasse. Et quand bien même je ne l’étais pas, je n’étais pas intéressée par les hommes. Il était mignon, sexy, et tout ce que vous voulez, mais je n’étais ni un corps ni un cœur à prendre.

Une fois ma « tâche » accomplie, je reposais les billets devant lui en lui disant J’insiste cependant… Tenez. Je ne veux pas avoir d’ennui avec l’un de mes aînés. . Je passais pour une petite créature faible devant lui, faible, mais lucide. Je lui faisais comprendre que j’avais deviné qu’il était beaucoup plus âgé que moi. J’en déduisais qu’il devait avoir une position importante au sein de la structure vampire, même si j’ignorais laquelle. En dehors des Reines, je ne m’étais intéressée à personne d’autre. Et encore, j’avais vaguement vu des photos d’elles, histoire de pouvoir les reconnaitre si je devais les croiser. Pandore m’avait confié comme mission de débarrasser le monde de ses deux vampires si l’occasion venait à se présenter.

Le vampire se présenta et je ne pus m’empêcher de sourire. Nicolas ? Vraiment ? En y prenant garde, je remarquais qu’il avait un léger accent, un accent qui n’avait rien d’anglais. J’avais toujours eus l’oreille pour cela. Pas de doute. Il était né dans le même pays que moi. Sans aucune hésitation, je lui répondais alors dans notre langue natale, contente de pouvoir un peu la pratique, avec une autre personne que ma sœur de cœur. Nicolas? Vous êtes aussi Français? C’est rare de rencontrer ces derniers temps des compatriotes ici. Avec les temps qui courent, l’Ecosse n’est plus vraiment une destination touristique. Je lui fis un léger sourire timide. .J’adorais ça avant, mais maintenant… Grand cru, ou pas, cela ne change pas grand-chose pour les personnes de notre espèce… Je poussais un soupir las avant de faire signe au barman de me resservir la même chose. Je n’avais pas menti au vampire qui-sentait-bon en lui affirmant que j’aimais cela avant ma transformation. Qui sait, un jour peut-être, à force d’en boire, j’apprécierais de nouveau de déguster un bon verre de château Giscours de l’année 2012, même si ce n’est pas ici que j’en trouverais. Oui, le vin avait toujours été mon péché mignon et je m’y connaissais plutôt bien. J’avais appris tout ce que je savais avec mon défunt époux. A force d’écumer les caves à ses côtés, j’avais fini par m’y intéresser et apprécier une bonne bouteille de vin. oh, que suis-je impolie… Voulez-vous que je vous offre un verre ? C’est la moindre des choses que je puisse faire.. Je lui refis un sourire qui se voulait timide, avant de remettre l’une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille. Un peu de charme ne pouvait pas faire de mal non ? Ok, je n’étais pas du tout intéressée par lui, seulement… Seulement il sentait bon et je me sentais comme attirée par son être. Pourquoi ? Je n’en avais aucune idée et c’était justement ce que je voulais déterminer. Il était puissant, et dangereux. S’il avait le pouvoir d’exercer un je ne sais pas trop quoi sur ses cadets, je devais le découvrir et alors l’éliminer. Il me fallait déterminer s’il était ou non un danger pour ma mission et pour moi.

En italique, des paroles en français, prononcé parfaitement, sans accent anglais.

Il y avait vraiment quelque chose qui me dérangeait avec ce vampire. Je ne sais pas trop quoi, mais il n’était pas comme les autres. C’est étrange, mais j’avais l’impression de le connaitre et pourtant, je savais que ce n’était pas le cas. Ce n’était pas son visage qui m’était familier mais autre chose. Je n’arrivais pas à mettre la main dessus et cela me perturbait. Je devais me montrer prudente avec lui. Il transpirait la puissance et si cela ne m’avait jamais fait peur par le passé, je ne sais pas, quelque chose me poussait à me méfier. Je devais me montrer vigilante, autant dans ma manière d’être que dans mes paroles. Il ne fallait pas que je me trahisse. Je jouais ainsi la jeune vampire, qui finalement j’étais. Je n’étais juste pas aussi peureuse et impressionnée par lui que je le laissais entrevoir. J’insistais dans mes excuses, même si je voyais bien que cela l’embêtait. Lorsqu’il me demanda mon âge de manière on ne peut plus élégante, cela me certifia dans le fait qu’il était vraiment très âgé. Je lui répondais un peu sombrement J’ai été attaquée il y a six ans. Je m’en souviens encore comme si c’était hier… ce qui était totalement la vérité. Je revoyais celui qui était mon créateur me poursuive dans plusieurs rues. Il avait beaucoup joué avec moi avant de se lasser et de me mordre. Cette douleur, tout ce sang… Je portais ma main à mon cou sans vraiment m’en rendre compte, avant de faire mine de le masser. Il avait pris beaucoup de plaisir à me faire souffrir et faire durer mon calvaire plus que nécessaire. J’avais vraiment cru qu’il allait me tuer mais finalement il avait opté pour une autre solution et avait fait de moi l’une des siens. Si Pandore ne m’avait pas aidé et sortie de ce mauvais pas… Je n’ose imaginer ce qui me serait arrivé et ce que je serais devenue. Sans aucun doute quelque chose de fragile et traumatisée.

Lorsqu’il prit l’argent, je le laissais voir du soulagement sur mon visage. J’haussais les épaules quand il m’affirma que je ne craignais rien avec lui et qu’il se demandait quelle était la réputation des plus âgés pour que j’apparaisse aussi inquiète. S’il savait… Ils étaient énormément craint par les plus jeunes de leur espèce qui craignaient vraiment de se retrouver en face d’eux. J’en avais vu plus d’un frissonner en évoquant les hautes sphères et les têtes pensantes de cette espèce. Oui cette espèce car je ne me considérais pas comme l’une des leurs. J’étais hors circuit et bien contente de l’être. Je préférais mourir plutôt que de devenir l’un de leurs pantins dévoués. Vous êtes bien plus âgé que moi. Je dirais que vous avez entre 400 et 500ans vu la puissance que vous dégagez. Pardonnez-moi donc de ne pas vous croire sur parole mais il serait imprudent pour moi de le faire. J’ai sous-estimé une fois l’un des votre et j’en ai payé le prix fort. lui dis-je amèrement avant de ranger mon porte feuille dans mon sac. Je n’avais pas vraiment peur de lui c’était certain. Malgré son âge, cela ne voulait rien dire. Oh bien sûr il était fort ça se sentait à ses kilomètres, mais j’avais combattu sous les ordres de Pandore un vampire un peu moins âgé que lui et j’étais arrivée à prendre le dessus sur lui. Bon ok, je savais que c’était sans doute un coup de chance, mais si nous venions à nous battre, je ne serais pas une proie facile et je lui donnerais du fils à retordre. Et surtout je n’hésiterais pas à m’enfuir, chose dont très peu pensait à faire quand ça tournait mal pour elle. Perdre une bataille pour gagner la guerre était plus intelligent que de perdre une bataille ET une guerre.

Son prénom m’orienta vers la piste étranger exilé de France et je fis mouche. Je parlais à présent dans ma langue natale, bien contente de pouvoir l’exercer avec une autre personne que ma sœur Pandore. Je parlais certes couramment l’anglais, mais je n’en avais pas moins oublié ma très chère France. Je lui fis un sourire, et lui dit alors Et moi bien après. La France ne vous manque-t-elle pas ? Cela ne fait que quelques mois que je suis ici, et pourtant, je me languis déjà d’elle. Avec un peu de chance il me donnerait un peu plus d’informations sur lui, me permettant ensuite d’en savoir plus sur lui en décortiquant ses réponses. Je continuais de jouer avec lui le rôle de la peureuse et timide vampire, me félicitant d’avoir été assidue dans mes cours de comédie. Je ne voulais pas éveiller ses soupçons et je voulais VRAIMENT en savoir plus sur lui. Il m’intriguait et… Je sais pas, mes trippes d’aller vers lui, sans que ma tête n’y comprenne rien. Ce n’était pas son aspect physique qui m’attirait. Ouais, il était canon, et je n’étais pas aveugle. Seulement… Seulement je ne voulais pas d’un homme dans ma vie, même pour une seule nuit pleine de promesses. J’avais perdu mon âme sœur et rien ne pourrait plus le faire revenir. Je ne voulais plus connaitre d’autre homme que lui. Nous nous étions promis d’être les derniers que l’autre connaitrait, et même s’il n’était plus à mes côtés, je ne voulais pas rompre nos engagements. Je l’avais bien trop aimé, et je l’aimais encore bien trop pour cela. Un parfum qui ne me remplacer son goût malheureusement. Ce n’est qu’une compensation qui ne peut remplacer l’irremplaçable. Je parlais de vin, mais je me rendais compte que je parlais aussi de mon époux. Il fallait que je fasse attention à ne pas m’égarer autant. Je sortais de ma mine sombre pour lui faire un sourire gêné. Je commandais un nouveau verre, dont je bus une petite gorgée une fois reposé devant moi. je ne pus m’empêcher de grimacer avant de lui dire qu’un jour j’espérais arriver à retrouver la saveur d’un bon vin. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ? lui dis-je avant de reposer mon verre et de l’éloigner de moi. Non vraiment c’était vraiment très mauvais et je comprenais qu’il ne veuille pas en prendre. Une nouvelle fois, j’haussais vaguement des épaules, lui répondant Comme vous préférez. avant de lui faire un maigre sourire.
Bon il fallait vraiment que je passe à la vitesse supérieure pour en savoir plus sur lui. Je me fis un tout petit peu séductrice, en replaçant stratégiquement l’une des mèches de cheveux de la perruque derrière mon oreille. Ses yeux ne me quittaient pas et je me rendais compte que si j’essayais de l’analyser c’était également son cas. Lorsqu’il me dit que je lui rappelais quelqu’un, je ne pus m’empêcher de penser qu’il faisait écho au sentiment qu’il me donnait. Je me tournais vers lui pour lui demander un peu méfiante Hmm ? J’espère alors que ce soit quelqu’un qui vous étiez sympathique et non un ennemi. Mais je peux vous assurer que si j’avais rencontré un homme tel que vous, je m’en serais rappeler. Vous n’êtes clairement pas de ceux que l’on peut oublier. Je le dévisageais plus ouvertement avant de continuer. A bien y réfléchir votre prénom me dit quelque chose. Il est peu commun ici, et j’en ai déjà entendu parler. Je… Nicolas… Seriez-vous… Oh non ! Ne me dites pas que vous êtes… J’eus un mouvement de recul et fis renverser mon verre sur le bar. Je l’avais fait exprès, et c’était calculé, même si cela lui apparaitrait naturellement et dû à la panique que je laissais voir sur mon visage à présent. Que vous êtes Nicolas de Valombre ? Le… Je déglutissais avec difficulté. Le général des armés des Reines… Doux jesus ! Je suis désolée, vraiment désolée, vraiment désolée désolée pour votre pantalon. Je… J’ouvrais mon sac les mains tremblantes et sortais de nouveau mon portefeuille. Je vidais son contenue sur le bar, et me levais rapidement. Tenez… Et pardonnez-moi s’il vous plait… Je Je courbais un peu le dos devant lui pour le saluer respectueusement. Je ferais mieux de vous laisser et d’arrêter de vous importuner. Je ne me m’étais pas rendue compte. Je n’aurais pas dû. Je suis désolée . Et sans attendre de réponse, je reculais, me butant contre la table non loin derrière. Des verres se renversèrent et je me retournais pour voir le résultat de ma soit disant fuite désespérée. Les clients râlèrent, et me foudroyèrent du regard. Je prononçais des excuses un peu incompréhensible, avant de filer à vitesse humaine vers la porte, butant plusieurs fois contre des tables et des chaises.
Nicolas de Valombre n’était pas un vampire comme les autres. Nicolas de Valombre, aussi attirant qu’il pouvait l’être, était dangereux. Voulais-je prendre le risque ce soir de l’affronter si cela tournait mal ? Pour sur non. Je n’étais pas assez équipée pour cela.
En sortant, je butais contre un vampire se rendant dans le bar. Merde, je n’avais pas pris ça en compte dans mes calculs. Son regard se porta sur moi et me fit comprendre qu’il n’était pas content du coup. Je m’excusais une nouvelle fois mais il me prit par le bras pour me retenir alors que je m’éloignais. . Tout doux poulette, ou vas-tu comme ça ? Où je vais ? Non mais pour qui se prenait-il au juste ? Il avait quoi ? cent ans à tout casser ? Il ne faisait pas le poids face à moi, même s’il l’ignorait. Des comme lui, j’en bouffais tous les matins. Lâchez moi tout de suite lui répondis-je sèchement, n’ayant absolument pas sentir ses grosses paluches sur moi. Qui l’avait autorisé à me toucher hein ? De quel droit se permettait-il de me toucher. Je me dégageais brusquement de sa main, mais il l’a remit aussitôt en place en me serrant cette fois beaucoup plus fort. Il rigola Ou sinon quoi ? Qu’est-ce qu’un microbe comme toi va faire si je refuse de te lâcher ma poulette là il commençait vraiment à me taper sur le système avec ses « ma poulette ». Seulement je ne pouvais juste rien faire aussi exposée aux autres regards que je l’étais. Ou sinon je vais crier et très fort. Et vous allez vous retrouver à devoir vous expliquer avec mon petit ami resté à l’intérieur pour payer. Et il est très puissant et très âgé même ! Alors lâchez moi si vous ne voulez pas avec d’histoire ! Qui sait, peut-être qu’un peu de bluff pouvait marcher. En voyant passer du doute sur son visage, je m’étais réjouie trop vite. Il devait vraiment être très bête pour tenter sa chance malgré tout. Ouais, c’était pas vrai mais il avait aucun moyen de le savoir et le risque que ce soit vrai aurait stoppé le premier sain d’esprit. Sauf que lui ne l’était décidément pas. J’suis pas con ! Un vieux s’intéresserait à un microbe comme toi Poulette ! Il me secoua un peu le bras me faisant légèrement mal. Putain j’allais le tuer. Oh oui, si ce n’était pas ce soir, ce serait demain, ou après-demain. Je le tuerais pour avoir osé me traiter de la sorte. Et priant sur ma bonne étoile, je me mis à mettre ma menace à exécution et hurla le prénom du général des armées de la Reine, en utilisant le diminutif de « Nico » pour laisser paraitre une certain proximité. Ca m’en coutait énormément d’agir ainsi, mais je n’avais pas le choix. L’autre con plaqua sa main sur ma bouche, le regard paniqué qu’il posait sur moi et sur la porte du bar. Il me força à m’éloigner légèrement, au cas où je n’avais pas bluffé. Oui c’est ça, entraines-nous dans une ruelle sombre, c’était juste parfait. Parce que si de Valombre ne venait pas, je pourrais m’occuper de ton cas en toute discrétion. Crétin. Tu aurais dû me lâcher quand je te l’avais demandé. Maintenant il est trop tard pour toi, bien trop tard.

Je n’avais pas essayé de contredire le vampire. Je n’avais pas été transformée pour grossir les rangs d’une armée. J’avais été transformée à cause de l’égoïste et de la fierté d’un nocturne rouge. Il n’avait pas supporté que je ne veuille pas être à lui, ni être sa possession. Alors il avait tenté le tout pour le tout et il m’avait fait comme lui, à son image. Il avait sans doute pensé que cela suffirait à me faire tomber dans ses bras, mais il s’était trompé. Je n’avais appartenu qu’à une seule personne et elle m’avait été enlevée par un cancer. Jamais plus je ne pourrais aimer un homme. Il avait été mon grand amour, le seul et l’unique et mon cœur était mort en même temps que le sien.
Je laissais le vampire tirait les conclusions qu’il voulait sur ce que j’avais pu lui dire. Je n’étais pas là pour me faire un ami, mais pour en découvrir un peu plus sur lui et savoir pourquoi quelque chose en lui m’attirait vers lui. Il n’était pas comme les autres vampires. Ou du moins il essayait de se montrer différent dans ses paroles des siens. Les nocturnes rouges ne sont que des êtres assoiffés de sang et monstrueux. Nous ne pouvions pas nous fier à eux, ni même leur faire confiance. Je ne l’avais que trop bien compris et appris. Il avait beau se montrer sympathique, je m’en méfiais comme de la peste.
Rapidement nous nous mîmes à parler à l’autre en français. Je devais bien l’avouer, parler avec quelqu’un qui avait la même langue natale que moi et pouvoir l’exercer me plaisait énormément. J’essayais dans cette conversation que je voulais anodine, lui tirer les vers du nez, mais c’était loin d’être évident. Il était assez rusé pour ne pas en dire trop sur lui, à ma plus grande déception. Rien. De la même manière que Rien ne me retient en France si ce n’est de mauvais souvenirs lui répondis-je en haussant les épaules. Je n’avais pas « rien » en Ecosse comme je venais de lui répondre. J’avais Pandore et son enfant à venir. Ils étaient ma famille désormais et je devais les protéger. Par contre, j’avais été sincère pour ce qui concernait la France. J’aimais mon pays, mais il n’y avait là-bas que de mauvais souvenirs que je voulais oublier.
Je bus une gorgée de vin, avant d’éloigner le verre. C’était vraiment affreux. Et dire que j’adorais cela avant. Un véritable gâchis. L’odeur était toujours alléchante, mais le goût un véritable désastre. Le premier ne pouvait pas compenser le second et cela me fit soupirer. On m’avait volé ma vie, et on m’avait volé mon péché mignon. A croire que j’avais été maudite par une entité supérieure. J’étais morte mais vivante, sans les avantages qu’il y avait avec ce statut de vivant. Comment se réjouir alors que j’étais devenue une sorte de monstre de foire ? Ok j’avais gagné en puissance et endurance mais est-ce que cela valait de sacrifier son âme ? Je n’en étais pas certaine. Je n’étais pas du coup convaincu d’ailleurs.
Lorsque le vampire m’indiqua qu’il lui semblait me connaitre, je me mis sur mes gardes et analysa rapidement tout ce que je savais de lui. Si je l’avais déjà croisé, je l’aurais reconnu, c’était certain. Un visage et une puissance comme la sienne ne pouvait pas s’oublier aussi facilement. En remettant tout bout à bout, je me rendis compte que j’avais affaire non pas à un vampire normal, mais au général des Reines. Il fallait que je m’extirpe vite d’ici, avant que les choses ne tournent mal. Je le savais, j’étais plus puissance que tous ceux de mon âge. S’il me démasquait… Je ne pouvais pas prendre de risque. Je m’extirpais rapidement de la situation, prenant la fuite en lui montrant une peur que je ne ressentais pas et une maladresse que je possédais pas. Il m’interpella, mais je fis mine de pas entendre.
Je pensais être tranquille, mais je fis une mauvaise rencontre à peine étais-je sortie du bar. Ce n’était décidément pas ma soirée. J’aurais pu éliminer rapidement le vampire sans aucune aide, seulement j’’avais bien trop peur de me faire démasquer en agissant ainsi. Nicolas de Valombre n’était pas loin et s’il me surprenait en train de tuer un vampire, il comprendrait bien vite que je lui avais joué la comédie de la pauvre jeune et effrayée nocturne rouge. J’essayais de dissuader le vampire afin qu’il me laisse tranquille, mais il ne voulait pas y consentir. Je le faisais marcher, mais il ne me crut pas. Merde. Bon il ne me restait plus qu’une chose à faire. Je criais le diminutif du général, en espérant que l’autre vampire me laisserait tranquille. Il m’éloigna vers une ruelle sombre, en perdant un peu de confiance en lui, se rendant compte que finalement je n’avais peut-être pas menti. Il me balança un coup au visage assez violent, faisant éclater ma lèvre inférieur. Oh il allait me le payer. Je m’apprêtais à me jeter sur lui, mais je fus prise de vitesse par le général. Il l’avait pris par la gorge, et l’encastrait dans le mur, le forçant à me lâcher. Je passais ma mai sur ma lèvre, sachant le sang qui s’y trouver. Elle guérissait déjà, et je n’avais pas besoin de m’en inquiéter. Je n’avais pas quitté des yeux la scène, restant les fesses par terre sur le bitume. Il me jeta un coup d’elle, avant de serrer un peu plus la tranché de du nocturne. Il se débattit essayant de s’échapper de cette situation dans laquelle il s’était mis, mais en vain. Il ne pouvait clairement pas rivaliser face à un général. Je cru un instant qu’il allait d’ailleurs le tuer. Cependant il n’en fit rien. Oh bien sur, il ne le laissa pas indemne, le vivant quasiment de son sang. Je sentais le liquide carmin couler jusqu’à ce que l’aîné ne s’arrête de boire pour lui fracasser la tête contre le mur. Il n’allait clairement pas s’en remettre de sitôt.
Je me relevais, en titubant et finissant par me soutenir au vampire qui venait « de me sauver la vie ». Il m’est tombé dessus et… je ne sais pas, j’ai paniqué. Je lui ai dit que mon petit ami était dans me bar, qu’il était très fort et qu’il allait arriver. Je ne pouvais pas vous appeler par votre nom de ce fait. J’espérais que cela suffirait à le faire fuir et qu’il me lâche. Pardonnez-moi je vous prie… Je ne voulais pas vous créer des ennuis. Je ne suis qu’une sombre crétine lui dis-je dans un souffle, avant de retomber à ses pieds et de prendre ses mains dans les miennes. Je le suppliais de m’épargner et me mettais dans une position de soumission, espérant que cela suffirait à le calmer et à ce qu’il me laisse tranquille. Je ne pouvais pas me mettre à dos le général des armées des Reines. C’était bien trop tôt et je n’étais pas prête.
En me rendant compte que je salissais ses mains avec mon sang, je les lâchais aussitôt. Je jouais parfaitement le jeu de la pauvre petite vampire terrifiée, soumise et si jeune que je prétendais être. Il ne fallait pas qu’il se rende compte que je n’étais pas une victime, mais un prédateur. Il était trop fort pour l’instant pour moi et n’avait fait qu’une bouchée de l’autre vampire. Ma situation était précaire, plus que précaire même.

Cette soirée n’avait décidément pas tourné comme je l’avais espéré. D’un, celui dont je devais débarrasser ce monde n’était pas venu, comme il avait pourtant l’habitude de le faire normalement. De deux, j’avais fait la rencontre du général des armées de la Reine décédée et des deux nouvelles qui lui avaient succédé. Et enfin je m’étais fait « agressée » en sortant du bar, et j’avais du feindre être en position de faiblesse pour ne pas griller ma couverture. Ouais, en venant ici ce soir, j’avais été loin de me douter que tout cela me tomberait dessus. J’avais l’habitude de joueur un rôle, mais pas aussi longtemps. Je n’aimais pas feindre être faible alors que je ne l’étais pas. M’écraser devant un vampire avait été très difficile et j’avais vraiment du prendre sur moi. D’un côté je regrettais l’âme chevaleresque du vampire. Sans elle, j’aurais pu tuer un être malfaisant et rendre un peu plus sur ce monde. Je n’aurais pas été obligé non plus de me trainer à terre devant un vampire qui s’avérait être l’un de mes ennemis, même s’il ignorait. Je détestais ça, être en position de soumission, mais je n’avais pas d’autre choix que de me prêter à ce jeu-là. C’était ce qu’attendaient les vampires plus âgés des jeunes de notre espèce et je devais m’y soumettre, même si j’étais bien plus forte que ceux de mon âge. Dans mon malheur j’avais eu de la chance, beaucoup de chance. J’avais pu prendre en main mon destin garce à cette force et poursuivre un but bien plus grand et noble. J’aidais Pandore à servir la justice et à faire de cet univers un endroit plus sûr. Je n’étais qu’un pion, mais cela me convenait parfaitement. Je n’aspirais nullement à plus.

Je m’étais mise à genoux devant le vampire, tremblante de toute part et lui réclamant de me pardonner une nouvelle fois. Plus pathétique, on ne pouvait pas faire. Plus faible non plus d’ailleurs. S’il m’imaginait come une potentielle ennemie, une potentielle prédatrice, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de plus. Je lui sortais le grand jeu et je l’avoue, cela m’amusait de le voir aussi mal à l’aise face à ma comédie. Je venais de trouver une chose qui, un jour, pourrais m’être favorable. Il baissait totalement sa garde en essayant de s’occuper de cette pauvre femme vampire que j’étais, pitoyable au possible. Il se voulait rassurant et me releva après un soupir. Ses mots étaient doux et se voulaient rassurant. Pour autant, je baissais la tête, comme si j’étais trop honteuse pour le regarder, trop peureuse également. Lorsqu’il me lâcha, je fis un pas en arrière, comme si je voulais m’échapper malgré ses paroles se voulant rassurantes. Il avait même glissé qu’il s’était senti flatté par le fait que je l’avais fait passer comme étant mon petit ami. Ah oui vraiment ? Ne vous sentez pas obligé de me mentir Monsieur. Il n’y aurait aucune fierté à retirer pour un vampire telle que vous à côtoyer et fréquenter une vampire telle que moi. Vous êtes bien trop fort et haut placé pour cela. Une nouvelle fois, je mettais en avant le fait que je lui étais au combien inférieure, ce qui n’était pas si loin de la réalité finalement. J’étais loin d’être sotte. Avec l’âge et la puissance qu’il dégageait, il ne serait pas du genre à aller conter fleurette à une jeune transformée dans mon type. Non pas que cela m’intéresse, loin de là. Ouais, il était pas mal, mais cela faisait bien longtemps que le physique d’un homme ne me suffisait plus. De toute manière, je n’étais plus sur le marché. J’aurais l’impression de trahir mon époux, et je ne pouvais pas m’y résoudre. Oui, il aurait voulu que je continue à vivre seulement… Ma vie ne valait pas le coup sans lui à mes côtés. A l’œuvre, on connaît l’artisan lui soufflais-je lorsqu’il me demanda de faire comme si je ne le connaissais pas. Je ne sais pas vraiment ce qui me prit de lui répondre ce genre d’expression vieillotte. Je ne savais même pas d’où elle me venait, et où est-ce que je l’avais entendu. C’était un peu sorti tout seul, alors que je réfléchissais au fait que je ne pourrais jamais me fier aux apparences. Enfin je veux dire, les mots s'envolent et les actes eux, restent. Seuls les actes comptaient et compteraient toujours. Je n’allais pas me fier à un vampire dont la réputation était déjà plus que faite, uniquement parce qu’il se présentait bien et jouait au preux chevalier. Ne le prenez pas contre vous, mais je me suis fiée une fois à un vampire qui prétextait me vouloir que du bien, et que je devais oublié le fait qu’il était âgé et qu’il avait connu bien des époques. Je lui ai fait confiance, et il en a profité pour faire un enfant de sa lignée, contre mon grès. Votre réputation vous précède monsieur de Valombre et vous terrifiez plus d’un vampire. Je serais sotte de ne pas en tenir compte. Hors, je suis peut-être beaucoup de choses, mais stupide non. lui dis-je en le regardant droit dans les yeux, les poings serrés comme si je cachais la peur qui envahissait mes mains tremblantes. Je lui tenais un peu tête, mais pas trop non plus, pour ne pas le pousser à ne faire qu’une bouchée de moi. Je lui avais montré le vampire inanimé de la tête quand je l’avais évoqué, juste après lui avoir livré la manière dont j’avais été transformée. J’avais estimé que cela me serait plus profitable que préjudiciable. Il était plus sensible qu’on ne le disait et il m’avait prise en pitié. Cela pourrait me servir plus tard. Révéler la vérité en lui expliquant le pourquoi du comment me semblait être un bon choix stratégique.

Je l’avoue, je ne m’attendais pas à ce que le vampire vienne me complimenter. « Bien trop belle pour être ignorée » venait-il de dire ? Je ne pus m’empêcher d’écarquiller les yeux, légèrement sonnée par ces quelques mots qui venaient de totalement me désarmer. Je me repris bien vite, mais j’étais encore un peu sous le choc. Je savais que je n’étais pas laide, mais de là à ce qu’un vampire tel que lui, aussi âgé et hiérarchiquement placé que lui en vienne à penser ça… J’étais à la fois flattée et étonnée. Ce n’était pas vraiment le genre de discours que je m’attendais à avoir de sa part. Il ajouta d’ailleurs que je l’intriguais et cela me réveilla aussitôt. Je ne voulais pas l’intriguer. Je ne voulais pas qu’il s’intéresse d’un peu trop près de moi, et qu’il essaye d’en savoir plus. Ce n’était pas bon pour mes affaires, pas bon du tout même. Il était important que je reste dans l’ombre et il était tant que j’y retourne.

J’amorçais un départ, espérant qu’en lui indiquant que je ne pouvais pas me fier à ses mots soient disant sécuritaires, il comprendrait que je ne voulais pas rester. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’il réagisse comment il le fit. Il se figa quelques instant avant de m’attraper les bras, et de les serraient entre ses mains. Il ne me faisait pas mal non… Mais il me touchait et c’était bien là quelque chose que je ne pouvais pas supporter. Ses paroles… Etait-il devenu fou ? Qu’avait-il donc bu pour me sortir pareilles sornettes ? Une femme qu’il avait admiré, aimé et servi, se jouant de lui ? Oui je me jouais de lui, mais pour les premiers qualificatifs, il se trompait lourdement de personne. Petite vampire insignifiante ? Je l’étais pourquoi bel et bien même si j’avais cette puissance en moi qui me permettait de terrasser des vampires plus âgés, bien plus âgés. Christelle ? Je ne m’appelais pas Christelle et bien ce prénom soit tout aussi français que le mien, il ne m’appartenait pas.

Je ne pus supporter plus longtemps qu’il me retienne comme il le faisait. Sa voix colérique et triste n’inaugurait rien de bon pour moi. Tant pis pour ma couverture. Je le repoussais brutalement loin de moi, le faisant s’encastrer légèrement dans le mur. Je récupérais rapidement le masque que j’avais dans mon sac pour le mettre sur mon visage. Il sonnait comme une transformation. Je n’étais plus Perséphone, j’étais avec la servante de la justice. Vous êtes fou. Si tous les vampires aussi bien placés que vous le sont, je n’aurais aucun mal à vous vaincre. Je ne sais pas qui est cette Christelle avec qui vous me confondez. Cependant je ne vous laisserais pas user de moi à votre grès. J’ai cessé d’être un objet entre les mains des vampires à la mort de mon créateur. Mon ton était à présent fort et sur. Je n’étais plus la tremblante vampire, mais la forte femme que m’avait appris à être Pandore et Ludwig. Plus personne ne pourra jouir de moi comme il l’entait. J’avais les capacités de me défendre et je ne me laisserais plus jamais malmener. Si je devais mourir, ce serait en me battant et non pas en pliant le genou et en offrant mon cou. Je me tenais donc sur mes gardes, prête à me battre s’il voulait engager une bagarre, jetant des coups d’œil autour de moi pour trouver un échappatoire. Votre heure n’est pas encore venue Nicolas De Valombre. Ne l’avancez pas prématurément. Nous avons tous deux autres rouages à huiler avant de laisser la mort nous importer En voyant une échelle à laquelle je pourrais m’accrocher en sautant assez haut, je finis par lui dire avant de me faire la male Je vous remercie tout de même pour votre sauvetage. Vous m’avez fait comprendre que certains vampires ne sont pas aussi cruels les uns les autres. J’espère ne plus jamais croiser votre chemin, car je serais alors obligée de vous tuer… Ou d’être tuée en essayant. Je ne pourrais jamais vous retourner votre geste, même si je ne l’oublierais pas. Je n’étais pas une ingrate, et je l’avoue, son geste remettait pas mal de choses en question, pas mal des convictions que je pensais avoir sur celle espèce à laquelle je détestais appartenir. Peut-être n’étais-je finalement pas destinée à devenir un monstre moi aussi, à l’image de ce général ?