Maman était venue me chercher pour que je passe du temps avec eux, pour que je puisse voir les jumeaux. Et même si je n’avais pas tout arrangé, j’essayais néanmoins de ne plus créer davantage de… frictions… et puis, oui, j’avais tellement envie de passer du temps avec eux…

J’ai discuté avec Kean et Niahm, ils me manquent, même si je sais qu’ils ne sont pas totalement ravis. Mais je les aime, et je les ai sans doute saoulé en leur posant toutes ces questions. J’ai réussi à faire rire Niahm, mais Kean a tout juste souri. C’est déjà un début je suppose. Il faut que je vienne plus souvent. Que je puisse réintégrer leur vie. Je veux en faire partie. Même s’ils n’ont pas besoin de moi… Moi j’ai besoin d’eux. Ils grandissent tellement vite. Et moi, j’ai envie de les voir grandir, de les aider ou de les conseiller ou de les écouter ou… j’en sais rien. D’être là pour eux.

Hayden est toujours occupé, surtout ici, et maman s’est un peu la même chose. C’est normal, ils ont tellement de choses à régler en permanence. Je sais qu’ils seront plus disponibles tout à l’heure. En attendant, je vais pas les emmerder davantage.

Du coup, j’ai fini par aller faire un tour dehors. Il fait beau, autant en profiter. Et ça me permet de dire bonjour à tout le monde. Je souris aux quelques enfants qui courent autour de moi. C’est vrai que j’aime ça. J’aime cet endroit, Wolfheaven. J’aime ces gosses. Cette vie. Cette atmosphère. Et puis, ma famille entière y est… je suis toujours contente de les voir, même si je suis la seule humaine à des kilomètres à la ronde… enfin, sans compter les gardes à l’orée de la forêt. Ça me perturbe toujours autant de les y voir, je me demande comment eux vivent ça au quotidien…

La seule humaine acceptée ici. Ca claque quand même. Je trouve ça plutôt chouette en fait. Et honnêtement, ils sont tous tellement gentils avec moi que je ne me sens pas mise à l’écart. Je suis acceptée, pas seulement tolérée.
Je sais bien que ça vient uniquement de moi. Ce sentiment de différence. Enfin non. Je le suis, différente. Mais ils ne me le font pas sentir, ils me parlent, ils me sourient, ils sont attentionnés. J’adore être avec eux en fait. C’est simplement que… qu’une partie de moi ne peut s’empêcher de … ne pas se trouver à sa place ici malgré tout ça. Peut-être qu’avec du temps…

Mais, le seul truc qui me gêne vraiment en venant ici, c’est maman… enfin, pas elle, ses pâtisseries. Je suis sortie aussi pour ne pas m’empiffrer de ses gâteaux… Faut vraiment que j’arrive à devenir ne serait-ce qu’un peu aussi bonne cuisinière qu’elle… pas trop non plus.
Un, ou deux, ou trois, cookies dans les mains, je circule dehors, avant d’apercevoir quelqu’un que je n’ai pas encore salué…. Oui, bon, avec le monde qu’il y a, ce ne doit pas être la seule, j’en conviens. Mais elle je la connais pas des masses, pourtant j’ai pas l’impression qu’elle fasse partie de mes fans… Parce que je suis humaine ? … huuummm…

« Salut. C’est… Ashleigh, c’est ça ? »

Milieu de journée, et pas de boulot aujourd'hui. Enfin, pas de boulot à l'hopital, devrais-je dire. Je respire, vraiment. Je sais bien sûr que l'on peut m'appeler à n'importe quel moment pour n'importe quoi, mais j'espère bien qu'ils se dirigeront vers quelqu'un d'autre, avec toutes les infirmières qui bossent dans cet hopital, ils en trouveront bien une autre... Ce travail n'est plus ma priorité, ce n'est plus ma vie, comme ça avait pu l'être il y a un moment. C'est comme si la mort de Jonathan avait fini de me détacher du monde humain et des préoccupations qui allaient avec, comme si avec lui j'avais laissé la moitié humaine de ma double vie. Pourtant cette double vie, je la menais toujours bien qu'elle me lassait plus qu'autre chose. Ma vie était déjà assez remplie avec la meute ; je passais d'ailleurs le plus clair de mon temps à Wolfheaven, où je parvenais à trouver un peu de paix dans l'océan de mes jours. Paix relative. Mais quand je me souviens de mon état il y a à peine quelques mois... Je me demande toujours comment j'ai pu remonter la pente aussi rapidement, alors que je croyais chuter pour l'éternité dans le gouffre sans fin de mes malheurs. L'horizon ne s'est pas éclairci, loin de là, mais j'arrive désormais à le regarder sans trembler. Ou en tremblant un peu moins. De toute manière je dois avancer, je n'ai pas le choix. Je ne peux laisser passer le temps alors qu'une opportunité en or s'offre à moi. Je sais qu'Hayden ne me nommera pas Lupa, pas avec notre passé commun, pas avec... Un peu tout, en fait. Mais je ne baisserai pas les bras ; depuis quand devrais-je incliner la tête à chaque obstacle ? Je ne serai pas arrivée bien loin, dans ce cas. Je serai peut être morte seule dans la forêt, perdue après ma transformation. Abattue par les flics qui avaient accouru sur le lieu du massacre que j'avais provoqué. A courir les rues comme une gamine perdue, à me faire houspiller par des demis frères qui me considéraient comme un chien, tout ça parce que je n'aurai pas eu le courage de prendre mon envol, de faire des études. Aussi dures furent elles. Bref. Je m'éloigne, je m'égare.

Je ferme la porte derrière moi et descends l'escalier. Irving a dû partir il y a une dizaine de minutes... Je ne saurai décrire notre relation, elle est toujours aussi floue, aussi méfiante et passionnée à la fois. Mais il est à moi. C'est tout. Et maintenant... maintenant j'ai besoin d'air, juste un peu d'air. Je me fais discrète, évite mes frères et sœurs, de même que ces changeurs qui prétendent se hisser à notre hauteur et faire partie de la « famille ». Ils ne comprendront jamais, ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne sont pas des Loups. Mais on s'habitue à tout, même à l'odeur de poisse... Je m'en éloigne vite, pourtant, marche vers des coins de la forêt vides, vides de toute vie. Je erre ainsi, un bon moment. Sous forme humaine. Je ne pense à rien, je n'ai pas besoin de penser. Je n'en n'ai pas envie. Je sens pourtant ma louve au fond de moi, qui m'appelle, qui me demande de la laisser sortir une bonne fois pour toutes... Je ne le fais pas. Mes pas me reconduisent d'eux mêmes vers la maison et l'entrée du territoire, je ne sais trop pourquoi. Finalement, avant que j'arrive, une voix m'interpelle. Je tourne la tête, et esquisse un petit sourire surpris.

« Salut Savannah ! Oui, c'est Ashleigh. »

Je gomme l'air renfrogné que ma petite balade solitaire a peint sur mes traits.

« Ca va, tu t'habitues à l'endroit ? »

Dis-je en jetant un regard autour de nous.

M’aventurant à l’orée de la forêt, tout en grignotant les cookies piqués dans la cuisine, je me demande comment me sortir de tout ce pétrin que j’ai tendance à créer moi-même.
Ça s’est amélioré avec Hayden et avec maman, même si ce n’était pas revenu au niveau d’avant, même si je n’arrivais toujours pas tout leur dire ou à arrêter de créer des ennuis qui n’auraient pas existés sans moi ou mon intervention justement.
A moitié perdue dans mes pensées, oui, ça m’arrive beaucoup trop, faudrait que j’y remédie, j’avance sans trop m’en rendre compte, souriant aux enfants qui jouent autour de moi. Si j’arrivais à faire pareil avec les jumeaux… ou si eux acceptaient, parce que bon, au final, moi j’essaie, alors qu’eux… enfin, je les comprends, ça me fait mal, mais y a eu tellement de trucs dernièrement, tellement de tensions et de difficultés avec les parents que oui, je les comprenais. Ils m’en voulaient, je ne pouvais rien y faire, à part éviter de créer de nouveaux problèmes, et être patiente.

Je relève la tête et l’aperçois qui sort de la forêt. Je m’approche avant de la saluer.
Ouf, c’est bon, j’me suis pas trompée de prénom. Ça m’est déjà arrivée, et sérieux, c’est pas cool. Ils ont beau être gentils avec moi, autant essayer de faire des efforts pour pas les vexer pour n’importe quoi hein. Pis c’est jamais super agréable de toute façon quand on ne se souvient pas de toi.
Je lui souris.

« Je … oui, je suppose que oui. » Je regarde autour de moi, souriante.
« J’aime vraiment beaucoup cet endroit oui. Tout est si calme, si paisible. Et tout le monde est tellement gentil, ce serait vraiment absurde de ma part de ne pas m’y sentir bien. Sans parler que toute ma famille y est…
Mais je viens pas si souvent. Pas assez à mon goût… Je ne les vois pas assez souvent. Même si je sais que j’ai déjà de la chance d’être admise ici… Je sais bien que… »

Que c’est un privilège… Même si Hayden m’avait dit que c’était plus une obligation qu’autre chose. Pour leur sécurité, pour la mienne. Mais j’étais la première humaine à y être acceptée, la première à pouvoir rentrer et sortir sans risquer ma vie du moins… Je prenais pas ça à la légère, et je ne voulais pas que les loups pensent que je … m’amusais ou ne m’en préoccupais pas plus que ça.

Je lui souris avant de croquer un bout de cookie, avant d’avaler, un peu gênée.

« Tu veux un cookie ? »

Non ptre pas, tu proposes ça en primaire.
Bon, changeons de sujet avant que je ne sache plus ou me mettre...

« Et toi, tu vis ici ? Ou tu vis à l’extérieur ? Et tu fais quoi comme boulot ? »

Oui, je suis curieuse. Je sais. C’est pas bien. Mais bon, c’est juste pour la connaître, elle a l’air cool. Pis bon, faut bien passer le temps. Si je la fais chier, elle me le dira non ?

Je suis assez calme finalement. C'est étrange, ça ne me ressemble pas. Je ne cherche pas vraiment à comprendre ni à analyser ma situation pour une fois, même pendant cette petite marche solitaire. J'ai fais le point, inconsciemment. Peut être que j'en avais besoin... Tellement de choses se sont superposées ces derniers temps, sans vraiment que j'ai le temps de me poser. De pleurer, de me réjouir, de réfléchir tout simplement. Est-ce le moment de le faire ? Je n'en sais rien. Mais mieux vaut prendre un peu de temps maintenant que quand je n'en n'aurai plus du tout. J'ai tout de même beaucoup à faire... Irving. Pendant qu'on a pas de semi démon sous la main, pendant que nous avons encore un peu de temps. Je n'ai pas peur, non, je veux juste éviter toute mauvaise surprise... Et que je respire. Que je respire avant d'avoir le ventre gros comme une vache et que la douleur m'habite en permanence. Je suis prête à l'accueillir, mais je veux un peu profiter, avant. Profiter de Wolfheaven. Profiter de la solitude, même si je n'avais pas l'habitude de la rechercher... La dernière fois que j'avais été dérangée pendant que j'en faisais le plein, c'était Alexis. Je m'en rappelle bien. J'avais tenté d'être agréable, ce qu'elle m'avait dit par la suite avait fait que c'était vite tombé à l'eau. Cette fois, je ne savais pas pourquoi je revenais vite vers la grande maison du domaine ; une envie soudaine de me replonger dans du travail ? Non. Mais je rencontrais tout de même quelqu'un qui m'aborda. Et encore une jeune fille, du même âge que la métamorphe.

C'était plus la personne que le fait que l'on m'interpelle qui m'agaçait, cette fois. Ne pas le montrer. J'avais appris à cacher tout cela, appris à jouer, à mentir. C'était parfois dur. De plus en plus, alors que j'étais fatiguée de mes nuits aussi longues que mes journées. Mais je faisais, tant bien que mal. Avais-je le choix ? Savannah était comme la fille d'Hayden, maintenant. Celle d'Isa, en tous les cas. En elle même, elle n'était rien, mais ce qu'elle pouvait représenter était beaucoup plus important. Surtout pour moi. Petite protégée du traitre... On ne me le faisait plus vraiment ressentir, mais je savais d'expérience qu'une trahison comme celle de Jonathan s'effacera difficilement. Et que je l'ai suivi ou non, il y aura toujours quelqu'un pour m'associer à lui, même inconsciemment. Alors même avec elle, je devais être prudente. J'avais beau penser que c'était un sacrilège de la laisser poser le pied ici, je n'allais pas le crier, je n'allais pas le lui montrer. Pas alors que j'étais exécutrice, qui plus est. Je ne savais pas ce qu'elle savait, ce qu'on lui avait dit. Elle connait mon nom. Elle me répond, toute guillerette, comme si on était dans le pays magique et féérique des bisounours en chocolat. Bon sang. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ? Je cache mon agacement sous un rire amusé

« Je ne sais pas pour ta mère, mais je peux te dire qu'Hayden est très occupé... Mais c'est tant mieux, si tu t'y sens bien dans l'ensemble, je suppose que c'est l'essentiel. Tu ne le sens peut être pas, mais la meute est tout de même tendue... Nous ne sommes pas tous en sécurité ici, pas avec ce qui s'est passé. Le calme est revenu, et j'espère qu'il ne sera pas brisé à nouveau. »

Ou alors si. Mais dire à une petite humaine comme elle que j'avais si soif de sang n'était pas la meilleure solution qui s'offrait à moi. Elle me propose un cookie, et mon regard s'attarde sur ceux qu'elle tient entre ses mains. Oh oui, j'ai tout le temps faim, mais je vais lui laisser son gouter.

« Non merci, gardes les pour toi, ils ont l'air très bons ! »

Elle me bouscule de questions sur moi, ma vie... Je n'ai pas spécialement envie de la lui déballer, mais que voulez-vous... Je ne vais pas l'envoyer voir ailleurs. Surtout que je ne sais pas ce qu'on lui a dit sur moi. D'ailleurs, il faudra que je lui pose la question. D'une manière ou d'une autre.

« Non, je ne vis pas ici, mais j'y passe le plus clair de mon temps, de plus en plus. C'est... J'aime ce cadre paisible, comme tu l'as dit. J'y trouve tout ce dont j'ai besoin... Ca me change de mes journées à l'hopital. C'est là que je bosse, je suis infirmière. C'était pratique, pendant les années sanglantes, je soignais les blessés de la meute. Je sais pas faire grand chose, mais ça j'y arrive. »

Gamine humaine privilégiée, admise sur la terre sacrée des bêtes à poils.
Mais je m’y sens bien. J’essaie d’expliquer à Ashleigh. Je sais bien que c’est un avantage que l’on m’offre, même si cela ne me permet pas forcément de voir davantage ma famille.
Evidemment qu’ils sont occupés. Je le sais bien. Hayden a tellement de responsabilités. Et non, je ne le sens pas particulièrement… Enfin non, c’est pas tout à fait ça, je constate certains trucs si. Je remarque bien certains détails, mais je suis là tellement rarement… et pis, j’ai pas de 6ème sens lupin moi…
Je la regarde et esquisse un sourire.

« Je l’espère aussi. Que ça va rester tel quel. Mais on ne me dit pas grand-chose. Oh, je comprends pourquoi, ce n’est pas ça… c’est juste… que je ne sais pas forcément quoi faire ou à quoi m’en tenir… Je ne peux rien faire, je le sais bien. Seulement… je déteste être si… »

Seulement, je n’aime pas être si inutile. Etre une spectatrice incapable d’agir, de réagir, de faire quoique ce soit. C’est excessivement agaçant.

« Oui. Il y a eu tellement de… » Je grimace. Morts… Problèmes… Epreuves… « …de difficultés…
Pas tous en sécurité… Pourquoi ? Il y a encore des soucis ? »

Oui, je la joue nunuche. Mais si je peux avoir des renseignements. Enfin, elle ne me dira sans doute rien. Si je ne sais pas, c’est qu’Hayden n’a pas jugé utile de m’en parler, donc personne n’ira contre… et comme maman ne veut pas en plus, il risque pas de changer d’avis… Mais sait-on jamais, peut-être que je réussirais à glaner quelques renseignements complémentaires…
Et bien que je vois qu’elle en ait envie, elle décline ma proposition pour les cookies. Tant pis pour elle. Après tout, c’est un loup, c’est vrai qu’ils ont tout le temps faim… pire que moi. Mais si elle ne veut pas, je les garde. Moi, ça me va aussi.

Et je redirige la conversation sur elle. Oui, je suis curieuse. Non, je n’ai pas vraiment de réserve…
Oui, je comprends qu’elle aime être ici. Même sans être louve, j’adore cet endroit, alors que je n’y suis pas vraiment rattachée…
J’hausse les sourcils. Une infirmière ? C’est super cool. Oh. Oui, forcément que ça a été utile…

« Je comprends que tu préfères être ici… Tu es sans doute plus à ta place, plus chez toi qu’à l’hôpital où tu bosses. Enfin je veux pas dire que tu ne sois pas une bonne infirmière hein ! C’est juste que… Tous les loups se sentent mieux ici… Je voulais pas… être… » J’hausse les épaules, comme pour m’excuser.Je la regarde et souris en secouant la tête.
« Et dis pas que tu sais pas faire grand-chose… savoir sauver des personnes… les aider… c’est énorme je trouve. »
Je me mords la lèvre.
« Comment tu as tenu ? Pendant toutes ces années… Avec tous ces blessés, tous ces morts… Enfin je veux dire… tu dois être sacrément forte… moi… je ne pourrais pas… J’ai déjà perdu assez de… »

Je secoue la tête et détourne les yeux. Oui, bon, c’était pas durant les Années Sanglantes, ou pas de manière liée, mais quand même…

Non, je n'aimais pas qu'une humaine ait le droit de poser le pied à Wolfheaven et s'y considérer comme chez elle. Entre ça et les métamorphes, je ne sais pas ce que je préfère. Peut être elle à la limite, parce qu'elle est seule, et que je peux comprendre ; la situation familiale ne doit pas être pratique ni facile tous les jours, alors savoir leur fille ici doit être important pour Isa et Hayden. Mais tout de même. Wolfheaven n'est il pas le territoire des Loups ? Notre territoire depuis des siècles ? Pourquoi le souiller aujourd'hui, pourquoi autoriser des espèces qui, quoi que l'on en dise, nous sommes étrangères, à partager le cocon intime de notre famille ? Je savais que me poser toutes ces questions ne servirait à rien ; je ne pouvais pas protester et je n'allais pas tenter de le faire. Non, j'allais fermer ma gueule et tenter d'être aimable et souriante avec la jeune fille. L'hypocrisie, c'est plutôt facile en fait. Quand on a pas trop le choix. Quand on a appris à mentir. Mais je ne peux pas lui cacher que tout n'est pas rose, et que la mort de Mary en ce lieu par un vampire n'est pas sans conséquences... Elle a l'air un peu gênée, ne sait pas bien où se placer, quoi me dire, quoi me taire. Je n'éprouve pas plus de compassion que d'habitude, mais répond tout de même à son sourire par un autre.

« Oh, je pense que tu vas te faire ta place, ne t'inquiète pas. C'est pareil quand des jeunes loups arrivent dans la meute. Mais je comprends ce que tu veux dire, je me doute qu'ils ne doivent pas te dire grand chose. Je ne sais pas si tu as grand chose à y faire... Essaye peut être de leur en parler, de leur montrer que tu es prête à ce qu'on te confie des choses que l'on ne confierait pas à une petite fille, que tu n'es plus ? »

Non, elle ne l'était plus. Aucune idée précise de son âge, mais il devait avoisiner celui d'Alexis. Et pour une fois, j'étais sincère lorsque je lui disais comprendre. Moi non plus, je n'avais jamais supporté être tenue à l'écart, même un tout petit peu, de quelque manière que ce soit. Devoir rester immobile, regarder au lieu d'agir... je m'étais toujours débrouillée pour agir. Savannah semble cependant s'inquiéter, lorsque j'évoque l'insécurité. Oui, logique, ça aussi. Si on lui a dit qu'être ici signifiait être à l'abri de tout danger... Ce n'est pas le cas. Ce qui ne veut pas dire qu'une armée de vampires peut nous tomber dessus ici à chaque minute, je suis pragmatique, et je sais que tout est possible. Je ne croyais pas qu'un meurtre par un nocturne sur notre territoire le soit, mais maintenant je sais qu'ils n'ont aucune limite. Cependant, aucune raison d'effrayer une gamine qui a apparemment juste envie de profiter un peu de la vie...

« Non. C'est juste que ce qui s'est passé a secoué les esprits, car on ne pensait pas que c'était possible. Mais Wolfheaven reste tout de même dix fois plus sûr que les rues de Glasgow. »

Si elle me pose cette question, c'est sûrement qu'Hayden veut la garder un maximum à l'abri des tensions pouvant exister dans la meute. Encore une fois, logique. Mieux vaut ne pas lui lâcher trop de renseignements, je ne tiens pas à ce que ça retombe sur moi. Déjà que je ne suis pas sûre qu'Isa soit aux anges en sachant que j'ai discuté avec sa fille... Bref. Passons. Nous ne sommes pas non plus en guerre, disons que ce n'est juste pas trop le fol amour entre nous. Je décline sa proposition pour les cookies, et elle me pose des questions sur moi. Oh, parler de moi ne me pose aucun soucis en soi, seulement je ne sais pas trop ce que je devrais lui dire ou non. Et avec ma vie, on évite difficilement les sujets sensibles. L'alcool, la souffrance, la mort, la guerre. La trahison. Ce dernier élément tout particulièrement, ne devrait jamais passer la barrière de mes lèvres. Je lui souris, alors qu'elle s'excuse pour rien. La laisse continuer. Et elle embraye sur la guerre, bien sûr... Curieuse.

« Tu sais... Certaines fois, on a pas le choix. On souffre, on en bave, mais il faut continuer à avancer. Le tout c'est de pouvoir trouver un peu de force et de détermination quelque part. Oui... J'ai vu des blessés et du sang, mais j'en ai aussi causé tu sais... Peu de loups ont les pattes sans tâches, si je peux dire. On finit par s'habituer à tout, en fait. Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose. »

Je me tais, deux secondes. Oui, on s'habitue à tout, même au pire. Cela j'en suis certaine.

« Et... Dis pas tout de suite que tu n'aurais pas pu. J'espère que tu n'auras jamais à vivre ça, mais je pense tout de même que tu n'es pas une mauviette, non ? »

Terminais-je avec un sourire.

Je l’observe quand elle me répond, avant de grimacer et d’hausser les épaules.

« Oui peut-être… Enfin, c’est pas tant que je veuille me faire ma place. J’ai déjà le droit de venir, et dans l’absolu, je me sens… acceptée. C’est juste que… non, ils ne me disent rien…
Je sais que je suis loin d’être aussi forte qu’eux… que vous tous. Je sais que je ne suis pas l’une des vôtres… Mais franchement… je sais pas à quoi m’en tenir du coup… Je sais pas trop où me situer…
Et c’est pas faute d’avoir essayé de leur parler… Mais, ils continuent de me parler comme à une enfant, de vouloir me tenir à l’écart… Je sais qu’ils veulent juste me protéger, mais… c’est exaspérant. Comme s’ils refusaient de me voir grandir oui. » J’ai un petit rire. « Si tu arrives à les en convaincre, que je ne suis plus une petite fille, tu auras droit à ma reconnaissance éternelle… et ce que tu veux… Mais je te souhaite bien du courage… »

J’hausse les épaules et tente de grappiller quelques éléments, quelques informations supplémentaires. On fait avec ce qu’on a hein. En l’occurrence, moi, je n’avais rien. Peut-être m’en dirait-elle plus que les parents, bien que j’en doutais… Et voilà, qu’est-ce que j’avais dit. J’hoche d’un signe de tête lorsqu’elle me confirme que Wolfheaven est plus sûr… Hum, devrais-je lui demander ce qu’il s’est passé ? pour Mary ? Hayden avait déjà eu l’air surpris quand j’en avais parlé en passant comme ça… Mais il ne s’attendait tout de même pas à ce que j’ignore une chose de ce genre ? Tout le monde en parlait, pas seulement les lycanthropes, tout le monde… Après, oui, j’avais eu des bribes ici et là. A partir de là, c’était pas très compliqué… Non. Pas la peine de lui demander, elle n’a pas l’air décidé à me parler. Je me contenterais donc de ça…

Et j’enchaîne sur elle, sur son boulot en apprenant qu’elle est infirmière, et forcément, sur son rôle durant les Années Sanglantes.
Et pour le coup, je suis d’accord avec elle. Quoiqu’il arrive, on finit par se relever… si tant est qu’on ait quelque chose sur lequel s’appuyer… et oui, malheureusement, peut-être s’habitue-t-on à tout…
Elle me sourit. Je l’observe un instant en réfléchissant. J’esquisse un petit sourire.

« Oui, tu as raison. On s’habitue à tout. On avance malgré tout ce qui peut arriver. Même si on ne pensait pas cela possible. Je sais pas vraiment si c’est de la détermination qu’il faut pour se… reconstruire, pour avancer à nouveau. J’ai plus l’impression pour ma part de m’appuyer sur les autres, de ne pouvoir… vivre ou sourire que parce que je ne suis pas seule, parce qu’ils sont là.
Je ne sais pas non plus si c’est un bien ou un mal au final… de s’habituer, de s’adapter… à tout ça… »
Je regarde autour de nous.
« Quant à être une mauviette… » Je souris à nouveau tristement. « Non, j’ai de qui tenir. C’est juste… que de là à tenir… Je sais ce que ça fait de perdre des gens qu’on aime… et non. Je ne veux plus jamais revivre ça non plus. »

Je déglutis et secoue la tête, avant d’inspirer.

« Dis-moi, tu crois… Tu crois que ça peut recommencer ? Les attaques ici ? Je sais que… qu’ils ne cherchent qu’à me préserver. Mais toute ma famille, tous les gens que j’aime vivent ici. Je suis en droit de savoir. Non ? »

Ils la tenaient à l'écart. Logique. D'un autre côté, la laisser vivre sur le territoire des loups allait bien l'obliger à un moment ou à un autre à entrer dans les affaires de la meute. Elle ne pourrait pas vivre ici toute sa vie tout en restant en marge avec ce qui s'y déroulait... Mais je supposais qu'ils voulaient la protéger de tout cela quoi qu'il en soit, le plus longtemps possible. C'était... compréhensible, oui. Est-ce que j'aurai fait pareil avec mes propres gosses ? Qu'est-ce que je ferai, si jamais l'expérience marche, si jamais je deviens mère ? Sincèrement, je n'en sais rien. C'est bête. Est-ce que je chercherai à les protéger de tout ? Probablement pas, parce que le monde est dur, la vie est dur, et en tant que loup, on ne peut échapper éternellement à la sauvagerie de sa nature. Mais Savannah n'était qu'une humaine, elle, forcément, elle ne pouvait pas trouver sa place aussi facilement qu'un autre. Je comprenais. Je m'en foutais. Je ne pouvais pas le lui dire, ça gâcherait tous mes efforts pour polir un peu mon image. J'esquisse un sourire amusé.

« Ca viendra bien un jour, tu sais. Ils ne pourront pas te couver ainsi toute leur vie. Profites en quand même un peu, après ça ne sera pas de la rigolade. Et tu es arrivée encore récemment, tu vas bien finir par trouver où te placer. Si tu es heureuse ici, c'est déjà un bon début. »

Moi, jouer ce rôle de conseil et d'écoute... Mouais. J'étais pas vraiment la mieux placée, disons. Il était bien connu que j'étais une louve violente, peu portée sur la compassion, l'altruisme, et toute la compagnie des belles qualités humaines. Etrange pour une infirmière, certes, mais que restait il de la petite humaine qui avait entrepris ses études il y a des années de cela ? Rien. Pas grand chose. Je savais toujours me montrer aimable, souriante, mais désormais ce n'était plus qu'un masque.

Curieuse, vraiment. Elle a envie de faire partie de cette communauté, peut être. Ou je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que quoi qu'il en soit, même acceptée par les loups, elle restera toujours un peu en marge de cette nature qui n'est pas la sienne. C'est la même chose avec ces saletés de métamorphes mais inutile de le dire ; on ne m'écouterait pas et je me ferai mal voir. Bref. Je ne lui en dévoile pas plus que ce qu'on a déjà dû lui dire, en tout cas j'essaye. Si ça ne tenait qu'à moi je lui aurai sûrement tout dit et tout décrit, mais je ne veux pas qu'Hayden ou Isa me tombent dessus pour me faire la morale sur mon entrevue avec leur fille. Dans la manière dont elle me parle, analyse les choses, je dénote tout de même une certaine maturité. Elle n'est pas inconsciente jusqu'au bout. Oui. Etre entouré, pouvoir s'appuyer sur les autres aide forcément à se reconstruire. C'était mon cas, lorsque Jonathan m'avait recueilli. C'était son attention, son soutien qui m'avait permis de reprendre pied, ainsi que ce nouveau monde que je découvrais, ces frères et ces sœurs... Désormais, il n'y avait plus grand chose. Juste ma propre détermination pour avancer après sa mort. J'acquiesce, alors qu'elle me dit ne plus vouloir perdre ceux qu'elle aime.

« C'est toujours un coup dur. J'espère... J'espère aussi que tu n'auras pas à les perdre. Qu'on pourra tous être un peu épargnés pendant quelques temps, après ces années sanglantes. Mais la paix est plus que bancale, tu dois t'en rendre compte. »

Et une partie de moi, purement égoïste et sanguinaire, attendait avec impatiente sa chute. La guerre, le sang, la mort. Je n'avais plus personne, plus rien à perdre, de toute manière.

« Ecoute Savannah, je ne sais pas. Je ne veux pas te faire peur ; s'il y a un endroit où nous sommes le plus en sécurité, c'est bien ici. Mais cette sécurité n'est pas inébranlable. Ca peut recommencer, je suppose, ça peut toujours recommencer. Tant qu'il y aura des vampires pour vouloir notre mort, des semis démons pour vouloir le chaos total. Profites de Wolfheaven ; c'est une chance que nous ayons un lieu comme celui-ci pour nous regrouper et nous protéger. »

Ils me protègent, ils prennent soin de moi. Je le sais bien. Sans me demander ni mon avis, ni ce que j’en pense. A la manière totalement possessive et autoritaire de lycanthropes. Mais pour autant, je sais que ce n’est pas tant un manque de confiance en moi, ou en ma capacité à comprendre ou encaisser. Ils sont juste méga-protecteurs. Je le sais bien aussi. Mais il n’empêche que ça reste vraiment saoulant.

« Je sais bien. Mais d’un côté, ils me demandent d’être responsable et de me conduire comme si… j’étais une adulte intelligente et capable. Et de l’autre, ils continuent de vouloir me cacher des choses importantes, de ne pas vouloir me tenir au courant de trucs qui me concernent… plus ou moins… ou qui pourraient se révéler importantes…
Il me traite en enfant et s’attendent à ce que je réagisse en grande personne. C’est pas logique.
Mais oui, je suppose que tu as raison, et que je regretterais un jour ou l’autre tout ça…
Et oui, je finirais par trouver ma place… sans doute… un jour. »

J’hausse les épaules. On verra bien. Non pas que je me sente mal ici, au contraire. Mais ouais, j’ai pied dedans et un autre dehors, c’est chelou et compliqué du coup. Pour moi comme pour eux je suppose. Pourtant, aucun d’entre eux ne me fait sentir de trop. Que ce soit uniquement dû à Hayden et maman, je n’en doute pas vraiment, mais… je ne peux vraiment pas leur reprocher pour le coup. Ils sont gentils, souriants et ouais, ils prennent soin de moi. Avoir autant de monde sur qui compter, c’est toujours cool. Même si je ne sais pas jusqu’à quand, ni jusqu’à quel point… Enfin, la plupart ont vraiment l’air de bien m’aimer, donc… D’un autre côté… Ce sont des loups. Moi pas. Oh, moi, je m’en fous, je veux dire, ça fait aucune différence. Je les aime beaucoup. C’est eux qui… sans doute, doivent me trouver si… oh, peu importe.

Je secoue la tête et me concentre sur Ashleigh. Oui, je m’en rends compte. Tout est trop récent pour être stabilisé. Tout est trop récent pour que les colères, les rancunes accumulées depuis tant de temps soient simplement oubliées, ou même mises de côté… Pourtant… si tout le monde faisait des efforts. Ouais, un peu utopiste je peux être… Parce que je suis jeune ? Peut-être… Pourtant j’ai déjà vécu…

« Rien n’est inébranlable. Rien n’est immuable. Je sais bien. Je suis jeune, mais je ne suis pas stupide. J’ai déjà vécu assez de choses pour… pour savoir tout ça.
Je me rends compte que vous… qu’on a de la chance d’avoir cet endroit. Et… » Je grimace un sourire.
« Je cherche plus à me rassurer qu’autre chose en fait. A me dire qu’ils ne risquent rien.
Tout ça… c’est tellement fragile… Je sais bien que je ne pourrais rien faire si… enfin, si n’importe quoi arrivait… que je serais plus un poids ou une source d’inquiétude supplémentaire pour eux… Pourtant… c’est plus fort que moi… d’essayer de trouver un truc pour les protéger. »
Je souris pour de bon en haussant les épaules. « C’est bête, je sais, mais bon… »


Je regarde vers la maison et regarde les autres lycanthropes présents.

« Et si je suis totalement honnête… c’est vous tous que j’aimerais pouvoir protéger… quand bien même je sais que ce n’est pas possible ou que c’est juste… stupidement utopique. » Je ris un peu, en revenant vers elle.

« Je vis ici. Je fais partie de tout ça… enfin, en partie… J’essaie… pour le meilleur et pour le pire non ?
Merci de ne pas enrober la vérité comme si j’étais une petite chose fragile qu’il faut protéger. Je sais, tu ne me dis pas tout, mais c’est déjà pas mal de pas être prise pour une simple et délicate enfant. »

HRP:

Même si je comprenais la petite humaine, d'un autre côté... Personne n'avait jamais été protecteur avec moi. Au lieu de rechercher cela, je pense que je n'aurai pas supporté qu'on le soit. J'avais grandit par moi même, j'avais tout fait par moi même. Mon beau père avait bien essayé d'être un père pour moi... La chose avait déjà été assez compliquée avec ses propres enfants. Non. Je n'avais jamais eu à me battre pour pouvoir être au courant des choses, ne pas être tenue à l'écart. Surprotégée. Ca avait même peut être été le contraire. Je n'enviais pas Savannah pour autant. Pas le moins du monde. Déjà, sa vie ne doit pas être simple. Deuxièmement, ma condition me convient parfaitement, et la seule que je puisse envier est celle de Lupa. Or, il n'y a pas de Lupa.

« Eux aussi, ils finiront sûrement par accepter que tu grandisses. Qu'en te comportant en adulte, ils te considèrent vraiment comme tel... A part leur parler, je ne vois pas ce que tu peux faire d'autre pour le moment. »

Elle avait l'air un peu perdue, assez chamboulée. Logique. C'était pas facile de se retrouver là. Même si peut être, pour elle, être un loup ou un humain ne faisait pas de différence énorme, pour moi, si. Les Loups pouvaient l'aimer. Elle pouvait les aimer. Elle ne les comprendrait jamais entièrement. Certaines pulsions... Bref. Personne n'allait la chasser. Elle ne faisait pas de mal non plus. Je pouvais ne pas apprécier qu'une humaine, fille de loups ou non, mette les pieds à Wolfheaven, elle ne causait matériellement aucun problème. C'était juste une question de principe, et comme avec les métamorphes, j'avais compris que j'allais devoir les mettre de côté et les ranger bien précieusement, mes principes. Si c'est le prix pour ce que je veux... Me montrer aimable avec la « fille » de l'Ulfric en fait partit aussi, de ce prix. J'essaye de lui donner des conseils, mais qui suis je pour cela, réellement ? Nous ne sommes pas les même personnes, notre vie n'a rien à voir. Oh ok, elle a dû voir des trucs moches, vivre des choses pas faciles... Mais on est tout de même pas dans la même situation, elle et moi. Je hausse les épaules à mon tour.

« Tu sais, je pense qu'on cherche tous à se rassurer, tu n'es pas la seule. On fait de notre mieux de toute façon ; je pense qu'on sera prêts à faire face... »

Ou pas forcément. En tout cas, oui, faire de son mieux. Et puis personnellement... Il fallait juste que j'ai le pif pour tourner tout ce qui pourrait arriver à mon avantage. Peu importe ce qui arriverait.Je lui offre un sourire.

« Je pense que tu ne l'es plus vraiment, non ? De toute façon, dans ce monde, on peut tous être touchés, alors mieux vaut ne pas enrober la vérité, non ? Juste être conscient, et profiter, je pense. »

Voilà. C'est tout. Putain, moi qui parle comme ça... Je devrais m'enregistrer. Sincèrement. Ca en ferait rire pas mal...

Je lui souris. Oui. Ils finiront par accepter. Peut-être qu’un jour ils se comporteront avec moi, comme si j’étais une personne à part entière, douée de raisons et de pensées. Non, bon, d’accord, j’exagère pas mal. Mais ils me protègent tellement, ils veulent tellement prendre soin de moi que ça en devient étouffant. Mais je le sais. Les loups sont comme ça. Une partie de moi l’accepte. Cette surprotection constante, je vis avec depuis des années.
C’est simplement que… oui, c’est usant. Oui, ce protectionnisme outrancier ne m’aide pas, et ne correspond pas avec ce qu’ils attendent de moi. Ou peut-être est-ce juste moi qui ne vois que le mauvais côté, qui n’arrive pas à m’en détacher. Peut-être bien au final. Peut-être ne suis-je pas assez mature pour… Non. Enfin, je veux dire, je ne suis pas aussi mature que les parents, mais je ne suis pas stupide pour autant. Je n’exagère pas. J’ai juste besoin d’un peu d’espace, d’un peu de liberté.
Et j’en ai. Oui. Mais être sous surveillance constante… Oui, tous les parents surveillent et protègent leur enfant. Mais pas à ce point. Il n’y a qu’à voir la réaction de maman avec Darren l’autre jour. Tous les parents ne menacent pas de bouffer les amis de leurs filles de la sorte. Je soupire.

« Non, je ne peux malheureusement pas faire grand-chose. Tu as raison. C’est juste que c’est parfois difficile à supporter… »

Qu’importe. Je les aime. Malgré mes sautes d’humeur. Malgré mon éternelle insatisfaction. Malgré leur trop plein à mon égard. Et j’ai peur pour eux. Je sais que les loups fonctionnent en Meute, je sais qu’ils se protégeront les uns les autres. Mais c’est ma famille. On n’est jamais logique ou objectif pas vrai quand il s’agit des personnes à qui l’ont tient. Faire de son mieux. J’espère de tout cœur que oui, ils seront prêt si jamais… Pourvu qu’il n’arrive rien. Pourvu que cette paix ne soit pas qu’éphémère. Je me contente d’hocher la tête en me mordant la lèvre.

« Non, je ne le suis plus. Mais ceux qui le voient ne sont guère nombreux. Je ne suis que la fille humaine de l’Ulfric.
Et oui. La vérité est beaucoup plus agréable à entendre, aussi dure soit-elle à dire. » Je regarde vers la maison, Kean me fait signe. Je lève la main pour lui dire que j’arrive.
« Merci. De m’avoir écoutée. De pas juste avoir été saoulée. » Je lui souris avant de prendre la direction du bâtiment. « A une prochaine Ashleigh. »