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« Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]
MessageSujet: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyVen 19 Juil - 23:35




« Une petite sincérité... »



« Chérie ?! C’est moi ! »

Ma voix résonna dans l’appartement, sans réponse. En même temps, de qui pouvais-je bien attendre une réponse, étant donné que Kate rentrait dans une heure normalement ? De personne, bien sûr. C’était juste un réflexe, au-cas-où. Sitôt le pas de la porte franchi, je sentis mes muscles se détendre, et je desserrai ma cravate, déboutonnai le haut de ma chemise, et relevai mes manches. C’était mon petit rituel lorsque je rentrai chez moi pour vraiment passer du mode « boulot » au mode « détente ». Pour finir, j’enlevai mes chaussures avant de m’étirer soigneusement. Je passai dans le salon où j’allumai machinalement la chaîne HIFI pour faire du bruit, et où je fis tomber mon sac, avant d’ouvrir toutes les portes entre mon bureau et le salon. C’était pratique, ces portes qui étaient encastrées dans le mur, puisque lorsqu’elles étaient ouvertes, ça donnait une impression de continuité et d’espace. Arrivé dans mon bureau, je posai ma cravate et ma veste avant d’allumer mon ordinateur. Des réflexes que l’on pouvait trouver légèrement geek, entre la chaîne et le PC, mais qui faisaient parties de mes petites habitudes. Mes yeux dérivèrent vers l’horloge la plus proche, et dans un bâillement, je n’avais qu’une envie : dormir, je décryptai un 18:00 tout rond. Bon, j’avais au moins une heure d’avance avant que ma femme ne rentre. Les journées me semblaient longues parfois… très longues. Je le laissai tomber sur le canapé après avoir attrapé le livre que j’étais en train de lire.

Une page. Deux. Dix. Je n’avançais pas. L’horloge non plus, d’ailleurs, puisqu’elle était encore en train de traîner lamentablement son aiguille. Non, je n’étais pas en train de m’ennuyer. Absolument pas. Je ne savais juste pas quoi faire, parce qu’il me manquait des données pour avancer dans mes recherches sur le sang des métamorphes et le caractère héréditaire mais non transmissible de notre particularité. Il m’aurait fallu un labo, des outils plus précis que mon vieux microscope, d’autres cerveaux que le mien, un peu plus d’aide financière… bref, j’avais presque atteint les limites. Et de ce fait, je m’ennuyais. Mes yeux se fermaient tout seul, alors que je dégageais la table basse pour y poser mes pieds, profitant de l’absence de Kate pour le faire. Semi allongé, je faisais tourner mon alliance autour de mon annulaire, en repensant à ma femme. Ma femme. J’avais l’impression d’être un jeune époux lorsque je pensais à Kate, pour la simple raison que… il n’y avait pas de routine. J’étais un gamin qui s’émerveillait tous les matins de se réveiller à côté de Kate Dougal. Un sourire idiot fleuri sur mes lèvres. Certains jours, comme aujourd’hui, elle me manquait tout particulièrement, et je tournais en rond dans l’appart jusqu’à ce qu’elle en franchisse la porte. Soupirant devant les minutes qui refusaient de s’égrener plus vite, je me levai, presque prêt à aller la chercher devant l’agence dont elle était la directrice, mais un coup d’œil à nouveau à ma montre me fit comprendre qu’elle devait déjà être sur le chemin du retour. Et mince. Je tentai de me replonger dans mon livre, un policier mais je m’en désintéressai rapidement. Je n’étais vraiment pas dans l’état d’esprit pour ça. Il fallait que je travaille, ou que je m’occupe suffisamment l’esprit d’une façon ou d’une autre parce que là… je ne faisais rien. J’attendais que le temps passe, et il ne passait pas, l’ahuri. Me levant pour la dixième fois, j’allai chercher le livre que Kate m’avait ramené quelques jours plus tôt, La pédagogie pour les Nuls, histoire de m’y plonger sérieusement. Lorsque je lisais ce genre de livres, autrement dit qui étaient censé me servir dans la vie de tous les jours, je prenais toujours des notes à côté, sur des feuilles blanches que je maculais de mon écriture en pattes de mouche. Je bâillai une nouvelle fois, m’installant sur le canapé, pieds posés une nouvelle fois sur la table basse, une feuille et un crayon gris posés sur l’accoudoir.

La première fois, je m’étais senti partir dans un sommeil léger, et le livre m’échappant des mains pour tomber sur mes jambes m’avait réveillé en sursaut. La seconde fois, en revanche, je ne l’avais même pas vue venir. Ce fut le cliquetis des clés dans la serrure qui me réveillèrent en sursaut. Je mis quelques secondes à comprendre où j’étais, ce qui m’arrivait, et ce qu’il se passait, plus globalement.

« Kate ? C’est toi ? »

Bon d’accord, qui est ce que ça pouvait bien être d’autre… Ca ne pouvait être qu’elle… A cette pensée, un sourire franchit mon visage et mes yeux voilés de sommeil. Je n’avais pas encore vraiment atterri, moi… Enlevant mes pieds de la table, j’attrapai le livre qui m’avait une nouvelle fois échappé, pour essayer de retrouver ma page. Page 2. Bien, bien, bien… J’allais aller loin.

« Bonne journée ? »


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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptySam 20 Juil - 16:11




« Une petite sincérité [...] »


La journée avait été longue. Édimbourg s’était épuisée dans la longue course du soleil, tardant à s’écouler, et elle s’était lentement éveillée, rayonnant aux alentours de midi, pour finalement retomber dans la quiétude que le soir lui apportait. Chaque jour était similaire et pourtant si différent. C’était comme un film qui se répétait encore et encore, déroulant sa bobine sans fin, mais revenant à intervalles réguliers sur les mêmes images, qui, si on n’y prenait garde, pouvaient paraître identiques. Mais elles ne l’étaient pas. Chaque fois, des détails différents apparaissaient, créant un univers unique, semblable aux précédents, presque pareils que les suivants, mais jamais vraiment les mêmes.

J’avais passé toute la matinée à régler des problèmes administratifs de l’agence et un mal de tête commençait à poindre dans mon crâne. Je ne pouvais malheureusement pas prendre d’aspirine, c’était contraire pour le bébé. Soupirant, je pensai alors que j’allais devoir annoncer à Alan que j’étais enceinte. Je reportais ça depuis trop longtemps maintenant. J’allais entamer ma dixième semaine de grossesse et non seulement ça allait commencer à se voir et il s’en rendrait compte facilement, mais en plus la première échographie était dans quelques jours. Je ne pouvais plus reporter, j’allais devoir lui dire. Je ne pouvais décemment pas aller à l’échographie seule. Il m’en voudrait à mort. Mais j’avais tellement peur de sa réaction. Non pas que je craignais qu’il ne veuille pas de cet enfant, mais j’avais peur à cause de sa façon d’être depuis plusieurs semaines. Il semblait être plus perdu, plus stressé et plus perturbé que jamais. Je ne savais quoi faire. J’avais pris contact avec Camille pour en discuter un peu avec lui mais nous étions tous les deux un peu dépassés par tout ça. J’avais vraiment peur qu’il fasse une bêtise…

L’après-midi avait passé un peu plus lentement que la matinée, mais elle n’avait pas pour autant été plus calme. Les clients affluaient par vagues en ce début du mois de juillet et nous avions fort à faire à l’agence pour combler toutes les demandes. Les derniers clients étaient partis sous le coup de l’horloge qui sonnait 18 heures. Je devais encore ranger mes affaires, remettre le bureau en ordre et préparer quelques dossiers pour le lendemain. Le temps de fermer l’agence et de reprendre la voiture pour rejoindre notre appartement, presque une heure était passée. La chaleur de la journée était toujours présente dans l’air mais une légère brise rafraîchissait quelque peu les corps qui se pressaient dans les rues de la ville écossaise.

Entrant dans l’immeuble familier, je pris l’ascenseur pour monter au deuxième étage, là où Alan et moi avions notre appartement depuis plusieurs années maintenant. Tout m’était commun et j’aimais le fait de me dire que j’aurais pu m’y déplacer dans le noir total. Bien sûr mes sens de métamorphe auraient été un atout majeur, mais ce n’était pas que ça… Après quelques secondes à peine, je débouchai sur le couloir et je sortis mes clés pour ouvrir la porte. Je souris en constatant qu’elle était ouverte. Alan était déjà là. C’était normal, il rentrait souvent avant moi, son horaire dépendant de ses cours, mais je ne sais pas, j’avais toujours aimé rentrer alors qu’il était déjà là. Cela me rendait heureuse de savoir qu’il était là à m’attendre. Presque immédiatement, sa voix m’accueillit et je souris à nouveau en lui répondant d’un ton rieur :

« Non c’est la voisine. Je n’ai plus de sucre, vous n’en auriez pas par hasard ? »

Je savais très bien qu’il devait m’avoir reconnue. Nous n’étions pas métamorphes pour rien. Cela était assez utile dans la vie de tous les jours. Je posai mes affaires dans l’entrée, replaçai une mèche de cheveux derrière mon oreille et jetai un coup d’œil dans le salon. Alan était affalé dans le canapé, un livre posé négligemment à côté de lui. Je le soupçonnai d’avoir enlevé ses pieds de la table basse juste avant que je n’arrive mais je ne dis rien, me contentant de m’approcher de lui, toujours en souriant. Poussant un soupir, je m’assis à côté de lui – ou plutôt je m’affalai à côté de lui – pendant qu’il m’interrogeait sur ma journée. Je l’embrassai légèrement sur les lèvres puis calai ma tête contre son épaule, épuisée par cette journée. C’était bon de se retrouver chez soi avec l’être aimé.

« Longue. Très longue. Trop longue. On n’a pas arrêté. Il y a eu des clients toute la journée. »

Je passai mon bras autour de sa taille, me retournant légèrement pour pouvoir l’enserrer plus facilement. Ma tête se nicha contre son torse et lorsque j’inspirai, son odeur parvint plus fortement qu’avant à mes narines. Si je ne gardai pas les yeux ouverts, je risquai fort de m’endormir là, tellement j’y étais bien. Je pris donc soin de les garder bien ouverts. J’avais des choses à lui dire. C’était maintenant, sinon je n’allais jamais le faire.

« Et toi, tu as passé une bonne journée ? Comment ont été tes élèves ? »



Dernière édition par Kate Dougal le Jeu 1 Aoû - 16:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptySam 20 Juil - 21:38




« Une petite sincérité... »


« Non c’est la voisine. Je n’ai plus de sucre, vous n’en auriez pas par hasard ? »

Il n’y avait aucun doute à avoir : c’était bien ma femme qui venait d’entrer dans l’appartement. Il n’y avait qu’elle pour se moquer ainsi de mes questions idiotes, sans que je ne m’en offusque. Mieux, mon sourire s’accentua, alors qu’elle débarquait dans le salon. J’entamai un mouvement pour me lever, mais elle parcourut la distance qui nous séparait en un rien de temps, se laissant tomber à côté de moi. Son odeur envahit mes sens et je fermai presque les yeux en lui demandant comment avait été sa journée. Lorsqu’elle se cala tout contre moi, je passai une main autour de son épaule, pour la serrer davantage tout contre mon torse.

« Longue. Très longue. Trop longue. On n’a pas arrêté. Il y a eu des clients toute la journée. »

Kate tout contre moi, c’était le paradis. Être un métamorphe, ça avait des avantages sans nom. Parce que j’étais sensible à tout ce qui faisait de Kate, ce qu’elle était. Son odeur, sa respiration, la couleur de ses cheveux, la douceur de sa peau… Les yeux fermés, je pouvais la reconnaître, la trouver. Sans la moindre hésitation. Je ne me sentais complet que lorsqu’elle était là, et même ma culpabilité, immense, de l’avoir trompée, même si ça n’avait été qu’une seule fois – c’était déjà bien trop – ne changeait rien. Kate était ma femme, à moi. La mienne. Et j’étais le seul à avoir le droit de dire ça. Sans m’en rendre compte, j’avais reposé mes pieds sur la table basse, pour m’allonger moi aussi, ou peu s’en fallait. Je déposais des baisers sur ses cheveux, alors qu’elle se mettait à l’aise. Je lui murmurai un petit « Je t’ai manqué ? » qui mourut dans sa question, somme toute prévisible :

« Et toi, tu as passé une bonne journée ? Comment ont été tes élèves ? »

Je penchai la tête sur le côté, en baillant légèrement. Visiblement nous étions deux à avoir envie de dormir, et je nous sentais bien partir tranquillement si nous restions positionnés de cette manière. Je refis lentement le cours de ma journée dans ma tête, cherchant à trouver quelque chose de ne pas trop… inintéressant à raconter. Si mon animal de prédilection avait été un chat, j’étais certain que j’aurai été en train de ronronner à cet instant. Dans un soupir, j’entrepris de répondre à sa question :

« Oh, et bien… journée comme les autres… Mes élèves… Je t’avais parlé de Stuart ? »

Mes élèves… au total, je devais en avoir une cinquantaine que je voyais une à deux fois par semaine, jamais plus de cinq ou six à la fois. Je donnais aussi des cours lorsqu’un professeur était indisponible, ma polyvalence et mon haut niveau en biologie me permettant de m’adapter rapidement et de prendre les choses en cours sans souci. Stuart, donc, c’était un énergumène qui nous avait rejoints en cours de soutien de Génétique des Populations, trois semaines avant les examens, et qui ne devait pas avoir le niveau pour entrer à la faculté. Je me demandais toujours, à chaque fois que je le voyais s’emmêler les pinceaux devant les termes d’allèle, de gène et même de chromatide, ce qu’il faisait en deuxième année. Il avait du acheter les professeurs, ce n’était pas possible autrement.  Je repris, m’apercevant que je m’étais encore perdu dans mes pensées.

« Bref, Stuart m’a quand même demandé la différence entre l’allopatrie et la sympatrie… C’est… désespérant. Je ne comprends pas comment ils peuvent vouloir le faire passer en troisième année. Ca me dépasse, c’est bien marrant les cours d’été, au moins ça me donne quelque chose à faire d’autre que de l’administratif, mais sincèrement… quand le cas est désespéré, faut pas s’acharner, non ? »

Je soupirai derechef. Les termes de bio que j’employais ne devaient pas évoquer grand-chose à Kate, d’ailleurs. Je conclus en essayant de résumer :

« Bref, rien d’intéressant, comme tu t’en doutes… Faudrait sérieusement que je trouve un autre boulot en parallèle, parce que je vais commencer à passer mes journées à rien faire, vu que les vacances vont approcher, et ça va être long… quand sont tes vacances déjà, ma puce ? »

J’appuyai ma tête sur le dossier du canapé, et je fixai le plafond, sentant ma poitrine se soulever à chacune de mes inspirations toujours plus profondes. Et sentant aussi ma femme tout contre moi. Ma femme… Kate… Je ne me laissais pas, même après neuf ans de mariage. En désignant le livre tout contre moi, je dis en riant :

« Bon sang… Je sens que je vais m’endormir…  J’ai commencé à lire le livre que tu m’as acheté d’ailleurs, je ne sais pas si c’est lié… »

Non, je ne cherchais absolument pas la petite bête – d’ailleurs, l’ocelot, même s’il était moins imposant que le berger allemand, ne pouvait pas vraiment être qualifié de petit animal. Et je ne la laissais pas trop parler d’ailleurs. Il fallait que je lui laisse le temps de respirer. Je m’excusai dans un nouveau murmure :

« Ca a été long, sans toi…»

Une journée sans la voir avait été longue… Je me demandais sans comprendre comment j’avais pu être éloigné d’elle pendant deux ans… Pire, comment j’avais pu m’éloigner d’elle volontairement pendant deux longues années. Sans oser aller la voir, retourner vers elle, m’excuser.


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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptySam 20 Juil - 23:14




« Une petite sincérité [...] »


Complètement calée contre Alan, je souris dans sa chemise quand j’achevai ma question alors qu’il laissait filer un petit « Je t’ai manqué ? » absolument adorable. Il ne vit pas mon sourire, mais j’étais sûre qu’il le devinait sans problème. C’était un des côtés que j’adorais chez lui, son côté enfantin qui voulait toujours être rassuré mais qui ne savait pas trop s’il faisait bien de demander. Dès le début je me souviens que j’avais craqué en partie pour ça. Il était tellement craquant quand il faisait ça. Je ne savais même pas s’il s’en doutait. S’il savait à quel point il me faisait rire lorsqu’il agissait de la sorte.

Je m’étonnais toujours à quel point nous étions proches, après neuf années de mariage. J’avais toujours eu peur de perdre cette alchimie des premiers instants, mais ça n’avait jamais été le cas. Même pendant les deux années où nous avions été séparés, je n’avais pas cessé de penser à lui de mon côté. Et j’étais quasi-certaine que c’était le cas du sien aussi. J’avais presque peur de perdre ce bonheur qui durait depuis des années, comme si quelqu’un pouvait me l’arracher d’un coup. Je ne voyais pas ce qui pourrait nous briser. Je ne pensais pas cela possible.

Il prit le temps de bailler avant de répondre à ma question et ce fut communicatif : je ne tardai pas à bailler moi aussi. Rester éveillée. Rester éveillée. Je devais lui dire. Ce soir. Pas demain. De la discipline Kate, tu te l’es promis à toi-même. Les petits baisers qu’il déposait dans mes cheveux n’aidaient cependant pas à me faire garder les yeux ouverts. Pourquoi mes paupières étaient-elles aussi lourdes ? Je me ressaisis, me redressant un peu contre son épaule pour ne pas être trop couchée, ce qui ne manquerait pas de me faire plonger dans le sommeil trop rapidement à mon goût. Alan avait reposé ses pieds sur la table basse mais je le notai à peine. J’avais relevé la tête pour le regarder lorsqu’il me racontait sa journée.

Je murmurai un acquiescement quand il me parla de Stuart. Oui, il m’en avait déjà parlé. Je ne retenais pas tous les prénoms de ses étudiants, surtout quand il s’agissait de noms qui ne revenaient que épisodiquement, mais ce prénom-là m’était familier, parce qu’il en parlait souvent. Lorsqu’il commença à parler de termes purement biologiques, je l’interrompais légèrement en parlant d’un ton ironique :

« Mais oui, l’allopatrie, bien sûr ! »

Je ris quand il continua de parler, tâchant de garder en tête mon objectif de la soirée tout en l’écoutant.

« Tu peux aussi prendre un peu de temps pour toi, il faut que tu décompresses un peu, tu sembles constamment tendu en ce moment… Sinon tu pourrais te trouver un passe-temps autre que le boulot aussi. Il y a plein de choses à faire. Et puis deux mois de vacances ce n’est pas si long. »

Je ne voulais pas qu’il ait du stress supplémentaire. C’était déjà assez difficile pour lui en ce moment que pour qu’il aille se trouver un nouveau boulot qui allait lui apporter des ennuis en plus. Non, je refusais qu’il fasse ça. Je trouverais tous les arguments qu’il faudrait mais je l’empêcherais de se prendre un nouveau boulot. En plus, j’étais bientôt en vacances. Enfin… bientôt… Je lâchai un petit soupir.

« J’ai réussi à prendre une semaine du 14 au 20 août, mais pas plus. Le reste ce sera hors période estivale, car c’est là qu’on a le plus de boulot. J’espère d’ailleurs que pendant cette semaine-là ils ne vont pas faire n’importe quoi à l’agence. J’ai déjà peur de voir comment ils vont gérer ça. Enfin bon, je vais tenter de ne pas me stresser pour ça pendant que je serai effectivement en vacances. »

Ça m’embêtait parce qu’Alan et moi n’avions que rarement nos vacances au même moment. Ou du moins, c’était difficile de faire coïncider nos jours de repos. Parce que lui, dans l’enseignement, avait ses vacances quand nous, à l’agence, avions le plus de travail. C’était normal, mais c’était terriblement frustrant. J’étais plongée dans mes pensées quand il reprit la parole. Je mis deux secondes à comprendre de quoi il parlait. Instinctivement, ma main se leva pour aller le frapper gentiment sur le ventre, signe de mon mécontentement.  

« Quel indigne tu fais ! Moi qui ai tenté de t’instruire un peu, toi le pauvre professeur que tu es, voilà comment je suis récompensée ! »

Je fis mine de bouder, mais j’étais peu convaincante et je le savais. D’ailleurs, je ne boudai pas longtemps, car, en vil individu qu’il était, il se pencha pour me murmurer un « Ça a été long sans toi » qui ne pouvait pas me laisser de marbre. Je laissai alors un sourire s’épanouir sur mon visage en me maudissant d’être si faible face à lui.

« Tu m’as manqué aussi. »

C’était vrai. J’avais passé la journée à penser à lui. Et pas seulement à cause de ma résolution du jour. D’ailleurs en parlant de ça…

« Je… Tu as déjà mangé ? »

Ok, première tentative : échec. Try again.



Dernière édition par Kate Dougal le Jeu 1 Aoû - 16:02, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyDim 21 Juil - 0:25




« Une petite sincérité... »

« Tu peux aussi prendre un peu de temps pour toi, il faut que tu décompresses un peu, tu sembles constamment tendu en ce moment… Sinon tu pourrais te trouver un passe-temps autre que le boulot aussi. Il y a plein de choses à faire. Et puis deux mois de vacances ce n’est pas si long. »

Du temps pour moi ? Mais… je n’avais que ça depuis des années et des années… depuis une éternité, il me semblait. Des années et des années, et des années… l’inactivité me tuait. Elle me rongeait à petit feu, et les petites vingt heures de cours que je donnais par semaine, et encore quand j’avais de la chance, parce qu’en général ça tournait plus aux alentours des quinze heures, ne me suffisaient pas à fatiguer suffisamment mon cerveau. J’ava is besoin, c’était un réel besoin que de travailler, me questionner sur des problèmes insolubles, apprendre de nouvelles choses, me former dans des domaines totalement étrangers… « Pas si long, pas si long, j’ai l’impression d’être en vacances depuis six ans… » marmonnai-je dans ma barbe, d’un ton mi-boudeur, mi-sérieux, et mi-blasé. Lorsque je travaillais au laboratoire de recherche, j’avais des vacances au lance-pierre, qui venaient et repartaient tout aussi vite. Maintenant… c’était pire. Parce que pendant l’année scolaire, je m’ennuyais, mais dès que les vacances venaient c’était pire puisque Kate avait deux fois plus de travail, alors que moi… j’en avais deux fois moins. Elle rajouta qu’elle avait réussi à se prendre une semaine de vacances dans la deuxième quinzaine d’août, m’arrachant un sourire à nouveau. Une semaine rien que pour nous deux. Et j’allais avoir pour objectif de me détendre, de ne plus penser aux métas, de ne plus penser à la PES, à la meute, à mes élèves désespérants, à la Reine. Une semaine juste avec Kate… Un nouveau bâillement m’arracha ma réflexion quant au livre que j’avais commencé à lire. Son mécontentement me fit rire un peu plus, et me fit réaliser à quel point je l’aimais. Pour m’offrir un tel livre, en même temps… et pire, pour que je le lise… ! Aujourd’hui, plus que tous les autres, elle m’avait manqué, et je ne savais pas pourquoi, tout en le sachant pertinemment. Je ne savais pas si la bonne question était « pourquoi m’avait elle manqué aujourd’hui particulièrement ? » ou « pourquoi ne me manquait elle pas autant les autres jours ? »…

« Tu m’as manqué aussi. Je… Tu as déjà mangé ? »

Je la regardai, dans un sourire. « Nope, pas encore. Je t’attendais ! » J’ôtai mes pieds de la table –elle ne m’avait pas fait de remarque, ça voulait dire qu’elle était particulièrement ailleurs ce soir – pour me lever lentement, repoussant sa tête appuyée sur mon épaule. Je déposai un baiser sur ses lèvres avant de demander, tout en m’étirant :

« Une envie particulière ? Je ne sais pas du tout ce qu’il y a de comestible dans le frigo… »

Comestible… j’entendais par là de la vraie nourriture, qui tenait au ventre, qui n’était pas verte, qui avait du goût et qui s’appelait viande. Je rejoignis la cuisine en quelques pas, c’était l’avantage de ne pas avoir un appartement trop grand, et ouvris consciencieusement tous les placards, le frigidaire et même le congélateur, à la recherche de quelque chose pas trop immonde à manger. J’avais de la chance, peut être que Kate n’allait pas avoir la force de tenter quelque chose d’élaborer. Et donc, peut être qu’elle n’allait pas vouloir martyriser ces pauvres légumes que j’apercevais, tous tremblants, au fond du réfrigérateur. Ma quête de nourriture intéressante s’avéra au final infructueuse, et j’appelai Kate, en haussant un peu la voix pour qu’elle m’entende si elle était restée couchée sur le canapé :

« Bon, et bien chérie je t’annonce qu’on va devoir aller faire des courses sous peu… pâtes et sauce tomate, ça te va ou tu veux quelque chose de plus… euh… de moins… tu vois l’idée. »

Lorsqu’il s’agissait de nourriture, j’étais une vraie calamité. Déjà, la cuisine et moi, nous étions en froid, ou chaud selon les saisons, depuis des lustres. Ce n’était pas pour rien si mon premier travail à mon arrivée en Ecosse avait été la plonge dans un petit resto, et pas la cuisine. J’étais incapable de surveiller une cuisson, et les plats les plus simples devenaient systématiquement indigestes lorsque j’avais eu le malheur de les préparer. Pourtant, je faisais bien attention à ce que je faisais, calculant au gramme près, vive l’utilisation quotidienne de poisons, colorants, acide et autres substances basiques corrosives au microlitre près, les proportions. Mais pour le moment, seules les pâtes avaient résisté à mon non-don culinaire. D’où le plat simple que je proposais à Kate : c’était le seul que je savais plus ou moins préparer. Je repensai à mes élèves, et en riant, je repris :

« N’empêche, j’espère que lorsqu’on aura des enfants, ils seront un peu plus brillants que ceux que je dois supporter chaque jour. Parfois, je t’assure, j’ai envie de les étrangler. Pourtant, tu me connais, je suis du genre patient ! »

Ironique, moi ? Non, si peu… pour le coup, je me moquais de moi-même : mais j’étais sincère sur deux points : j’espérais encore avoir une famille, même si Kate et moi n’en avions toujours pas discuté (enfin… pas depuis un certain temps), et j’espérais aussi que mes enfants seraient plus rapides à comprendre que les larves à qui je donnais cours.

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyLun 22 Juil - 17:39




« Une petite sincérité [...] »


Lorsque je l’entendis marmonner à ma réflexion, je tournai la tête vers lui, cherchant son regard, que je ne parvins pas à saisir. J’avais très bien entendu ses propos et cela ne fit que m’inquiéter un peu plus pour lui. C’était vrai qu’il n’avait que peu d’heures de cours mais je ne réalisais pas souvent à quel point cela devait être pénible pour lui qui aimait être occupé de longues heures durant. Je m’imaginais difficilement son état d’esprit en fait. C’était très ardu de se mettre à la place des autres, et même avec lui, alors qu’il était mon mari depuis de nombreuses années, alors que j’aurais dû, peut-être, avoir plus de facilités de me mettre à sa place, je n’y arrivais que très peu. Cela me frustrait, autant que cela m’énervait. Comment se faisait-il qu’après toutes ces années je ne parvenais toujours pas à lire en lui, ou tout du moins à lire en lui un peu plus facilement que lors de nos premiers rendez-vous ? Je pouvais souvent percevoir ses changements d’humeur, ça oui, mais, parfois, je ne les comprenais pas, tout simplement parce que je ne parvenais à me mettre à sa place. J’avais parfois l’impression que cela faisait de moi une mauvaise épouse.

Alan répondit négativement à ma question et je lui souris affectueusement alors que ses lèvres effleurèrent les miennes. Il se releva et je me rassis correctement dans le fauteuil, pensant en moi-même que j’aurais bien continué le câlin un peu plus longtemps. Je levai les yeux au ciel quand il lâcha le mot « comestible ». Je savais très bien de quoi il retournait, et la façon qu’il avait de toujours me reprocher les plats végétariens me fit rire en cet instant. Parfois, je m’en offusquais, mais là je ne devais pas m’énerver avec lui, ou alors jamais je ne parviendrai à lui dire…

« Pas d’envie spéciale non. Je suis trop fatiguée pour penser. »

C’était vrai, et c’était peut-être pour ça que je ne savais pas où commencer. Je ris un peu, mais je cessai rapidement, repensant à ma première tentative ratée. Elle avait royalement échoué, cassée par la peur que j’éprouvais toujours de lui avouer la vérité. Je le regardai alors d’un œil distrait parcourir la distance jusqu’à la cuisine, avant de rejeter ma tête en arrière, pour la poser doucement sur le haut du dossier. Alors, quels mots seraient les meilleurs dans cette situation ? Comment devais-je lui dire ça ? Je ne voulais pas être trop brusque, ou trop hésitante ou trop… Argh ! C’était trop compliqué, je n’allais jamais savoir lui dire si je continuais mes réflexions intérieures. Je l’entendis farfouiller dans les armoires, visiblement en quête de nourriture non-végétarienne. J’étais disposée à ce qu’il mange ce qu’il voulait ce soir, je n’allais pas l’embêter avec ce genre de détails triviaux alors que nous devions discuter de choses bien plus importantes. C’est ainsi que je lançai :

« C’est parfait ! Tu veux de l’aide ? »

Mon regard toujours pendu au plafond, je cherchais les bons mots, le bon ton, pour annoncer la nouvelle à Alan. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire. Ça ne devait pourtant pas être si compliqué que ça non ? Des milliers de femmes annonçaient tous les jours leur grossesse à leur mari et ça se passait généralement bien non ? Je ne pouvais m’empêcher de stresser pour ça, et pourtant je n’arrivais pas à lui dire. J’étais désespérante. Et puis soudain, le léger rire d’Alan me parvint aux oreilles, alors qu’il était toujours dans la cuisine, et je relevai brutalement la tête. Bien Kate, c’est lui qui amorce un peu le sujet en quelque sorte, alors vas-y ! Mais je parlai alors d’une voix faible et j’aurais parié qu’il n’allait même pas m’entendre…

« Euh… à ce propos… »

Wouah, bravo, magnifique approche ! Allez, on se ressaisit ! Je toussai légèrement, pour masquer mon embarras et je me levai pour aller le rejoindre dans la cuisine. Je m’accoudai alors au cadre de la porte et croisai les bras, ne sachant pas quoi faire de mes mains. Je pris cette fois-ci un ton plus assuré pour parler :

« Ça fait un petit temps qu’on n’a pas parlé de ça tous les deux, d’ailleurs… »

Je me détestais de faire poireauter la situation comme ça mais je ne pouvais tout de même pas lui dire de but en blanc, non ? Du genre : « Chéri, en fait, je suis enceinte ». Non, ça n’allait pas du tout. En plus, connaissant Alan, il était du genre à faire une crise de panique. Alors avoir à gérer ça en plus, merci bien mais non. Je devais y aller doucement, sans faire tarder la situation non plus. En plus, il allait se demander pourquoi j’abordais le sujet maintenant. Je me dépêchai de continuer, l’empêchant de parler.

« Je veux dire… Avoir des enfants, tout ça… »

Je bégayais presque, c’était affligeant. Où était passée la Kate sûre d’elle et débrouillarde ? Envolée, avec tout mon vocabulaire d’ailleurs. J’étais très expressive ce soir. Génial, ça allait sacrément m’aider ça.

Deuxième tentative : en cours de réalisation.



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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyLun 22 Juil - 23:34




« Une petite sincérité... »

« Euh… à ce propos… »

Je fronçai les sourcils, regardant en direction de Kate qui s’était levée pour s’approcher de la cuisine et s’appuyer contre le mur, bras croisé. A ce propos, qu’est ce que cela voulait dire… A propos d’enfants, à propos de… d’élève ? D’intelligence ? Des pâtes ? Mon cerveau moulinait à toute vitesse dans la semoule sans trouver de réponse à ma question. Je demandai, interrogateur, l’ombre d’un sourire aux lèvres teintée d’inquiétude : « A ce propos ? ». Elle semblait hésitante. Mon cœur se serra, et je reposai le pot de sauce tomate dont je m’étais saisi quelques secondes plus tôt. Le bruit du verre sur le plan de travail fit crisser mes oreilles, mais je n’y prêtais pas une once d’attention. Je ne faisais pas une crise de panique, non. Je stressais juste. En faisant un pas en avant pour rejoindre Kate qui avait un peu plus d’assurance lorsqu’elle reprit :

« Ça fait un petit temps qu’on n’a pas parlé de ça tous les deux, d’ailleurs… Je veux dire… Avoir des enfants, tout ça… »

Ce n’était pas ma Kate qui était face à moi, là. Enfin… pas la Kate qui me rembarrait lorsque je disais une bêtise, qui me forçait pas un chantage bien trouvé à terminer mon assiette de salade. Ce n’était pas non plus la Kate qui pestait à tout-va et que j’adorais tant. Non. Là, c’était une Kate hésitante, bégayante, et ça me faisait peur. Qu’est ce qui pouvait lui passer par la tête, là. « Kate ? Qu’est-ce… » Je m’approchai d’elle et la pris d’autorité dans mes bras, déposant un léger baiser sur son front. « Hey… Chérie, qu’est ce qu’il se passe ? ». Je savais bien ce qu’il se passait. Ou du moins, j’avais des petites idées… Disons que je me posais la question d’une famille depuis un certain temps. J’aimais Kate. Profondément. Ce qui rendait mon infidélité encore plus insupportable à vivre. Je l’aimais, et je ne me voyais pas vivre avec une autre femme, aimer une autre femme, partir avec une autre femme. Au moins, c’était certain. Il ne m’avait fallu que deux jours loin d’elle pour le comprendre, une nuit avec une autre pour me dégoûter, deux ans éloigné pour que ce soit une certitude. Bref. Alors ça me semblait évident de former une famille avec elle… et pourtant. Nous étions en couple depuis neuf ans, mais sur ces neuf ans, nous en avions vécu bien sept en guerre ouverte entre créatures surnaturelles. Si nous en avions quand même beaucoup parlé les 4 premières années, nos deux ans loin de l’autre avait relégué ce sujet… loin. Jusqu’à quelques semaines pour moi, même si je ne m’étais pas attardé dessus, ayant bien d’autres choses à penser.

« Tu veux qu’on en parle ? Viens là mon cœur,»

Je serrai Kate contre moi en la menant vers le canapé où je nous rassis de force. Je pris sa main, et me mis de travers pour rester face à elle. Je n’étais pas hésitant, parce que je ne voulais pas qu’elle le soit. Plus. Ce n’était pas Kate d’être hésitante, surtout à ce sujet. Avait-elle peur que… que je ne l’aime pas ? Que je ne l’aime pas suffisamment pour être le père de ses enfants ? Que c’était pour cette raison que nous n’en avions plus parlé depuis… depuis bien cinq ans ? Une boule dans ma poitrine m’empêchait de respirer convenablement, mais ce n’était certainement pas le moment de m’y attarder. Il fallait que je trouve ce dont elle avait peur, ou ce qu’elle craignait de dire, pour la rassurer. Pour retrouver ma Kate. Ma Kate à moi. Je la regardai droit dans les yeux, essayant de trouver le bon ton. Je ne voulais pas qu’elle croit que je prenais les choses à la légère, ni que je voulais simplement la rassurer ou autre. Non. Si on devait en discuter, je voulais qu’elle sache que j’étais totalement… là. Pour elle.

« Kate, tu veux qu’on en parle là, maintenant ? Tu sais que… »

Me voilà qui devenais maladroit, malgré tous mes efforts. Mais je m’inquiétais, c’était plus fort que moi. Je m’inquiétais sur les raisons qui pouvaient pousser Kate à bégayer, et c’était pour ça que j’achevai ma question en bégayant à mon tour :

« Tu sais bien que je t’aime, Kate. Enfin, je veux dire… je… Un enfant avec toi ce serait le plus beau cadeau que tu, on pourrait me faire. »


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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyMar 23 Juil - 12:47




« Une petite sincérité [...] »


Ça y est, je l’avais fait stresser. Je le regardais lentement s’affoler, sans intervenir néanmoins. Je ne trouvais pas mes mots, je ne savais pas comment lui dire. Et du coup, il stressait tout seul, pendant que moi je me taisais, par peur de bégayer à nouveau. Sauf que me taire n’allait pas aider à le calmer. J’allais reprendre la parole, faiblement, quand il posa le pot qu’il tenait en main pour s’approcher de moi et me serrer dans ses bras. Je dépliai les miens pour les poser sur son dos que je caressai en faisant des petits cercles avec ma main, sans m’en rendre compte. Sa fragrance m’emplissait les narines et je fermai les yeux un instant. J’avais appuyé ma tête sur son épaule et je cherchais toujours mes mots pendant qu’il me demandait ce qui se passait. Ce qui se passait ? Bon sang, comment allait-il le prendre ? Nous n’avions plus parlé depuis longtemps d’avoir des enfants, et là, j’allais simplement lui dire que j’étais enceinte de déjà trois mois. J’aurais dû le faire bien avant. L’arrivée d’un bébé, ça se prépare. J’avais été stupide de croire que reporter l’annonce allait rendre ça plus facile. Au contraire. Et s’il paniquait encore plus ? Et s’il me disait que ce bébé, il n’en voulait pas ? Pas maintenant, ou bien pas de moi ? Ça y est, je stressais aussi.

Je le suivis docilement jusqu’au canapé quand il m’y mena, me serrant comme si je risquais de m’envoler. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas m’enfuir. J’acquiesçai lentement quand il me demanda si je voulais en parler, même si c’était évident que je voulais en parler. Je m’assis dans le fond du fauteuil, reprenant presque quasiment la même place que je venais à peine de quitter. Alan s’assit en biais, pour pouvoir me fixer, tentant vainement de déceler ce qui n’allait pas chez moi. J’essayai de lui lancer un sourire rassurant, mais je ne fis qu’une grimace avec ma bouche, et je détournai aussitôt le regard de mon mari qui était plus inquiet que jamais. Je n’étais jamais aussi… perturbée. C’était Alan qui l’était, pas moi. J’étais censée être la personne la plus stable de nous deux. Si nous partions tous deux dans une crise de panique, personne ne serait là pour nous sauver l’un et l’autre. Je n’avais pas pour habitude de paniquer dans tous types de situations. Je tâchai toujours de gérer au mieux. Et là, visiblement, mon cerveau et tout mon corps en avaient décidé autrement. Je reportai mon regard vers Alan quand il me questionna à nouveau et je perçus dans ses yeux une lueur de détresse. Je ne pouvais pas le laisser comme ça, ce n’était pas bien de ma part. Maintenant que j’avais commencé, je devais aller jusqu’au bout. Il termina sa phrase en bégayant et cela me fit comme un coup au cœur. J’étais presque cruelle avec lui. Alors je pris une voix ferme, mais presque chuchotante, pour lui répondre :

« Et si… »

Je déglutis avant de continuer, ma gorge étant nouée par l’émotion. Je haussai le ton également pour ne pas qu’il doive se pencher vers moi pour m’entendre répéter. Je ne savais pas si j’aurais eu la force de répéter ce que j’allais dire de toute façon, donc il valait mieux que la première fois soit bien audible.

« Et si ce cadeau venait plus tôt que prévu ? »

Je le fixai droit les yeux, espérant qu’il allait comprendre. C’était presque transparent, non ? Je ne pouvais toujours pas me résoudre à lui dire avec des mots crus donc ça m’avait semblé une bonne idée. De l’implicite plutôt que de l’explicite. Après tout, Alan était intelligent, il allait percevoir l’allusion, j’en étais sûre. Et puis, c’était plutôt clair comme de l’eau de roche.

« S’il venait alors que… nous ne sommes peut-être pas prêts ? »

C’était ma plus grande crainte. Qu’Alan et moi-même ne soyons pas suffisamment prêts à être parents. Qu’est-ce que cela donnerait dans ce cas ? Cela risquait d’être difficile, et pénible. Cela pouvait mener à la rupture de notre couple, que je savais solide, mais, dans mon esprit, restait toujours ce souvenir des deux années que nous avions passées loin l’un de l’autre. Deux années desquelles je ne savais rien. Je ne savais pas vraiment ce qu’Alan avait fait, à part qu’il avait monté la communauté de métamorphes avec Camille, et qu’il avait ensuite été là lors de l’alliance entre les loups et notre espèce, mais au niveau personnel je ne savais pas grand-chose. Nous avions tu notre passé avant notre rencontre, et là de même, nous ne nous étions presque rien dit. C’était comme ça entre Alan et moi. J’avais pu constater plus d’une fois que la confiance dominait notre couple plus que n’importe quelle autre valeur. J’aimais cela, mais ça me faisait peur, parfois.



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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyMer 24 Juil - 8:29




« Une petite sincérité... »


Kate était tout contre moi, nous étions revenus au point de départ. Sur le canapé. Je n’aurai jamais du le quitter d’ailleurs… j’aurai du voir que Kate avait la tête ailleurs, et que ce n’était pas dû uniquement à la fatigue. Je m’en voulais pour le coup, parce que je m’inquiétais pour elle, et que lorsque j’étais inquiet… voilà. Ce n’était pas joli à voir, pas vraiment du tout. Je repensais à ce nous venions d’aborder. Les enfants. Une famille. Je n’en avais pas vraiment eu : j’étais fils unique, adopté, et j’avais fugué pour ne pas revenir en arrière alors que j’avais fêté mes huit ans depuis quelques jours à peine. Une famille. J’y avais pensé, j’en avais rêvé… mais j’avais écarté ce sujet de mes préoccupations lorsque les Années Sanglantes avaient commencé. L’hésitation de Kate était contagieuse…

« Et si… Et si ce cadeau venait plus tôt que prévu ? »

Son regard brun me fixa et m’empêcha de m’échapper. Elle me maintenait face à elle, et je sentis toute l’importance de cet instant m’immobiliser, m’empêcher de respirer. J’étais… j’étais sensé comprendre quelque chose. Mais il y avait un gouffre entre ce que je venais de dire, et le fait que ce soit… plus tôt que prévu. Tôt… tard… pour d’autres personnes, nous étions tout de même un peu âgés pour avoir encore des enfants. Pour moi, pour elle, maintenant ce serait… trop tôt ? Je ne savais pas du tout. J’aurai perdu pied depuis plusieurs secondes si elle ne m’avait pas maintenu à la surface. Mes sourcils continuaient leur ballet interrogatif. Je comprenais sans comprendre, j’écoutais sans entendre.

« S’il venait alors que… nous ne sommes peut-être pas prêts ? »

Je penchai la tête sur le côté. Les yeux plissés. Les lèvres pincées pour ne pas ressembler à une carpe. Mon cœur se serra dans ma poitrine, une nouvelle fois. Ce n’était plus vraiment de l’inquiétude, cette fois, mais de l’appréhension. Et une lente compréhension de ce que Kate essayait de me dire. « Attends… attends… qu’est ce que… ». J’essayai de respirer naturellement, mais quelque chose m’enserrait la poitrine. Me compressait, jouer avec mes entrailles pour en faire un nœud qui me contractait l’estomac. Ma main remonta dans ma nuque pour me masser des muscles crispés. Elle revint devant, pour se lever, comme pour réclamer à Kate un laps de temps histoire que je connecte tous mes neurones entre eux, et que le fatal error system passe. J’avais besoin de redémarrer le système en espérant que les dernières données enregistrées sur le pouce soient bien conservées. Tout en le craignant. J’avais peur de ce que j’avais compris avant même que je ne le réalise totalement. Je me levai, fis un pas en arrière pour englober ma femme entière du regard.

« Tu… on… je… on… »

Niveau éloquence, j’avais du travail à faire si je voulais avoir une réponse audible et compréhensible de la part de ma femme. Mes yeux remontèrent pour croiser ceux de Kate, avant de descendre le long de ses courbes pour s’attarder sur son ventre. « Tu… tu… plus tôt que prévu… qu’est ce que tu… ». Il n’y avait aucun doute à avoir, en fait. Mes « qu’est ce que » à répétition n’avaient qu’un seul but : retarder l’échéance. Retarder le moment où il fallait bien falloir le prononcer à l’oral. Pour le concrétiser. C’était comme un coup de massue à l’arrière du crâne. J’en oubliais presque l’angoisse de ma femme concernant notre préparation, ou son absence. Théoriquement… nous avions neuf mois pour nous y préparer, non ? Neuf longs mois à ne penser qu’à nous, au petit être à naître qui partageait tout de nous. Neuf longs mois… ou moins ? Je portai une main à mon cœur, pour l’entendre palpiter à toute allure. « Oh p#tain Kate… tu es enceinte ? » C’était dit. Pas franchement joliment dit, avec un juron alors que j’en disais relativement rarement, mais c’était dit. Je me laissai tomber à genoux devant ma femme, avec un sourire incontrôlable qui fleurissait sur mes lèvres. J’espérais qu’elle allait me répondre par l’affirmative. J’espérais ne pas m’être trompé. J’avais compris à ses propos que le cadeau dont je parlais un peu plus tôt allait arriver dans neuf mois, et j’avais peur maintenant qu’elle me dise que je m’étais leurré, que j’avais extrapolé sur une simple réflexion, laissant mes désirs prendre le pas sur la raison. Ce n’était plus le moment de s’inquiéter, là. C’était le moment de… se rendre compte. De s’aimer. D’être heureux. De… « C’est pas une question d’être prêt ou pas, Kate… c’est… c’est… ». Les mots ne suffisaient plus à dire ce que je voulais dire. Les mots étaient incapables d’être aussi… forts que ce que je ressentais. Je ne savais pas… je n’étais pas capable d’exprimer ce que mon cœur voulait dire à cet instant. Loin de moi tous mes soucis, loin de moi toutes mes inquiétudes, mes problèmes, mes sources d’ennui. J’étais juste… ébahi.


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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyMer 24 Juil - 14:34




« Une petite sincérité [...] »


Mes questions traçaient leur chemin dans la tête d’Alan. Je pouvais le regarder passer de l’inquiétude de me voir dans cet état à un autre sentiment que je pris pour de l’appréhension face à ce que je lui laissais entendre, sans savoir s’il s’agissait de cela exactement. J’espérais en tout cas que ce n’était pas de la mauvaise appréhension. Car, si c’était cela, c’était qu’il ne se sentait pas prêt à assumer les responsabilités qu’un bébé amènerait dans notre quotidien. Et ça, j’aurais du mal à l’encaisser. Mais non, ça ne ressemblait pas à ça. Il bégayait, il hésitait, il peinait à comprendre, ou du moins à s’exprimer, mais il semblait réaliser doucement ce que j’avais implicitement formulé. Et il ne semblait pas déçu, ni en en colère.

Il lâcha quelques mots, et je voyais qu’il essayait de nommer ce que je m’étais refusée à faire. Mais il n’y arrivait pas non plus. Il se passa une main sur la nuque avant de la ramener devant lui, comme pour me demander une pause. Je la lui accordai volontiers. L’idée se frayait un passage en lui, faisant germer la graine que j’y avais plantée. Il se leva, comme si cela allait l’aider à mieux comprendre la situation. Je lui souris, avec un peu plus d’assurance qu’auparavant, tentant de lui transmettre de la force pour dire ce qu’il pensait. Et pour lui dire que oui, il visait juste. Lorsque je sentis son regard m’englober toute entière, pour finir sur mon ventre, j’acquiesçai lentement, toujours pour l’assurer dans ses propos. Enfin, il porta une main à son cœur et murmura quelques mots. Il se laissa tomber à genoux devant moi et je lui pris la main, l’enserrant dans les miennes pour déjà lui faire comprendre la vérité. Devant son juron, j’avais ri légèrement, avant de sourire plus affectueusement quand il m’avait souri, lui aussi.

« Oui. »

Ce petit mot me laissa presque sans voix. C’était ridicule, je ne savais plus rien dire d’autre en cet instant, tellement submergée par l’émotion et le fait qu’il était là, attentif, heureux, et souriant à mes côtés. Toute ma crainte était envolée, partie avec mes restes d’inquiétude, de stress et d’anxiété. Je ne savais même plus pourquoi j’avais attendu si longtemps pour lui dire. Ce « oui » que je venais de prononcer tournait dans ma tête, et avait été tellement simple à dire que je m’étonnais encore de tout ce temps qui avait filé depuis que je savais que j’étais enceinte. C’était un « oui » tellement significatif que j’étais sûre que j’allais me souvenir de cette scène très longtemps. Je ris encore alors qu’il bégayait à nouveau :

« C’est quoi ? »

Je n’attendis pas de réponse, et je me jetai dans ses bras, l’enserrant des miens, m’étant extirpée du canapé d’un geste brusque pour le rejoindre, à genoux à même le sol. Je nichai ma tête au creux de son cou, me permettant à nouveau de sentir son odeur qui m’enveloppa tel un voile invisible et protecteur. Je perdis presque conscience un instant, oubliant où j’étais, me concentrant juste sur cette fragrance qui appartenait à mon mari, que j’aimais plus que tout. Il était là, avec moi, et tout allait aller pour le mieux. Mais pour que tout soit parfait, je devais continuer de lui dire quelques petites choses. L’heure des vérités n’était pas finie.

« J’aurais dû te le dire avant mais tu étais tellement… ailleurs ces derniers temps. Et tendu. Je ne savais pas comment tu allais prendre la nouvelle et… »

Encore une fois, je tâchai de lui faire comprendre en étant implicite. Cela avait bien fonctionné la première fois. Mais, dans un sursaut, je décidai de ne plus y aller par quatre chemins. Le plus gros n’était-il pas déjà fait, après tout ? Autant tout lui avouer d’un coup, pour éviter de devoir reprendre des explications plus tard. Il devait savoir que j’étais enceinte depuis quelques semaines à présent. Il devait sans doute s’imaginer que je venais d’apprendre ma grossesse, mais ce n’était pas le cas. Et si je lui parlais de la première échographie à venir, il allait d’office comprendre que j’avais menti. Je m’écartai de lui pour pouvoir le regarder alors que je continuais de parler.

« Alan, il faut que je te dise… Je suis enceinte depuis un petit moment maintenant. »

Ma voix était plus ferme et plus sûre d’elle qu’elle ne l’avait été auparavant. Sa réaction n’y était pas étrangère, elle m’avait redonné de la force et du courage, que j’avais perdus juste avant de l’informer de mon état. Il me fallait tout lui expliquer.

« J’en suis à ma dixième semaine. »

Je plongeai à nouveau mon regard dans le sien, tâchant d’y déceler une colère éventuelle de sa part, parce que je ne lui avais pas dit plus tôt. J’espérais qu’il n’allait pas mal le prendre, qu’il allait comprendre les raisons qui m’avaient fait retarder ma déclaration. Je n’avais pas pensé à mal sur l’instant, attendant le bon moment pour le lui annoncer, mais je comprenais tout à fait qu’il pouvait très mal le prendre. Après tout, j’avais omis de lui dire que j’étais enceinte. Ce n’était pas génial niveau confiance dans le couple et j’en avais maintenant pleinement conscience.



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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyMer 24 Juil - 23:11




« Une petite sincérité... »



« Oui. »

Un mot. Un simple et unique petit mot. Un petit son qui résumait tout, au final. Qui avait il donc de si effrayant à répondre oui à une simple, à une question somme toute… naturelle ? Pourquoi avait-ce été aussi dur, pour Kate comme pour moi, de dire, d’admettre ?, que oui, Kate était enceinte. De mon enfant. De notre enfant. De notre chair à tous les deux, de ce qu’il y avait de meilleur en nous, de notre amour qui prenait vie. Pourquoi ? La question restait sans réponse, alors qu’elle tournait dans ma tête sans savoir où aller, où se résoudre, où s’évaporer sans laisser de traces. Parce que ce n’était pas l’important. Le pourquoi n’était vraiment pas important. Ni le comment, même si j’avais assez aisément la réponse à cette question…, non. Ce qui était important, c’étaient les mois qui allaient se profiler devant nous, ces mois de préparation qui allaient nous permettre de nous retrouver, et découvrir, une nouvelle fois, ce qu’il y avait de mieux en nous, pour tout offrir à ce petit être qui grandissait déjà dans le sein de Kate. Lorsqu’elle se jeta dans mes bras, je la réceptionnai pour l’enserrer, répondant sans réserve à son étreinte. Bon sang que je l’aimais. Ce n’était pas possible d’aimer autant une personne. J’enfouis mon visage dans ses cheveux, pour respirer son odeur que mes sens métamorphes m’offraient le droit de connaître. Bon sang… J’étais complet à cet instant. Je la portai sans difficulté, comme un prince sauvant une princesse pour la caler sur mes genoux sur le canapé, alors qu’elle reprenait :

« J’aurais dû te le dire avant mais tu étais tellement… ailleurs ces derniers temps. Et tendu. Je ne savais pas comment tu allais prendre la nouvelle et… Alan, il faut que je te dise… Je suis enceinte depuis un petit moment maintenant. J’en suis à ma dixième semaine. »

Elle s’était écartée de moi au milieu de sa déclaration, et je la regardai les yeux grands ouverts. J’ignorai comment je devais réagir. Ce qu’elle attendait, comme réaction. J’ignorai tout cela, pour la simple raison que je n’avais retenu qu’une chose. Ou deux. Déjà, nous n’avions plus neuf mois pour nous préparer. Ensuite… j’allais voir mon bébé dans pas longtemps. Je n’avais pas fait médecine, mais dans le cadre de mes études de biologie, et pour certains cours de génétique, nous avions rapidement vu tout le processus de formation d’un petit être. Certes, ce n’était pas toujours joyeux, parce que c’était principalement axé sur quand une maladie génétique se déclarerait, mais… j’avais de bons souvenirs. Dixième semaine. Dixième semaine, si elle me le disait maintenant, c’était pour une bonne raison. Oh, j’étais censé lui en vouloir. Cela faisait plus de deux mois qu’elle portait notre enfant, et elle ne m’en avait rien dit. Mais… pour le moment, j’étais concentré sur le fait que j’allais être Papa. Moi. Alan Dougal. J’étais en train de me rendre compte petit à petit de ce que ça impliquait. J’allais être père. Moi. Mais même si j’avais l’habitude de me perdre dans mes pensées pour un rien, et même si Kate en avait l’habitude elle aussi, ou du moins je l’espérais, il ne fallait pas que je reste trop longtemps silencieux. Un peu ailleurs, je répétai ses mots avant de réagir.

« Dixième semaine… tu… Kate. On va avoir un enfant. Tous les deux. Nous. Ce sera notre enfant. A nous. C’est…, je posai avec précaution, comme si j’avais peur de lui faire mal, une main sur le ventre de Kate, tout en déposant mes lèvres dans son cou, avant de reprendre, Kate, ma Chérie… tu te rends compte ?! »

Qu’avait-elle dit ? Qu’elle avait craint ma réaction ? Que j’étais un peu trop tendu, un peu trop ailleurs, et qu’elle avait eu peur de la manière dont j’allais prendre cette nouvelle ? Mon cerveau ignorait cela. Ou du moins, refusait de le considérer pour le moment. J’étais… heureux. Euphorique était peut être un peu trop fort comme mot, mais il me semblait aussi bien convenir, n’était-ce que pour la joie qui m’habitait, alors que je me faisais petit à petit à l’idée que… j’allais être père. Mais non, il fallait que je sois sérieux au moins par égard pour Kate qui se faisait du souci.

« Je… je sais que je ne suis pas des plus… calmes en ce moment… tu… je comprends que tu… mais, je t’assure, je vais faire des efforts. Ce que je veux dire… »

J’essayais d’être rassurant, de suivre la conversation, alors que je n’avais qu’en envie… m’extasier. Répéter que j’allais être Papa, en long, en large et en travers. Pendant des heures. Le chanter. Le dire à tout le monde. Envoyer la nouvelle aux infos, pour que tous soient au courant d’ici le lendemain. J’avais envie d’aller dans une librairie acheter tous les livres trouvables sur les grossesses, sur les enfants en bas âge, sur les crises d’adolescence, sur les conseils de pédagogie, sur… j’avais envie d’accélérer le temps pour avoir ce petit être dans le creux de mes bras, mais j’avais aussi envie, dans un même temps, de faire de cette seconde une éternité, alors que Kate tout contre moi m’ancrer dans la réalité aussi sûrement qu’un soleil brûlant. Mais non. Il fallait d’abord que je rassure celle-qui-était-tout-pour-moi. Et que j’éteigne la flamme grandissante du secret que je gardais pour moi, alors qu’elle aurait du être la seule, et la première, à le savoir. Je ne la méritais pas. Je ne méritais pas cet enfant. Je ne méritais pas, plus, l’amour de Kate. Mon sang se glaça dans mes veines, et mon enthousiasme failli être douché brutalement. Failli. Parce que… je l’avais trahie, mais je l’aimais. Je l’avais trompée, mais je vendrais mon âme pour elle. Avec Camille, ce devait bien être la seule personne au monde pour qui je pouvais faire n’importe quoi. Lorsqu’on mettait Kate dans la balance, je n’étais plus rationnel, je n’étais plus lucide, j’étais… amoureux.

« Promis, je vais tout faire pour que ça se passe bien. J’ai parlé avec Camille, je te l’ai dit, je vais faire des efforts. Faut surtout pas que tu te fasses du souci. »

C’était moi qui disais ça. Vraiment. Ca semblait… irréel. C’était un peu l’hôpital qui se foutait de la charité. Le vampire qui condamnait le meurtre. C’était… mais j’étais sincère. Il fallait que je prenne mes responsabilités de père. Il fallait que j’arrête de faire l’imbécile, que j’arrête de laisser le berger allemand et la buse désaxée me dicter mon comportement. Il fallait que je me discipline, que je m’impose, que je m’affirme dans mes sens métamorphiques. C’était bien beau d’être attiré par le vide au point que son petit frère imagine une volonté suicidaire, mais maintenant, il s’agissait de ne plus faire n’importe quoi. J’avais des responsabilités. J’avais grandi sans père, sans mère non plus, et il n’était pas question que mon enfant connaisse la même chose parce que son père s’était laissé sombrer dans la folie sans tenter quoique ce soit, du fait d’une fierté mal placée. J’avais une piètre estime de moi, pour le coup. Je rajoutai dans un léger sourire, oscillant entre le sérieux et l’amusement :

« Il ne faut pas que tu te fasses de souci, ce serait mauvais pour Globule. »

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyJeu 25 Juil - 22:30




« Une petite sincérité [...] »


Il me prit délicatement pour venir me poser sur ses genoux alors que lui-même s’asseyait sur le canapé et je le suivis dans son geste. Mes mains s’accrochèrent à ses épaules, comme si j’avais besoin de m’assurer qu’il était bien là, près de moi, et que tout allait bien se passer. Je guettai sa réaction, attendant de voir s’il allait m’en vouloir d’avoir gardé le silence pendant si longtemps. Je pense que si les rôles avaient été inversés, je m’en serais voulu. Un peu. Un bébé, c’est le résultat de l’amour d’un couple. De deux êtres qui s’étaient unis pour en faire un autre, fruit des sentiments partagés. Et, en me taisant, c’était comme si je l’avais gardé pour moi pendant ces deux mois. Comme si je n’avais pas voulu le partager avec Alan. Ce qui était totalement faux, je le savais, mais je ne pouvais m’empêcher de penser que j’avais été un peu égoïste. Mais cet égoïsme s’était développé autour de cette peur de sa réaction. Et là, en cet instant, il ne semblait pas le prendre spécialement mal. Ma peur n’avait donc aucune raison d’être et de continuer d’exister. Je me détendis imperceptiblement, relâchant la pression que j’avais retenue en moi depuis que j’avais appris ma grossesse. Tout allait bien aller.

Lorsqu’il bégaya à nouveau, je posai ma main gauche sur sa joue, lui souriant avec tout l’amour que je ressentais pour lui en cet instant. De son côté, il posa sa main sur mon ventre, avec tellement de délicatesse que je me mis à rire. Je pris sa main pour la guider et la laissait reposer là, sur la sienne, pendant qu’il s’extasiait. Je ris à nouveau quand il posa ses lèvres sur mon cou, laissant s’échapper un petit soupir de volupté. Je crois que jamais ce mot ne m’avait paru aussi adapté que maintenant, alors qu’Alan continuait de parler.

« Oui. »

Je riais encore en parlant, sans me soucier de rien d’autre que de ce bonheur qui m’étreignait et de cette bulle que je ne voulais plus jamais quitter. Alan. C’était tout ce qui m’importait. Lui, et notre avenir qui se profilait à l’horizon, plus net que jamais.

« Oui, je sais. Alan, je t’aime. »

Je l’embrassai sur les lèvres, m’attardant pour faire passer le flot d’émotions qui raisonnaient en moi à cette seconde précise. Puis, il reprit la parole et je compris qu’il tentait de me rassurer. Chose inutile, je l’étais déjà. Sa réaction m’avait remise sur pieds et j’étais prête à croire que tout allait se passer admirablement bien, et que notre bonheur n’allait en être que renforcé. Je me fis néanmoins attentive, car il avait pris un ton sérieux et je sentais que ce qu’il disait allait être important. Je l’écoutai parler, s’interrompre, reprendre et me promettre tout un tas de choses. Je l’interrompis subitement, ne supportant pas qu’il se mette dans un tel état, juste pour me rassurer.

« Chut, je ne me fais pas de souci. Je t’ai à mes côtés, je sais que ça va aller. Mais… c’est juste que tu dois faire attention à toi, Alan. Tu m’as inquiétée ces dernières semaines. Il ne faut pas que l’arrivée de ce bébé soit une source de stress supplémentaire pour toi. C’est la dernière chose que je veux. »

J’avais pris sa tête au creux de mes mains, lui caressant les joues délicatement, comme pour faire partir l’anxiété de son visage. Il allait falloir qu’il apprenne à chasser ses vieux démons, sinon nous n’y arriverions jamais. Je ne pouvais assumer seule la charge de cet enfant, et je savais qu’il ne me laisserait pas tomber, du moins, pas volontairement. J’espérais qu’il saurait se recentrer et cesser de se faire n’importe quoi. Ce n’était pas évident, mais nous allions y arriver. Oui, c’était possible. Alors que j’étais perdue dans mes pensées, il reprit la parole avec amusement et je lui souris en retour :

« Globule ? Alan Dougal, est-ce que tu es en train de nommer ce petit être à venir Globule ? Vraiment ? »

Mon rire emplit la pièce, et je m’assis plus confortablement contre lui, posant ma tête contre la sienne et entrelaçant nos doigts. Je me souvins encore d’une chose à lui dire, et comme j’étais plutôt bien lancée, je continuai. Dans l’ensemble, tout s’était bien passé, mieux que ce que je craignais. J’avais eu peur qu’il me fasse une remarque négative sur le fait que j’avais gardé cela secret pendant deux mois, alors que je le savais depuis plusieurs semaines. Ou bien qu’il panique complètement à l’annonce. Mais rien de tout cela ne s’était passé et j’étais heureuse. Heureuse de voir qu’il prenait bien la nouvelle, qu’il semblait prêt à s’investir dans la nouvelle vie qui allait bientôt se mettre en route pour nous deux, et qu’il m’ait dit qu’il allait faire des efforts. Cela signifiait beaucoup pour moi.

« Dis, la première échographie, c’est pour bientôt, comme tu t’en doutes. J’avais pris rendez-vous mercredi prochain. Tu as des cours prévus le matin vers 10h00 ? Normalement je devrais pouvoir me libérer à cette heure-là, on a toujours moins de monde le matin que l’après-midi à l’agence. Mais si le jour ne t’arrange pas, on peut y aller un autre jour hein ! Après tout, ça doit être un moment qu’on partage ensemble. »

Je me rendais à peine compte que je parlais parlais parlais, laissant Alan m’écouter sans pouvoir en placer une. Ça y était, la Kate habituelle était de retour. Il me fallait planifier cette première échographie et je comptais bien le faire maintenant. Pourquoi reporter après tout ? Et puis, avec Alan, mieux valait lui dire les choses à l’avance, pour être sûre que tout se passerait bien. Je m’arrêtai quand même de parler, rejetant à nouveau mon regard sur lui pour attendre sa réponse.



Dernière édition par Kate Dougal le Jeu 1 Aoû - 15:48, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyVen 26 Juil - 23:06




« Une petite sincérité... »

Elle s’accrocha à moi lorsque je la pris dans mes bras pour nous remonter sur le canapé où, sans nul doute possible, nous pourrions être mieux installés. Mieux encore, lorsque je posai ma main sur son ventre dans lequel était niché ce petit être que j’adorai déjà, elle lâcha un petit rire. En l’entend dire qu’elle m’aimait, je sentis nettement deux choses : rien ne pourrait nous briser, rien ne pourrait nous séparer… si j’arrivais à colmater la brèche, immense, dans notre confiance que je lui cachais pour le moment. Cette brèche… non. Je ne devais pas y penser. Pas maintenant, alors que je m’efforçais de la rassurer quant à ma santé mentale. Si jamais je n’allais pas bien, si jamais j’étais réellement sur une mauvaise pente, il était certain que j’allais me reprendre et cesser de faire l’imbécile. Il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, il ne fallait pas que…

« Chut, je ne me fais pas de souci. Je t’ai à mes côtés, je sais que ça va aller. Mais… c’est juste que tu dois faire attention à toi, Alan. Tu m’as inquiétée ces dernières semaines. Il ne faut pas que l’arrivée de ce bébé soit une source de stress supplémentaire pour toi. C’est la dernière chose que je veux. »

Tu m’as inquiétée ces dernières semaines. Je l’avais quoi ? Vraiment ? Mon cœur se serra subitement. Douloureusement, même. J’avais inquiété Camille, j’avais inquiété Kate… Je l’avais tellement inquiétée, qu’elle avait craint ma réaction à l’annonce de son état. J’essayai de détendre l’atmosphère, en nommant tout naturellement notre bébé Globule, et j’atteignis visiblement mon but lorsque le rire cristallin de Kate retentis, tandis qu’elle me répondait :

« Globule ? Alan Dougal, est-ce que tu es en train de nommer ce petit être à venir Globule ? Vraiment ? »

« Ca ne te plait pas ? Globule Dougal, je trouvais que ça sonnait bien ! »

Je ris avec elle, alors qu’elle posait sa tête tout contre moi, et serrait ma main en mélangeant nos doigts. Elle semblait se détendre, et je me détendis de concert, pour une fois. Je n’arrivais pas à m’ôter de la tête une seconde, qu’elle était enceinte. Enfin… je ne pensais pas que cette réalité allait quitter mon esprit pendant neuf mois, mais pour le coup… Elle avait eu le temps de s’habituer à l’idée, elle. Moi… je venais tout juste de l’apprendre, j’avais besoin d’heures pour encaisser, même si pour l’instant, l’euphorie l’emportait sur la panique ou l’appréhension, ou la crainte de ne pas savoir faire, ou…

« Dis, la première échographie, c’est pour bientôt, comme tu t’en doutes. J’avais pris rendez-vous mercredi prochain. Tu as des cours prévus le matin vers 10h00 ? Normalement je devrais pouvoir me libérer à cette heure-là, on a toujours moins de monde le matin que l’après-midi à l’agence. Mais si le jour ne t’arrange pas, on peut y aller un autre jour hein ! Après tout, ça doit être un moment qu’on partage ensemble. »

Elle m’avait balancé tout ça d’une traite. De quoi ? Déjà ? Mercredi ? Mardi ? Matin ? 10 heures ? J’étais perdu. Ca allait beaucoup trop vite pour moi. C’était une chose de savoir qu’elle était enceinte, c’en était une autre d’apprendre qu’elle en était à sa dixième semaine de grossesse, et c’en était définitivement une autre que de comprendre qu’en fait, la première échographie approchait. La première échographie. J’y avais déjà pensé, dès qu’elle m’avait fait part du nombre de semaine. Forcément. Mais entre y penser et être au pied du mur… c’était comme pour l’annonce de la grossesse. J’en rêvais, je l’espérais, mais cette fois, c’était bel et bien vrai. L’échographie… mon cœur se serra, à nouveau. J’allais voir mon bébé. Kate avait raison, c’était un moment que l’on allait partager ensemble. Je refis mentalement le planning de ma semaine.

« Mercredi matin ? Je n’ai pas de cours, je crois. Au pire, j’annule, ce n’est pas un souci. On n’est pas à un cours près, vue leur nullité… »

Je fronçai les sourcils, sans pour autant me départir de mon sourire.

« Echographie ? Tu as déjà choisi le médecin ? La maternité ? Le… d’accord, d’accord, je me calme. »

Le mot d’ordre des mois à venir : arrêter de se faire du souci. Il n’y avait pas de reproche dans ma voix, juste un peu d’inquiétude. Beaucoup d’inquiétude. Et bon, d’accord, un peu de reproches, quand même. Nous étions un couple, nous étions à deux, nous étions ensemble. Ce genre de décision, elle n’avait pas à les prendre seule, j’étais sensé être là, avec elle, pour les prendre. Non pas pour avoir forcément un poids dans la balance, mais pour… l’épauler. Être avec elle, être là… Des rides soucieuses tracèrent leur chemin sur mon front :

« Ecoute je… je sais que je ne suis pas trop…, ma main pianota nerveusement sur le cuir du canapé que je suis un peu ailleurs. Mais… tu avais si peu confiance en moi ? Je veux dire… Pourquoi tu ne m’as pas dit que je t’inquiétais ? »

Finalement… la frustration, la colère ?, arrivait plus tôt que prévu. J’avais mis au placard pendant quelques minutes le fait qu’elle avait retardé visiblement au maximum le moment de me dire qu’elle était enceinte, pour savourer au maximum mon ébahissement face à la nouvelle. Mais mon caractère reprenait le dessus, maintenant. Forcément. Je ne pouvais pas changer en un clin d’œil, je ne pouvais pas ne pas être qui j’étais. Et même si je culpabilisais de l’avoir trompée, même si mon bonheur de savoir que j’allais être père était plus grand que ma frustration d’avoir à ce point… hum… mis à mal la confiance que me portait Kate, je ne pouvais m’empêcher d’être blessé.

« Je sais que je ne suis pas des plus faciles à supporter, au quotidien, que je peux être soupe au lait, impulsif et… voilà, je m’échauffais, mais… tu pensais quoi ? Que j’allais me jeter par la fenêtre parce que j’allais être incapable de faire face à la paternité ? Tu croyais quoi ? Que j’allais mal réagir ? Tout le monde est au courant sauf moi, c'est ça ? »

Je sentais une veine dans le coup commencer à palpiter. Bon sang. Je me mettais trop vite en colère, moi. Je venais de passer de l’état « papa gâteux » à « mari vexé » en un clin d’œil. J’inspirai profondément en me levant, pour aller ouvrir la fenêtre et inspirer une bonne bouffée d’air frais. Au passage, j’allumai la lumière du salon, le soleil ayant sérieusement décliné à l’horizon. J’inspirai profondément, appuyé à la balustrade. Si Kate m’avait appelé, je ne l’avais pas entendue. Je murmurai une nouvelle fois :

« Je vais être père… »

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyJeu 1 Aoû - 12:47




« Une petite sincérité [...] »


Alan rit avec moi et je me sentis alors intensément bien, enfermée dans mon petit cocon, blottie contre le corps de mon mari. Nos doigts entrelacés s’ajustaient parfaitement et je me mis à caresser légèrement sa main avec mon pouce.

« Ils vont nous prendre pour des fous quand on ira déclarer sa naissance. "Bonjour, je viens déclarer la naissance de Globule Dougal. - Euh pardon ?" »

Mon sourire s’était élargi au fur et à mesure que je débitais des bêtises, et j’étouffai un rire naissant. Le choix du prénom allait être un autre événement difficile, je le sentais venir. Connaissant Alan, nous allions avoir du mal à nous mettre d’accord. Cependant, je ne comptais pas aborder cette question déjà maintenant. Je lui laissais déjà peu de temps pour digérer la nouvelle, je m’en rendais bien compte, alors je n’allais pas commencer avec des idées de prénoms. Parce que oui, évidemment, moi, j’y avais déjà songé. Mais c’était normal. Je savais que j’étais enceinte depuis de longues semaines à présent. Difficile de ne pas faire mentalement une liste de prénoms qui me plaisaient. Sans savoir le sexe du bébé, j’avais des préférences aussi bien féminines que masculines, même si je n’en avais pris note nulle part. Je n’aurais pas voulu risquer qu’Alan tombe sur un post-it avec des prénoms écrits dessus. Il m’aurait immanquablement posé des questions… Je n’arrivais pas à savoir si je préférerais avoir une petite fille ou un petit garçon. Mon envie changeait au gré de mes humeurs, fort mouvantes à cause de mon état. Je savais très bien que la première échographie ne me montrerait peut-être pas le sexe du bébé, du coup je devais réfréner mon impatience…

Alors que je cogitais intérieurement, Alan se remit à parler, après avoir été visiblement troublé par mes propos. Je me reculais un peu, m’appuyant sur un coussin et me mettant face à lui, pour pouvoir lui répondre en le regardant de manière plus aisée. Je sentais qu’il commençait les reproches. Et voilà, il prend bien le fait que je ne le lui ai pas dit mais il est perturbé quand je dis que j’ai un rendez-vous pour l’échographie. Je soupirai.

« Mais Alan ! Bien sûr que non que je n’ai pas encore choisi de médecin ni de maternité ! J’ai pris rendez-vous chez mon gynécologue habituel. Tu crois que j’aurais pu me pointer là sans prendre rendez-vous ? Est-ce que tu sais combien de temps ça prend pour avoir un rendez-vous ? J’ai dû choisir une date presque dès que j’ai su pour ma grossesse, sinon jamais je n’aurais su la faire cette première échographie. »

Si je continuai, j’allais m’énerver contre lui et je n’en avais vraiment pas envie. Il était juste paniqué par mon annonce et par le fait que tout avançait vite, peut-être trop vite pour lui. Je devais lui laisser du temps pour digérer. Bon d’accord, lui parler de but en blanc de cette première échographie n’aidait certainement pas mais qu’avait-il donc aussi à stresser pour un rien ? Comme si j’étais capable de choisir une maternité sans lui. Lorsqu’il parla à nouveau, je me retins de lever les yeux au ciel. Ça y était, on entrait dans le vif du sujet.

« Je n’ai jamais dit que je n’avais pas confiance en toi. Ce n’est pas du tout ça. Je te l’ai dit, je m’inquiétais pour toi parce que tu semblais constamment stressé ces derniers temps. Et j’avais peur de ce qu’une annonce comme celle-ci allait déclencher sur toi. »

Je sentais que nous commencions à nous échauffer tous les deux et je tentai vainement de ne pas hausser le ton mais je ne pus résister quand il me fit de nouveaux reproches. J’avais même ouvert la bouche à sa dernière question, tellement je ne m’y attendais pas. Mais il était fou ou quoi ?

« Est-ce que tu veux bien cesser de faire ça ?! Tu ne comprends rien ! Tu ne sais pas ce que j’ai enduré pendant toutes ces semaines sans pouvoir faire sortir les mots de ma bouche pour te le dire ! Tu crois que c’est facile ? Bon sang Alan ! »

Je m’étais levée du fauteuil, m’éloignant un peu de lui et faisant les cent pas à deux mètres à lui. Mon regard se dirigea à nouveau vers lui, à peine quelques secondes après l’avoir quitté et fit un geste du bras, qui vola dans l’air avant de retomber le long de mon bras, signe évident de ma colère.

« Et oui, bien sûr, je l’ai annoncé à tout le monde sauf toi, évidemment ! Je l’ai même dit au Pape ! Et même à Camille, tiens ! Il ne te l’a pas dit ? Bon sang, est-ce que tu veux bien réfléchir un peu ?! Ce que tu peux être stupide par moments ! »

Je me détournai de lui, voyant qu’il se levait également, et ne le vis pas se diriger vers le balcon. Je me rendis à la cuisine, pour me servir un verre d’eau, tentant de calmer mes pulsations cardiaques qui avaient grimpé en flèche. Ma main s’accrocha autour du verre et je bus le contenu rapidement, n’ayant besoin que de quelques gorgées pour faire descendre le tout dans mon corps. Le reposant un peu brutalement sur l’évier, je serrai la mâchoire fortement, tandis que mes paumes allèrent s’agripper fermement sur le rebord du plan de travail, laissant mes épaules évacuer ma frustration en soupirant lourdement à plusieurs reprises.

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyJeu 8 Aoû - 23:05




« Une petite sincérité... »

Son rire se mêlait au mien, tout comme ses doigts s’étaient entrelacés dans les miens tout naturellement. Ils y avaient leur place, de la même manière que nos rires étaient fait pour s’accorder ensemble.

« Ils vont nous prendre pour des fous quand on ira déclarer sa naissance. "Bonjour, je viens déclarer la naissance de Globule Dougal. - Euh pardon ?" »

« Oui, oui, vous avez bien entendu, Globule Dougal, très joli prénom que nous avons mis du temps à trouver. »

Je fis un clin d’œil à Kate tandis que nos sourires se faisaient écho. Nous étions assez doués pour raconter des bêtises lorsqu’on était parti : c’était à ces rares moments que mon sens de l’humour que je qualifiais moi-même de douteux se révélait pleinement. Le prénom. Nous en riions, mais nous en rirons moins lorsque nous nous retrouverions au pied du mur. Un prénom. Si c’état un garçon, je voulais qu’il ait Alan dans ses prénoms, et si c’était une fille : Kate. Pour que s’il nous arrive malheur, notre enfant connaisse au moins le prénom d’un de ses deux parents. Que s’il nous arrivait malheur, il ait une trace de ceux qui l’avaient aimé et adoré. Le prénom… ça allait être houleux comme discussion, parce que Kate et moi nous disputions souvent sur le moindre sujet, même – et surtout – sur les plus futiles. Le choix du prénom de notre enfant, si ce n’était pas un sujet futile, risquait d’être amusant à observer. Je l’entendais déjà écarter toutes mes propositions, et moi faire la grimace devant les siennes… oui, ça allait être drôle… Puis elle me parla de l’échographie. Chouette. Parfait. Génial. Nous allions voir notre enfant. Mais elle avait pris cette décision seule, elle m’avait… je lui faisais confiance, plus qu’en quiconque sur Terre – excepté Camille peut-être – mais je craignais un abandon, même devenu adulte. Mon énervement la contamina, mon angoisse se mua chez elle dans un agacement qui me fit mal. Son soupir m’irrita. De seconde en seconde, en fait, la dispute qui semblait attendre le meilleur moment pour se faire remarquer prenait le pas sur le bonheur d’être de futurs parents, l’émerveillement de savoir que nous avions fait à d’eux un être encore plus beau… Nous étions en colère, j’étais incapable de dire exactement pourquoi. Chez moi, frustration et panique, il fallait bien se le dire, se mêlaient à de l’agacement, de la fatigue, de l’étonnement et beaucoup d’émotions. Du côté de Kate… les hormones ? Non, tout simplement de la fatigue aussi, assurément. Et peut être que ma réaction l’avait blessée. Ses soupirs, ses yeux levés au ciel… ca m’exaspérait. Et ça ne m’aidait pas vraiment à me calmer.

« Est-ce que tu veux bien cesser de faire ça ?! Tu ne comprends rien ! Tu ne sais pas ce que j’ai enduré pendant toutes ces semaines sans pouvoir faire sortir les mots de ma bouche pour te le dire ! Tu crois que c’est facile ? Bon sang Alan ! Et oui, bien sûr, je l’ai annoncé à tout le monde sauf toi, évidemment ! Je l’ai même dit au Pape ! Et même à Camille, tiens ! Il ne te l’a pas dit ? Bon sang, est-ce que tu veux bien réfléchir un peu ?! Ce que tu peux être stupide par moments ! »
Ce que je peux être stupide ? Ce que je peux être stupide ? Mais qu’est ce qu’elle sous entendait, là ? C’était du grand n’importe quoi, vraiment. Moi stupide ? En quoi étais-je stupide ? Je lui en voulais de m’avoir tu sa grossesse parce que je craignais avoir été suffisamment instable, être même, puisqu’on parlait encore au présent…. Je lui en voulais parce que je m’en voulais… c’était un concept particulier, ça.

J’étais à présent appuyé à la balustrade en train de contempler la ville qui s’illuminait de petites perles à mesure que la luminosité solaire déclinait. Le vent frais de la nuit, la hauteur, le vide, tout cela parvenait à me calmer alors que je maugréais dans ma barbe un vague « Que je cesse, que je cesse, elle est drôle, elle. Réfléchir un peu ? Je suis stupide ? Et elle alors. Nan mais oh. C’est n’importe quoi. Je vais être père et elle me demande de réfléchir. C’est elle qui devrait réfléchir. »

Je poursuivis mes borborygme encore plusieurs minutes avant de me rendre compte que Kate n’était plus dans le salon. Okay. Cool. Classe. Je parlais tout seul. Je me retournai pour m’adosser à la balustrade et je cherchai ma femme du regard.

« Tu m’écoutes quand je te parle ? Kate ? »

Je me fiai à mes sens métamorphiques – il fallait vraiment que je cherche dans le dictionnaire si un tel mot existait – pour la localiser dans l’appartement. La cuisine : ça me parut évident une fois que je la vis adossée au plan de travail. Je me traversai le salon d’un air songeur. Pour une fois que je faisais le premier pas pour revenir… Je n’aurai pas du m’emporter. J’avais été stupide, comme elle l’avait si bien dit, mais pas stupide de dire ces mots, stupides d’avoir douté d’elle. Je m’adossai à l’embrasure de la porte, comme elle un  peu plus tôt lorsqu’elle s’était retrouvée devant moi qui cherchais à manger.

« Désolé. Mardi tu as dit ? La première échographie ? Mais…, je me passai une main sur le visage. S’excuser n’était pas facile pour moi, même si je n’étais pas particulièrement narcissique – ou du moins, aux dernières nouvelles.… ça fait beaucoup d’un coup. Beaucoup de choses à penser, à faire, à préparer. »

Brutalement, toute ma colère s’évanouit pour se transformer en inquiétude, de nouveau. A croire que ma Kate si féroce venait de se transformer en sucre dans un pays où approchait la mousson. En un clin d’œil des forces obscures pouvaient maintenant la balayer et la faire fondre irrémédiablement. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale.

« Toi, ça va ? Vraiment ? Il faudrait que tu t’assoies non ? Et il faudrait un peu que je t’épargne, je lâchai un petit rire nerveux on mange ? »

J’avais totalement oublié ce fait, mais mon estomac me le rappelait à présent. Et le berger allemand aussi accessoirement, même s’il était plutôt silencieux en présence de Kate en général.


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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptySam 10 Aoû - 15:55




« Une petite sincérité [...] »


Le temps se jouait de nous, comme avec des marionnettes reliées seulement par de fins fils, susceptibles de se casser à chaque seconde qui passait. En un instant, il avait le pouvoir de nous faire passer d’un état extatique à une colère sourde. La bulle de bien-être dans laquelle je me trouvais une seconde auparavant avait explosé, ne laissant que quelques traces de savon, marques d’un passé qui n’existait plus, qui ne pouvait se régénérer, sortant subitement de ses cendres tel un phénix. Je désespérais de cette situation. Nous n’arrêtions pas de nous disputer pour un rien. Comme d’habitude, nos disputes partaient d’un détail, et pouvaient atteindre des proportions énormes. La preuve en était de notre séparation de deux ans entre 2011 et 2013. Généralement, nous arrivions tout de même à nous rabibocher rapidement, mais cette fois-là n’avait pas été le cas. Généralement, nos disputes me faisaient plus rire qu’autre chose, après coup, mais là, j’étais fatiguée. Peut-être étaient mes hormones déchaînées de femme enceinte. Peut-être était-ce tout simplement parce que je n’avais plus la force de me disputer avec celui que j’aimais, malgré tout, et plus que tout. Notre couple allait connaître un nouveau souffle, un nouveau tournant, et il me paraissait improbable que nous continuions comme avant. Nous devions prendre un rythme différent, avec l’arrivée de notre bébé. Il allait falloir revoir notre mode de vie, et ça allait être une autre discussion que j’allais devoir avoir avec Alan. Mais ce serait pour une autre fois. Je me marmonnai à moi-même :

« Il va falloir que nous fassions tous les deux des efforts, sinon ça ne va pas être possible. »

J’anticipais déjà, alors que notre bébé n’était même pas né encore. Mais Alan avait dit il y avait quelques minutes qu’il était prêt à faire des efforts. J’espérais qu’il ne me mentait pas. Et qu’il était vraiment prêt à en faire. Et surtout qu’il réalisait bien tout ce qu’un bébé impliquait dans la vie d’un couple. C’était ça que je craignais le plus. J’aurais dû ne pas m’en faire, Alan m’aimait, je l’aimais, nous étions tous deux responsables, du moins le croyais-je, donc tout devrait bien se passer. J’aurais dû ne pas m’en faire mais je n’y parvenais pas totalement. C’était un nouvel inconnu auquel nous devions faire face, et j’avais peur de l’inconnu. Il m’avait terrifiée en quittant ma ville natale, Derry, à l’âge de dix-sept ans à peine, sans un diplôme en poche ni argent. Mais je m’en étais toujours sortie. Alors j’avais envie de croire que cette fois-ci, ce ne serait pas différent. Et puis, je n’étais plus seule, et c’était une différence tellement importante.

Lorsqu’Alan vint me retrouver dans la cuisine, j’avais plus ou moins réussi à me calmer. J’espérais qu’il n’allait pas raviver la flamme qui couvait en moi, sinon nous finirons certainement la journée fâchés l’un avec l’autre. J’aurais rêvé mieux comme événements suivants l’annonce de ma grossesse. Mais il arriva d’un pas calme et son ton l’était tout autant. Tant mieux. Je relevai la tête vers lui quand il me demanda confirmation pour mardi. Je balançai légèrement ma tête de gauche à droite, pour lui signifier que ce n’était pas le bon jour.

« C’est mercredi. Mais si jamais ça ne te va pas, je peux essayer de m’arranger. »

Il se passa une main sur le visage et je m’approchai un peu de lui, tout en gardant une petite distance entre nous, ne sachant pas encore exactement s’il avait perdu toute rancœur envers moi. Je me croisai les bras sur ma poitrine, attendant qu’il continue, ce qu’il fit, d’un ton hésitant qui me fit craquer.

« Oh Alan, je sais. Mais ça va aller. On est deux pour faire tout ça. Et puis, si les autres y arrivent, je ne vois pas pourquoi on n’y arriverait pas. On n’est pas plus bêtes qu’eux. »

J’avais fini par me rapprocher de lui, me plantant en face de lui, posant ma main gauche sur son bras. Je fis de petites caresses sur son bras, pour tenter de l’apaiser, ressentant le désarroi qui l’étreignait en cet instant. Dire que je n’angoissais pas moi non plus aurait été un mensonge, mais moi, au moins, j’avais déjà eu le temps de m’y faire. Je m’étais habituée à cette notion de "Nous allons avoir un bébé d’ici la fin janvier." Donc d’ici un peu plus de six mois. Bon sang, c’était en même temps tellement génial et tellement terrifiant. Comment cela pouvait-il en être ainsi ?

« Ça va. Ne t’inquiète pas, je ne dois pas passer ma vie assise non plus. Et oui, je veux bien qu’on mange, je meurs de faim. Maintenant, tu comprends enfin pourquoi mes envies étaient si bizarres ces derniers temps. Est-ce que tu y avais fait attention au fait ? J’aurais cru que tu te serais posé des questions, ou que tu aurais soupçonné quelque chose… »

Je lui souriais et, finalement, alors que le temps nous avait arraché l’un à l’autre quelques secondes à peine auparavant, voilà qu’il nous avait permis de nous rattacher, nouant nos mains et nos âmes ensemble pour faire face à l’adversité. J’étais bête d’être pessimiste. Tout allait bien aller, je le savais, je le sentais.

« Pour tout te dire, je n’ai pas l’intention de dévoiler ma grossesse à plein de gens avant que je ne puisse plus la cacher. Pour l’instant, je peux encore mettre des vêtements un peu plus larges et personne n’y voit rien. Ça m’arrange bien. »

J’en étais à ma dixième semaine, et je savais que mon ventre allait s’arrondir dans les jours et semaines à venir. Bientôt, je serai incapable de cacher mon ventre aux autres. Mais je n’avais pas envie que tout le monde sache tout de suite. J’avais comme un peu peur que cela gâche tout. Ce bébé, il était à Alan et à moi, et les autres pouvaient bien attendre avant de connaître la nouvelle. Il serait bien temps de leur annoncer plus tard. Alan et moi n’avions plus aucun contact avec nos familles respectives, sinon, les choses auraient sûrement été différentes. Nous n’aurions sûrement pas hésité à le leur dire.

« Je me doute par contre que tu vas vouloir en avertir Camille, et je n’ai aucun souci avec ça, il est le seul à qui je veux bien qu’on révèle cette nouvelle. »

C’était le seul que je considérais comme assez proche pour lui dire. C’était le meilleur ami d’Alan, et il était devenu le mien au fil du temps, même si ma relation avec lui n’égalerait jamais celle de mon mari et lui, ce qui était normal. De tous les autres amis que j’avais, c’était surtout des collègues de boulot, à qui je n’allais pas révéler ma grossesse maintenant, ou bien quelques autres métamorphes, dont Elecktra par exemple, qui était une bonne amie, mais que je n’avais plus vu récemment donc l’occasion de lui dire ne s’était pas présentée.

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyLun 19 Aoû - 14:30




« Une petite sincérité... »

« C’est mercredi. Mais si jamais ça ne te va pas, je peux essayer de m’arranger. »

Arf, l’erreur. Ca commençait bien : je me trompais de jour. J’offris à Kate un sourire contrit, alors que j’essayais de comprendre et d’intégrer que j’allais voir mon bébé mercredi. Mercredi. Bon sang. Mercredi. Intègre ça Alan : l’échographie, c’est mercredi. Je stressais un peu, beaucoup, énormément, à l’idée d’être père, au final. Je stressais de ne pas être assez responsable, de ne pas être un assez bon père. Je n’avais que peu de souvenirs de mes parents : où irais-je chercher l’exemple qu’il me fallait ? Je m’inquiétais. Ce n’était pas bon, il fallait que je me le répète : il fallait que je me détende. Je n’étais pas seul, pour le coup, puisque Kate était là. A deux, nous étions invulnérables : à deux, nous étions complets. Nous ne pourrions qu’être parfaits, ou presque, si nous restions deux. Non ?

« Ça va. Ne t’inquiète pas, je ne dois pas passer ma vie assise non plus. Et oui, je veux bien qu’on mange, je meurs de faim. Maintenant, tu comprends enfin pourquoi mes envies étaient si bizarres ces derniers temps. Est-ce que tu y avais fait attention au fait ? J’aurais cru que tu te serais posé des questions, ou que tu aurais soupçonné quelque chose… »

Elle me sourit, et je sentis une part de mon inquiétude s’évaporer. Je la pris dans mes bras, en faisant attention à ne pas la serrer trop fort contre moi. Ses envies étranges… un sourire rieur s’étira péniblement sur mes lèvres. Si j’avais fait le lien entre sa folie végétarienne et sa grossesse ? Pas le moins du monde. D’ailleurs, il allait lui falloir arrêter ce délire total : je ne voulais pas d’un enfant métamorphe lapin, moi. On était des prédateurs, fichtre donc !, pas des herbivores pacifiques qui grignotaient des carottes et du tofu à longueur de journées ! Je gardai mes pensées pour moi, seul un sourire trahissant mes bêtises, sachant pertinemment quelle pourrait être la réaction de Kate devant ces allégations. Heureusement pour moi, elle reprit bien vite, le temps que je chasse mes idées étranges de ma tête et que je les relègue au plus profond de mon cerveau.

« Pour tout te dire, je n’ai pas l’intention de dévoiler ma grossesse à plein de gens avant que je ne puisse plus la cacher. Pour l’instant, je peux encore mettre des vêtements un peu plus larges et personne n’y voit rien. Ça m’arrange bien. »

La grossesse. Dévoiler. Cacher. Oui, bien sûr, elle avait bigrement raison. J’acquiesçais dans un sourire. Jusqu’à ce qu’une petite ombre vienne s’ajouter au tableau. En théorie, pendant une grossesse, le bébé grandissait, non ? Et donc, le ventre aussi, re-non ? Et donc… flûte. Fichtre. Bon d’accord, ça allait forcément se voir. J’oscillais entre l’envie d’hurler au monde entier que j’allais être père, et le cacher pour qu’il n’arrive rien à notre enfant. Et à ma femme, accessoirement. Même si ce n’était pas accessoire, bien sûr. Mes pensées replongèrent sur ma famille, et je fus pris d’un désir brûlant et violent de les revoir. De revoir ma mère, de revoir mon père. D’avoir leurs conseils, d’avoir leur soutien, d’avoir… leur présence. Mon cœur se serra, et je raffermis mon contact avec Kate pour compenser. Je n’avais pas de famille autre qu’elle, notre bébé, et Camille que je considérais comme mon petit frère. S’il y avait bien une personne qui avait le droit d’être au courant dès les premières semaines, c’était bien Camille. Camille qui se souciait de moi, comme un frère se souciait d’un frère. Camille qui m’avait proposé son aide pour m’apprendre à gérer le berger allemand. Camille qui, lui non plus, n’avait pas de contact avec sa famille de ce que j’en savais.

« Je comprends que tu veuilles cacher ta grossesse, c’est normal, je suis d’accord mais Camille… »

« Je me doute par contre que tu vas vouloir en avertir Camille, et je n’ai aucun souci avec ça, il est le seul à qui je veux bien qu’on révèle cette nouvelle. »

« Camille alors. Il en a le droit, c’est mon frère, tu le sais. Et oui, mieux vaut taire le plus longtemps possible… nous sommes en paix, mais bon… il ne faut pas titiller le dragon sous prétexte qu’il ronfle. »
Nous avions parlé en même temps, et je fus soulagé de savoir que sur ce point, nous étions totalement sur la même longueur d’onde. Je me détachai de Kate, et en silence, j’attrapai un paquet de pâtes, des assiettes, une casserole… Mon silence soudain pouvait paraître étrange, mais il n’était pas inhabituel de ma part. Je partais facilement dans mes pensées. La seule chose qui pouvait être préoccupante était mon air préoccupé justement. Parce que je pensais à mes parents. Forcément. J’avais parlé de frère, nous pensions à nos familles. Je ne savais pas si Kate avait encore de la famille, ni même d’où elle venait. C’était ce genre de choses que nous ne nous étions pas dites. Je savais qu’elle était irlandaise, c’était tout. Forcément, je savais où elle était née, mais pas plus. Aucuns détails sur son enfance, sur ses années avant notre rencontre. Je n’avais pas besoin de les savoir, parce que l’important, c’était le présent. Etait-ce mes gênes métamorphiques qui me poussaient à me soucier du présent sans avoir conscience du passé et de l’avenir – quoique pour l’avenir, vu ma capacité à stresser, voilà…- mais dans tous les cas, le fait était que nous n’avions pas besoin de savoir le passé de l’autre pour l’aimer à la folie. Mais là… Je cherchai le visage de ma mère adoptive tandis que je remplissais la casserole pour faire chauffer de l’eau. Un éclat d’eau brûlante qui sortait du robinet m’arracha un petit cri de surprise et me fit sortir de mes pensées.

«  Si… tu… Camille est comme un frère pour moi. On prévient la famille, d’accord. Je veux dire.. si tu veux… Je… »

J’allais dans un terrain glissant. La prise de conscience que j’allais être père avait fait remonter en moi des peines, des peurs, des terreurs d’enfant mais plus que tout : la solitude. La peur de l’abandon. Certains disaient que cette peur d’être abandonné était propre à tous les enfants adoptés. Je ne savais pas trop : je savais que mes parents n’étaient pas mes parents biologiques. Etrangement, je n’avais jamais cherché à rencontrer ceux qui m’avaient conçu : m’avaient ils abandonné ou étaient ils morts, dans l’incapacité de s’occuper de moi ? J’avais une vie, j’avais une famille maintenant. Je n’avais pas à me préoccuper de ça. Je murmurai :

«  Je n’ai pas vu mes parents depuis mes huit ans…Je ne me souviens même plus du visage de ma mère…, Je secouai la tête en allumant le gaz et en posant la casserole sur le feu. Ma main tremblait. Je changeai brutalement de sujet, Al dente, fondantes, croquants les pâtes ? »

Mon sourire sonnait faux, mais je faisais de mon mieux pour reprendre pied. Mais qu’est ce qu’il m’avait pris de parler de ma mère ? De mes parents ? Je me donnais une petite claque pour vraiment me réveiller : ça n’allait pas du tout, tout ça : je n’allais pas abandonner mon enfant à la naissance, et il allait savoir dès son plus jeune âge qui il était, ce qu’il était, et que ses parents l’aimaient comme tel. Voilà.
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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyLun 19 Aoû - 18:34




« Une petite sincérité [...] »


Alan me prit dans ses bras, et je décroisai alors les miens pour aller entourer son corps. Sa chaleur m’envahit directement, ainsi que son odeur, qui se colla à moi en un instant. Je savais que j’allais garder un peu de sa fragrance sur moi dans les minutes à venir, et cela me fit sourire. J’enfouis ma tête dans le creux de son cou, cherchant un endroit douillet pour m’y blottir. De là, je sentais encore mieux son odeur et cela me ravissait. Mes lèvres vinrent effleurer son cou en un baiser léger, puis je reposai ma tête sur son épaule. Je sentais qu’il hésitait à me serrer trop fermement contre lui, sans doute à cause du bébé, et je m’arrangeai alors pour me rapprocher de lui. Je n’étais pas non plus fragile au point qu’il ne devait plus me prendre dans ses bras correctement non plus. Non mais. Je sentis alors ses bras se refermer plus étroitement autour de moi, et ses mains se posèrent plus loin sur mon dos et ma nuque. Mes mains, quant à elles, parcouraient son dos en petits cercles, avant de s’immobiliser pour me contenter de le serrer, de le garder tout contre moi, près de moi, comme si j’allais pouvoir rester dans cette position à jamais.

Nous parlâmes en même temps de Camille et j’étouffai un rire contre sa clavicule à peine ma phrase achevée. Je savais qu’il allait y penser, et j’avais presque réussi à le devancer. Je le connaissais suffisamment à présent pour anticiper quelques-unes de ses réactions. Certaines me surprenaient toujours, mais la grande majorité était prévisible. Et j’aimais ça. Car cela voulait dire pour moi que je le connaissais bien et que notre complicité était toujours aussi forte qu’aux premiers jours.

« Oui, je suis d’accord avec toi. Je préfère rester prudente. »

Il s’écarta alors de moi et sa chaleur me quitta en même temps que son odeur, me laissant un vide à combler. Je regrettai subitement de lui avoir dit que j’avais faim. Nous aurions pu rester comme ça un peu plus longtemps si je m’étais tue. La faim me sembla soudainement moins importante qu’un câlin de mon mari, mais je ne dis rien, me contentant de passer mes mains sur mes bras avant de les relâcher d’un geste. Alan alla prendre ce qu’il fallait pour cuire les pâtes et pendant qu’il remplissait la casserole d’eau, je commençai à mettre la table. J’y posai les deux assiettes qu’il avait sorties et allai chercher les couverts quand il lança quelques mots. Je fronçai les sourcils en me tournant vers lui. Attends. Il voulait dire quoi là ?

« Tu… tu veux prévenir qui d’autre ? »

Je ne savais pas quoi lui répondre d’autre. Nous avions tous deux un passé troublé, je le savais. Je repensai suffisamment au mien pour ne pas l’oublier. Derry. L’attentat. La période pendant laquelle je n’avais plus dormi. Ma stupidité d’adolescente. Ma fuite. Tout ça me repassait en tête régulièrement mais jamais je n’en avais parlé à Alan. De même que lui s’était toujours tu sur sa vie avant que je ne le rencontre. C’était comme ça et nous avions décidé d’un commun accord, il y a bien longtemps maintenant, que c’était en quelque sorte un sujet tabou. Alors nous n’en parlions pas. Ça m’allait très bien comme ça et je pensais que ça lui allait aussi. Alors pourquoi évoquait-il à présent le terme « famille », ce terme si significatif à nos yeux à tous les deux ? Ce terme que nous allions réinventer à la naissance de notre enfant. Nous allions redonner une nouvelle définition à ce mot qui avait été effacé de nos histoires à l’un comme à l’autre.

L’inquiétude se lisait sur ses traits et elle me gagna rapidement, aussi rapidement qu’un souffle sur une bougie éteint la mèche allumée. J’étais inquiète car jamais Alan n’avait semblé vouloir que l’on parle de notre passé. Et je ne savais pas si j’étais prête à lui révéler des choses tues jusqu’à présent. Ok non je savais parfaitement que je ne voulais pas lui parler de mon passé. Nous nous étions toujours compris sur ce point. Alors qu’est-ce qui lui prenait ? Voulait-il rompre cet accord soudainement ? Parce que je lui avais annoncé ma grossesse, il voulait parler de famille ? Anxieuse, j’attendis qu’il parle, qu’il exprime le fond de sa pensée. Quand il le fit, cela me fit mal au cœur pour lui. Je vins me mettre derrière lui, le forçai à lâcher la casserole qu’il était en train de mettre à bouillir, et le tournai face à moi. Je levai ma paume à hauteur de son visage, l’appuyant légèrement sur sa joue pour venir la caresser de mon pouce dans un geste apaisant. Je n’avais même pas répondu à sa question sur les pâtes. C’était le cadet de mes soucis à l’heure actuelle.

« Alan… Est-ce que… Est-ce que tu veux qu’on en parle ? »

Je ne précisai pas le sujet de notre potentielle conversation. Il savait très bien de quoi je voulais parler.

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyMar 20 Aoû - 0:05




« Une petite sincérité... »

« Tu… tu veux prévenir qui d’autre ? »

Tu veux prévenir qui d’autre ? Cette question m’acheva. Qui d’autre ? Comment ça ? Nous n’avions personne. Personne. Personne. Je n’avais pas d’amis, pas de proches. Pas de famille. Je déglutis : c’était elle ma famille. C’était elle, Camille, et notre enfant. Je m’étais contenté de Kate pendant des années, parce qu’elle était tout pour moi. J’avais accueilli l’amitié de Camille comme un cadeau inestimable. J’avais une vie, j’avais un amour, j’avais une famille. Pourquoi, pourquoi ce soir, cela ne me suffisait pas ? Pouruoi donc ? Avais-je l’impression d’empêcher Kate de contacter sa famille, parce que moi je n’en avais pas ? Avais-je l’impression que, d’un coup, ma fugue devenait la plus grande bêtise de ma vie ? Je ne savais pas du tout. J’essayai d’évoquer le visage de ma mère, j’essayai de discerner celui de mon père. Des ombres flottaient devant moi, mais je n’arrivais à m’en saisir. Elles se dispersaient lorsque je tendais la main vers elles, mais se reconstituaient aussitôt pour me narguer. Je n’aurai pas du parler de tout cela : c’était un sujet tabou. Je n’aurai pas du y penser, je n’aurai pas du... Je me concentrai sur la casserole, pour chasser les idées de ma tête. Ca ne servait pas rien d’évoquer le passé, bon sang. Je le savais, en plus. Je l’avais longtemps relégué au fin fond de ma mémoire, et il y était très bien là bas. Qu’est ce qu’il m’avait pris de le dépoussiérer et de le ramener à la lumière du jour. Décrépis, mal en point, il paraissait encore plus effrayant. Elle me força à lâcher la casserole, et je voulus résister. Je lâchai prise lorsqu’elle me fit me tourner vers elle. Sa paume sur ma joue m’arracha un sourire triste. Je n’aurai pas du en parler. Sa question confirma l’erreur que j’avais faite.

« Alan… Est-ce que… Est-ce que tu veux qu’on en parle ? »

Si je voulais qu’on en parle ? Non, ciel que non ! Surtout pas ! Des échos de Londres accoururent, le froid, la faim, la violence. La Mort. Non, je ne voulais pas en parler. Je ne voulais surtout pas en parler. Et pourtant… je ne savais pas vraiment. J’haussai les épaules. Ma voix s’enraya lorsque je répondis, l’éloignant du plan de travail :

« Je n’aurai pas du en parler, Kate. Je… nous allons être parents et ça m’a fait penser à… à eux… mais ne t’inquiète pas, ce n’est pas grave. Ma famille, c’est nous. Nous deux. Nous trois. Notre famille. Elle transcendera toutes les autres familles. On se suffit à nous seuls, non ? La famille du cœur, la famille de l’âme. »

Je la pris une nouvelle fois dans mes bras. Je voulais me convaincre de ce que je disais, et je ne l’étais qu’à moitié : un pincement au cœur, plusieurs à vrai dire, m’empêcher d’avoir totalement foi en ce que je disais. Parce que cette famille, je l’avais brisée en trompant Kate, même si nous étions séparés à l’époque. Pour moi, c’était une réelle trahison. Je l’avais trahie. Je ne la méritais pas, je ne nous méritais pas. Et je n’étais qu’un beau s#laud. Je déposai un léger baiser sur ses cheveux, pour étouffer l’amertume qui asséchait mon palais. J’étais un menteur, j’étais un tricheur, j’étais un s#laud. Et pourtant elle m’aimait : parce qu’elle ne savait pas. Nous attendions un enfant, et je n’étais pas le père idéal. Il me manquait un exemple, il me manquait un repère, et pire que tout : il me manquait le pardon. J’inspirai, en serrant un peu plus Kate contre moi, l’écoutant attentivement respirer. J’humai son odeur, reconnaissable entre mille. L’eau dans la casserole s’agitait, mais je n’avais pas envie de lâcher Kate. Je voulais changer de sujet, et vite. Parce que j’avais eu tort de nous emmener sur ce terrain glissant, et parce que je voulais m’en excuser, faire marche arrière.

« Alors, cette cuisson ? »

Non, je ne pensais pas qu’à manger. Le berger allemand avait faim, moi aussi. Mais je voulais aussi changer de sujet, hein ! Je ne savais pas quelle raison servait d’excuse à l’autre, mais les deux étaient belles et bien vraies. Mon ventre grogna à ma place, et je laissai m’échapper un petit rire qui, s’il n’était pas aussi clair que ceux que je pouvais avoir parfois, laissait percer de l’amusement, et de la tension.

« Mieux vaut s’attarder sur ce sujet plutôt que sur un autre qui ne ferait remonter que de mauvais souvenirs. Personnellement, tant quelles sont cuites, ça me va. Et puis, fondantes, ça demande du temps. Et je peux te kidnapper un peu plus longtemps dans mes bras. »

Je voulais alléger l’atmosphère que j’avais moi-même tendue. J’étais stupide de gâcher une si belle soirée, j’étais stupide de m’inquiéter, de m’énerver, de m’agacer, de nous énerver. J’étais stupide de faire remonter le passé, de soulever des tabous, d’aborder les sujets dont nous ne voulions pas. Peut être qu’un jour, ce sera le moment de se parler en tête à tête. Peut être que pendant les neuf mois qui allaient venir – même s’ils étaient un peu tronqués… – j’allais céder à l’envie de recontacter ma famille, recontacter les Dougal, mais pas ce soir. Pas maintenant. Nous étions deux, nous étions trois : et c’était largement suffisant. Non ?

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyMar 27 Aoû - 16:08




« Une petite sincérité [...] »


Le sourire triste qui flotta sur son visage alors que je le tournais vers moi me fit mal au cœur. Je ne savais pas quoi faire, quoi dire, face à ça. J’aurais dû me douter que parler d’un enfant à naître allait remettre le mot « famille » au cœur de l’esprit d’Alan. Il l’avait déjà remis en moi, alors c’était évident. Mais je ne pensais pas qu’il en parlerait aussi tôt. J’aurais cru qu’il allait devoir d’abord digérer la nouvelle avant de penser aux conséquences. Mais non. Il était tellement attentif à tout que c’était logique que ça lui vienne en tête rapidement. Je me morigénai de ne pas y avoir pensé. J’aurais pu préparer une meilleure réponse alors que mon bête « Tu veux en parler ? ».

Je vins enserrer sa main de la mienne quand il me répondit enfin. Oui, il avait raison. La famille que nous allions former avec Globule allait être la meilleure de toutes, j’en étais sûre. Comment aurait-elle pu ne pas l’être alors que nous nous aimions, Alan et moi ? Comment aurait-elle pu ne pas l’être alors que nous voulions tous deux de cet enfant à venir ? Je ne voyais pas comment cela pouvait être possible. Alors je voulus rassurer Alan, en disant ce que je pensais :

« On se suffit à nous seuls, oui. On va fonder la meilleure de toutes les familles, tu verras. Ce sera une petite famille, mais mieux vaut une petite famille unie qu’une grande famille dissoute. J’ai foi en nous. »

Il me prit dans ses bras et je retrouvais alors en un instant la félicité que j’avais connu il y avait quelques secondes à peine. Néanmoins flottait à présent en moi cette inquiétude qui tarderait à partir. Est-ce que le temps était venu de nous confier l’un et l’autre sur notre passé ? Je ne parvenais pas à donner une réponse tranchée sur cela. Je ne me sentais pas prête à le faire. À vrai dire, si j’avais pu me taire indéfiniment sur mon passé, j’aurais préféré. C’était étrange. Nous nous étions toujours tu là-dessus et jamais cela n’avait affecté notre relation de couple. La confiance mutuelle que nous nous accordions n’en avait jamais pâti et le fait de taire certaines parties de notre existence n’avait jamais été un obstacle. Peut-être parce que nous avions tous deux des choses à taire. Si l’un de nous avait été seul à ne pas dévoiler son passé, je ne savais pas si cela aurait été aussi facile. La preuve en était avec mes anciennes relations. J’avais toujours tu ce qui s’était passé à Derry, et ce silence avait pesé sur chacune de mes relations. Mais cela, c’était avant Alan. Déjà le fait qu’il soit métamorphe m’avait changée de mes relations précédentes. Et rapidement, j’avais compris qu’il était comme moi, tourmenté par son passé. Nous avions décidé d’un commun accord tacite de ne jamais parler de notre passé. Et j’avais la ferme intention de tenir cette promesse que je m’étais faite à moi-même.

Je ne répondis pas à sa question assez vite, si bien qu’il enchaîna sur autre chose. Je ne pus qu’acquiescer avec un petit rire, en me détachant de lui pour le laisser s’occuper de la casserole où l’eau bouillait.

« Va pour fondantes alors. »

Pendant qu’il se remit à la cuisson des pâtes, je terminai de mettre la table, disposant les assiettes l’une en face de l’autre, comme nous le faisions toujours. Peu de temps après, le repas fut prêt, et nous nous mîmes à table. Le souper se fit presque dans le silence, seulement ponctué de quelques phrases sans importance. Le plus important avait été dit, et je crois qu’aussi bien Alan que moi avions besoin de digérer tout cela de notre côté. Surtout Alan. Mais je ne doutais pas qu’il se remettrait vite du choc, je le connaissais suffisamment pour savoir que dans quelques jours à peine, il allait me soumettre plein d’idées pour la période de ma grossesse, mais aussi pour après… Je n’arrivais pas à savoir si j’avais hâte de l’écouter ou pas.

FIN

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MessageSujet: Re: « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]    « Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]  EmptyJeu 5 Sep - 10:14




« Une petite sincérité... »


« J’ai foi en nous. »

J’ai foi en nous. C’était ce qu’elle avait dit. Je n’avais pas foi en moi, personnellement. Je doutais, je craignais, j’avais peur, je stressais, j’angoissais. Non, je n’avais pas foi, je n’avais pas confiance en moi. On ne pouvait pas dire que je me détestais, mais ça s’en approchait assez fortement pour être dérangeant. Parler de la cuisson des pâtes n’était pas ce qu’il y avait de plus original, ni intéressant, mais bon… Comme lorsque Camille avait voulu me faire parler de mes problèmes de transformation, je prenais le changement de sujet qui me tombait sous la main – sans compter que j’avais faim.

« Va pour fondantes alors. »

Dans un sourire qui tinta comme un remerciement silencieux, je laissai Kate s’éloigner de moi pour terminer de disposer sur la table deux assiettes, deux verres, des couverts et une bouteille d’eau. Ce n’était pas de la grande cuisine que nous avions à manger – les pâtes étaient plus que fondantes (le terme exacte était collantes et j’avais oublié de faire réchauffer la sauce tomate avec, mais bon. Il était tard, nous avions faim, et j’avais fait la cuisine ce qui était un exploit. C’était rare que nous mangions en silence, et pourtant ce fut ce qu’il se passât : nous devions être un peu trop dans nos pensées pour pouvoir tenir une réelle conversation. J’avais besoin de digérer la nouvelle, et Kate me connaissait suffisamment pour savoir que, pour ça, j’avais besoin de silence et de calme. J’essayais avec ma minutie habituelle – il était plus facile de désangoisser lorsqu’on divisait un problème en plusieurs petites solutions – de faire la liste de tout ce que nous allions avoir à faire dans les jours, semaines et mois à venir. A première vue, tout tenait en trois mots : s’équiper, se former, se préparer. On pouvait en rajouter un quatrième, qui était indispensable mais si logique que nous le faisions de nous même : s’aimer. S’équiper… je passais en revue tout ce dont nous allions manquer. Poussette, chaise-haute, habits de nourrissons, stérilisateur, biberons, sommeil… Se former. C’était simple à dire, extrêmement dur à faire. Se préparer… l’échographie. Camille. Le prénom. Le parrain ou la marraine. L’inscription en crèche. L’éducation. Neuf mois n’étaient pas trop pour tout ce qui nous attendait. Moins de neuf mois, en fait.
Plusieurs fois, j’eus envie de poser des questions à Kate, mais je me retins in extremis. Ce n’était pas le moment, pas encore. Ce soir, j’étais juste un futur Papa heureux de l’apprendre, angoissé de le devenir, amoureux. Les problèmes d’un futur Papa attendraient demain, si on pouvait appeler ça de réels problèmes. C’étaient juste des préparatifs, rien de plus. Pour meubler l’attente. Pour meubler le temps. Et nous donner, à Kate et moi, de nouveaux prétextes pour ne pas être d’accord. Je souris à cette pensée, en caressant la main de Kate. C’était stupide d’être heureux d’avoir des sujets de désaccords, mais bon. C’était nous, voilà la seule chose que je pouvais penser : c’était nous.

FIN

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« Une petite sincérité est une chose dangereuse et une grande sincérité est absolument fatale. » [Livre II - Terminé]
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