En m’habillant ce soir j’étais songeur, en pleine réflexion déjà si peu de temps après mon éveil en ce début de nuit. Les grandes baies vitrées de mon appartement étaient encore opaques, signe que le soleil n’était pas encore totalement couché derrière l’horizon. Lorsque le dernier rayon solaire aurait disparu elles deviendraient transparentes automatiquement. Ce système couteux me permettait de demeurer en sécurité lorsque certains de mes jeux sexuels duraient au-delà de la nuit, me libérant de la contrainte de surveiller le ciel. Mais ce qui occupait mon esprit n’avait rien à voir avec l’astre diurne. Ce soir j’avais deux vampires à punir pour suspicion de trahison. En fait il n’avait pas réellement trahi nos lois ou mes Maîtres, du moins pas par leurs actions mais par leurs paroles et cela revenait au même pour moi. Aussi allaient-ils servir d’exemple, comme un rappel que Léopold et moi étions intransigeant quant à la loyauté de chaque vampire envers nos souverains, quand bien même Augustus étaient officiellement mort au combat.

Si j’aurais pu aisément déléguer cette tâche à un officier de la Garde royale, j’avais décidé de me charger moi-même de cette expédition punitive afin que chacun sache que mon titre ne m’empêchait nullement de punir personnellement tout acte de dissidence ou de rébellion. D’autant que ce soir allait aussi servir d’avertissement plus ou moins voilé à l’un des nôtres, Joseph Albert. Si le désir de servir au mieux nos souverains imprégnait chaque vampire composant la Garde royale, soit par ferveur soit par crainte de sanctions, ce désir ne semblait pas présent chez ce vampire. Aussi avais-je décidé de remédier à cela en le rappelant à l’ordre, à ma manière. C’est donc pour cela que je l’avais « invité » à me rejoindre à Cumbernauld, une petite ville dans la banlieue de Glasgow et plus précisément près du théâtre où les deux vampires travaillaient de nuit. Afin de ne pas passer par les contrôles routiers de la PES j’optai pour faire le trajet à pied en courant à vitesse vampirique sans pour autant forcer mon allure.

Lorsque j’arrivai à destination j’envoyai un message aux deux vampires qui allaient mourir ce soir, leur donnant l’ordre de sortir derrière leur lieu de travail pour punir un vampire que je leur amenais. Autant endormir leur méfiance en les mettant à l’aise, et puis cela me permettrait d’observer Albert à l’œuvre histoire de voir ce qu’il valait. Je me dirigeai ensuite vers notre point de rencontre pour voir Albert assis sur un banc.

Suis-moi. lui dis-je en guise de salutation avant de m’avancer dans la ruelle menant à l’arrière du théâtre, où les deux vampires nous attendaient. Tous deux me saluèrent en baissant la tête et en affichant un large sourire en voyant le troisième vampire qui me suivait. Sans plus attendre je désignai de la main l’un d’entre eux et claquai des doigts. Comprenant le message immédiatement ce dernier se jeta en direction d’Albert tandis que son compagnon restait immobile. Si Albert était apte à servir au sein de la garde il saurait sortir vainqueur de ce duel, et aurait donc pour ordre d’exécuter le compagnon de son attaquant. Les explications viendraient ensuite, peut-être.

J’observais sans sourciller le combat qui se déroulait sous mes yeux observant Albert, qui avait seulement quarante ans de moins que moi, se battre contre le jeune vampire qui devait être exécuté mais qui l’ignorait fort de sa bêtise. Son compagnon était prêt de moi, craignant pour le second, geignant dans mes oreilles. Je l’ignorai totalement continuant d’observer le spectacle qui m’était offert.

Pour un tir au flanc il se débrouillait plutôt bien au combat, n’étant plus bercé par l’ivresse que connaissaient les jeunes vampires à compter sur leurs nouvelles capacités. Il fit une démonstration correcte de ses propres aptitudes. Il vint ensuite me faire face après avoir arraché la tête de son adversaire sans que le compagnon de sa victime ne bouge. Ecoutant les paroles du vainqueur du duel, je demeurai silencieux un instant avant de m’adresser à lui avec un léger sourire aux lèvres.

Alors toi et moi on ne se connait pas encore en effet, mais je vais te dire deux trois trucs pour que tu puisses rester en vie. Je ne suis pas comme cette merde que tu viens de décapiter, ni comme celle qui se trouve à côté de moi. dis-je tandis que celui dont je venais de parler suivait la discussion sans rien y comprendre. Donc tu oublies tout de suite le tutoiement si tu ne veux pas être exécuté. Ce ne sont pas nos quarante ans d’écart qui t’autorisent à te croire mon égal. Alors ton allure à la Tony Starck tu la sors à qui tu veux mais pas à moi, on verra pour ce genre de familiarité lorsque tu auras prouvé plusieurs fois ta valeur.

Maintenant tu m’exécute celui-là et vite. lui ordonnai-je en attrapant l’autre niais et en le balançant près du cadavre de son amis. Montre-moi une nouvelle fois ton talent de combattant Albert. Résous-moi cette formalité et ton avenir pourrait être un moins incertain. poursuivis-je ensuite pour conclure mes paroles.

Le but de toute ceci en plus de lui rappeler les règles était de déterminer ce dont était capable le vampire. Etait-il possible de faire de lui un élément qui sortait du lot, un homme de main compétent ? Peut-être, mais il allait falloir que je le mettre à l’épreuve à plusieurs reprise avant de statuer sur son sort. Et pour cela j’avais déjà en tête une autre tâche que l’exécution de deux jeunes vampires déviants pour lui, plus compliqué que simplement tuer quelqu’un. Mais avant cela il me fallait comprendre ce qui annihilait en lui le désir de progresser au sein de notre espèce. C’est donc en ce sens que je repris la parole après qu’il eut éliminé le second vampire.

Explique-moi une chose Albert. Quarante ans nous séparent et je suis Général de la Reine et toi simple soldat de la Garde Royale. Pourquoi ? lui demandai-je simplement.

J’écoutai sans l’interrompre le vampire, me contentant de froncer les sourcils quand ses mots m’intriguaient ou me déplaisaient. De lui-même il me parla de son existence humaine, se masturbant l’égo en me racontant son histoire. Etait-il décidément si ennuyeux en dehors des combats ? J’escomptais bien que non sinon j’en viendrais à le laisser à sa vie monotone. Lorsqu’il compara brièvement nos positions, la sienne passée et la mienne actuelle, j’arquai une nouvelle fois mes sourcils. L’admiration de ses hommes, voilà donc ce qu’il cherchait autrefois.

Il poursuivit ensuite en m’expliquant que son besoin de reconnaissance avait perduré pendant ses premières années de vampire avant de mettre fin à son zèle pour changer de comportement. A présent il avait besoin de raisons pour vivre autrement que comme un simple trouffion. Tout son discours me fit m’interroger quant à mes propres raisons qui me poussaient à vouloir évoluer plus encore au sein de notre espèce, pourquoi j’étais celui qui lui faisait face aujourd’hui. Quelle était la différence entre lui et moi ?

La réponse était simple et claire. Je n’étais pas dirigé par mon ambition, cette dernière n’existait que pour me donner les moyens de servir au mieux nos souverains. Et pour cela j’étais prêt à tout. Voici ce qui lui manquait. Mais comment faire comprendre cela à quelqu’un comme lui ? Et surtout pourquoi ? Cette dernière question n’en était pas une en définitive car j’avais déjà la réponse. Parce que chaque vampire devrait être aussi loyal que moi envers Augustus et Krystel, ils le devaient. Voici la raison de vivre de chaque nocturne. Protéger et servir. Quant à ceux qui seraient tentés de se croire en mesure d’agir autrement, seule la mort les attendait.

Ta vie doit te sembler insipide alors Albert. commençai-je d’un ton neutre et sans colère. L’existence de chacun d’entre nous n’est rien si elle n’est pas dirigée pour servir notre Reine et donc notre espèce. Je me moque éperdument d’être admiré ou non par mes subordonnés. La seule chose qui compte c’est qu’ils me servent avec autant de ferveur que je sers Krystel, et Augustus lorsqu’il était encore en vie. Il n’y a qu’une seule raison qui doit te pousser à servir notre Souveraine : l’envie de vivre.

Celui qui ne sert pas Krystel, et à travers elle notre espèce, celui-là ne mérite pas de vivre. Oui ta nature de vampire place à ta portée le sang, le sexe et l’argent mais qu’est-ce que tout cela sinon une récompense, un confort ? Si tu te contentes de nourrir tes appétits, alors pourquoi te lèves-tu chaque nuit ? Pourquoi avoir tué ces deux raclures en faisant le beau ? Si tu avais simplement désiré accomplir ta mission sans zèle, tu les aurais éliminés en un instant sans faire le paon. Ton égo a survécu à ton humanité Albert, et malgré ton discours tu es resté le même. dis-je avant de faire une courte pause.

L’ambition mue par le désir de reconnaissance, par le désir d’être admiré ou encore de marquer l’Histoire de son nom n’est rien et puérile en effet. Cette ambition causerait ta perte. Qu’importe que notre nom nous survive, tel n’est pas le but de notre existence. Lorsque tu auras compris que ton ambition doit être un outil et non pas la finalité de tes actions. Ce jour où tu trouveras la foi en notre Reine, où ta loyauté et ton engagement seront tes raisons, alors ce jour-là tu seras un véritable vampire.
En attendant tu ne vaux pas mieux qu’eux. dis-je en désignant du regard les deux tas de cendres qu’étaient il y a peu les deux autres vampires. Aussi pour l’heure je doute de ta valeur autant que de l’utilité de ton existence Albert. Crois-tu que notre espèce as besoin de soldats à l’esprit stérile ? Nous vivons pour protéger Krystel notre Reine, mais es-tu digne d’être un soldat de la Garde Royale ? A moins que tu ne sois resté en vérité qu’un humain…

Si je le soulais avec mes discours il ne pouvait mieux l’exprimer qu’en insistant une seconde fois pour évoquer la mission suivante qu’il pressentait sans pour autant en connaitre la teneur. Ses belles paroles pourraient embobiner un autre mais pas moi. J’avais beau avoir une certaine estime de moi-même et de mes capacités, toutefois je doutais pouvoir convaincre quelqu’un en si peu de temps aussi ne me laisserai-je pas bercer par ses paroles. Il voulait me faire croire que je l’avais convaincu ? Et bien soit, alors j’allai le prendre au mot, nul doute que cela n’allait pas forcément lui plaire mais je n’en avais cure. J’allai lui faire comprendre, je l’espérais, qu’il ne fallait pas me prendre pour un niais parce que nous avions pratiquement le même âge.

Tu sembles avoir compris mes paroles Albert, et pour cela je vais te récompenser. commençai-je en affichant un sourire, comme s’il m’avait véritablement convaincu. Tu es dès à présent nommé sous-officier de la Garde Royale. déclarai-je avant de laisser planer un silence conséquent, le temps qu’il prenne la mesure de ce qui venait de se passer. J’étais curieux de voir la réaction qu’il allait avoir mais en même temps une question me vint à l’esprit. Allait-il être surpris ou tout ceci faisait en réalité partie d’un plan pour monter au sein de notre hiérarchie ?

A présent que te voilà promu, voici ta première mission en tant que sous-officier. Surveille les soldats de la Garde royale et au moindre signe de rébellion, de sédition ou de non-respect des lois édictées par notre Reine, tu m’informes et puis quand je le décide, tu exécutes. dis-je sans élever la voix au nouveau sous-off. S’il menait à bien cette mission pendant un temps, cela me permettrait de pouvoir l’observer davantage à l’œuvre. Je ne suis pas naïf au point de croire t’avoir convaincu par mon discours.

Ta survie. Voici la raison, faute de mieux, qui doit te pousser à suivre mes ordres et nos lois Albert. C’est là la seule que je peux t’offrir car ce n’est pas à moi de t’en fournir une autre. A toi de trouver ce qui te poussera à servir loyalement nos Maîtres, à mes ordres ou à celui du Prince d’Aubusson. Qu'importe qui tu sers Albert, car au final tes actions ne doivent servir que Krystel. Néanmoins quelle que soit la motivation qui te poussera, n’emprunte jamais le chemin de la dissidence. Ou tu mourras. poursuivis-je avant de conclure mes paroles.

Des questions ?

Aucune réaction flagrante de sa part, peur, prudence ou intelligence ? Quelle que soit la raison de sa brève réponse je n’en avais rien à faire. Avait-il perçu la raison de sa promotion ? Probable. Avait-il deviné mes intentions ? Peu de chance. Se doutait-il de ce qui l’attendait ? Impossible. A voir s’il devait rester ignorant ou si j’avais un intérêt à ce qu’il progresse encore au sein de notre espèce. Pour l’heure j’allais le laisser à son sort et le surveiller, par mes yeux et mes oreilles mais aussi par d’autres. Après avoir congédié le vampire promu je le laissai à ses affaires, pour le moment il n’y avait rien d’autre à faire avec lui pour le moment, aussi me glissai-je dans l’ombre pour m’éloigner de la banlieue de Glasgow et reprendre ma course vers la capitale.

En chemin je m’arrêtai à la Pomme du Diable pour aller saluer Jana, ma nouvelle alliée et future épouse si tout se passait bien. Mais avant cela il me fallait rassurer Krystel quant à ma loyauté et mes compétences, quitte à me montrer encore plus dur qu’en temps normal. Je ne voulais pas qu’elle mette son veto à notre union, ni qu’elle ne croit que mon objectif est de prendre place au sein de la famille royale pour prendre le pouvoir. Je veux y entrer pour atteindre le dernier titre qu’il m’est possible d’atteindre, et ainsi m’assurer une certaine sécurité pour les siècles à venir au service de mes Maîtres.

En attendant ce moment je devais poursuivre mon travail et m’assurer de me maintenir à mon poste de général. Ce qu’il fallait savoir de Krystel c’était qu’aucune place n’était acquise, aussi aucun relâchement ne pouvait être permis. D’autant que la Reine m’a informé que « Sa Mort » allait me surveiller. Il n’y avait qu’une personne qu’elle pouvait appeler ainsi, une seule pour qui ce nom était à la hauteur de ses compétences et de sa réputation. Badenov. Ce pouvait-il que sa mort ne soit qu’une mascarade ? Cela ne serait guère surprenant venant de lui, encore moins de la Reine. Tout ceci n’était qu’hypothèses et déductions néanmoins cela allait rester dans mon esprit, du moins jusqu’à ce que ce dernier se manifeste d’une manière ou d’une autre, s’il se manifestait.

En arrivant sur Glasgow je décidai de ne pas rentrer directement chez moi mais de faire un détour pour me renseigner auprès d’un contact proche des autorités afin de me renseigner au sujet d’un agent de Scotland Yard, James Carter. C’est cet homme qui enquête sur Shane, ou plutôt sur la mort de l’un de ses concurrents dans le transport du Tru-Blood. Je sais qu’elle applique ce que je lui ai appris et qu’elle n’a semé aucune trace derrière elle, cependant je dois m’assurer qu’il ne se montrera pas trop entreprenant avec ma Pomme.

Une fois ces informations en poche je rentrai finalement en ma demeure pour retrouver Shane et elle aussi la reprendre. Il semblerait que les Années Sanglantes n’aient pas eu un impact positif sur tous les aspects de ma vie et de mon entourage. J’avais à traiter de certains sujets désagréables avec elle et nul doute que cela n’allait pas être des plus agréables.