Aujourd’hui allait être une bonne journée, pour la luciole. Elle avait passé la nuit dans la forêt, isolée et cela lui avait permis de décompresser de toute la tension qu’elle s’infligeait. De la peur qui l’assaillait dès qu’elle se rendait au lycée, ce qu’elle avait fait dernièrement plusieurs fois. De sa rencontre avec cet Alan, ce loup étrange, d’Ashleigh qui l’avait appelée par son prénom, son vrai prénom, d’Alois qu’elle voyait trop souvent et avait envie de faire fuir… Oui, elle avait choisi de faire fi de tout ça, et décidé qu’elle passerait une bonne journée, ni plus ni moins.

C’est pourquoi elle s’était rendue, avec en poche de l’argent obtenu suite à la revente de l’objet d’un de ses larcins, vers West end, cette fin de matinée là. Flâner, faire du shopping… Des occupations normales, de lycéenne normale, qui n’était ni en fuite des services sociaux et de sa famille d’accueil, ni ne se transformait en animal tout en se croyant une dangereuse tueuse sanguinaire contrôlée par les pulsions du dit animal, ni une voleuse à ses heures perdues qui dormait soit chez les cibles de ses larcins soit dans la forêt.

Elle n’avait appris à se détendre en faisant du lèche vitrine qu’en compagnie des Lindon, qui avait essayé de l’apprivoiser et de lui faire découvrir les petits plaisirs de la vie. Elle s’efforça de chasser cette pensée peu réjouissante… Elle vivait encore très mal leur disparition, et ce qu’elle suspectait être leur mort. Elle s’arrêta un instant, s’enjoignant à respirer doucement pour chasser les larmes qui venaient dans ses yeux, posant simultanément son casque sur les oreilles et lançant sa musique, pour se couper du monde extérieur et profiter de ce moment de nostalgie en tête à tête avec elle-même. Perdue dans ses pensées, ne regardant même pas réellement ce qui se passait autour d’elle, elle se fit bousculer, saisir brusquement par le poignet et entrainer à l’écart brutalement.

Son casque fut arraché et jeté à terre, alors qu’elle se faisait plaquer contre le mur. Elle n’eut que le loisir de voir le visage de la personne qui l’avait agressée. Alois. Elle trembla de tout son corps, autant de peur que de sentir la tigresse en elle qui voulait régler son compte à la femme en face d’elle. Elle sentait qu’elle allait difficilement se contrôler, et elle ne voulait pas agir de façon à le regretter. Pourquoi elle subissait ça ? Pour ne la laissait-on pas tranquille ?

« Alors, petite catin, on fait moins la fière ? Tu te sentais forte, chez nous, quand tu t’es transformée en tigre et que tu m’as assommée ? J’aurai aussi bien pu mourir, que tu n’en aurais eu rien à foutre ! Salope ! Et maintenant, maintenant… Tu es à ma merci ! Tu n’oseras pas prendre cette apparence, en plein milieu de la ville, hein ? »

Alexis était coite, refusait de répondre, de s’engager dans la provocation. Faire un seul pas dans cette direction équivalait à s’engouffrer sans retour possible dans la brèche de la violence, dans la folie comme sa mère avant elle. De peut-être céder à commettre un meurtre. Elle ne pouvait pas. Et elle était terrorisée. D’elle, et d’Alois.

« Ah tu ne parles plus, hein ? Tu fais moins la maline. Ca se trouve, tu aurais voulu me tuer, avoue le ! C’est tout ce que tu cherchais ! Tu pensais que j’étais la moins que rien qui ne méritait pas ton corps et tes baisers ? Je suis sûre que tu les offres au premier venu ! »

Elle s’approcha d’elle, ses mains cherchant déjà à détacher sa chemise pour lui enlever, un sourire triomphant sur le visage. Alexis était sans défense, paralysée, incapable de faire quoi que ce soit.

« Tu es à moi, maintenant. Je t’aurai, et il n’y aura rien ni personne pour l’empêcher. Personne ne passe jamais ici. »

Marchant derrière un badaud afin de rester dissimulé à ses yeux, je ne lâchais pas ma cible du regard. Cela faisait à peu près une heure que je suivais cette petite frappe, un humain qui s’amusait de temps en temps à provoquer vampires ou lycans en taguant certains bâtiments proches de leurs structures symboliques tels que la Lune Bleue ou la Pomme du Diable. Il faut que j’arrête ce con avant que les vampires ou les lycans ne se mettent à sa recherche pour lui faire la peau. Personnellement ça ne me gênerait pas mais chaque démon capturé est un de moins susceptible d’appartenir au groupe de Watheerey.

Evoluant autant que possible parmi la foule grouillante du métro, je suivais tant bien que mal le semi-démon qui ne semblait pas m’avoir découvert pour le moment. Ma filature me fit prendre plusieurs rames, quelques changements de stations pour au final arriver au milieu des boutiques du West-End. Là encore les passants me permettaient de rester caché, bien que la foule soit bien moins dense que dans le métro. Par contre je pouvais mieux respirer malgré le temps de merde, froid et neige, dont était la cible Edimbourg, tout comme Glasgow. Les observations des experts nous amènent à considérer que cela est un cadeau de Watheerey et de son groupe. Maudis démons.

Alors que je poursuivais ma traque en me planquant derrière une vieille, quelque chose attira mon regard sur le côté. Une nana sortit du flux des passants pour arracher le casque d’une ado qui ne l’avait pas vu et la dirigea vers un coin un peu isolé.

* Putain de merde.* pensai-je en jetant un regard à ma cible qui s’éloignait peu à peu de mon champ de vision. Le semi-démon allait me filer entre les doigts, mais d’un autre côté laisser une gamine se faire agresser me dérangeait. Autant laisser un adulte se faire emmerder pouvait ne pas me toucher, mais lorsqu’il s’agissait d’une môme cela me ramenait au souvenir de celle que j’avais tué moi-même à une époque.

*Fais chier !*

Je laissai ma cible dans son ignorance d’avoir été suivie et me dirigeait vers le coin isolé où l’agresseuse avait emmené sa victime, prêt à sortir mon flingue si besoin.

Alors, petite catin, on fait moins la fière ? Tu te sentais forte, chez nous, quand tu t’es transformée en tigre et que tu m’as assommée ? J’aurai aussi bien pu mourir, que tu n’en aurais eu rien à foutre ! Salope ! Et maintenant, maintenant… Tu es à ma merci ! Tu n’oseras pas prendre cette apparence, en plein milieu de la ville, hein ? Pus-je entendre en arrivant au coin du mur contre laquelle la victime était pressée. De quoi parlait-elle ?

Attendre pour en apprendre plus ou porter secours à la gamine ? Je n’eus pas à réfléchir bien longtemps et me présentai à elles, pointant mon flingue en direction de celle qui cherchait semble-t-il à violer sa victime.

Brigade PES. Tu bouges, j’te butes. lui dis-je avant de m’adresser à l’adolescente.

Viens derrière moi, je vais m’occuper d’elle. dis-je à la victime en lui faisant signe de ma main gauche tandis que ma main droite tenait toujours mon arme en direction de l’autre. Lorsque l’ado serait derrière moi en sécurité, j’appréhenderai son agresseuse et appellerai des agents pour la récupérer. Si elle bougeai je n’hésiterais pas à faire feu, pour blesser ou tuer en fonction de son attitude.

La surprise était de mise, ce jour là, pour Alexis, visiblement. Et pas la bonne surprise, comme une fête inattendue d’anniversaire, une visite imprévue de quelqu’un que l’on appréciait, recevoir une lettre que l’on n’attendait pas… Non, Alois était de la surprise indésirable, comme de dormir dans un lit plein de poil à gratter, de mettre du sucre au lieu du sel dans son couscous, de tomber devant tout le lycée… Alois était de la surprise brutale, que l’on n’aurait pas souhaité à son pire ennemi… Trop concentrée sur sa tentative de profiter de sa journée malgré le temps peu engageant qui ne poussait pas à rester à l’extérieur, elle n’avait rien saisi de ce qui se passait autour d’elle.

Il avait été incroyablement facile à Alois de l’isoler, alors qu’elle ne prêtait absolument pas attention à ce qui l’entourait. Elle en avait profité pour se faciliter la tâche, dans l’optique de prendre sa revanche sur Alexis, et par l’agresser en plein milieu d’une foule totalement indifférente. Ne dit-on pas que les crimes le mieux dissimulés sont ceux faits en plein lumière ?

Elle ne protesta donc pas, prise de cours. Elle voyait les dés jetés, son sort scellé. Elle était résignée, ça l’insupportait, mais elle n’arrivait pas à dépasser la crainte qu’Alois lui apportait. Elle était prête à laisser sa fausse sœur l’achever. Que pouvait-elle faire de plus, de toute façon ? Alois avait entièrement raison, elle ne pouvait se transformer, pas là, pas devant tout le monde – elle ne pouvait risquer ça. Quoi que…

Si elle avait été plus prompte à la réflexion, elle aurait tout simplement pu se transformer en luciole, et s’évaporer. Alois n’en aurait rien dit, de crainte d’avoir à expliquer aux gens ce qu’elle faisait dans cette ruelle. Si Alexis pouvait être une piètre menteuse, Alois l’était encore davantage, et elle ne s’en serait pas tiré. Mais malheureusement – ou heureusement ? – pour elle, quelqu’un se pointa et prit les devants.

Le soulagement fit place au désenchantement, quand elle entendit le nom de la PES. Et les paroles de Charlie lui revinrent aussitôt en mémoire. La PES ? Ceux à qui elle aurait pu vendre les métamorphes, parce qu’Alois allait leur balancer la vérité ? Charlie était-elle une prophète ? Alexis n’avait pas été éduquée réellement religieusement, mais un peu, et elle croyait bien involontairement en Dieu. Et donc en les prophètes. Est-ce que c’était seulement possible ?

Elle avait peur, incroyablement peur que oui. Elle devait faire passer Alois pour folle. Elle n’avait pas d’autres solutions. Ou… s’en débarrasser. Demander à Charlie de s’en débarrasser… Elle pouvait gérer sa peur, se cacher, se débrouiller pour ne pas se faire rattraper par les services sociaux mais… Mettre Roxie en danger ? Mettre les autres qu’elle ne connaissait pas en danger ? Non, elle pouvait pas. Elle devait demander l’aide de Charlie.

Elle acquiesça lentement aux propos de l’homme, qui lui faisait incroyablement peur, et le contourner pour aller derrière lui. Sans quitter des yeux l’arme, qui la terrifiait. Elle préférait être derrière que devant, mais elle ne supportait pas très bien qu’Alois soit menacée par elle, même si elle la haïssait de tout son cœur. Elle sortit son portable, et écrivit un texto en vitesse, à Charlie. Elle avait besoin de son aide. Et de cela de Roxie, mais elle ne pouvait pas la contacter.

Une fois cela fait, sans vérifier le message qu’elle avait tapé sans regarder, elle se concentra sur la situation, et sur les mots à employer pour faire en sorte que l’homme ne devine rien. Même si elle mentait mal quand il s’agissait de choses mineures, elle saisissait entièrement l’ampleur des dégâts si elle n’arrivait pas à convaincre l’homme des mensonges d’Alois, et elle savait qu’elle ne pouvait pas donner l’impression d’hésiter. Prenant une grande inspiration, elle se lança dans sa tirade.

« Elle est folle, monsieur, je vous jure. Je la connais, je… j’étais en famille d’accueil avec elle. Ils la battaient. Ils doivent encore la battre. J’ai fui quand elle a voulu me battre. J’ai rien dit à personne, sauf à mon frère. Il sait tout, il vous confirmera ce que je dis. Elle a halluciné. C’est la deuxième fois qu’elle essaye de me faire… ça, et… Elle se drogue. Elle a des hallucinations. Comme si les gens se transformaient en tigres… Elle me fait peur, monsieur. »

Alexis était tellement chétive qu’elle s’attirait en général spontanément la sympathie des gens. Et elle ne mentait pas. Ou presque. Alois se droguait vraiment, et il ne serait pas difficile de le démontrer – pas plus que les hallucinations qui allaient de pair. Pourvu que cela suffise…

La gamine me contourna et vint se planter dans mon dos, apparemment effrayée. Pour ma part je tenais toujours en joue celle qui avait essayé d’aller au-delà de la simple agression, m’avançant vers elle en sortant une paire de menottes. C’est à ce moment que la victime se mit à parler derrière moi, sans pour autant que cela n’arrête ma démarche. Ses paroles étaient saccadées mais pas insensées, même si sa dernière phrase me fit sourire. Certains se transforment en loups, on a vu un mec se transformer en cheval – attribuée à une illusion de démon – alors pourquoi pas se transformer en tigre après tout.

Calme-toi. Tu as quel âge ? Et tu t’appelles comment ? lui demandai-je tout en passant les menottes à l’autre gamine qui se débattait et commençait à gueuler.

Ta gueule la catin ! Essaye pas de me la mettre à l’envers ! C’est une putain de mutante m’sieur, et une garce de première ! Il faut pas la croire, c’est une habitude de mentir chez elle. Bousculez-la un peu et vous verrez qu’elle se transformera cette p*te ! Il faut me croire, j’suis pas une putain de camée ! J’vous jure !

Elle avait beau beugler comme une truie cela ne m’empêcherai pas de la coffrer pour avoir agressé l’autre môme. La maintenant fermement d’une main assurée, je sortis mon portable et appelai non pas la Brigade mais la police. Il ne semblait pas s’agir là de créatures surnaturelles aussi cela ne relevait pas de nos compétences. Je récitai un rapide extrait de texte sacré afin de m’assurer qu’aucune des deux gamines n’étaient une semi-démone et répondis au téléphone lorsque je tombai enfin sur un flic.

Commandant Mc Borough, j’ai une agression dans le West End, rue X. J’ai interpellé l’agresseur, venez la récupérer au plus vite. dis-je avant de raccrocher alors qu’une bourrasque de vent glacial vint me chatouiller les oreilles. Même auprès de la police mon nom me permettait d’être écouté sans pour autant avoir un quelconque réelle pouvoir à leur encontre, juste avoir un certain crédit pour certaines requêtes.

Tu as quelqu’un qui peut venir te récupérer ? demandai-je à la victime de la menottée. C’est quoi cette histoire de tigre ou de transformation ? Tu es une lycan toi aussi ? lui demandai-je, ayant encore à l’esprit ma récente rencontre avec cette louve que j’avais affronté au cours des Années Sanglantes.

La rapidité avec laquelle il avait sorti son arme, puis ses menottes, sans une hésitation pour embarquer Alois – qui était encore jeune, si probablement plus mineure depuis moins d’un an - mettait Alexis très mal à l’aise. Tant de sang froid, et pas le moindre frein face à l’idée d’embarquer quelqu’un… Et si… Et si… Si il lui faisait ça, à elle ? S’il voulait la coffrer ? Son cœur s’emballa, sa panique augmenta. Heureusement, elle était déjà en état de choc, et tout pouvait être imputé à l’agression qu’elle avait manqué de subir. Elle s’efforça à calmer sa respiration, alors qu’il lui demandait des questions. Son âge. Ça c’était pas grave. Mais son nom… Et s’il… Et s’il la ramenait aux services sociaux ? Si elle était replacée dans une famille ? Pire, chez Alois ? Devait-elle mentir ? Mais… Il s’en rendrait compte. Elle pouvait pas mentir deux fois. Pas sur deux choses. Elle se trahirait.

« Al… Alexis mo… mosieur. J’ai 17 ans. »

Elle ne mentait pas. Pas vraiment. Elle omettait involontairement son nom de famille, voilà tout. L’adolescente écarquilla les yeux, en l’entendant proférer un texte étrange, qui ressemblait étrangement à tous les textes que ses grands-parents lui lisaient pour la purifier quand elle était enfant, pour sortir le démon de son corps. Etait-il fou ? Elle aurait peut-être été mieux s’il ne s’était jamais approché… Peut-être qu’il allait lui faire du mal. Mais en attendant, il cherchait à la protéger contre Alois… Alors peut-être, peut-être, ne lui voudrait-il pas de mal. S’il n’essayait pas d’avoir des informations sur elle…

Elle soupira de soulagement, en entendant qu’il appelait la police normale pour embarquer Alois, et non pas elle ne savait qui pour les torturer et les questionner dans une salle obscure et nauséabonde où personne ne pourrait les trouver, dans l’optique d’obtenir des informations sur elle, ou sur les autres métamorphes. Mais il n’allait pas lâcher l’affaire, si ? Roxane, Camille, Alan… Elle allait tous les mettre en danger. Et tous les autres qu’elle ne connaissait pas aussi. Elle aurait préféré qu’Alois l’ait tuée, en cet instant, plutôt que de devoir parler…

« Mon frère travaille et… mes parents sont en voyage. Loin. »

Ca n’était pas tout à fait faux… Son frère travaillait, et ses parents avaient disparu, mais elles les savaient maintenant normalement, peut-être, en vie. A Wolfheaven. Peut-être des loups pour de vrai. Peut-être pas mort. Elle toussa légèrement, mal à l’aise, la sensation d’inconfort exacerbée par le mensonge altérant sa respiration. Et le pire était pourtant à venir…

La surprise la prit. Il la prenait pour une louve ? Il était de la brigade qui enquêtait sur les créatures surnaturelles, il connaissait forcément l’existence des loups mais… Se pouvait-il qu’il puisse croire qu’elle en était ? Devait-elle essayer ? Pour… protéger les métamorphes, elle devait. Camille avait été très gentil. Roxie… C’était Roxie, sans elle, elle ne s’en sortirait pas. Est-ce que Charlie pourrait l’aider à être une louve parfaite ? Et Alan ? Il lui avait fait peur, mais peut-être qu’il pourrait ? Non ?

« Je sais pas, pour le tigre… Elle fabule. Je… Oui je suis une louve. Je me suis transformée sans faire exprès quand elle a voulu m’embrasser et aller plus loin, la première fois, dans notre famille d’accueil en leur absence, et elle est tombée et elle s’est assommée… J’ai, j’avais, une peluche tigre, elle a peut-être halluciné. Je vous jure que je voulais pas mais j’avais peur. »

Sa respiration avait encore diminué, et elle avait prit une légère teinte écarlate, honteuse. Honteuse de mentir, bien que cela puisse passer pour la honte de l’avoir assommée.

La gamine semblait apeurée, alors que celle qui était menottée continuait à vociférer et à jurer. Sans plus porter d’attention sur à cette dernière, j’écoutais la plus jeune me répondre. Elle était mineure, il faudrait donc faire appel aux services sociaux. En attendant il me fallait la faire parler afin qu’elle me livre un maximum d’informations à son sujet, volontaire ou non peu importait. Et question infos je fus servit. Mais cela était surprenant une louve mineure, seule et qui se serait laissé faire face à une agression. Les loups n’étaient pas connu pour le capacité à garder le calme face au danger, d’autant plus lorsqu’un humain parvenait à les surprendre et à les acculer. Il me fallait éclaircir tout ça.

Une louve ? Dans ce cas ça change pas mal de chose. Je vais devoir t’emmener à la Brigade pour voir si tu t’es fait recenser comme vous l’impose le traité de paix du 1er mai. Ensuite je vais contacter un représentant de ton espèce pour qu’il t’identifie et l’on effectuera quelques analyses selon les procédures en vigueur. lui dis-je dans un premier temps, autant pour l’informer de ce qui allait suivre que pour la pousser à parler davantage.

Cet épisode du tigre ça s’est passé il y a combien de temps ? lui demandai-je afin de déterminer l’âge qu’elle avait à ce moment-ci, ou du moins était censée avoir. Je ne pouvais pas vérifier sa nature de la même manière que l’autre louve rencontrée il y a peu, mais je pouvais toujours essayer de la faire se contredire si elle mentait.

Il me faut le nom de ta famille d’accueil aussi, histoire que je les interroge au sujet de l’autre, c’est quoi son nom déjà s’il te plait ? lui demandai-je encore. Prétendre entrer en contact avec pourrait l’amener à s’inquiéter qu’ils me révèlent la vérité quant à sa nature, du moins en partant du principe qu’elle mentait bien sûr.

Qui dois-je appeler à Wolfheaven pour appuyer tes dires ? Vu que tu es mineure tu dois avoir un représentant légal au sein de la meute je suppose non ? Il me faut un nom et un téléphone pour convocation. lui indiquai-je encore avant de me taire enfin un instant, reposant mon regard sur ma captive alors qu’une voiture de la police écossaise vint se garer au bout de la ruelle où nous nous trouvions.

Bonjour messieurs, dis-je aux agents avant de leur livrer la jeune fille. tentative d’agression en vue de commettre un viol, possible consommation de stupéfiants. Je vous laisse vous en charger, tenez-moi informé de son dossier. Au revoir. dis-je encore avant qu’ils n’embarquent l’agresseuse et que je me retrouve seul avec sa victime. Je ne comptais pas rester ici avec une mineure, d’autant plus une supposée louve, aussi repris-je la parole pour m’adresser à elle.

Suis-moi, on va au QG de la PES.

Alexis essayait de se concentrer sur Alois. Se dire qu’il y avait au moins ça de bon. Elle aurait peur, et peut-être, alors, elle la laisserait tranquille. Elle avait jamais été embarquée, de ce qu’Alexis en ait su… Si ça avait été le cas, ils l’auraient placée en foyer et ne l’auraient pas laissée en famille d’accueil, si ? La luciole n’espérait pas pour autant que ça lui arriverait : elle n’y était restée que très peu, le temps qu’on lui trouve une famille pour l’accueillir quand elle avait treize ans, mais elle en gardait un très mauvais souvenir. Elle n’aimait pas qu’Alois essaye encore de dire qu’elle s’était transformée en tigresse et non pas en louve, mais ça lui déplaisait moins que ce qui suivait de la part de l’agent de la PES. Elle grimaça, bien involontairement, et si ça avait été possible, ses traits auraient laissé voir encore davantage la peur. Elle baissa la tête, et acquiesça, peu rassurée et grimaçant.

« D’accord, je vous suis, monsieur. »

Que pouvait-elle dire d’autre ? Se rebeller ? Ca n’aurait fait que lui attirer davantage d’ennuis, et l’aurait peut-être même mise dans une très mauvaise situation. Et de toute façon, elle n’avait pas le choix. Comment lui aurait-elle échappé ? Elle courrait vite, mais il l’aurait maitrisée en moins de deux, et elle ne pouvait décemment pas se transformer en louve. A moins que… A moins qu’on ne le lui apprenne. Elle pourrait demander, peut-être. Elle devait demander. Elle devait apprendre. Elle avait plus le choix, si elle se faisait passer pour telle.

« Y’a… six mois, monsieur. Pourquoi voulait il savoir ? En quoi ça pouvait être important ? Qu’est-ce qu’il allait faire de cette information ? A cette époque, ça faisait un an quasiment qu’elle était chez les Cameron. Il voulait voir si elle mentait pas ? C’était les vacances, à ce moment là. Rien de surprenant qu’Alois et elle aient été seules chez elle, pendant que leurs ‘parents’ travaillaient. Je… Vous en avez vraiment besoin ? Je… Je veux pas retourner chez eux. Je veux pas qu’ils me battent, ni qu’elle… Ni être à sa merci. S’il vous plait. »

Elle était horrifiée à cette idée, sa voix tremblait, elle était presque à deux doigts de tomber parce que toute force l’avait quittée et que ses jambes la trahissaient. Il n’y aurait rien de plus horrible pour elle, que de retourner chez eux. Si les gens étaient normalement majeurs à seize ans en Ecosse, elle ne l’était pas parce que les services sociaux l’avaient déclarée trop instable pour ça, et avait décidé qu’elle devait être placée jusqu’à ses dix-huit ans, maximum légal jusqu’auquel ils pouvaient la garder. Ils étaient contraints après cela de la laisser agir à sa guise.

« Je vous dirai tout ce que vous voulez, mais je vous en supplie, les appelez pas. Ou leur parlez pas de moi. Je veux pas. S’il vous plait. Ou lui dire tout ce qu’elle pouvait lui dire, en transformant un peu la vérité. Un peu. Pas trop. Charlie McAllister, monsieur. C’est ma référence chez les loups. Celui qui m’a transformée est mort. Tenez son numéro. »

Je lui montrais son numéro dans mes contacts, pendant qu’Alois était embarquée. « D’accord, je vous suis. » Elle se répétait, mais elle n’avait rien d’autre à dire. Elle ne voulait pas y aller, mais elle ne pouvait pas faire semblant maintenant qu’elle était humaine, c’était trop tard.

Spoiler:

La gamine marchant à côté de moi, je nous fis prendre la direction de ma bagnole pour rejoindre le QG. Je ne pouvais pas tester sa version en sortant mon couteau à lame d’argent et voir sa réaction étant donné qu’elle était mineure. Il me fallait donc me la trimbaler jusqu’à Edimbourg dans nos locaux afin d’effectuer le test standard. Pendant que nous marchions elle répondit à mes questions sans conviction, il ne fallait pas être une tête pour voir qu’elle se chiait dessus. C’était plutôt une bonne chose pour moi, elle ferait peut-être ainsi une erreur si elle me mentait.

Pas la peine de te mettre à chialer, je suis habitué à ça lors des interpellations. Me raconte pas de connerie et je réfléchirai si je les appelle ou non. lui dis-je durement. A ce que je pouvais estimer elle n’avait pas l’arrogance propre aux lycans, il n’y avait qu’à voir comment elle flippait. Alors autant continuer dans ce sens si cela la rendait plus bavarde.

Charlie hein ? Pourquoi tu me files son numéro s’il est mort ? lui demandai-je un peu moins brusquement tout en notant tout de même mentalement le numéro en question, pour vérification ultérieure par nos services informatiques. Tu ne dois pas avoir qu’un seul contact parmi la meute, je me trompes ? Tu connais O’More alors et le nom de sa petite famille? lui demandai-je en utilisant les quelques informations que j’avais sur les lycans.

Arrivé à ma caisse je l’y fis monter avant de m’installer derrière le volant et de passer un appel au QG. Je me trimballais quand même avec une gosse, c’est pour cela que je ne voulais prendre aucun risque qu’elle m’accuse de quoi que ce soit aussi avais-je décidé de suivre le protocole.

Allô central, ici Mc Borough. Je ramène avec ma bagnole une mineure pour témoignage et vérification d’identité poussée. dis-je avant de raccrocher et de lancer le moteur. Je m’allumai une clope après avoir baissé ma vitre, pour la gamine, et lançai ma voiture sur la route. Le trajet se fit sans parole, uniquement avec Pink Floyd en fond sonore. J’aimais cette musique, elle avait quelque chose d’apaisant qui me permettait de ne pas entendre les fantômes du passé l’espace d’un instant. Une fois dans nos locaux je passai par l’accueil pour la faire enregistrer puis l’amenai vers une salle d’interrogatoire vide avant de reprendre la parole.

T’as soif ? ou faim ? On a des distributeurs si tu veux je peux te filer un truc. lui demandai-je d’abord avant de reprendre sur le sujet qui m’intéressait. Mis à part ta famille d’accueil, tu n’as pas quelqu’un que je pourrais appeler à leur place pour confirmer ce que tu m’as dit ? On la joue à gagnant-gagnant. Toi tu ne repars pas chez tes tortionnaires et moi j’ai mes infos. lui proposai-je sans détour.

Spoiler: