L'instinct de survie. C'était quelque chose que je connaissais mieux que personne, pour l'avoir écouté des mois durant plus que toutes les autres émotions. Je savais ce qu'il fallait faire pour survivre, et plus j'avais traversé d'épreuves, et plus ce fameux sixième sens s'était avéré évolutif. J'avais réussit à le perfectionner, avec pour travers de ne plus jamais avoir réussit à dormir sur mes deux oreilles, en tous cas pas pendant plusieurs mois. Aujourd'hui, cet instinct était altéré, parce que survivre n'était plus en soi une priorité. Mon esprit avait pris le dessus sur mon corps, mon conditionnement sur mon état de nature et sur tous mes instincts. Je réfrénais mes pulsions sexuelles, mes émotions, et tout le reste, pour me rendre plus efficace. Pourtant, si cela avait entraîné la perte d'une large partie de cet instinct. Cela ne signifiait pas sa disparition complète, mais plutôt une espèce de mutation. Au lieu de me pousser à me défendre ou à m'enfuir, cela me mettait simplement sur mes gardes. Je sentais le danger mais je ne réagissais plus du tout de la même manière. J'avais même réussit à dompter mes pressentiments. Je ne savais pas pour autant où cela me mènerait, mais cela ne m'avait jamais abandonné pour l'instant. Et à cet instant précis, je sentais que quelque chose clochait. L'abus de langage par le jeune homme en face de moi n'avait rien d'anodin, il me rappelait par trop le discours tenu par des vampires, mais il n'en était pas un, je pouvais bien le sentir. A force d'en côtoyer et d'en tuer depuis des mois, on reconnaissait forcément ceux que l'on traquait... Un temps de latence assez important trahit à la fois son incompréhension, et peut être aussi de l'inquiétude ? Cela ne fit rien pour baisser ma garde, qui s'en retrouva d'autant plus renforcée. Quand il me répondit, ce fut d'un ton précipité, mais ce ne fut pas quelque chose de foncièrement incohérent, mais je n'étais pas pour autant convaincu.


| Si c'était aussi innocent, pourquoi tu t'es repris ? |


La question à cent mille dollars.

Cette cabot allait morflée. Au lieu de se repentir d'excuses - qui certes n'auraient servir à rien, mais par principe – elle faisait la forte tête. Bien, très bien pour moi d'ailleurs. J'avais bien m'amuser avec son cas. Je savais que Mary avait passé un accord avec Seth et l'autre bécasse, et qu'elle n'avait pas le droit de venir sur le territoire de la meute. Au nom donc, de cette dernière, je pouvais réclamer sa tête en cadeau. Et je savais déjà que j'allais m'amuser à la prendre en chasse et à l'abattre. Irving s'en alla, et je levais les yeux au ciel. Je sentais qu'il allait encore faire foirer quelque chose et qu'on allait encore s'en prendre plein la tête. Attention j'aime bien l'esprit du jeune loup, mais disons qu'il n'arrive pas encore à assimiler qu'il doit réfléchir avant d'agir. Cela lui jouait souvent des tours et j'avais pas envie d'être mêlée à ça. J'ai déjà assez de problème comme ça avec Mary sans en rajouter une couche… L'Autre débile le suivie après s'être dégagée de ma poigne. Je l'avais laissé filé, écoutant Johan, qui essayait de faire revenir le barman en vain. D'ailleurs ses paroles se perdirent dans le brouhaha, et ne furent entendues que par moi. Je les aurais bien suivi aussi seulement, ils étaient moins important à mes yeux que le libraire. Il aurait été très impolie de ma part de lui faire faux bond alors qu'il était en train de parler. Je me tournais vers lui d'ailleurs, et il en profita pour venir me voler un baiser. Je ne pus m'empêcher de sourire. Ouais, comme une femme bête et stupide. Sans doute le suis-je un peu avec lui? Non, c'est pas ça. Disons que je profite du beau fixe qu'il y avait entre nous. Ces dernières semaines, nous passions plus de temps ensembles, comme un "vrai" couple. Quelques soirs, il m'emmenait au resto et au ciné, avant qu'on finisse chez lui. Le lendemain, je lui préparais un petit dej' avant de filer à Wolfheaven, lui permettant de libérer son père de la garde des enfants. Nous passions aussi beaucoup de temps ensembles à chasser, et franchement, ça me faisait un bien fou. Je me sentais vraiment mieux autant dans mon corps que dans mon esprit. Je lui fis oui de la tête pour répondre à sa question, et m'accouda au bar pour me rapprocher de lui :

J'ai un peu de temps libre oui. D'ailleurs, je me demande bien ce que je vais faire de ce dernier. Tu connais quelqu'un toi avec qui je pourrais danser sur cette piste de danse pour me défouler un peu? Si possible mignon, sinon franchement aucun intérêt.

Je lui adressais un sourire plein de malice, oubliant la présence de Seth non loin. J'en avais rien à fiche de lui, et franchement je préférais largement porter mon attention sur Johan plutôt que lui. D'ailleurs je m'approchais de ses lèvres qui se rapprochaient des miennes lorsqu'on vint –encore ! – nous déranger. Henri nous signalait que Mary voulait nous voir dans son bureau et je poussais un long soupir. Je jetais un regard noir à Seth, avant de lui dire

Super ! Merci beaucoup ! Vraiment fallait pas…

Je pris la direction du bureau de la Lupa, en bousculant le loup lorsque je passais à côté de lui. Je lui en tenais rigueur et pas qu'un peu. Déjà que je le portais pas dans mon cœur, là c'était encore pire parce qu'il venait de gâcher le moment que je passais avec celui qui faisait battre mon cœur. Le fait qu'il pose sa main dans mon dos me calma légèrement et m'empêcha de balancer un truc au visage de l'autre Lâche lorsque nous fûmes dans les "coulisses" de la boite de nuit. Le chemin jusqu'à l'endroit où l'on nous attendait se fit dans le plus grand silence. Nous n'eûmes pas vraiment besoin d'attendre très longtemps pour voir Mary débarque avec Irving. Vu le visage de la première, elle était en colère. Et m#rde. Je sais pas pourquoi, mais je sentais que cela allait être encore pour ma poire. J'entrais à leur suite, sans proposer à aucun des deux hommes de passer devant moi - Seth était une vermine, je n'allais pas le laisser passer, et je savais que Johan était trop galant pour me laisser passer derrière lui-. Je me callais devant le bureau sur la droite, fermant mon visage à toute émotion. Je m'étais placée tout de même à côté d'Irving, histoire de lui montrer un léger soutien. Je lançais un regard qui voulait tout dire à Seth, histoire qu'il comprenne qu'il devait aller de caller de l'autre côté. Hors de questions qu'il soit dans ma proximité. Et valait mieux pour lui – comme pour moi d'ailleurs – qu'il y ait entre nous le libraire.

Lorsque Mary finit par parler, je fus soulagée. Au moins, elle avait compris qui avait posé problème. Pour une fois que j'avais un peu de répit…

Isadora était une louve tellement impulsive et colérique, je comprenais parfaitement pourquoi Mary l'avait choisie comme étant l'exécutrice de la meute. D'un côté, elle avait la flamme pour tuer n'importe qui, mais d'un autre côté, son impulsivité pourrait la faire mourir aussi. Les louves sont rares, et Isadora est clairement celle de trop. J'avais été ulfric, je savais comment tout cela fonctionnait, et cette louve-là valait de l'or, mais elle pouvait être également un lourd fardeau pour la meute, un couteau à double tranchant faisant autant de bien que de mal, c'était une certitude. Mais je m'arrêtais déjà de penser à elle. Je pensais à Nevaeh, mais surtout à la plaidoirie que j'allais devoir faire devant Mary. Il faudrait trouver le bon ton, les bons mots, et encore, en trouvant tout cela, je n'étais pas sûr d'être à la hauteur. Un air de défi trottait dans ma tête quelques choses qui ressemblait à ça. Je me voyais déjà devant elle, l'affrontant dans une joute verbale et peut être même physique. Je n'étais qu'un simple loup, je ne pouvais pas aller contre ces ordres. Je n'avais rien fait de mal fondamentalement parlant bien entendu, mais si j'avais invité Nevaeh ce soir, c'était simplement pour voir et constater certaines choses.

Nous arrivions donc devant son bureau. Je ne savais pas où est ce qu'elle allait emmené Nevaeh, ni ce qu'elle allait lui faire, mais c'était peut être la dernière fois que je la voyais. Je ne sais pas pourquoi, mais cette soirée anodine pour ma compagne ne le serait peut être pas vraiment. J'avais comme un pressentiment. Mais j'essayais de ne pas penser au sort qui lui était réservé. Elle arriva et ouvrit la porte après m'avoir regarder d'un regard glaciale. Isadora avait pester juste avant contre moi, mais je m'en fichais pas mal. Nous étions à présent à l'intérieur. Elle s'assit derrière son bureau et me regardant, elle me dit qu'elle écoutait ce que j'avais donc à dire. Je n'avais pas peur d'affronter son regard qui était glacial, comme ces paroles. J'avais connu bien pire que ça dirons-nous dans ma première meute. Mary avait un fort caractère, mais c'était bien parce qu'elle était sans doute là avant qu'elle avait réussi à avoir cette place. Enfin, je ne savais pas trop l'historique de la meute. Je savais qu'en venant ici, je devrais des explications et j'étais prêt à les donner, si elle me laissait le temps pour cela évidemment.

" Je vois très bien ce que vous voulez entendre, et je vais vous le dire. En fait, je vais vous dire la réalité de la situation. C'est difficile pour nous, elle le vit très mal, alors en parlant d'ici, je lui ai proposé de venir pour qu'elle rencontre d'autres loups. Est ce un crime que de vouloir s'intégrer ? Surtout que nous ne sommes pas à Wolfheaven. Elle n'avait pas l'intention de rester très longtemps, quelques minutes pour s'imprégner de l'ambiance. "

Je n'aurais rien à dire d'autres. Je sentais déjà le regard noir d'Isadora à mes côtés. Si elle le pouvait, elle me liquiderait sur place. Mary aurait sans doute une réaction à la proportion de mes paroles, elle n'aimerait pas, elle détesterait même, mais je n'avais fait que dire la vérité. J'avais du mal à m'intégrer dans ce nouvel environnement, mais pour Nevaeh c'était encore pire. Je pouvais le sentir au plus profond de mon être. Je ne savais pas si elle résisterait à cette soirée à vrai dire. Elle avait des tendances suicidaires, et rien n'allait s'arranger.

Dire qu'ils pourraient être en train de danser. De s'embrasser. De s'aimer.

Au lieu de ça, ils se dirigeaient vers le bureau de Mary dans le silence, et ils attendirent leur Lupa peu de temps avant qu'elle arrive et les fasse entrer – Isadora la première, suivie de toi, puis de Seth... et finalement d'Irving. Ils regardèrent tous Ie plus jeune se joindre à eux. À quelque part, c'est aussi de sa faute, s'ils étaient là, comme des enfants pris en faute, alors qu'ils n'avaient rien fait. Pas vraiment. Rien de trop grave. Peut-être. Mais bon, ça ne valait pas la peine de lui en vouloir et le lycanthrope se détourna bien vite de son frère, faisant glisser ses doigts le long de la taille d'Isadora. Être ici au lieu d'être en train de danser avec elle, quelle torture. En espérant que ce différend serait rapidement réglé et qu'ils allaient pouvoir profiter de la courte pause, avant que la louve ne retourne faire... ce qu'elle devait faire. Elle était tendue, il le sentait, tendue à cause de Mary, à cause de Seth, à cause de Nevaeh, à cause de tout ce qui se passait ici – et ça ne lui plaisait pas. Après tout le bon temps qu'ils pouvaient passer ensemble depuis un bout... c'était moyennement agréable.

Johan écouta Seth raconter sa version des faits, ou plutôt, tenter d'adoucir la chose. Normal, non? Il se racla la gorge et prit la parole à sa suite, ses yeux trouvant ceux de Mary, qu'il avait sobrement salué d'un signe de tête – à l'identique du sien à vrai dire : « Je tiens seulement à dire qu'il n'y avait pas bataille sur les lieux. Irving a réagi un peu trop... promptement, sans doute parce qu'il ne savait pas ce que nous allions faire, mais sûrement pas nous battre. » Une façon de défendre Irving, peut-être, et sa réaction trop rapide, et peut-être aussi Seth, Isadora et Nevaeh. Lui-même, du même coup. Ils étaient des adultes, des loups expérimentés, même si imparfaits et sujets à leurs émotions, ils savaient se comporter. Surtout devant des humains. La bataille, s'il y avait eu lieu de parler de quoi que ce soit comme ça, ça aurait été ailleurs. Peu importe ce qui est arrivé, ils n'étaient pas en faute... pas eux, en tous cas. Sa prise se raffermit sur la taille d'Isadora, commence si Johan tentait de contenir cette colère qu'il sentait émaner d'elle en vagues négatives. Tout allait bien aller.

La question que je posais était assez claire et je ne pensais pas que l'on attendait de moi autre chose qu'autant de sérieux dont j'étais capable. J'avais flairé quelque chose et mon instinct me maintenait en alerte, et je sentais que c'était pour une bonne raison et pas pour quelque chose d'innocent. Je savais que le type ne s'était pas seulement trompé dans les mots qu'il choisissait. Je ne croyais pas aux coïncidences de ce genre, et quand on est en colère ou frustré à cause d'une bagarre, ou même qu'on nourrit de la peur ou de l'appréhension, on ne blague pas de manière aussi naturelle, on met de l'ironie ou du sarcasme dans nos propos. Cela n'avait pas été son cas. Il s'était repris. Cela plus que tout le reste me mettait sur la voie que quelque chose clochait par ici. Je ne savais pas quoi, mais je faisais confiance à mes pressentiments ; eux plus que n'importe quoi d'autre avaient permis de me maintenir en vie durant toutes ces années et ces mois de danger. Je faisais confiance en mes propres capacités et en mes compétences beaucoup plus qu'autrefois je faisais confiance à mon cœur et à mes sentiments. Le chasseur que j'étais sentait le danger. Je restais sur mes gardes, prêt à dégainer. A protéger Cora, même si sa survie n'était pas essentielle à ma mission et aux risques qu'elle comportait. Oui, j'aimais beaucoup la jeune femme. Elle était ce qui se rapprochait le plus d'une compagne pour moi. Amie, confidente, amante. Elle était tout ce qui n'était pas le travail dans mon existence. Pourtant, je savais qu'il y avait des choses plus importantes qu'elle. Rien de personnel. Je considérais ma mission comme plus importante que ma propre survie, alors peu me chaud celle des autres. Alors que je braquais un regard autant méfiant qu'inquisiteur sur le jeune homme que je suspectais, Mary arriva sur ces entrefaites. Je ne me relachais pas ; je n'avais pas plus de confiance en elle qu'en quiconque d'autre. Autoritaire, elle me rembarra sèchement avant d'en faire de même avec son salarié. Avant que je puisse dire un mot, la patronne se barra avec le type. Ce n'était que partie remise. Me tournant vers mon amante et la brunette, je leur fis signe de me suivre. Les menant au PC sécurité, je les faisait entrer, avant de m'excuser un instant, refermant la porte sur elle. Mary ne pouvait me voir, puisqu'elle engueulait ses employés. Cette Misslethwaite truc et Cora pourraient me voir, mais les moniteurs étaient branchés sur ce qu'il se passait au rez de chaussée ou dans les chambres, vu que j n'avais pas eu besoin d'épier les couloirs pendant un bon moment. Je dégainais mon téléphone, mais tombais sur la messagerie de ma Maîtresse.


| Ma Reine. J'ai quelque chose pour vous. Une information. Peut être que je me trompe, que j'ai mal saisi... Je prends l'information avec des pincettes. Mais des choses se passent dans ce club. Et l'un d'eux a appelé les autres des mâles. Ils ne sont pas vampires. Je ne sais pas si c'est réellement anodin ou non, mais l'information mérite vérification. Je vous recontacte. |


je retournais avec les deux jeunes femmes.


| Pourquoi le barman vous a t'il désigné comme une « femelle », et vos compagnons des mâles ? Drôles de mots, n'est ce pas, quand il ne semblait pas y avoir insulte? |


Je bluffais. Irving n'avait rien dit de tel, mais j'escomptais que la jeune femme ne sache rien de ce qui s'était dit juste avant qu'elle n'arrive.

Je n'aimais pas les propos que Mary tenait envers Johan. Bon d'accord, elle ne lui avait pas demandé son avis, mais quand même ! Il n'avait rien fait du tout! C'était Seth le fautif, ainsi qu'Irving, pas lui. Il s'était juste trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Je me doutais bien que si elle lui parlait ainsi c'était parce qu'il passait de plus en plus de temps avec moi. Entre nous tout allait vraiment bien et ça me rendait très heureuse. Tout comme lui d'ailleurs. On se voyait régulièrement, on sortait, on chassait, on s'amusait, on se parlait. On était devenu un vrai couple et beaucoup de loups commençaient à s'en apercevoir. En même temps, nous ne le cachions pas vraiment même si nous étions plutôt du genre discret. Avoir un public, ce n'était ni son genre, ni même mon genre d'ailleurs. On préférait, et de loin, être seulement tous les deux. Nous n'avions besoin de rien d'autre… Et ça ne devait pas plaire à notre Lupa qui, sans aucun doute, aurait voulu mettre la main sur le libraire, juste pour le plaisir de me faire souffrir. Seulement jamais il ne s'offrirait à elle. Jamais la préfèrerait à moi, et ça devait la mettre en rogne, la rendre jalouse quelque part. Tout ce qu'elle voulait c'était nous séparer, trouver une excuse pour m'éloigner de lui. Mais je ne lui donnerais pas son plaisir. Je restais silencieuse, et mon simple geste fut de venir prendre la main de Johan. Ouais, je la narguais un peu et alors? Elle ne pouvait rien dire. Nous étions tous deux membres de la meute et elle ne pouvait pas nous obliger à ne pas nous voir. Et puis, je voulais aussi montrer, par ce geste, mon soutien au loup. Je ne le laisserais pas tomber quoi qu'elle puisse dire, quoi qu'elle puisse faire.

Ces paroles envers Irving fut très dures, bien qu'il fallait ajouté qu'elles étaient quand même très justes. Cependant, je n'étais pas certaine que lui balancer tout cela à la tronche était une bonne idée, ni même si cela ferait avancer les choses. Elle était brutale, et ce n'était pas toujours la bonne solution. Par contre, certains de ses propos me marquèrent et me firent rompre le silence. Parce que j'avais la solution à un des problèmes qu'elle soulevait et que le jeune loup avait déclenché. J'hésitais un instant à exposer cette dernière, craignant la réaction de la Lupa. Cependant c'était mon devoir de le faire.

Vous parlez de Torben pas vrai? Je le connais très bien et même s'il est affilié à présent à la Reine des vampires, je pense pouvoir lui parler, essayer de le raisonner et de le calmer. Ce n'est pas un homme mauvais, je suis sûre qu'il m'écoute…

Je ne terminais pas ma phrase à cause du coup que vint me porter Mary. Elle s'était levée de son bureau et était venue me gifler violemment, au point de me faire couler du sang de ma lèvre inférieure. Je portais le dos de ma main à mon visage, sous le choc de son geste, et constata avec horreur l'étendu de la plaie. Elle se refermerait oui, mais quand même ! Non mais c'était quoi son problème à la fin?

Pas de réponse. Il fallait que je découvre la vérité. J'étais bourré de défauts, j'avais cru être débarassé de toutes mes faiblesses, mais je n'avais finalement réussit qu'à substituer de nouvelles faiblesses aux anciennes qui me hantaient. J'étais toujours aussi rigide qu'auparavant, plus prompt à me briser qu'à me plier aux rigueurs de l'existence qui était devenue la mienne. Je devais bien prendre garde à ce que je faisais ; au bord du gouffre comme d'habitude, je me devais avant tout de découvrir la vérité. Mais malgré tous ces défauts que j'avais toujours, je n'étais pas totalement dénué de qualités. Je savais que je disposais d'une expérience ahurissante du monde de la nuit et des secrets de ce monde. Je n'étais bon ni à aimer ni à construire, je ne savais rien faire d'utile de mes mains ou de mon existence. Mais j'étais très bon pour mener des guerres, plus encore des guerres du secret, et je sentais que j'avais touché par accident quelque chose de potentiellement important. Je devais avancer, de peur que l'immobilité me fasse basculer pour de bon. Je ne tirerais rien de la femme brune en face de moi, je me retournais donc vers Cora. Je n'avais pas le temps pour élaborer un plan compliqué, il fallait que j'écoute celui qui ne m'avait jamais failli ; mon instinct. Il fallait que j'aille au bout de ce que j'avais entrepris. Je me trompais peut être, peut être était ce même la fatigue qui me dictait ma conduite ou le manque de sang de ma Reine qui me faisait voir, entendre et comprendre des choses qui n'existaient pas. Mais maintenant que je m'étais ainsi mis bille en tête, je n'avais plus d'autre choix que celui d'avancer, envers et contre tout, et je me tournais vers Cora.


| Quitte tout de suite cet endroit. Si jamais je me trompe, tu auras fait un malaise. Maintenant. |


Mon ton était sans appel, mais je ne restais pas plus longtemps pour m'assurer qu'elle exécutait bien l'ordre que je venais de lui donner, je me mettais déjà en route. Il ne me fallut guère de temps pour arriver face au bureau de Mary, d'où j'entendais des éclats de voix. Dispute à l'intérieur. Cela fit battre mon cœur plus vite. Avais je visé juste ? Je restais concentré, et me mis à toquer fort à la porte pour couvrir les autres bruits infernaux dans le bâtiment.


| Je crois qu'on a un problème, Mary! |



Un problème ? C'était le cas de me dire. Je jouais ma vie si je visais juste. Je jouais mon job si je me trompais.

J'avais dit ce que j'avais à dire, je n'aurais donc rien à rajouter, Mary dirait et agirait en conséquence de mes actes que j'assumais pleinement. Je savais que j'avais fauté, mais la faute ne méritait pas que le sort de Nevaeh soit mis en suspens. Mais je ne disais plus rien, je laissais le regard accusateur de la lupa me fusiller. Elle prononça des mots à l'encontre de Johan dans un premier temps, puis à mon encontre. J'avais bien entendu sa supplique, je serais sanctionné en conséquence, mais je ne savais pas encore ce qui m'attendait. Je le saurais plus ou moins vite. Je restais donc là, bien sage. Mais au regard de la situation, je n'étais pas celui qui semblait avoir fait la plus grosse erreur dans l'immédiat. Irving semblait avoir dit des choses qui n'allaient pas au chef de la sécurité qui était un des suppo de la chef des vampires. Qu'avait-il bien pu dire exactement ? L'homme se prénommant Torben pouvait-il se douter de quelques choses nous concernant réveillant ainsi une guerre ancestrale entre les vampires et les loups garous ? J'avais envie de le gifler mais je n'avais aucune légitimité pour le faire alors je m'abstenais. Isadora, plus maligne que les autres ouvrit alors la bouche pour dire qu'elle pourrait peut être adoucir les choses mais Mary se leva et lui infligea un camouflet d'une extrême violence comme si ce qu'elle avait dit n'était qu'ineptie. Décidément, Mary a une manière bien a elle de diriger sa meute, une manière que je n'appréciais nullement, mais que pouvais-je dire ? Mon cas était déjà suffisamment grave, je n'avais rien à faire. Puis quand on parle du loup, il toqua à la porte, disant qu'il y avait un problème. Que voulait-il dire par là ? Avait-il compris ce qui se tramait ici ? Bluffait-il ? Ou étais-ce un autre problème encore ? Mes lèvres avaient envie de bouger pour prononcer des mots, mais je ne faisais rien. Je restais là, attendant que notre lupa parle à l'homme.

Quelle charmante femme, cette Mary.

Johan n'avait pas relevé sa phrase assassine. C'était quelque chose de normal, avec elle, mais surtout, il ne voyait pas l'utilité de sortir cela – elle les convoquait pour leur parler et éclaircir les choses, et dès qu'ils tentaient de le faire, elle les rabrouait. Non, franchement, elle était incompréhensible. La main d'Isadora vint serrer la sienne, soutien silencieux qui remit un léger sourire sur ses lèvres. Tant pis pour la jalousie évidente de Mary. Tant pis pour bien des choses. Il était heureux, même avec la Lupa qui était sur leur dos... quoique pas autant que sur ceux de Seth et d'Irving. Ses paroles étaient dures. Ils ne devaient pas se sentir gros dans leurs pantalons, les deux loups. Ses yeux se tournèrent vers sa fiancée, sa fiancée, quand elle ouvrit la bouche pour proposer une solution au problème « suppôt de la reine des vampires », mais la Lupa fut rapide. Trop rapide. Sa main s'abattit sur le visage de la brune, dans un bruit retentissant. Le monde semblait s'être arrêté, elle s'était déplacé trop rapidement, et tous regardèrent le sang qui coulait de la lèvre d'Isadora.

Non mais elle était complètement folle.

Le libraire retourna la jeune femme vers lui pour regarder l'étendue des dégâts, elle lui avait proprement fendu la lèvre cette garce. Ça allait évidemment guérir, mais ce n'était pas beau à voir. Il caressa brièvement sa joue. C'est en retenant sa colère qu'il s'adressa à Mary, même si celle-ci s'entendait dans sa voix : « Voyons, elle essayait de trouver une sol- » Il fut interrompu par la voix d'un homme de l'autre côté de la porte. L'homme. Celui dont Mary parlait? Peut-être. Il retint son souffle et ses mots, les prunelles désormais posées sur la porte. En attente que quelque chose se passe, que Mary parle, qu'elle fasse quelque chose. Peu importe ce qu'ils faisaient, de toute manière, elle n'était pas contente.

Je décelais une énorme tension entre Torben et le jeune homme. Mon rôle était de distraire les clients et de faire en sorte que les convives passent un agréable moment. Voilà pourquoi je m’étais avancée vers le dénommé Irving avec une assurance non feinte. La présence de Torben n’était cela dit pas indifférente à ma soudaine confiance. Je savais que quoi qu’il arrive il était mon équipier et qu’il m’apporterait son soutient. Néanmoins j’avais l’impression que ma proposition n’allait pas aboutir, que quelque chose dans cette soirée clochait, je le sentais. Torben semblait intrigué vis à vis des mots utilisés par le jeune homme, les termes de mâles et femelles étaient certes inappropriés mais je n’y trouvais pour ma part qu’une quelconque bizarrerie, une excentricité de la part du jeune homme. Je croisai le regard du beau brun l’espace d’un instant puis ce dernier se détourna de moi pour reporter son attention sur Torben. Il semblait angoissé voir même désemparé par le ton de mon partenaire. Il tenta de se justifier, sans succès. Torben ne s’en contenta pas et repris l’interrogatoire. Pour ma part j’étais mal à l’aise, j’avais la désagréable impression de ne pas être à ma place. Pire encore je craignais d’être une gène pour Torben. Alors que je me tortillais les mains nerveusement une femme se dirigea vers le petit groupe de trois que nous formions. Il s’agissait de Mary Wellesley, la gérante du club et celle auprès de qui je m’étais adressée sous les directives de la reine. Elle se plaça entre Torben et le jeune homme et s’adressa au premier sur un ton qui n’était pas sans me déplaire. Je lançai un regard dédaigneux à cette femme qui ne m’inspirait pas tellement confiance et qui ne m’accordait d’ailleurs pas vraiment d’importance. Elle s’adressa ensuite au jeune homme sur un ton des plus autoritaire.

Je pensais qu’elle avait terminé de leur remonter les bretelles lorsqu’elle s’adressa à moi, elle souhaitait me parler. Moi, la danseuse, la distraction de ces messieurs. Que pouvait-elle avoir à me dire ? N’avais-je pas contenté ses attentes ? Moi qui pensais m’en être pour une fois sortie à merveille. Sur ce le jeune homme questionné par Torben s’éloigna penaud. Je reportai un regard inquiet sur un Torben. Je pouvais aisément voir qu’il ne comptait pas en rester là. Nous étions là pour enquêter et son sixième sens avait flairé quelque chose. Il me fit signe de le suivre et je m’exécutai docilement. Désormais tout me paraissait hostile dans le Lune Bleue et je préférais le suivre de près tant qu’il m’en offrait la possibilité. Il entra dans le PC de sécurité et je restai devant en compagnie d’une certaine Mademoiselle Misslethwaite. Je ne dis pas le moindre mot. Lorsqu’il ressortit il assena la jeune femme des mêmes questions qu’il avait posées plus tôt à monsieur Anderson. Je dévisageai la jeune femme dans l’attente d’une réponse de sa part mais rien ne vint. Tout mon corps était en alerte, tendu. Dans quel monde m’étais-je encore plongée ? Torben se tourna vers moi, son regard en disait long, quelque chose n’allait vraiment pas. Il m’ordonna de partir, d’un ton qui se voulait sans appel. J’eus l’impression que j’allais m’effondrer. Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas être un poids que l’on balançait par la fenêtre. Je commençais à en avoir sérieusement assez de me laisser dicter ma conduite en permanence. Certes j’étais sous les ordres de Torben et surtout de la reine et cela ne m’avait jamais posé de problème. Mais pourquoi ne pouvais-je pas prendre une seule décision ? Rester ou partir, parler ou me taire. Je me sentais comme un objet, que l’on décidait de prendre ou de laisser selon son gré. Voilà pourquoi je suivis Torben jusqu’au bureau de Mary Wellesley.

« Torben, je pensais que nous formions une équipe, peut-être que je me trompe. Dis moi seulement ce qu’il se passe. Je suis sûre que je peux être utile, je ne suis pas une idiote tu sais. Explique moi la situation et s’il le faut vraiment, je partirai. »