Le tumulte de la ville continue sa lente besogne, déranger la nuit. Je ne l'écoute que d'une oreille distraite, l'azur rivé sur l'opaque manteau qui m'entoure. C'est étrange de constater comme les humains s'égayent en ne songeant à rien. L'horizon bouge pourtant, lentement, sûrement d'ailleurs. Les volutes enfumées d'un avenir incertain dansent en filigrane de la nuit. Et eux, pauvres aveugles, ne voient rien venir. Nous sommes légendes, icône, monstres, beaucoup de mot qui déforme la réalité. Une ombre qui s'étend sur leur vie, avide et les crocs dégoulinants d'acide. C'est hilarant n'est ce pas ? Ou alors serais je la seule, fondue dans l'obscurité a trouver tout ceci terriblement risible ? Sans aucun doute. Absents, mes doigts s'amusent d'une mèche volage et le cauchemar s'éprend de l'azur qui couronne mon visage. Le temps n'a guère d'importance il est vrai, bien que l'étrange courrier soit intriguant je l'admets. Il soulève tant de questions, d'amusement aussi, très certainement. L'ombre se détachera-t-elle des méandres qui l'ont gardée cachée ? Ah, peut être n'ais je finalement pas envie d'y répondre. Chimère a multiples visages, j'observe le néant, sa beauté sans pareille, son incommensurable désir de destruction, sa fascinante cruauté.

Les senteurs regorgent de parfum riche et sucré, mais en dessous s'élèvent les relents de la mort qui erre en bordure du monde, ricanant ingénument. Le monde tourne et tournera sans doute bien longtemps après nous. La mélodie de mon téléphone se fait entendre mais qu'importe, je le laisserais sonner. Jérémiah peut bien se passer de moi pour quelques heures. Et son attente angoissée fera sans doute naître un sourire cruel sur mes lèvres. Sa propre souffrance en paravent de mon indifférence. Quel duo improbable.

La soie arachnéenne qui couvre mes jambes d'un voile opaque bruisse presque langoureusement au grès du vent, étonnant une musique délicate autour du marbre de ma chair. Le froid est et pourtant je ne joue aucunement la comédie de l'humaine, de la mortelle. Je ne ressens pas ce besoin cette nuit. Etrange non ? Après tout, je ne suis qu'une reine déchue sur un trône de sang, perdue au milieu d'un nuage de béton. Savent ils seulement que les liens du pouvoir obscurs s'étirent ? Non bien évidemment, naïf petit humain égoïste qui refuse de voir la toile qui se trame, douceâtre, autour de sa piètre existence.

Et puis la nuit se fait coussin implacable, se tord lentement pour accoucher de ce qu'elle cachait en son sein. La ligne de mes lèvres s'incurve, dansante sur une valse impénétrable.

"Oserais je avouer ma surprise Monsieur Guillemaud ?"

La voix rauque effleure à peine le silence qui s'indigne d'un tel outrage, mais je n'en ai cure. L'orbe bleutée se tourne et je souris du haut de ce banc de pierre, ce trésor ancien caché au cœur de l'histoire d'Ecosse. Comme un symbole piétiné et parjuré. Un palpitant de verdure qui s'entête a battre encore.

La proposition volte dans l'air palpable de la nuit. Elle me fait sourire, l'étincelle bleutée navigue sur les vaguellettes de l'amusement assombrit. Il est parole de serpent, cela est indéniable. Il tente les faiblesses et les enchantent savamment. je ne peux lui nier cet art. Mais le crotale peut il réellement envouter la vipère ? Cela serait intéressant à voir. Le choix est mien, placé entre mes mains de manière sans doute trop franche mais non dénuée d'ardeur. Il promet avec des doigts vides de pouvoir. De ce pouvoir qu'il espère sien par une nuit d'avenir. Condamnable ? Peut être aux yeux de ceux qui s'y aggrippe. Mon esprit divague un instant sur les voiles du passé. Tant d'homme, bon, moins bon, de femme vénimeuses ont planté les crocs dans ce qu'ils croyaient sien pour finalement n'avaler que le néant. En sera-t-il de même pour lui ? Je suis curieuse de l'apprendre. Combien d'entre nous succomberons au chant envoutant de son discours ? Combien trébucherons, aveuglé ? Et moi, laisserais je ce piège de soie recouvrir mes désirs ? Cela m'amuse.

Non. Je ne prendrais pas position. Derrière l'éclat opaque de mes iris valsent les frontières si mouvantes. L'ombre est mienne et le restera.

"Voilà une proposition savoureuse..."

Juste un murmure qui s'échappe d'un air absent. Léger, saupoudré d'une ironique acidulée. L'orbre n'est plus qu'un trou sombre, un puit sans fin qui s'étend à l'infini.

"Le sauvetage nécéssite la menace, Monsieur Guillemaud...Que devrais je en conclure ?"

Ma nuque ploie un instant et l'ébène entourant mon regard se fend d'un éclat bleuté, irisant. Puis je ris, quelque chose d'étrangement doux qui s'écoule lentement, sur un rythme propre a mon âme. Comme une comptine, prélude d'un massacre amoureux.

"Posez vos pions monsieur Guillemaud, laissez moi voir ce dont vous êtes capable et peut être...Choisirais je le renouveau."

Ainsi j'en ai décidé. L'ombre reste à l'ombre n'est ce pas ? Mais qui sait, peut être est ce là le sursaut qui appelle au mouvement. Cela sera intéressant, à n'en pas douter. Ma main le libère dans un souffle et le sourire accompâgne ma propre disparition sur un murmure :

"Que la nuit vous soit douce Monsieur Guillemaud."

Il y a un rire semble-t-il qui effleure la surface mais sans doute n'est ce qu'une imagination.

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