Je n'aimais pas recevoir d'ordres, de personne. Le message reçu ressemblait pourtant à une directive. Je me demandais ce que cela cachait. Depuis la dernière fois que nous nous étions encore disputés, nous n'avions qu'assez peu échangé. Quelques mots, des froideurs polies. Ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir revenir sur ce qu'il s'était passé, une incompréhension comme d'habitude. Quoiqu'il en soit, la lassitude avait pris le pas sur la maturité et nous n'avions pas su avancer comme de véritables adultes. De ce fait, je ne savais pas trop ce qu'elle pouvait annoncer. En lisant pour la première fois le message, mon corps s'était mis à battre plus vite en mode « oh putain, ça y est, elle a compris ». Mais en fait la connaissant, elle pouvait très bien annoncer qu'elle quittait la Meute ou que sais-je encore... Alors j'avais passé le reste du temps qui me séparait d'elle en me demandait tout ce qu'elle allait faire. Je fis exprès d'arriver à la bourre. D'une part, parce que j'anticipais ce qui allait encore arriver. D'autre part, parce que je pensais bien que beaucoup auront du mal à venir dans les temps. Il fallait encore pouvoir se libérer à l'heure prévue, même si la majorité des membres de la Meute créchait à Wolfheaven comme je l'avais demandé, par mesure de sécurité. Il y avait toujours des récalcitrants, des loups et des métamorphes qui ne mesuraient pas les risques mais dans ce cas-là, tant pis pour eux. J'arrivais finalement, et me posais au milieu de la Meute, essayant de discerner les intentions de mon épouse. Elle me fixe et son regard intense me laisse perplexe ; qu'est ce que ses yeux tentent de me faire passer ?


Ses premières paroles me laissent pantois. Elle a compris. Ma première pensée était elle donc la bonne pour cette soirée ? Je ne peux plus que l'espérer, le souhaiter de tout cœur. Ne faire qu'un pour de bon, dans la vie privée et dans la vie de la Meute. La voilà qui fait son annonce, que je ne vais surtout pas couper pendant qu'elle se trouve dans son élan. Je ne la lâche pas d'un regard qui la détaille, comme si je la voyais pour la première fois. Ces derniers temps, j'avais douté de sa capacité à savoir faire amende honorable. Mais finalement...


Elle défie toutes les autres de s'opposer à elle. Je ne peux que rester là, silencieux, attirant les enfants près de moi tandis que j'attends de voir si d'autres vont la défier. Je risque de ne pas avoir le choix quant à la suite des événements, j'espère simplement qu'Isadora n'a pas mis les doigts dans un engrenage destructeur. Sachant qu'en théorie, je suis sensé coucher devant tout le monde avec celle qui l'emporterait dans un éventuel duel, scellant l'union physique et psychique entre les deux changeurs dominants de la Meute. Je m'arrangeais de toute façon pour demander discrètement à l'un de mes loups d'exfiltrer les enfants. Quoiqu'il arrive, il y avait des choses que je préférais qu'ils ne voient pas ce soir, que ce soit l'implication de leur mère dans un duel ou la cérémonie fort ancienne qui devait suivre et que j'avais jadis refusé à Mary, ce qui avait contribué à nuire à son pouvoir sur la Meute.

❝ you take your home ❞
La Meute

J’avais bosser quasiment toute la nuit, sur le travail en retard au garage, avec mes nouvelles responsabilités, je n’avais plus de temps pour moi, et ma mécanique, pourtant, je n’avais pas ronchonner, au contraire, c’était le genre de truc qui me vidait parfaitement la tête. J’avais la tête pleine de questions et désormais, j’allais devoir répondre très rapidement à ces questions, pour pouvoir avancer, et continuer mon petit bonhomme de chemin vers la personne et la louve que je souhaitais devenir. C’était pas bien compliqué en théorie mais désormais je possédais deux étiquettes, et il fallait que je garde la tête en dehors de l’eau pour ne plus me laisser dépasser par les évènements. Je plongeais le haut du buste dans un moteur de camionnette en piteuse état suite à accident, quand j’entendais mon portable sonner. Un message, d’Isadora, sommant tout le monde à WolfHeaven. Je sortais de la camionnette, dégueulasse, je m’essuyais les mains sur le torchon à ma ceinture avant de récupérer mon téléphone et d’ouvrir le message. A tous les coups, j’avais du faire une bourde encore, mais j’avais réfléchir, je n’avais pas eu de comportant en dehors des limites. Tout le monde était rappelé au nid, et à mon avis une absence risquait d’être très mal vue. Je pris une grande respiration. J’allais allais besoin de prendre une douche et de faire une pause, une sieste en somme avant de me lancer vers cette fameuse réunion. Ça sentait les trucs solennel à des kilomètres et j’avais définitivement pas assez pioncer pour pouvoir me lancer la dedans.

Quelques heures plus tard, j’avais retrouver apparence humaine, pris une douche et enfilé quelque chose qui ne sentait pas le cambouis ou l’huile de vidange. Un jean noir, un superbe tee-shirt gris, une paire de paskets et un veste en cuir, me voilà fin prête pour cette soirée, qui allait s’annoncer pleine de nouvelles… J’arrivais un peu en avances à Wolfheaven, histoire de ne pas réitérer mes différents retards, aux différents évènements. De plus, j’allais peut être même pouvoir parler à une figure d’autorité. Je savais pas bien comment allait se passer cette réunion exceptionnelle. J’avais quelques… disons… idées sur ce qui pouvait motiver Isadora, surtout Isadora à nous réunir de manière aussi impulsive. Si c’était ce qui me passait par la tête alors ce soir allait être un grand moment pour la meute, si tout se passait dans les règles de l’Art, si on pouvait dire. J’arrivais dans la dîtes salle, où déjà beaucoup de monde était arrivée. J’arrivais juste à temps pour entendre Isadora prendre la parole et mettre aux défi… nous mettre au défi. Il n’y avait apparemment que Roxanne en tant qu’exécutrice qui pouvait en théorie … réellement défier Isadora. Mais chacune de nous, même moi, pouvions espérer accéder la place de Lupa. Mais j’avais pris d’autre… responsabilités, et un autre chemin pour le moment. La place de Lupa avait toujours été plus ou moins pour Isadora et je ne voyais rien qui pouvait l’empêcher d’accéder à cette place. Et personne d'autre pour prendre la place de chef de Meute. Elle avait toujours d'aussi loin que je peut me souvenir, la compagne d'Hayden, d'une certaine manière, même si elle n'en avait jamais voulu avant aujourd'hui, je m'y attendais. On l'attendait... patiemment. Je ne disais rien, observant les réactions de certains, et certaines.

Les dernières semaines se sont révélées particulièrement éprouvantes. A croire que depuis le coup d'éclat du Chaos, Glasgow est pris d'une fièvre méthémérine que les autorités en place ne parviennent pas à stopper. Les règlements de compte se multiplient dans les rues, entraînant des fusillades à plus ou moins grande échelle, dont la dernière mémorable que j'eus à subir... Dans le bar de Jack. Je me suis réellement éclaté, dans tous les sens du terme, durant cette nuit où tous les coups étaient permis. Mais le pire fut bien ce dernier contrat que je devais remplir... Une simple routine, initialement prévue pour ne pas perdre la main, qui se retrouvait changer en éternelle course poursuite avec toujours cette même tueuse à gages. Elle m'a laissé un souvenir impérissable, qui a traversé ma cuisse dans une douleur cuisante. Je vais vraiment me la faire... Et ce, dans tous les sens du terme aussi.
Au cours du dernier nycthémère, je me suis retrouvé à dormir trois à quatre fois par phase de deux heures, sans me soucier d'être le jour ou la nuit. Frustré de ne pouvoir me déplacer sans béquille, j'ai passé le plus clair de mon temps verrouillé dans mon appartement, à bonne distance de la meute. Le temps s'allongeait cruellement et je ne me sentais pas plus vif que la veille. Je dois peut-être me rendre à l'évidence... J'encaisse le faix des années passées à jouer les tueurs à gages.

J'avais réussi à me rendormir quand mon portable se met à vibrer avec insistance sur la table. Je me réveille en sursaut, comme à chaque fois, avant de grogner d'un air mécontent. Ca me démange de l'éteindre pour de bon, mais je ne peux pas. Une urgence peut toujours requérir ma présence immédiatement, blessé ou pas. Je récupère mon portable au bord de la chute et avise le voyant lumineux qui m'indique qu'un nouveau message vient d'arriver. Je me demande vraiment qui accuse la rémanence entre l'appareil ou moi en constatant l'heure qui s'affiche à l'écran. Presque midi... Déjà ? Moi qui me croyait en plein cœur de la nuit... Et il s'agit de la meute, bien évidemment. Coup de malchance, car ils ne me sollicitent jamais quand je suis dans la pleine possession de mes moyens bien évidemment. Je réfléchis. J'ai envie d'ignorer ce message, mais impossible quand le devoir m'appelle. Le ton impérieux d'Isadora me laisse présager le pire si je ne me pointe pas. J'ai encore du temps devant moi pour plier quelques affaires et remettre de l'état dans cet appartement avant de décoller.

C'est fou ce que le temps file vite quand on devient partisan du moindre effort. Je vais grand-erre sur la route pour rattraper mon retard, dépassant à plusieurs reprises les limites autorisées. J'aurais quand même pu me trouver un conducteur pour m'épargner un peu.
Par chance, je tombe immédiatement sur cette voleuse fieffée à mon arrivée à Wolfheaven. Impossible de rater Lexie, surtout après qu'elle m'ait chouravé ma nouvelle voiture à peine acquise pour son rendez-vous dans les hautes sphères de la PES. Je me souviens bien l'avoir écouté, pendant plus d'une heure, baragouiner sur les métamorphes auprès de leur directrice... Et me suis rendu compte à quel point la petite est habituée des chleuasmes.
Je me place délibérément sur son chemin et lui lance un regard de commisération quand je l'attrape par la nuque. C'est que je la plaindrais presque, d'être tombé sur moi.

- Lexie ! Comme je suis content de te voir... C'est bien, tu vas pouvoir me servir de béquille jusqu'au lieu du rendez-vous.

Un moindre mal pour le tord qu'elle m'a causé, directement ou indirectement. Si je peux m'appuyer sans vergogne sur son épaule plutôt que de me servir d'une béquille, j'aurais presque l'air naturel, et même de l'accompagner simplement sur les lieux. Il faut croire qu'elle est finalement capable de se rendre utile... Et avant même qu'elle n'esquisse la moindre protestation, je lâche d'un ton sans équivoque :

- Quia magister dixit.

Je rends un fin sourire à l'apprentie historienne. Je ne me demande pas si elle a compris... Quoique je suis persuadé qu'elle en sait plus long que moi en langue latine. C'est uniquement une façon classe de couper court à toute question.

Quand nous arrivons dans le jardin externe, la meute au complet est déjà présente. Isadora en son centre prend la parole pour défier Roxane. Je me contente de m'installer sagement, équidistant d'Hayden et du groupe de métamorphes, le dos calé contre un arbre. J'écoute, sans prononcer plus un mot, de crainte de m'exposer à l'Anastasie si je l'ouvre au mauvais moment.
Je ne peux pourtant pas m'empêcher de sourire, en constatant qu'elle se décide enfin à prendre les devants. Je suppose que beaucoup s'attendait à ce revirement, et certains même ne devaient plus l'espérer. La place de Lupa est vacante depuis un moment, comme si tous attendaient uniquement qu'Isadora s'en saisisse. Le défi lancé à Roxane n'est que sur le principe... Une métamorphe exécutrice est déjà un grand pas en avant pour les Changeurs, prendre la place de Lupa risque plus sûrement de ruiner ses efforts que de leur servir. Et en dehors, aucune Louve ne daigne se prononcer... Comment leur en vouloir, quand elles devraient faire face à l'ancienne exécutrice, toujours à l'acmé de sa puissance malgré le temps passé ?

Spoiler:

Hors RP:

Les choses n’étaient pas faciles, depuis l’action des semi-démons. Il y avait beaucoup à faire, pour chercher à comprendre les causes de cette frénésie, qui avait pris les loups. Ne l’ayant pas vécu elle-même, elle ne la comprenait pas réellement, mais elle essayait malgré tout de voir si une telle chose avait déjà eu lieu avant. Si une solution y avait été trouvée. Quand elle ne passait pas son temps dans les archives de la Meute, elle le passait avec Savannah, ou à chercher Darren. Elle avait horriblement peur qu’il soit mort, mais elle ne pouvait se résoudre à l’accepter. Elle n’avait que peu d’amis, et elle vivait très mal l’idée d’en avoir perdu définitivement un. À cause de cela, en plus de la charge de travail qu’elle devait fournir à l’école, les nycthémères s’enchainaient, tous similaires, et tous difficiles. Elle était assez peu amène, en ce moment, percluse de sommeil. La nuit dernière n’avait pas été meilleure que les précédentes, peuplée de cauchemars de Darren qui se relevait de sa tombe, zombie prêt à tuer tout le monde – vampires, démons, changeurs ou humains sans s’en soucier -, avec une armée d’êtres similaires à lui. Elle s’était traînée à l’école, avait passé ses examens sans grand succès, ou peut-être avec plus de succès qu’elle ne le croyait, réalisant que ses pensées étaient encore peuplées du vocabulaire qu’elle avait du apprendre pour celui d’anglais, issue d’œuvres bizarres et nébuleuses. La pire restait, toutefois, l’œuvre sur l’évolution des différentes monnaies qui s’étaient succédées au fil de l’histoire écossaise, pour finalement être remplacées par des monnaies fiduciaires. Elle serait très prochainement interrogée là-dessus, un moyen de les familiariser avec l’économie d’après leur prof, et elle n’y comprenait rien.

Elle sortait de son premier contrôle, quand elle ralluma son téléphone, et reçut le texto d’Isadora. Elle ne savait pas quoi en penser, mais la louve l’avait bien aidée, à sa manière, et elle ne lui désobéirait probablement jamais. De toute façon, si elle devait être qualifiée, ce serait de changeuse soumise. Elle n’était rien de plus. Peut-être cela changerait-il, elle n’en savait rien, mais elle était entraînée à percer les mystères des changeurs et de leur histoire, actuellement, non pas à devenir une guerrière sans peur. Soupirant, elle alla manger, puis retourna en classe, pour son prochain examen. La journée lui parut interminable, et ce n’est que soulagée, et intriguée par ce qui l’attendait à Wolfheaven, qu’elle prit le bus. Elle arrivait à pieds, n’ayant toujours pas de voiture, quand elle croisa le regard de Malcom, alors qu’elle relevait la tête. Un regard de… de quoi ? de commisération, qui lui faisait grandement penser au sien face aux gens désespérés qui s’étaient présentés au vide-grenier avec repas offert auquel Roxane et elle avaient assisté, mais qui lui déplaisait fortement. Ce qui se vit aussitôt sur son visage.

Elle semblait malgré tout ne pas avoir le choix, alors qu’il lui sortait une phrase pour le moins nébuleuse, tout juste quand elle allait protester. Elle dut connecter tous ses neurones, et vaincre la fatigue, pour comprendre. Elle l’avait déjà entendu, bien sûr, mais ça lui semblait tellement déplacé dans ce contexte, dans sa bouche… Soupirant, elle le regarda, et répéta ses propos, haussant les épaules. « Quia magister dixit. » Sans rien ajouter de plus, elle suivit son mouvement, l’aidant à avancer sans trop de problème.

Elle retint son souffle, en voyant arriver l’ancienne exécutrice. Elle garda un silence total, jetant uniquement un regard inquiet à Roxane. Elle ne voulait pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. Fort heureusement, il ne semblait pas dans ses projets de s’opposer à Isadora. La luciole recommença à respirer, un peu plus sereine. Ça ne dura que peu, alors qu’une louve, à sa grande surprise, s’opposait à Isadora. Un mal-être certain habita la luciole, mais la clameur du combat, le sang qui coulait, et toute la frustration des jours passés réveillait la tigresse en elle, lui donnait envie de se transformer, et de hurler, de fouler le sol de la forêt de ses pattes, de chasser les proies insignifiantes qui se trouveraient sur son chemin. Depuis quand ne s’était-elle pas transformée ? Mais elle ne pouvait pas. Pas en l’instant, pas alors qu’elle assistait à un rituel, à une cérémonie. Elle devait attendre. Et elle devrait être louve.

❝ You take your home ❞
La Meute

Isadora avait toujours été une figure importante de la Meute, qu’on l’accepte ou non, il fallait être … réaliste, elle était la candidate idéale pour la place de Lupa. Mère louve de jumeaux, et compagne de l’Ulfric, je n’avais jamais réellement bien compris pourquoi cette décision avait pris autant de temps. Peut être était ce le genre de place qui ressemblait beaucoup plus à un traquenard qu’à une réelle place prestigieuse. Je restais silencieuse. Je n’en voulais pas de cette place, ça me semblait bien trop de soucis, et je n’étais pas au niveau, fallait s’en remettre, c’était pas bien grave.

Seulement, toutes n’étaient du même avis que le mien. Ça m’aurait étonnée tiens. Fallait bien qu’il y en ai une qui décide de défier Isadora. Je hausse les épaules, la bataille n’était pas réellement égale. Et dans leur combat la chose se ressentie assez rapidement. Malgré la fougue de la jeunesse, c’était l’expérience qui primait. C’était assez vivifiant il fallait bien l’avouer. Un loup n’avait rien contre la violence, au contraire c’était assez exaltant, et un exutoire tout à fait particulier. De les voir se battre me rappelait qu’il était grand temps que nous ayons une Lupa, une vraie, digne de ce nom qui n’allait pas avoir peur de se salir les mains, ou les pattes, dans la situation actuelle. Une fois le duel terminé, et perdu par Kara. La Louve victorieuse hurla à la Lune, c’était beau, vous voyez le genre d’esthétisme très lupin, qui vous fait dire : «  Ah ouais, ça claque quand même ». Parce qu’il ne faudrait quand même pas que vous voyez trop enthousiasme. Le flegme est de rigueur, il va avec mon respect soyez sans doutes à ce propos.

Il n’y a personne qui parle, tout le monde regarde la scène qui se déroule sous nos yeux à tous. Je me sens soulagée par cette décision, et surtout par ce duel, qui prouve que l’ancienne exécutrice n’avait pas perdu de sa force. Je regarde autour de moi, beaucoup de métamorphes, beaucoup de loups. La Lupa est morte, vive la Lupa ? C'est ce qu'on devrait dire ? Ou alors c'était trop tard pour avoir ce genre de déclarations ? C'était déplacé ?... Oui sûrement. Mais tout de même. Je croisais les bras sur ma poitrine, attendant la suite de cette réunion placé sous le signe du changement.

Pendant un bon moment, personne ne s'oppose à Isadora. Elle est grande, elle est forte, elle a une certaine renommée pour s'être battue contre les vampires et contre les ennemis de la Meute bien avant l'unification des loups garous britanniques en un seul groupe, bien avant que le conflit des Années Sanglantes n'éclate pour de bon. Qui oserait défier une tueuse ? Avec le temps, on pouvait oublier tout ce qu'elle avait fait, ne plus voir que la victime de la mégalomanie de Mary, la mère éplorée, la femme que le destin torturait si souvent et si brutalement. Il n'en restait pas moins qu'elle était une tueuse de qualité. Elle sait où et comment frapper pour tuer ou pour vous invalider. Elle sait comment vous manipuler pour vous traquer au mieux de ses formidables capacités de chasse. Elle devait en intimider plus d'un. Pourtant, pendant un bon moment, personne. Puis une louve. Ambitieuse. Peut être territoriale et dominatrice, qui ne voulait pas laisser passer cette occasion. Je regarde les deux femelles se déshabiller, mon regarde s'attarde bien évidemment sur ma propre épouse, mince et agile, sèche comme une mèche de fouet en place pour cogner. Elles se transforment, mais Isadora reste sur place. Elle assume chaque étape, douloureuse et parfois humiliante, sinon glauque, de sa transformation lupine alors que sa challengeuse s'est tirée un peu plus loin. On oublie souvent que nous ne sommes pas des change-peaux comme les métamorphes, qu'il nous faut du temps et des efforts pour nous transformer.


Le combat s'entame, brutal, alors que ma femme me lance son regard de bête féroce, juste avant d'en découdre. Son adversaire en profite comme il se doit et toutes deux roulent au sol. La lutte est violente, brutale, sans concessions. Il faut de longs instants où je ne laisse absolument rien transparaître de mon anxiété. Isadora l'emporte, et des loups évacuent la blessée qui ne se retransforme pas tout de suite, sous le choc de l'important trauma physiologique qu'elle encaisse.


J'allais m'avancer pour déclarer mon épouse gagnante de ce duel, mais les enfants font surface et courent vers elle. Je lance un regard noir au loup qui devait les garder à l'intérieur. Superbe réussite. Comme ça maintenant, Isadora a moins l'air d'une tueuse et en sus, je ne peux pas l'introniser selon nos traditions. Pas sûr qu'elle aurait voulu. Mais j'aurais préféré que les enfants ne voient pas ça. Je me tourne vers le reste de la Meute, après avoir fait deux pas en avant.


| La prétendante au rang de Lupa a vaincu son adversaire et a goûté à son sang. Elle a montré sa dévotion à la lune et à la Meute. S'il doit y avoir un autre concurrent qu'il se présente. Ou elle se relèvera comme votre Reine, votre Mère, votre Soeur. |

Mon sourire s'étire, mauvais, quand Kara s'avance pour provoquer la Louve en duel. Et voilà, que la fête commence... Rien ne vaut un petit bain de sang pour célébrer la montée en puissance de notre nouvelle Lupa, non ?
Je la vois filer derrière un arbre pour se changer, tandis qu'Isadora reste au cœur des attentions pour en faire de même. Elle a décidé de montrer le meilleur comme le pire. Je ne détache pas mon regard de sa silhouette durant toutes les étapes de sa transformation. Les formes agréables à regarder de l'humaine se soustraient bien vite aux crocs, aux griffes et à ce pelage gris-blanc si semblable au mien. Je ne peux pas comprendre toute la souffrance qu'ils peuvent ressentir en cet instant précis... Et le temps s'allongent. De longues minutes à observer un corps se craquer, se façonner, dans un spectacle morbide saisissant.

Isadora détourne le regard, juste l'espace d'une seconde, et sa rivale en profite pour se jeter sur elle. Elle est retord, c'est bien. C'est peut-être la seule manière de l'emporter contre l'ancienne exécutrice même... Sauf que ça ne suffit pas. Le combat est acharné, mais le résultat courut d'avance. Elle a le dessus, la forçant à se soumettre immédiatement. J'avais vraiment cru qu'elle en resterait là, mais non. Elle lui arrache pour moitié la gorge avant de relâcher la pression. Je ne suis pas vraiment déçu de mettre payé la route. Voilà bien un exemple qui pose des bases saines pour ce nouveau règne. S'il n'y avait eu les gosses pour gâcher le tableau, c'aurait pu être parfait.

Hayden s'avance pour demander, une dernière fois, si des adversaires comptent se présenter. Inutile... Je ne pense pas que quiconque oserait le contredire après son triomphe. Elle a prouvé sa valeur dans le sang des autres. Je me demande si ce n'est pas une manière de temporiser face aux pratiques auxquelles les Loups se soumettent habituellement pour honorer ce rituel de succession... Certains risquent de grincer des dents si les choses ne se font pas en bonne et due forme, mais la Meute est vouée à évoluer. Ce ne sont pas les métamorphes qui réclameraient que les rites ancestraux perdurent...

Je promène mon regard sur l'assemblée. Je traque une lueur de défiance dans les rangs lupins, pour mieux jauger la situation. Autant se faire une idée assez rapidement de qui pourrait poser problème à l'avenir... Et de veiller dans l'ombre.

C'est calme. C'est un silence de mort, même, qui imprègne toute l'atmosphère. La forêt est silencieuse, car personne n'ose défier ma femme. Isadora est une tueuse. Je l'ai toujours su. Je la battrais, si je devais l'affronter. Mais elle me ferait souffrir. Peut-être aurait-elle sa chance sur un coup d'éclat mais honnêtement, je ne pariais pas énormément sur cet état de fait. La rapidité ne valait pas l'endurance. Elle savait encaisser, au niveau de sa volonté. Mental d'acier. Ça aide, forcément. Mais je lui rendais beaucoup de kilos. Pour un loup-garou, ça compte énormément puisque la masse au corps à corps compte pour beaucoup. Bref. Je n'anticipais pas. Ce n'était pas moi qui aurait à me battre contre Isadora, et je pouvais peut être aussi me tromper sur toute la ligne. Allez savoir. Peut-être que je me ferais bien maraver moi aussi. Je regarde finalement Isadora repousser doucement ses enfants et avancer dans ma direction. Elle s'asseoit à mes côtés et hurle à la lune. Chez les loups-garous comme chez toutes les autres espèces surnaturelles, il y a toujours eu une large part de surnaturel. Faites hurler un loup et il n'appelle que ses congénères. Faites hurler un des dominants de la Meute, et tout le monde ressent l'irrésistible besoin de le rejoindre sous la lune. Je ne savais pas si l'effet était le même chez les métamorphes. J'imaginais qu'il existait malgré tout, car notre instinct grégaire restait fort, la cohésion de la Meute allait croissante avec le temps et les épreuves, mais je doutais que le hurlement de la Lupa appelle aussi viscéralement une loutre ou un oiseau qu'un autre loup.


Bref. Je ne m'éloigne pas, car si je n'ai aucune pudeur à l'instar de beaucoup de changeurs, je suis d'ordinaire plutôt réservé quant à ma transformation car chez nous, c'est assez douloureux et dégueulasse, en comparaison des métamorphes. Mais ce soir, je suis l'Ulfric et si ma Lupa s'est montrée en cet instant de vulnérabilité, je me dois aussi de le faire devant tout le monde, quitte à faire peur des enfants. Je me change en quelques dizaines de secondes, à quatre pattes, grondant de plus en plus fort jusqu'à rejoindre ma compagne sous la lune dans ma fourrure noire et mon regard ambré, hurlant à pleins poumons la naissance d'une nouvelle reine.


Nous courons dans la nuit. Ombres galopantes et volantes, rampantes pour certains.


Nous sommes des bêtes, nous sommes la Meute.


Il nous faut un moment pour rentrer, il nous faut un moment pour nous transformer, surtout les plus jeunes loups. J'ai déjà senti Isadora rentrer, avec une forte odeur de bouffe. Je me réfrène en accompagnant les retardataires ; je ne laisse plus personne derrière depuis que les humains nous ont assassinés sous couvert de la protection des citoyens de Glasgow. Je reviens au moment où Isadora demande à la Meute des idées, des désirs, bref, elle établit le dialogue. J'espère qu'elle apportera un peu de lumière là où l'ombre progresse en moi. Il le faut. Je prends doucement la parole, de mon côté.


| La guerre menace à nouveau. Nous restons des bêtes pour les vampires et pour les humains, nous sommes toujours des monstres malgré nos efforts. La Lupa et moi allons devoir prendre des décisions difficiles pour tout le monde. Alors si quelqu'un a quelque chose à dire, qu'il le fasse maintenant. Après, ce sera trop tard. |

C'est un silence de plomb qui accueille tout d'abord la victoire d'Isadora sur son adversaire. Elle gronde, attend que quelqu'un ose la défier à nouveau... Mais le message a été clair, pour toutes. Ashley aurait peut-être tentée sa chance, mais elle n'est plus de notre monde. Les autres ? Aucune ne serait au niveau de la Louve, et elles doivent se rendre à l'évidence. Chacun rentre dans les rangs et patiente, jusqu'à ce que l'hymne de la victoire résonne, triomphant et implacable. La nouvelle Lupa est proclamée. Elle appelle au ralliement la Meute toute entière, même si les lycanthropes sont bien plus sensibles à cet appel que nous ne le serons jamais. Il est pourtant impossible à ignorer, à déchirer ainsi l'air.

Je retire mes vêtements et me transforme en l'espace de quelques secondes. Je suis l'un des premiers à revêtir une forme lupine, si ce n'est le premier. Les métamorphes ont cet avantage indéniable sur leurs congénères... Et j'oublie vite que la plupart des miens n'ont appris à revêtir cette forme qu'après des années au contact de la Meute, par obligation. Je me souviens encore avec nostalgie du premier meurtre que j'ai perpétré. C'était sous cette forme. Je souris, de tous mes crocs, avant de lever le museau vers le ciel et de joindre ma voix à celle d'Isadora. J'hurle, avec férocité, jusqu'à ce que le dernier d'entre nous ait pu nous rejoindre.
Enfin, les Loups se mettent en mouvement. C'est l'appel à la chasse. Je sens mes propres instincts m'intimer à les suivre, mais je me force à rester assis à ma place. J'ai bien du mal à marcher... Alors courir ? Je me laisse distancer. Je gronde bassement quand on passe à ma hauteur, enfoui mon museau un temps dans le pelage de Mike comme pour lui signifier que tout va bien. Je disparais derrière un tronc d'arbre dès que la vigilance d'Hayden est accaparée par d'autres et reprend en un clin d'œil cette deuxième forme qui me colle aussi à la peau. Le papillon.

Je suis quasiment invisible dans la lumière déclinante de ce début de soirée. Je vole bien haut dans le ciel, suivant la meute en retrait dans sa chasse. Voler me poser moins de soucis, même si je me fatigue très vite. Je m'assure que tout va bien avant de regagner l'intérieur, pas longtemps après notre nouvelle Lupa. Je m'éclipse pour prendre une douche et refaire mes bandages, puis je m'affale sans la moindre honte dans l'un des canapés du grand salon. Je reste ainsi à attendre, à écouter attentivement même si je me sens subitement sourd en tant qu'humain... Jusqu'à ce qu'une vraie cacophonie envahisse mes sens. Les Loups reviennent un à un, se pressent, se précipitent... Et encore plus quand on invite de la nourriture à la table. J'attrape un des cookies avant qu'ils ne disparaissent tous, ne cherchant même pas à disputer le bacon. Peine perdue.

Quand les estomacs sont enfin remplis, un silence relatif se fait quand Isadora reprend la parole. Ca sent le changement dans l'air... Mais aucune question, aucune suggestion ne vient perturber la suite des échanges. J'en entends qui la conforte dans son rôle et lui assure son soutien, mais surtout une grande majorité qui garde le silence. Je me demande vraiment si c'est ce qu'elle attendait... Mais difficile de changer les bonnes vieilles habitudes, quand tout ce que certains ont connu est cette soumission, et non que leur avis soit pris en compte. Ils doivent craindre encore de parler dans le vide, pas mieux si on procède aux questions-réponses en préambule.

- Je suppose que les questions viendront plus sûrement après que vous nous ayez fait part de vos projets. Dans le cas contraire... Qui ne dit mot consent, comme on dit. Je vous suivrais où vous irez, que la guerre nous menace ou non, mais vous le savez déjà.

Engoncée dans ses habitudes et ses traditions malgré le remue-ménage actuel, la Meute ne dit rien. Elle attend, passive, que ses dirigeants prennent des décisions. Je sais bien qu'il n'y a rien qui puisse être fait dans un autre sens et que la Meute n'a jamais vraiment fonctionné sur un mode de dialogue ouvert, mais tout de même. Je sais que si j'ai été élevé dans le plus pur respect de la tradition, il y a tout de même certaines choses qui devraient bouger dans un sens nouveau. C'est ce que désire Isadora. C'est ce qu'elle souhaite depuis toujours. La pauvre en a tellement bavé dans sa vie... Comme beaucoup d'entre nous, cela dit. Et cela la poussait à faire bouger les choses. Des changements qu'elle abordait ce soir, nous n'avions rien décidé. Ils ne faisaient partie que de rêves et d'espoirs que nous nourrissions pour la Meute, des fantasmes dessinés dans nos nuits passées le regard tourné vers la Lune et les étoiles. Quelque chose de finalement assez intangible, comme de la fumée. Brouillard auquel ma belle essayait de donner consistance, ce soir. Malcom prit la parole pour entériner le fait que ceux qui se taisaient suivraient les ordres, mais qu'ils se réserveraient la possibilité de parler plus tard, quand le besoin s'en ferait sentir. Je ne pouvais pas aller contre ça. Je soutiens calmement, sans mot dire mais en préservant une attitude ferme, les paroles de ma femme et de ma Lupa.


J'hausse un sourcil quand elle propose Malcom au poste d'exécuteur. Ceci, c'est quelque chose de nouveau, d'inédit. Je me demande ce qui motive sa décision. Ensuite, elle propose d'élargir nos lois, d'encadrer, d'assimiler. Isadora remettait en question les fondements même de la Meute, et ceux de mon existence elle-même, puisque j'avais été retiré à ma mère et que j'avais aidé, ou du moins soutenu, mon propre père quand il avait retiré mon jeune frère à la sienne. Cela dit, elle avait raison, et on avait bien vu dans le dernier conflit que nous ne pouvions espérer l'emporter sans l'aide des humains. Je prends à mon tour la parole. D'une voix calme, mais ferme.


| Ces propositions seront étudiées et analysées pour que la somme de leurs conséquences n'excède pas celle de leurs avantages. Quant à Malcom, s'il se porte effectivement volontaire, je laisserais une semaine au reste de la Meute pour se positionner, voire relever le gant de sa candidature. Si challenger il y a, alors il y aura combat sous la lune. |


Je promène mon regard dans l'assemblée.


| La Meute s'est longtemps dévoyée du fait de la distorsion de ses traditions. Il n'en reste pas moins que nous sommes Ulfric et Lupa. Nous sommes là pour apprendre aux plus jeunes ou aux récemment transformés à se canaliser, par tous les moyens possibles. C'est à nous de faire de vous de bons loups, de bons changeurs, qui ne massacrent pas les humains ni ne mettent en danger les vôtres. Le conflit menace et nous reprendrons bientôt l'entraînement. Je demanderai à ceux qui se sentent les moins à l'aise à venir nous voir après la réunion, pour que nous puissions dresser la priorité des apprentissages. |

Comme d'habitude avec Isadora, c'était tout ou rien. La Meute semble attendre d'en savoir plus avant de se prononcer, peu entreprenante quand il s'agissait de briser les conventions. A moins que la plupart n'avait tout simplement rien à dire, car ils attendaient patiemment que l'on prenne les décisions à leur place... Ou qu'ils faisaient pleinement confiance au couple dominant pour donner la direction. Je n'en sais vraiment rien, ne pouvant que constater qu'une bonne majorité a décidé de ne pas utiliser son temps de parole. Et maintenant, la Louve reprend cette opportunité qu'elle a offerte. Pour toute question... C'était trop tard !

Je croise les bras et attend la suite des événements, bien calé au fond de mon canapé. Le silence se fait, tandis qu'elle promène son regard sur l'assemblée... Et s'arrête sur moi. Je me fige, même si je me doute déjà de ce qu'elle va avancer. Heureusement que Roxane n'a pas joué les tombes avec moi, sinon j'aurais affiché le même regard ahuri que mes voisins. J'ai envie de rire, même si c'est déplacé. Non, je ne m'attendais pas à ce que notre nouvelle Lupa balance cette idée sans penser à m'en informer au préalable... Et vu l'expression interrogatrice d'Hayden, à en faire de même avec notre Ulfric. J'essaie de paraître détendu, comme si je n'essuyais aucune déconvenue de par cette annonce. Elle enchaîne sans tarder, sans me laisser le temps d'en placer une, ou à qui que ce soit d'autres. Je me fends d'un sourire qui veut tout et rien dire devant les regards inquisiteurs qu'on me lance. Fort heureusement, personne n'ose l'interrompre. En même temps, ils ont raté l'occasion de parler avant... Ce serait du plus mauvais effet de l'ouvrir maintenant.

Je ne me sens pas tellement concerné par la suite de ses propos, qui mentionnent les modifications de Lois ancestrales sur les familles, les enfants à naître... Autant d'éléments qui doivent directement en concerner certains, mais me passent complètement au-dessus de la tête. Si dans dix ans, je suis encore en vie, je pourrais m'estimer heureux.

- Ce rapprochement ne pourra pas faire de mal, vu la situation actuelle. Rester cloisonner ne nous aidera pas à nous faire accepter des humains... Et de toute évidence, on peut difficilement faire sans eux. Par contre, il deviendra de plus en plus délicat de garder l'existence des métamorphes secrètes ainsi.

Je lance un regard furtif à Roxane, me demandant si elle compte prendre la parole à ce sujet. Je parle en connaissance de cause, mais je lui laisse l'initiative. Elle est, ou était, notre Jolfr. Si nous devons modifier notre discours ou notre façon de faire, c'est à elle de le mentionner. Après tout, elle connait déjà mon avis sur la question.

Mon regard se pose ensuite sur le couple dominant, oscillant entre les deux. J'ai des questions en tête, et il semblerait qu'Isadora ne soit pas si fermée qu'elle ne le montrait après une première déception.

- Et qu'en est-il des... Expériences, au contact des semi-démons ? Elles sont abandonnées, reportées ? Nous laissons le soin aux humains de se charger d'eux et nous tenons à l'écart ? On reprend l'entraînement, alors on reste simplement sur la défensive à se préparer au pire ?

Je pense à Ashley, morte. Quel gâchis. Je croise le regard de Mike, destitué, suite aux événements de Février. Les métamorphes semblent s'illustrer tandis que les Loups battent en retraite. Nous sommes peut-être l'avenir de la Meute, après tout. Est-ce pour autant un choix judicieux ? Moi-même, j'en doute. J'acquiesce vers Hayden et balaie la foule du regard, cherchant ceux qui seraient prêts à me défier. Allez... Je suis blessé. Ils le savent tous. Je suis un métamorphe, et un simple homme d'affaires aux yeux de la plupart d'entre eux. Cible facile. Je m'attends à ce qu'ils soient nombreux à tenter leur chance. Ce n'est pas un cadeau que me fait Isadora, mais ça m'ira parfaitement : C'est bien dans la confrontation directe qu'on peut éprouver sa propre volonté à en découdre. Ils sauront ensuite à quoi s'attendre, et moi aussi.

- Nous serons fixés dans une semaine.

Je ne m'attendais pas à faire l'unanimité, encore moins chez les Loups. Deux métamorphes au poste d'Exécuteur a de quoi faire tiquer les plus conservateurs, parce qu'ils se rendent compte qu'il va falloir faire avec nous maintenant, et bientôt peut-être aussi avec les humains. Je suis plus étonné que ce dernier point ne soit pas contesté, mais c'est plus facile de me chercher des noises que de protester face aux décisions de sa Lupa, non ?
Même parmi les métamorphes, je pensais que certains auraient quelques réticences... C'est certainement plus l'opportunité que je représente pour eux d'encore mieux s'intégrer dans la Meute qui les intéresse. Je ne suis pas assez proche des miens pour le savoir. Je les connais, mais pas assez. C'est peut-être bien ce qu'il me fait défaut quand je croise le regard d'Ethan, sans saisir sa signification. Je le fixe longuement alors que les discussions reprennent. Je devais m'y attendre, c'est seulement quand je reprends la parole que les esprits décident enfin de s'agiter. Ils n'auraient pas osé pendant que le couple dominant parlait.

Je lève les yeux au plafond et lâche un bref rire. Je m'accoude au dossier du canapé pour river mon regard au Loup. Il a le sang chaud celui-là, et moi aussi.

- Ouais, toujours les métamorphes. Parce qu'on est les seuls qui ont décidé de l'ouvrir quand on nous a donné l'opportunité de le faire. Vous craignez tous d'exprimer vos opinions et ça parle ensuite d'avoir des couilles et de s'assumer ? C'est bien, au moins tu te réveilles, juste sur le tard.

Je me tais, parce qu'Isadora a repris la parole. Les Loups ... Ils se plaignent que la Meute change, que les métamorphes prennent de la place, mais ils se contentent de se taire et de s'aplatir. Ils ont tellement l'habitude d'être ainsi soumis que de leur proposer de s'exprimer ne fait pas sens chez eux. Ca va être compliqué pour le couple d'aller vers une politique d'ouverture avec des personnes qui se murent si bien dans leur silence. Ont-ils peur du changement ? Certainement, mais pas assez pour se liguer contre leur dominant... Ils vont continuer de répondre au doigt et à l'oeil, parce qu'ils ne savent pas faire autrement, même quand on leur propose de faire différemment.

Je tousse un léger rire quand le Loup affirme vouloir me défier. Isadora poursuit sur le même ton, et je confirme aussitôt ce qu'elle avance, mais sans m'appesantir :

- Avec plaisir.

Ca me démange autant qu'à lui de régler nos comptes. Je ne suis peut-être pas dans la meilleure des formes, mais au pire... Je n'ai rien à perdre. Ce poste d'Exécuteur me renvoie une impression tiède. Je ne fais pas partie des ambitieux qui cherchent à s'élever dans la hiérarchie. Je ne suis pas forcément le mieux placé, ni le plus fiable, pour ce poste. Il va vraiment falloir que j'en parle plus en détails avec les deux Loups, pour mieux comprendre les motivations d'Isadora et prendre le pouls du côté d'Hayden. Ce n'est certainement pas pour moi que je le ferais. Si la Meute est mon nouveau foyer, je tiens tout de même à ma liberté d'action qui risque de considérablement se réduire en prenant ses fonctions. Je croise le regard de Roxane et me rappelle subitement de ma promesse, encore des éléments qui risquent de jouer en ma défaveur tiens... Mais autant jouer carte sur table si on m'oblige à le faire. Le Loup risque de ne pas être déçu du détour, à me considérer comme un simple homme d'affaires à se mettre sous les crocs.

J'hoche la tête, en réponse à Isadora. Il n'y a pas grand-chose à ajouter, mais au moins, on est un peu plus fixé.

- Donc on filtre les entrées et on reste vigilant, ok. Je n'ai pas d'autres questions, pour ma part.

Je me rejette au fond du canapé, les bras croisés. Je sens le regard furibond du Loup juste derrière moi, mais pour l'heure, ça ne va clairement pas m'empêcher de me détendre.