Vous connaissez ce sentiment de fuite en avant ? Quand sans cesse, quoique vous fassiez, vous avez l’impression que tout vous échappe et que rien ne marche comme prévu ? Ouais.
Bienvenue dans ma vie.

Je me suis sauvée. Encore. Hayden va pas être content. Maman encore moins. Ouais, c’est pas très malin, je sais. Encore une preuve que je réfléchis pas des masses avant d’agir… Mais bon, c’est que de l’anglais quoi… et j’avais besoin d’être un peu seule.

Si je suis de retour à la maison avant qu’elle n’arrive pour me chercher, elle saura peut-être même pas…
Rha, bien sûr que si elle le saura… Le lycée va l’appeler. Et elle va savoir que je lui dis pas tout, encore une fois, si j’esquive ses questions… j’ai horreur des 6ème sens qui accompagnent les lycanthropes…

Je regarde autour de moi et cligne des yeux. Je sais même pas comment je suis arrivée là. Non que ça ait de l’importance. Il fait un temps magnifique, et y a presque personne, peut-être parce qu’il fait un froid de canard. Mais c’est tout ce qu’il me fallait pour ne penser à rien.

Je cherche du regard un endroit abrité des regards, mais au soleil. Oui, je veux du soleil… sauf qu’y a de la neige partout évidemment… Continuant d’avancer, les mains au fonds des poches malgré mes gants, je repère enfin un banc presque intact dans un coin.
Je vire ce qu’il y reste de neige dessus avant de m’y asseoir… bon et maintenant tu fais quoi fille ? je ferme les yeux. C’est pas que je fuis non. De toute façon, comme on me dit rien, je sais même pas ce que je peux bien fuir… Non, ok, je sais très bien, dans les grandes lignes, ce qu’il se passe et pourquoi ils sont tous tellement sur les dents… ahah…

Mais au bout d’un moment, merde quoi, j’ai 16 ans, je peux peut-être espérer avoir des moments tranquilles et normaux ?? De temps en temps. C’est vrai, j’ai pas une minute tranquille. Les loups, les cours, tout le monde, les loups… Ah. Darren non plus risque de pas être content, il va encore croire que je l’évites. Mais pour le coup, c’est pas ça… pas vraiment. J’ai vraiment pas réfléchis avant de partir. Et puis je lui reparles non ? Pas des masses, mais que voulez-vous que je lui dises ? « Salut, tu veux savoir, donc voilà : Toute ma famille sont des loups. Mais pas moi. Moi je suis juste… moi… Et je ne vis pas avec eux. Et j'ai une nounou loup matin et soir. Et Niahm et Kean sont tellement forts déjà. Et tellement de gens sont dangereux pour eux. Et ... »

Je soupire, cale mon sac sur le banc et m’allonge dessus, les jambes pliées. Oui, il fait froid, mais y a du soleil, donc c’est supportable. Un bras sur les yeux, je me demande comment je vais bien pouvoir me sortir de se foutoir, que je crée en grande partie toute seule soit. Je sais bien, et cet instant en est la preuve flagrante, que je leur crée des soucis. Mais je n’y arrives pas… à faire autrement…

« Elle est passée où Sav ? »

Je chuchote pour pas que la prof entende. Mon voisin me regarde en coin, sans tourner la tête et me fait signe qu’il sait pas. Je regarde vers la voisine de classe de mon amie, qui surprend mon regard et me fait un sourire en coin accompagné d’un petit geste de la main que je comprends comme m’indiquant qu’elle est partie. Je regarde la prof, qui poursuis son cours imperturbable, et lève la main.

« M’dame j’peux aller aux toilettes ? J’me sens pas très bien. »

Elle me regarde l’air de savoir que je lui mens, mais m’autorise à quitter la classe. Je file hors du lycée après avoir demandé à Stan de récupérer mes affaires à la sortie. Connaissant la prof elle aura vite oublié que je suis sorti pour aller aux toilettes, et elle verra même pas que je suis pas revenu. Je suis presque sûr de savoir où elle est allée. Il y a un parc pas très loin, et elle y va souvent quand elle va pas bien. J’en prends la direction, avant de me rendre compte qu’en fait il fait beaucoup moins chaud dehors que dedans. J’aurai dû prendre mes affaires.

J’enfonce mes mains à l’intérieur de mes poches de pantalon pour les réchauffer un peu pendant que je marche. Je sors mon téléphone et vais jusqu’à son numéro dans mon répertoire. Je tape un SMS, mais je sais d’avance qu’elle répondra pas. C’est pas grave je suis sûr que je peux la trouver sans ça.

Je fais quelques allers-retours dans les allées avant de la voir au loin, allongée sur un banc. J’étais sûr qu’elle serait là. Mes lèvres s’étirent dans un petit sourire de satisfaction. Elle a beau ne pas me parler aussi souvent que je voudrais, je la connais quand même bien. Je me place entre le soleil et elle, pour faire un peu d’ombre sur son visage.

« Ben alors tu sèches sans moi maintenant ? T’aurais pu me prévenir, j’aurai pu prendre mon manteau comme ça. J’ai dû l’abandonner sur ma chaise en anglais pour pas que la prof me grille.»

Allongée sur un banc, dans le parc, au soleil, j’en oublie presque que je suis là, au lieu d’être en cours… tout comme j’en oublie du coup les conséquences…
Tout tourne en boucle dans ma tête, maman, Hayden, les jumeaux, les loups, mes amis humains, Darren, oui, c’est un humain, mais bon… , les loups, maman… Je n’arrive pas à faire le vide. Je sais même pas ce qui me prends le plus la tête, je sais même pas ce que je peux gérer ou non, ce que je peux savoir ou non, ce que je peux dire ou non… si je sais, mais c’est tellement… frustrant ! Et blessant… pour eux, pour moi, je sais pas trop non plus…

J’entends mon téléphone vibrer. Je bouge mon bras et ouvre un œil. Non, il ne recommence pas, c’est que c’était pas bien grave, ça peut donc attendre. Pas envie de bouger, ne serait-ce que pour le chercher et l’attraper, pas envie de savoir qui essaie déjà de m’épingler.

Il fait presque bon au soleil comme ça. Je fronce les sourcils, des nuages ?

Ah non. Darren. Je souris malgré moi à ses paroles.
J’ouvre un œil et le regarde, sans bouger.

« Tu aurais pu attendre la fin du cours. Tu vas avoir froid là. Moi j’étais bien au soleil tu sais.
Et du coup, tu vas rester sans manteau jusqu’à demain ? Et moi qui comptais sur toi pour les leçons…
Et sache que je ne sèche pas, je prenais une pause… »

J’ai pas trop envie de bouger en fait, à moitié parce que je suis bien, à moitié pour faire l’emmerdeuse oui effectivement je l’avoue. C’est pas bien je sais je sais. Mais c’est Darren.

«Si j’avais programmé quelque chose, je te l’aurais peut-être dit. » Je souris à nouveau et rajoute avant qu’il ne râle. « Je t’aurais prévenue oui. Mais là… »

Je devrais me redresser, et tapoter la place qu’occupent actuellement mes jambes… ou mon sac, ce serait plus confortable, les livres, c’est dur. Mais bon, de un ça se fait pas, de deux… j’ai la flemme. Il n'aura qu'à me pousser...
Je ferme les yeux et grimace. Qu’est-ce que je peux lui dire ? La vérité ?

« J’ai juste eu… un trop plein. J’ai dû partir. Si j’avais réfléchis, je t’en aurais parlé. Mais si j’avais réfléchis, je ne l’aurais pas fait… sans doute pas… »

Ptre pas avec toutes les retombées négatives que ça va entraîner… Je le regarde en haussant les épaules.

« Et toi, tu fais quoi ici ? » je souris amusée. « Tu t’inquiétais pour moi ? »

Je vois bien le petit sourire sur le visage de Sav pendant que je fais semblant de l’engueuler. C’est pour ce sourire que je suis parti la chercher. Je le comprends en le voyant. Cette petite complicité toute simple qui fait du bien. Elle bouge pas, se contentant d’ouvrir un oeil pour me regarder.

« Bah tant pis j’vais pas mourir pour une petite heure dehors sans manteau.»

Elle aussi elle me fait des reproches. Pourtant dans sa voix j’ai l’impression qu’elle est plutôt contente que je sois venu la trouver.

« On peut prendre une pause à deux, c’est plus sympa que tout seul quand même. Et t’inquiètes pour les leçons, on demandera à Stan. Il écrit comme un pied mais c’est mieux que rien.»

Je me décale un peu pour pas trop lui cacher le soleil. Ca sert à rien qu’on soit deux à se les cailler.

« Peut-être ?»

J’allais ajouter que j’espérais bien qu’elle m’aurait prévenue, mais elle ne m’en laisse pas le temps. Puis j’ai pas tellement envie de l’engueuler en plus. C’est Sav. J’arrive pas à lui en vouloir. Pas vraiment.

« Bah c’est pas grave. Tant mieux que t’aies pas réfléchi au final. Sinon on serait en anglais là.»

Ce que je fais ici ? Bonne question. Je sais pas si je m’inquiétais. Pas vraiment inquiet inquiet. Plutôt curieux. Puis les cours d’anglais sont barbants, ça me donnait une bonne raison d’échapper à une heure d’ennui.

« Je sais pas. J’ai vu que t’étais pas là. Je me suis dit que t’avais peut-être des trucs qui te tracassaient. Et que ça te ferait peut-être du bien d’en parler à un ami...»

J’hésitais un peu avant d’ajouter d’une vois hésitante.

« Mais j’veux pas te forcer non plus. Si tu préfères être seule j’peux te laisser c’est pas grave.»

Dire que j’étais venue ici pour être tranquille. Mais ça me fait plutôt plaisir en réalité que Darren soit là. Je souris à ses paroles en essayant de me justifier. Même si effectivement, je n’ai pas à me justifier, je fais ce que je veux… enfin, je n’ai pas à me justifier auprès de lui… Maman et Hayden, ce sera une autre histoire.
Tout sourire, je le regarde d’un œil.

« Oui c’est plus sympa à deux, c’est pas faux. Quant à Stan… tu recopieras, et je recopierais moi sur toi. J’arriverais même pas à le déchiffrer moi… pour peu qu’il ait écrit quelque chose pendant le cours… »

D’un autre côté ma fille, c’est toi qui a décidé de sécher. Mouais, pas faux.
Ah, il se décale, ça c’est gentil. Et je savais qu’il allait râler si j’avais prévu sans le prévenir lui, je commence à le connaître aussi. Et j’ai pas envie de risquer de le perdre pour un truc aussi con. Donc ouais, je l’aurais prévenu… mais comme dit, j’aurais sans doute fait machine arrière.

Quand je lui demande ce qu’il fait là, je disais ça en plaisantant… enfin à moitié. Mais ça me fait plaisir qu’il soit venu, exprès pour moi… Je le regarde, perdant mon sourire petit à petit. Je cligne des yeux. Ouais, tu parles que tu dissimules bien tes pensées et sentiments… Regarde-le. Il s’inquiète et il sait même pas comment t’aider. T’es nulle ma fille.

« Non, me laisse pas seule. »

Je soupire, avant de me redresser, m’asseyant, avant de tapoter la place que je viens de libérer pour qu’il s’assoie.

« Merci. D’être venu. De t’inquiéter pour moi. » Je grimace. « Je sais bien que je le mérite pas trop. Mais c’est chouette. Ça me fait plaisir. »

Je le regarde, me mordille la lèvre. Je souris. « Je vais abuser un peu. »
Je me tourne vers lui, avant de passer mes jambes par-dessus les siennes. « Je t’ai laissé la place pour t’assoir, mais j’étais bien allongée moi… et pis, t’auras moins froid. » L’excuses, tu veux juste être allongée ouais… bon et puis…

Je lui souris à nouveau, avant de me mordiller à nouveau la lèvre et de regarder autour de nous.

« Je sais pas trop quoi te dire… ni par où commencer… » Je reporte mon attention sur lui. « Tu as lu les différents articles sur… nous... Et même si la plupart sont des ramassis de conneries, le fond reste plus ou moins vrai… je… c’est juste… »

J’hausse les épaules, et pose ma tête sur le banc, regardant Darren un petit sourire aux lèvres, avant de reprendre. « Je suis juste un peu paumée. Je … sais pas trop quoi faire… ils… toute ma famille… maman, les jumeaux, Hayden… je suis pas comme eux. Et je peux même pas leur dire tout ce qui se passe… Et je sais que c’est débile, mais quand je rentre à la maison, et que je la trouve vide… je… »

Je soupire, les yeux braqués sur mes mains. Je ris un peu et secoue la tête.
« Il y a tellement de trucs. J’ai pas envie de t’embêter avec tout ça, ça te concerne pas. »

C’est vrai, si j’arrive à le faire fuir lui, l’un des seuls amis que j’ai encore, ce serait triste. Et ça me ferait d’autant plus chier, parce que je l’aime bien, Darren. Toujours là, même quand je me comporte comme une chieuse ou que je suis un peu trop ‘absente’, toujours souriant. Et je ne veux pas et ne peux pas l’impliquer davantage dans tout ça…
Je fais un petit sourire.

« Excuses-moi. Ça va aller, t’inquiètes pas pour rien. »

« Ca marche on fait ça. Je te passerai mon cours quand je l’aurai recopié. »

Ca me fera une raison de la voir de plus, et ça c’est chouette. Alors que je lui propose à contrecœur de la laisser seule si elle préfère, elle m’interrompt, me priant de rester. Enfin, de ne pas la laisser seule. Est-ce que c’est ma compagnie qu’elle apprécie ou est-ce qu’elle a simplement besoin de compagnie, et que si c’était quelqu’un d’autre ce serait pareil pour elle ? Je n’en sais rien. J’aime bien être avec elle, ça je le sais. Et en ce moment elle tient sa promesse et n’essaie plus de m’éviter. Donc laissons les questions existentielles de côté, et profitons de l’avoir un peu pour moi tout seul.

Elle soupire un peu et se redresse pour me faire de la place sur le banc. Je m’y installe et lui lance avec un air moqueur.

« Ah ben quand même. J’ai cru que t’allais me laisser debout pendant une heure. »

Je la taquine elle le sait bien, ce n’est pas vraiment un reproche, juste une petite vanne.

Ses remerciements me touchent. Ce n’est pas pour les entendre que je me soucie d’elle, mais ça fait plaisir quand même.

« De rien. C’est normal. Et je ne sais pas d’où tu sors que tu ne le mérites pas. C’est pas vrai. »

Je la regarde un moment sans rien dire, et voit sa lèvre passer sous ses dents. Encore un truc que j’adore. Elle a l’air trop mimi à hésiter comme ça. Abuser ? Qu’est-ce qu’elle entend par là ? Je lui lance un regard interrogateur avant de comprendre en la voyant lever ses jambes. Je lève les bras pour qu’elle puisse les poser, puis me rend compte que je sais pas trop quoi en faire de mes bras. J’essaie de les poser sur le dossier du banc, mais au bout de quelques secondes je me rend compte que c’est vraiment pas confortable. Je les remets devant moi, hésites un peu en les levant au-dessus de ses jambes, et lui demande l’autorisation avant de les poser.

« Je peux ? »

Sav regarde un peu autour, comme si elle vérifiait que personne ne nous écoutait. Je vois pas qui irait espionner deux ados dans un parc. Enfin si pourrait y avoir l’autre tarée qui m’a agressé… Je chasse cette pensée rapidement. Je n’ai pas envie de lui en parler. Je sais que c’est pas cool, de lui dire qu’elle peut se confier alors que je lui ai même pas raconté ça, mais je vois pas comment le lui dire. Et je veux pas qu’elle s’inquiète. Je me sens un peu égoïste du coup.

Je la laisse hésiter et chercher ses mots, en silence. Mes yeux sont posés sur mes mains. Je sais que ça stresse quand on sait pas comment expliquer quelque chose d’avoir quelqu’un qui nous regarde galérer.

« Si ça te tracasse, alors ça me concerne. Si ça te fait du bien d’en parler, j’peux écouter. Et je peux essayer de trouver des solutions avec toi. Je suis sûr qu’il y en a. Comme dit Monsieur Scoffield, il n’y a pas de problèmes, que des solutions. C’est pas grave que ta famille soient des loups. C’est ta famille quand même. Je suis sûr qu’ils sont cools. »

« Tu crois que tu pourras bientôt revivre avec eux ? Tous ensemble ? »

Je savais que c’était compliqué en ce moment, mais je savais pas exactement ce qui se passait, ni combien de temps ça durerait. Je savais que deux-trois bribes, que j’avais compris plus ou moins entre les lignes. Pas que je l’espionne ou quoi, hein. Mais juste quand on parlait des fois, elle sous-entendait des trucs.

« T’excuses pas. Faut pas garder tout ça pour toi. Ca fait trop. »

J’aime pas ce sourire à moitié triste, celui qu’elle affiche là. Je préfère celui de tout à l’heure.

« Je passe mon temps à m’inquiéter. T’y es pour rien. J’dois tenir ça de ma mère. Ca doit être génétique. »

« J’ai hésité effectivement. Mais je suis bien trop gentille au final pour te laisser debout. Ma bonté me perdra. »

Je le regarde, il est chou quand même de dire ça. J’ai pas été la meilleure amie du monde quoi dernièrement quand même. Mais bon, il m’en tient pas rigueur, c’est super cool, et j’en profite avec un sourire pour passer mes jambes au-dessus de lui. Je le regarde quelques secondes amusée, alors qu’il ne sait pas quoi faire de ses bras. Je lui souris.

« Evidemment. C’est moi qui abuse, pas toi. »

Je commence à essayer de lui parler de moi. De ma famille. De mon malaise. Mais je ne sais pas trop quoi dire. Ni comment le dire. Et lui m’écoute en essayant de pas m’interrompre. Mais je finis par m’excuser, j’veux pas le mêler à tout ça. Je veux pas l’embêter non plus. Même si c’est mon ami, j’ai pas envie de lui prendre la tête avec mes soucis.

Je le regarde, et sourit davantage quand il me répond. J’ai presque envie de le serrer dans mes bras quand il est quand comme ça. A essayer de m’aider alors qu’il y peut rien. A me remonter le moral. Heureusement qu’il est là. Qu’il est resté, même quand moi j’y étais pas.

« T’es gentil. Ca me fait du bien. C’est juste. Que je sais pas trop quoi te dire. C’est gentil de dire que ça t’embêtes pas, mais même moi j’ai du mal à y voir clair tu sais.

Je sais bien que c’est pas grave. Enfin, c’est cool de te l’entendre dire… y en a tellement qui pensent… Et oui, ils sont cools… la plupart du temps. C’est vachement possessifs ces p’tites bêtes. Même quand ils sont pas là. » Je souris, avant d’hausser les épaules.

« Mais ça reste difficile, parce que oui, c’est ma famille. Mais ils sont tellement. Loin. Pas seulement parce qu’ils ne sont pas à la maison. Je sais pas comment faire. Ils ont tellement de problèmes, de responsabilités. J’ai pas envie de leur en rajouter. Mais j’ai l’impression d’être sans cesse une source d’ennuis et de déception. Quoique je fasse ou que je dise. J’ai l’impression de l’éloigner d’eux. De les perdre petit à petit. Et je sais pas comment y remédier.
Quant à vivre à nouveau avec eux… j’en sais rien. Je sais pas si c’est possible. Ni quand ça le sera. Et je sais pas. Ils me manquent. J’en ai marre d’être seule, c’est pesant. Mais je sais pas. »

Je lui souris tristement. Qu’est-ce que tu veux que je dise ? Si je continue, j’vais déprimer, et il mérite pas que je fasse la gueule. Je m’excuse à nouveau. Comment ne pas garder ça pour moi, je peux pas parler de tout ça, je n’arrive pas à faire le point.
Trop ? Peut-être. Mais c’est pas à lui de me supporter.

« Génétique, oui, sans doute… » Je lui souris. « Oui, mais si je peux éviter d’en rajouter Darren, ce serait pas mal. J’ai pas envie d’en rajouter. Tu mérite pas que je te fasse chier avec ça, alors que j’ai déjà suffisamment abusé de ta patience et de ta gentillesse. T’es toujours là… alors que quoique tu dises, j’ai pas été super à la hauteur de ton amitié. J’ai pas trop le droit de t’en demander encore plus. »

Même si en y réfléchissant, j’ai bien envie. Il m’écoute. Il me soutient. C’est Darren quoi. Et puis, vu l’heure, je vais pas prendre le temps de tooooooooouuuuut raconter, parce que sinon, c’est clair que je me ferais choper. Mais bon, j’ai encore un petit peu de marge non ? j’ai pas envie de bouger, je suis bien, là, à ses côtés.

Je me sens vraiment ridicule avec les bras en l’air, à hésiter. Son sourire me rassure un peu. Pas un sourire moqueur mais plutôt un sourire complice. Je l’écoute en essayant de ne pas l’interrompre. Pour une fois qu’elle me confie un peu de ses problèmes, je ne veux pas la rendre mal à l’aise, ou qu’elle pense que ça m’embête. Elle me confie même que ça lui fait du bien de me parler un peu, ce qui me fait réchauffe le coeur.

« J’ai dû mal à voir comment tu peux être une source de déception, encore moins pour ta famille.»

Ma remarque sur ma capacité à m’inquiéter à propos de tout et de tout le monde ne la fait pas vraiment rire. C’est plutôt l’effet inverse. Elle a l’air de se rendre compte qu’elle se confie, et commence à changer d’avis, et à se refermer. Je sais pas pourquoi mais je le sens. Toujours à s’excuser et à se trouver nulle. Si seulement elle savait comment moi je la vois.

« Contre un peu de temps en ta compagnie, je suis prêt à subir les pires histoires sur tes problèmes.»

Mes joues se teintent de rose quand je réalise ce que mes paroles peuvent vouloir dire. Elle va croire que je la drague à force. Alors que je la drague pas, enfin pas vraiment. Je sais pas en fait. J’ai les yeux un peu perdus dans le vague pendant que j’essaie de me poser la question. Est-ce que j’aimerai sortir avec Sav ? Non c’est ridicule. Sav c’est une amie. Rien de plus. De toute façon elle voudrait pas, même si moi je voudrai. Je suis gentil, c’est elle qui l’a dit. Les filles n’aiment pas les gars gentils. Mes joues rougissent encore plus. Je suis ridicule à me poser des questions comme ça. Je m’éclaircis la gorge un peu.

« On devrait peut-être... Heu... Y aller. Pas que j’ai envie de retourner au lycée, mais on va rater le prochain cours sinon... »

Je repousse un peu ses jambes, mais sans y mettre toute ma force. J’ai pas vraiment envie d’y aller. C’est juste que je suis un peu gêné de ce que je lui ai dit, même si c’était pas grand-chose.

Je lui parle. Je ne lui dis pas tout, mais c’est déjà un début. Et de toute manière, je ne peux pas tout lui dire. Déjà parce que certaines choses ne concernent que la Meute. Et parce que je ne sais même pas tout. Et parce que je n’arrive même pas à tout voir et tout comprendre. Et surtout parce que ça risquerait de le mettre en danger. Et c’est carrément hors de question ça.
J’hausse les épaules sans savoir trop quoi dire quand il me répond. Pourtant si, je déçois tellement de personnes. A commencer par maman et Hayden.

« Parce que c’est le cas. Je ne leur dis pas tout, parce qu’ils ont déjà assez de soucis comme ça. Mais au final ça cause plus de mal que de bien. Et je les décois, parce que je leur ai pas tout dit. Ou parce que je ne fais pas tout aussi bien qu’il le faudrait. Je suis pas à leur niveau.
Et toi aussi. Y a pas si longtemps, je sais que… je t’ai un peu laissé tomber, y avait de quoi être déçu ou j’en sais rien. Tu parles d’une amie… »

Ca me fait du bien oui de lui parler. D’essayer de mettre des mots sur tout ça. Peut-être que oui, il pourrait m’aider à trouver une solution. Ou tout du moins à moins me prendre la tête. Ça fait longtemps que je n’ai pas parlé autant. Que ce soit à lui ou à quelqu’un d’autre. Exposer tous mes problèmes, ou un certain nombre du moins… je n’ai plus l’habitude. Je ne veux pas qu’il pense que je ne … je sais pas. Je veux pas l’embêter, et j’ai quand même grandement l’impression de lui rabâcher les oreilles avec mes problèmes familiaux.

Je relève la tête juste à temps pour le voir rougir. Quoi ? Je crois que je dois rougir à mon tour, mais je ne m’en rends pas compte. Je cligne des yeux. Et pour le coup, je trouve trop rien à dire. Comme quoi, même moi, il m’arrive de me retrouver bouche bée.
Je le vois en train de réfléchir, perdu je ne sais où dans sa tête, avant de rougir davantage.
Que pour être en ma compagnie, avec moi, il…
Non, j’ai mal compris. Ou j’interprète mal plutôt.
C’est Darren. Il est mignon, il est gentil, je l’aime bien, mais… Il était plus ou moins avec Lexie. Qui est beaucoup beaucoup plus jolie et drôle. Et… Non ?

Il enchaîne sans que je n’aie répondu, sans que je n’aie trouvé quelque chose à répondre. Il essaie de me pousser gentiment, en évitant mon regard. Il me fait quoi là ? Retourner au lycée ?

« Ça voulait dire quoi? Je peux le prendre comme je veux ? »

Ouais, j’ai parlé à haute voix, mais je m’en rends pas vraiment compte non plus.
Je ne bouge pas, je remets même mes jambes, je le regarde. Je sais que je dois avoir des yeux un peu trop agrandis, des joues un peu trop roses. Mais… sérieux, c’est moi qu’ai un problème ou ça voulait dire quelque chose ?

HRP:

La voir se rabaisser comme ça me fait mal au coeur. Pourquoi elle voit pas à quel point elle est formidable ? Je vois que ça moi. Elle fait pas toujours ce qu’il faut, c’est sûr, mais personne ne fait toujours ce qu’il faut. C’est pas un vrai défaut de s’attirer les ennuis. Y a qu’à voir Alexis, ou ma frangine. Toujours dans les pires embrouilles et toujours persuadées que c’est leur faute.

« Ben non, t’es pas à leur niveau... T’es mieux qu’eux sur plein de trucs je suis sûr. Genre au violon. Je sais comment tu joues, je suis sûr qu’aucun membre de ta famille n’est capable de jouer comme toi. Et puis t’es drôle.»

Je m’arrête alors que je me rends compte que ça fait beaucoup de compliments d’un coup. J’veux pas qu’elle croit que je la drague ou quoi. Alors qu’elle s’excuse encore une fois de m’infliger ses soucis, je laisse échapper une phrase qui me fait aussitôt rougir et que je regretterai presque. Alors que j’essaie de changer de conversation pour faire passer ce petit moment de gêne, elle revient à la charge, refusant de bouger ses jambes pour qu’on puisse se relever. Elle me regarde avec des grands yeux interrogatifs.

Dans mon cerveau ça part dans tous les sens. Pourquoi j’ai dit ça, moi ? Et elle attend quoi comme réponse ? Si je lui dis qu’elle me plaît, elle va peut-être m’en vouloir, et plus vouloir être mon amie de peur que je veuille sortir avec elle. Ou alors je lui plais, et là elle attend que je l’embrasse comme dans les films. Mais je sais même pas trop moi si j’ai envie qu’elle et moi on soit... plus que des amis. Sav c’est une amie géniale. J’veux pas la perdre pour des histoires de coeur alors que je sais même pas ce que je veux au juste. Je m’éclaircis un peu la gorge. Elle a toujours les yeux fixés sur moi, et elle n’a pas l’air décidé à bouger avant que je lui ai répondu.

« Euh... Je sais pas... Tu aimerais le prendre comment ? »

Sans doute pas la réponse qu’elle attend. Normalement les mecs dans les films ils savent ce qu’ils veulent. Ils hésitent pas en rougissant. Ils prennent les choses en main. Mais on est pas dans un film, là. Je fais comme je peux. Je stresse d’un coup. C’était quoi c’te question ? Je fais quoi si elle me dit qu’elle le prend comme une déclaration. C’était juste des compliments, et j’voulais juste qu’elle sache que j’aimais bien passer du temps avec elle. Rien de plus. Fin je crois pas. M*rde, m*rde et re-m*rde. Sans lui laisser le temps de répondre, je redis en poussant ses jambes un peu plus fort.

« Non mais faut vraiment qu’on y aille, on va être à la bourre pour le cours d’après.»

Je souris à sa réponse. J’ai même un petit rire.

« Oui, j’imagine très bien Hayden jouer du violon. Mais tu sais très bien que c’est pas de ce genre de chose dont je parlais. Pis le violon, suffit de s’entraîner…
Et je suis pas spécialement drôle… ou alors c’est à mes dépends et c’est moins sympa pour moi ça…
Mais t’es gentil. »

C’est vrai. Il me donne jamais l’impression de le faire chier, de dépasser les bornes, de ne pas être assez… bien. Malgré tout ce qui s’est passé, tout ce qui se passe, je sais que je peux compter sur lui. C’est rare les amis comme ça. Enfin faut avouer que le bon côté avec tout ça dernièrement, c’est que ça a fait du ménage entre les personnes sur qui je peux compter et celles qui… bah qui ont foutu le camp. Darren est toujours là.

Je le regarde quand il me dit… Quoi ? Il a l’air tellement gêné. J’essaie de comprendre. Mais c’est mon ami. Enfin je veux dire, je me fais sans doute des idées, c’est vrai, il m’a sans doute dit ça comme ça, comme à une amie. Mais pourquoi est-ce qu’il a l’air tellement embarrassé ?
Je me rends compte que je dois avoir l’air aussi troublée que lui, mais j’ai besoin de savoir, parce que … parce que quoi ? parce que c’est mon ami. Parce qu’il est tout le temps présent. Parce que j’ai besoin de savoir ce qu’il voulait dire simplement. Parce que … je l’aime bien…
Et quand il me demande comment moi j’aimerais le prendre, j’ai un bug. Je cligne des yeux. Je sais pas. J’y ai jamais vraiment réfléchi. Enfin, ma vie est déjà assez compliquée dernièrement. Et comme dit, c’est un de mes seuls véritables amis. Et… Merde. Je l’aime bien. Je détourne les yeux.
Mais avant que je ne puisse vraiment réfléchir, répondre, faire quoi que ce soit, Darren me repousse à nouveau et insiste.

Je laisse tomber mes jambes à terre, lui permettant de se relever. Je m’assois et lui jette un coup d’œil. Non, c’est juste moi qui ai cru n’importe quoi. Il a juste sorti une phrase gentille comme il a l’habitude. Il cherchait juste à me remonter le moral. C’est mon ami. Alors pourquoi tout de suite, je … je me suis demandée si…
Au final, c’est moi qui ai dû le mettre mal à l’aise avec ma question. Il va s’imaginer n’importe quoi. Il m’aurait pas rembarré comme ça sinon… Pourquoi ça me blesse ?
Je prends mon sac, me lève.

« Oui, tu as raison… on ferait mieux d’y aller…
Merci de m’avoir tenu compagnie Darren. »

Je lui souris, avant de détourner les yeux. Merde. Si j’arrive même plus à être à l’aise et à le regarder en face, je suis mal barrée. Je commence à marcher, retournant malgré moi en cours, parce que non j’en avais pas trop l’intention, sans doute à débiter des banalités, plus par habitude qu’autre chose, alors qu’une seule chose tourne… Je l’aime bien… Et merde…