Peu à peu, je redescends sur terre. Le moment était tellement fort, intense et jouissif, et je me rends à peine compte de la légère douleur qui parcoure mes muscles alors que Torben me repousse pour se redresser. Ma peau sombre luit de sueur, mes articulations sont encore quelque peu tendues après ce que je leur ai fait subir. Je me remonte sur le canapé où je m'assois et me cale dans le fond. Je me sens éreintée mais étrangement bien. Étrangement reposée malgré l'effort physique que je viens de fournir. Tout cela avait eu l'effet voulu, peut être même plus que ce à quoi je m'attendais. Je n'avais pas prévu un échange si passionné et mémorable mais je n'allais pas m'en plaindre. C'est parfait ainsi, quelques bonnes heures de sommeil et je pourrai véritablement repartir à neuf. Et cet état allait être nécessaire si l'on pensait à ce qui se présageait. Un lendemain toujours aussi inquiétant, obscur et dérangeant mais que je peux désormais aborder plus posément, plus sereinement. Et encore plus proche de mon coéquipier, si c'est possible. Je ne suis pas du genre à sauter sur les hommes à la première occasion mais je sais maintenant que cela peut nous être bénéfique. Ce qui nous attend va être dur, pour nous deux. Encore plus pour lui, certainement. Je serai là. Je ferai tout mon possible pour que tout ce passe au mieux bien que je ne sache pas ce qui va se passer. Mon corps et mon esprit se trouvent mieux qu'il y a quelques heures. Détendus. J'ai évacué la tension. Elle va revenir bien entendu mais elle ne va pas s'accumuler. Elle aura moins d'impact. Et moi je me sens totalement prête à me replonger dans notre guerre de l'ombre, avec plus d'efficacité. Torben me demande s'il peut rester chez moi pour la nuit, trop cassé pour reprendre ses activités. Je lui réponds en me relevant face à lui, étirant mes muscles et articulations au passage.

"Moi non plus. Évidemment que tu peux rester, il y a bien la place pour nous deux... Va prendre une douche si tu veux, je nous prépare quelque chose à avaler."

Je le laisse s'enfermer dans la petite salle de bain avant de me diriger vers ma chambre, où je rapporte mes vêtements pour en enfiler de plus légers. Je lance quelques minutes au four un plat tout préparé, à réchauffer. Je ne sais pas vraiment cuisiner et je n'ai jamais eu le temps de m'attarder sur ces choses futiles du quotidien. Ca n'est pas prêt de changer. En marchant, je sens encore quelques douleurs mais je sais que ce n'est que passager. Comme quoi, ce n'était pas si compliqué de nous libérer de la pression qui nous accable. Et je ne suis pas prête d'oublier.

Après me sentir aussi bien, il était aisé de se sentir prêt à s'attaquer aux plus grands défis, de se jeter au plus fort de la mêlée et de se croire invincible. Je ne pouvais pas me résoudre à commettre ce genre d'erreur. Ni Erin ni moi n'avions fait cela pour nous rendre plus faibles ; nous l'avions fait pour nous rendre plus forts. Je savais que ce n'était probablement qu'éphémère, mais cela avait contribué à l'originalité de l'instant, à sa force. Je regarde la belle qui se redresse, agile et féline même dans les gestes les plus basiques. Et discrète avec ça... Je ne regrette pas cet instant, même si j'ai la lucidité de penser les complications toujours possibles. Ma vie toute entière n'avait elle été une succession d'emmerdes, de coups du sort et d'erreurs sanglantes ? Bref. Je profitais de la vue, simplement, aussi sûrement que l'aurait fait un homme ordinaire avec une femme ordinaire, après un passage à l'acte tout aussi normal. Ma partenaire acquiesce. Détachée, pas plus cordiale que si nous avions simplement terminé une énième mission extérieure. Je souris. Voilà qui me convient


| Merci, Erin. |


cette phrase pourtant simple avait une valeur bien plus importante que ce que sa simple somme de mots. Je ne remerciais jamais personne. Et je ne la remerciais pas que pour la douche... Je m'y rends, courbaturé mais avec l'impression d'avoir une force de titan, et une libido de colosse. Ces deux impressions ne sont qu'éphémères. La réalité de notre situation me frappera à nouveau, comme un poids lourd qui m'attérit en pleine gueule. Finalement, je change d'avis, et vais voir dans la cuisine. J'y retrouve Erin, me colle contre elle, l'enlace en passant mes mains par dessus ses épaules, pour toucher son ventre. J'embrasse sa clavicule, avant de déraper à nouveau. Une fois ne m'avait pas suffit, finalement, et je désirais toujours ma partenaire. La nuit s'écoule, et je me sens bien. Une dernière fois, avant que l'enfer ne se déchaîne.