Je fronce les sourcils alors qu’il secoue la tête et me répond. Je soupire.

« C’est peut-être des loups, mais si tu veux, j’ai pas trop le choix niveau fréquentation. Ces bêtes sont ma famille. La seule que j’ai, la seule qu’il me reste. Ma mère. Mon père. Mon frère et ma sœur. Mes amis. Je crains moins avec eux qu’avec le reste du monde. »
Je plisse les yeux. « Et m’appelle pas minette, c’est moche.
Et je croyais que t’étais moins pire qu’eux, en quoi ça pose problème que je me retrouve ici avec toi ? »

Et puis zut. Pendant quelques minutes, quelques dizaines de minutes, j’oublie ces chamailleries infantiles et je reste sur la piste à danser. Ça m’arrive pas souvent, parce qu’en général, j’accroche pas la musique, mais c’est parfois cool de pouvoir juste danser, se perdre dans la musique, et carrément occulter le reste. Ouais, quand c’est en bonne compagnie, c’est plus cool encore. Enfin, lui, là, le mec sur qui il m’a balancé, il est mignon et a l’air plutôt sympa, mais c’est pas non plus un de mes amis. Ok, la plupart de mes vrais amis n’aime pas vraiment plus que moi, mais ça n’empêche pas. Bref. Je danse, je m’amuse comme une idiote et il parvient même à me faire rire avant que je ne songe à retrouver ma nounou. Nounou pleine de surprises, vu qu’il s’avère bon danseur. Je lui souris.

« C’est vrai ? Tout expérimenter ? A part la danse, c’est quoi ? Et ouais, j’aimerais bien te voir tenter de faire de la Break dance, carrément ! Le robot, tu sais faire ? J’ai jamais capté comment les mecs arrivent à bouger si indépendamment leurs épaules, leur tête, et tout ça. Ça c’est carrément inutile, mais si tu sais, j’aimerais trop essayer ! »

Sérieux en plus. Mais bon, on verrait bien. Si déjà maman accepte qu’il m’entraîne, ce serait trop cool. Je le regarde sourire avant de se lever.

« Chieuse ? Non mais t’abuses là ! » Je finis mon verre et récupère mon sac. « J’ai été super gentille ! Et évidemment que ça t’a pas dérangé ! » Je me plante en face de lui alors qu’on sort. « C’est bien mieux de passer une soirée avec moi que tout seul dans ton coin. » Je souris. « Je sais que tu le nieras même si on te torture, mais je suis sûre que tu m’adores. Avoue, tu t’es bien amusé ? »

Je le regarde une seconde.

« J’ai passé une super soirée, alors que c’était mal barré. Donc c’est cool. Merci. Pour tout ça. »

Je me penche et dépose un baiser sur sa joue, avant de faire le tour et d’ouvrir la portière de la voiture. Ouais, je suis sûre que j’arriverais à le faire recommencer en plus.

Peut-être devrait-elle devenir une Louve, elle aussi. L'idée l'effleura un instant, tandis qu'elle parlait de ses fréquentations. Savannah aurait ainsi toute la puissance à sa disposition pour se protéger elle-même, et ferait plus corps que jamais avec la Meute. Il serait plus aisé pour elle de comprendre les tourments de ses parents, de ses frères et sœurs... Oui, c'était une belle solution de facilité. Sauf que, personne ne prendrait ce risque. Par contre, le tueur songeait réellement qu'un Loup pourrait un jour s'en prendre à elle de cette manière, un cabot qui chercherait à se venger de son exclusion. Il n'avait pas pris en compte cette possibilité, et devrait le faire à l'avenir. L'impact que ça engendrerait sur sa famille, et sur elle, n'était pas négligeable. De quoi faire trembler le calme relatif des têtes de la Meute.
Malcom se contenta de faire l'impasse sur ses fréquentations, pour le moment. Il n'avait pas envie de la détromper, à lui expliquer en quoi il pourrait, justement, être pire qu'une bête. Les animaux suivaient leurs instincts. Sauvages dans leur comportement, mais toujours logique. Tout avait une raison, dans la nature... Le plaisir dans la souffrance de l'autre n'existait pas. Ni celui dans l'acte de donner la mort... Ce n'était qu'un ensemble de nécessités pour survivre. Lui, il aimait ça. Les Loups ? Pas tous. Seulement les pires. Avait-il vraiment besoin de lui préciser ? Non, définitivement pas. Que Savannah reste la petite princesse, et lui son protecteur à ses yeux. Ce rôle lui plaisait bien en définitive. Il ne l'aurait jamais avoué, mais c'était le cas.

Son verre était vide, mais elle continuait de l'abreuver en paroles... Parfaitement incapable d'arrêter de poser ses éternelles questions. Sa curiosité lui arrachait un sourire, toujours amusé.

- Tout expérimenter, oui. Le sexe, le risque, la drogue... Tu veux vraiment qu'on en revienne à parler de tester ses limites ? J'aime bien les repousser sans arrêt, tout simplement. Tu apprendras à aimer le faire aussi, ou alors tu abandonneras pour retourner jouer du violon. On verra comment tu encaisses à la première leçon.

Un rire filtra de ses lèvres, cette fois.

- Ouais. Je sais faire ça. Et c'est pas inutile de savoir coordonner chaque partie de son corps, de le délier totalement. Mais tu verras, les filles sont très douées pour tout ce qui est de la souplesse... J'espère rien t'apprendre sur ce coup-là.

Il déposa un billet sur le comptoir et récupéra ses clefs, la petite sur ses talons. La voilà qui recommençait à afficher une mine boudeuse avant de se planter devant lui. Bon, impossible de l'ignorer. Elle était douée pour ça.

- Tout est relatif... Je nierais tout, surtout des propos qu'on a pu échanger. T'es une peste, mais ok, tu me fais marrer. Va savoir comment tu t'y prends, parce que des cas dans ton genre, j'aurais déjà eu envie de les claquer en temps normal. Satisfaite ?

Ce ne devait pas être exactement la réponse à laquelle elle s'attendait, mais autant lui faire avaler un serpent que de lui faire avouer qu'il l'aimait bien. Il ne pouvait pas se le permettre. Il se sentait déjà bien trop concerné par le devenir de la Meute, alors qu'il s'agissait d'un simple contrat à remplir... A la base. Et quelque chose lui disait que ça risquait d'encore prendre de l'ampleur, jusqu'à ce qu'il soit incapable de s'en détacher. Pourtant, ça ne l'empêcherait pas d'essayer encore.

Il cilla, un rien étonné, quand elle le surprit à lui embrasser la joue. Elle était déjà repartie dans la voiture quand il réalisa ce qu'elle venait de dire. Le métamorphe secoua la tête, avec un léger soupir. Décidément, elle risquait encore de le faire tourner en bourrique... Mais elle n'avait pas totalement tort. Il avait bien choisi de rester de son plein gré.
Malcom monta dans la voiture, montant le son de la musique.

- Allez, rentrons... Princesse !