L'historienne de la Meute est partie, il nous faut la remplacer. C'est ainsi. Les louves partent, comme la Lupa, et nous devons combler nos rangs. Nous avons beaucoup de jeunes, des gens qui ont été transformés pendant les Années Sanglantes. Nous avons aussi pas mal d'étrangers, venus répondre à l'appel du Loup avec nous pendant la guerre ; européens et américains pour la plupart. Et enfin, nous avons les métamorphes. A moi de conjuguer ces différentes forces, désormais. À moi de composer avec ce dont je dispose, pour rendre la Meute la plus protectrice et efficace possible dans la moindre de ses attributions. Il faut que je renforce le tout, que je le rende aussi cohérent que possible. J'attends encore un rendez vous ; j'ai une métamorphe qui veut me rencontrer, mais je désire également voir ce que notre louve la plus pieuse a à me proposer. Franchement, j'ai toujours tenu à nos traditions, même les plus anciennes. Mais j'essaie sans cesse de composer avec ce qu'il faut trancher, et ce qu'il faut garder. Je n'ai jamais été un allumé de la Lune comme d'autres, même si je tiens à ce passé qui aujourd'hui encore nous définit comme individus. Je dois apprendre ce qu'il y a à savoir, comprendre quelles sont les découvertes de l'expédition que j'ai laissé financer par la Meute, décision prise à l'époque conjointement avec Mary. Aujourd'hui, je suis le seul décideur et organisateur survivant, ce qui me laisse bien sûr une pression assez importante. Ma montre bipe. J'abandonne tout un paquet de feuillets de trucs légaux divers pour contourner le bureau et aller ouvrir ; je me suis rendu compte à l'usage que l'épaisseur de la porte étouffe la majorité des sons. Je vais ouvrir l'huis.


| Bonsoir, Esilrys, entrez je vous en prie. |


Je retourne à mon bureau, m'y asseois et invite la jeune louve à en faire de même en face.


| Allez y, racontez moi tout ; comment va Mirah, et ce voyage comme vos recherches ont ils été fructueux? |

Je ne savais pas pourquoi mais j'étais à peu près certain qu'une nouvelle avalanche de problèmes divers allaient nous tomber dessus, un peu comme si une loin intrinsèque à la vie elle même était suffisamment impérieuse pour tout le temps foutre par terre ce que je nourrissais d'espoir et d'attention pour un avenir que j'espérais pacifique. J'écoutais donc la jeune louve, alors qu'elle a l'air intimidée et stressée par avance par ce que je vais bien pouvoir penser et répondre à tout ce qu'elle pourra me dire. Elle commence par me remercier, et je lève deux doigts de ma main, souverain, pour lui indiquer que c'est bon, allons tous deux à l'essentiel c'est encore la meilleure solution pour que nous puissions faire quelque chose de nos soirées ; la mienne m'avait tenu trop longtemps éloigné de ma famille et elle même devait être ravie de retrouver sa Meute. Je n'épilogue pas dans les formules respectueuses, sinon nous n'avons pas fini. Esilrys évoquait Mirah avec la tristesse d'une amie éloignée. Je soupirais doucement.


| D'accord pour le transfert,mais vous direz à mon homologue que je veux un dossier complet de proposition ; je ne m'engagerai pas à la légère. Quant à Mirah, je suis content pour elle, même si sa place est parmi nous. Mike sera bien mécontent de cette décision, je crois. |


Et encore, absolument rien ne demeurait certain. Je me demandais pourquoi la jeune louve nourrissait encore autant d'anticipation et de timidité ; n'avait elle pas déjà annoncé la mauvaise nouvelle de la soirée ? Punaise, si on me sort les prémices d'une nouvelle crise, j'allais probablement faire un malheur ! Bon, succès des recherches. Je le savais déjà bien sûr, mais sa manière de tourner les choses était intéressante. Je me rendais compte que la voie que je suivais était bourrée de dangers, et que l'avenir s'avérait infiniment plus tortueux que je ne l'aurais imaginé, pour la Meute.


| Oui, je sais déjà tout cela. Des dispositions ont été prises pour tenter l'expérience, et nous avons aussi quelques volontaires, dont l'une de mes exécutrices. Quant au reste, il ne faut pas oublier que si nous trouvons motif à correction, il ne faut pas oublier que c'est cette correction elle même qu'il nous faut travailler. Nous n'avons pas assez de recul pour ne pas savoir si la situation n'est pas déjà débloquée d'elle même avec les enfants d'Isadora, qui sont peut être à l'avenir capables de se reproduire d'eux mêmes. Nous devons faire des essais, mais ne pas oublier que ce pouvoir de la vie vient du Chaos, des démons. Il y aura un prix à payer, nous ne pouvons donc pas en faire le seul vecteur de notre reproduction. |


Je préférais être clair dès le départ. Le désir d'enfant et le pouvoir n'étaient pas assez pour me corrompre, croyez le. J'avais un libre arbitre, et je me forçais à voir en toutes choses le meilleur choix pour les miens. C'était comme ça, mon fardeau. Et voilà que la louve reprend la parole d'une voix vibrante, expliquant qu'elle veut devenir historienne. J'en avais justement parlé avec une métamorphe... Quant au reste, je le balayais d'un revers de la main.


| Je ne peux pas vous empêcher de revêtir l'habit que vous désirez, Esilrys. Cescroyances me semblent à moi dépassées... Oui, nous réagissons à la Lune et le culte est garant de nostraditions. Mais la Meute évolue bien plus vite que je ne le pensais. Je ne peux pas autoriser pareil retour aux sources alors que je promeus une Meute nouvelle, moderne... Les métamorphes n'y entendraient rien. Alors prenez ce rôle s'il vous agrée, mais je n'en ferais rien d'officiel, les cérémonies du pouvoir dans ma meute se doivent d'être laïques. Vous comprenez ma position?|

C’est ce genre de conversation qui permet de faire avancer les choses au sein de la Meute. Il ne faut pas se voiler la face. L’adversité et la confrontation, même ténues, sont moteurs de changements. C’est indéniable, et je serai fort aise d’être le premier à le reconnaître. Chaque personne qui venait me voir pour me demander des choses me poussait à exercer un leadership important sur la Meute. Les décisions que je prenais dans ce genre d’occasion pouvaient avoir des répercussions imprévues à court comme à long terme mais au final qu’importe ! Tout ce qui pouvait compter tenait principalement à ce que ces choix pour lesquels j’opterai soient pris dans un grand souci de justice et d’équité. C’était là-dessus que j’avais choisi de porter mon pouvoir, de le caractériser, de le définir. Un peu plongé dans mes pensées, je n’écoutais les paroles de la louve que d’une manière assez distraite quand elle me parle des raisons nouvelles qui expliquaient l’éloignement de Mirah. Sa manière de parler était quand même assez ampoulée, ce qui me fit légèrement sourire quand je me rappelais de l’invocation de mon père à chaque fois qu’il discutait avec un loup un peu plus littéraire que lui ; « que dieu nous préserve des gens instruits ». Normal, pour quelqu’un qui n’avait jamais été à l’école.


| Je suis sûr que notre Bolverk saura surmonter sa peine. Après tout, il est déjà uni à la Meute et sa maîtresse est son devoir… Nous savons tous que rien n’est éternel. |


Paroles lourdes de sens chez tous ceux qui avaient combattu durant les Années Sanglantes. Cela dit, Mirah me posait quelques problèmes. Je devais me casser la tête pour un transfert et aussi accuser le coup de la perte de notre historienne. Je sens le regard de la louve s’appesantir sur moi alors qu’une fois encore, je sens que nous nous trouvons à la croisée des chemins pour l’avenir de la meute. Au moins, personne ne pourra dire que j’ai l’air de m’ennuyer à mon poste. Je soupesais mes mots avant de lâcher un jugement définitif sur cette question.


| Oui, je suis d’accord. Il faut chercher d’autres solutions, et expérimenter dans une certaine mesure, avec le plus de précaution possible, les résultats déjà obtenus. |


Le ton était ferme ; je ne m’attendais pas à ce que le sujet ne soit réabordé de sitôt. Quoiqu’il en soit, je sais que le fond de ce qui la préoccupe le plus ne tient pas tant à l’histoire qu’à ses croyances, que je n’approuve ni ne désapprouve. Si le respect des traditions et de l’histoire m’a toujours semblé important au sein de la Meute, je sais qu’il faut que je fasse des concessions pour que l’intégration soit facilitée dans notre groupe. Elle argumente, mais là encore ma décision est déjà prise. Pour le poste d’historienne… Je réfléchis un instant. Sans Mirah, ce n’est plus la même chose mais il faut bien avancer.


| J’en suis bien conscient. Chacun est libre de penser et de croire ce qu’il veut, mais il n’y aura rien d’officiel ni de commun là dedans. Pour le poste d’historienne, je n’ai rien contre. J’ai cependant une jeune métamorphe, Alexis Lindon, qu’il vous faudra former. Maintenant, il faut aussi nous intéresser à l’histoire de nos cousins puisque nous sommes tous de la même famille. |

Ce n'est jamais chose aisée que de commander, de diriger. Vous savez qu'en permanence, vous pouvez heurter des sensibilités et vous retrouver combattu dans vos propres idées. Je savais bien que la Meute avait une très longue histoire de traditions et de culte vouée à la Lune, cette maîtresse si lointaine et si mystérieuse que nous n'en avions jamais véritablement retranscrit tous les secrets. Nous savions juste ce qu'elle déclenchait en nous, et nos ancêtres avaient choisi d'en faire leur unique Dieu. Grand bien leur fasse. Avec le temps, j'avais bien plus foi en la communauté qu'en une quelconque force supérieure. Je n'étais pas de ces gens qui aimaient être mystifiés par des phénomènes au delà de notre compréhension, bien que naturels malgré tout. Je comprenais que certains de nos loups le soient, cela dit, pour la simple et bonne raison que nos traditions imprégnaient totalement notre mode de vie eet que même avec toute la bonne volonté du monde nous ne pourrions vraiment nous en défaire. C'était ainsi, inutile de pousser les choses beaucoup plus loin. Je devais les comprendre, comme eux devaient tolérer que tous les loups n'étaient plus forcément dévots et que les métamorphes étaient libres d'adopter leurs propres croyances. C'était comme ça dans cette nouvelle époque de démons et de miracles, il y avait encore des gens comme moi qui ne pouvait se résoudre à croire. On ne se refait pas, je devais avoir tout simplement trop écouté mon père qui m'avait dit quantité de fois que le seul maître dans une Meute est l'Ulfric. Et nique la Lune, ajoutait il dans un grincement de dents.


| Heureux que nous soyons d'accord, vraiment. |


Au moins comme ça les choses étaient claires et je ne pourrais pas me faire taxer un peu après d'imprécision. J'écoute ce qu'elle a à me dire, cette nouvelle historienne. Elle me fait part de ses travaux que j'encourage à défaut d'y entendre quelque chose. J'avais depuis longtemps appris que le savoir était le pouvoir et qu'il était tout à fait possible de conquérir des avantages dont nous n'avions pas encore conscience sur notre propre nature.


| Tant mieux, elle aussi débute, ainsi vous pourrez vous appuyer l'une sur l'autre et trouver le meilleur agencement de vos responsabilités. J'ai toute confiance en vous. Ayez un peu plus foi en vous-même. |