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Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]
MessageSujet: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMer 26 Juin - 20:55




Tu voulais me parler ?

J’étais en train de jurer grossièrement sur mon ordinateur qui refusait de charger mon dossier de photos faites au microscope, quand un cliquetis me fit lever la tête. Je tendis la main vers le bouton pour éteindre l’écran d’ordinateur, par sécurité, avant de regarder l’heure. Dix-neuf heures. J’étais rentré plus tôt que prévu, ce qui expliquait ma présence sur l’ordinateur, et je ne m’attendais pas à croiser quelqu’un d’autre que Camille. Avant de me souvenir que ce devait être Kate qui revenait du travail. Mon regard dériva vers mon téléphone courant, puis sur l’autre, qui n’était pas sensé exister. La porte s’ouvrit sur ma femme qui m’avait prévenu à midi qu’elle passerait en coup de vent pour se changer. En fermant la porte avec toute sa délicatesse habituelle, mes oreilles gémirent devant la maltraitance que subit l’innocent objet, elle commença à me raconter sa journée mais je me levai pour la faire taire d’un léger baiser sur les lèvres, sentant venir toute une diatribe sur le manque de savoir vivre des salariés, des clients, des gens dans la rue, des nuages, des voitures, des conducteurs, des trottoirs, des…

« Allez, va vite te changer, tu vas être en retard. »

Je la suivis du regard rejoindre notre chambre en jetant son sac sur notre canapé, un sourire aux lèvres, avant de reporter mon attention sur mon ordinateur dont je rallumai l’écran. En quelques raccourcis claviers, j’enregistrais les données sur ma clé USB, que j’allais ranger dans sa cachette secrète, faut d’autre terme plus adéquat et moins… agent secret, dans un coin de notre bibliothèque. Sur cette clé se trouvaient toutes ou presque toutes mes informations sur les métamorphes, que ce soient les légendes en parlant, les traces de leur existence dans la culture de différentes pays et régions dans le monde, des articles de presse scannés ou photographiés sur des faits étonnants, ou mes recherches de généticien sur le sujet, celles du moins, que j’avais pu extirper des ordinateurs du laboratoire du Gouvernement avant mon expulsion. Je les avais poursuivies autant que je l’avais pu sans équipements adéquats, me reposant sur de plus en plus d’hypothèses que je ne pouvais pas vérifier, malheureusement. Au moins, je poursuivais quelque chose, et j’avais l’impression d’être utile à la cause des métamorphes. Sur cette clé USB, ou plutôt sur sa sœur jumelle qui avait sa place sous le matelas de notre lit double, il y avait aussi toutes les informations sur les vrais métamorphes, du moins, celles que me fournissaient Duncan pour trouver d’autres métas. Pour masquer la clé USB et justifier ma présence à côté de la bibliothèque, je récupérai un livre quelconque que je déposai bien vite sur la table basse. La voix de Kate me tira de mes pensées, alors qu’elle revenait dans mon bureau :

« Mais c’est quoi tout ce bazar, Camille n’est pas sensé venir ce soir ? Tu n’as pas oublié j’espère ! »

Je considérai d’un bref coup d’œil le salon, mon bureau, et ce que je pouvais voir du sien, et je ne pus m’empêcher de rire. Il fallait l’avouer, c’était loin d’être aussi bien rangé que ce qu’on pouvait s’y attendre lorsqu’on me connaissait, que ce soit au travail ou tout simplement dans ma vie active et sociale. Je regardais ma montre. Dix neuf heures quinze. J’avais un peu de temps avant que Camille n’arrive pour mettre un peu d’ordre, ce qui allait consister principalement à remettre les livres éparpillés sur les étagères et à ranger mon manteau, quelques babioles qui traînaient et… mon regard dériva sur la fenêtre ouverte. Il y avait un petit peu de vent.

« Alan ? J’te parle ! »
« Hein ? Quoi ? Non, non, je n’avais pas oublié, ne t’inquiète pas chérie. Toi, en revanche, tu vas être en retard. Vous allez faire quoi au fait ? »

Je rangeai déjà les livres en l’écoutant m’expliquer le long processus de sélection de film qu’elles avaient du mener avant de décider de ne pas aller au cinéma mais juste d’aller boire un café dans un bar, tout en cherchant ses clés qu’elle avait perdu lorsqu’elle avait jeté son sac. Avec les années, j’avais fini par ne plus y faire attention, mais notre rupture longue de deux ans m’avait fait sentir à quel point ces petits faits en étaient venus à faire partie de mon quotidien et à quel point ils m’avaient manqués. Finalement, j’abandonnai mes livres pour chercher les clefs que je trouvais rapidement. Quelques « Sois prudente ! » et autre « Toi, sois prudent » plus tard, je refermai la porte derrière elle. Un nouveau regard vers l’horloge murale m’informa que Camille n’allait plus du tout tarder à arriver et j’en profitai pour aller m’appuyer sur la rambarde du balcon, en observant le soleil qui se teintait de rouge. J’étais en train de partir totalement dans mes pensées, en ne pensant à rien en fait, je m’étais assez interrogé sur les raisons de la demande de Camille toute la journée pour avoir encore la force de le faire actuellement, quand la sonnette résonna dans l’appartement, me faisant sursauter.

« Oui ? Oui, attend, j’arrive. »

J’avais la fâcheuse manie d’oublier que les portes ne s’ouvraient pas toutes seules. Déjà à l’hôtel, lorsque nous avions rencontrés James, j’avais oublié ce fait, et voilà que je l’oubliais encore une fois. Et que Camille fusse un ancien ( ?) cambrioleur n’aidait pas puisqu’il pouvait se débrouiller pour rentrer. J’ouvris la porte avec un sourire.

« Hey ! Tu as du croiser Kate ! »

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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMer 26 Juin - 22:30




Tu voulais me parler ?

Mes doigts pianotaient nerveusement sur mon volant alors que je prenais la route pour Edimbourg. Je n’étais qu’un amalgame de sensations - encore une fois, une boule de nerfs qui s’agitait sur son siège. Je n’avais pas franchement le bon état d’esprit pour mener à bien la conversation qui m’attendait. Comment parvenir à rassembler toute ma lucidité alors que Rebecca s’était fait une joie de la fracasser en une nuit et une journée ? Chacune de nos dernières rencontres avait été pour le moins mouvementée. Comme si après cette séparation, l’alchimie qui nous liait avait décuplé pour en frôler le ridicule. Je ne savais pas si c’était cette distance qui avait rendu chaque rencontre plus intense ou si ça avait été toujours le cas mais qu’immerger dans cette histoire je ne m’en étais pas encore aperçu. Bien sûr, ça m’effrayait. Dès qu’elle désertait mon horizon, je passais par des phases de panique impressionnante durant lesquelles je culpabilisais sur mon incapacité à mettre plus de limite, à l’éloigner de mon existence chaotique et du surnaturel. Je savais que je commençais doucement à perdre le contrôle de ce que nous vivions – j’en arrivais même à me demander si je l’avais un jour eu. Le fait qu’elle ait été une amie durant une certaine période ne m’aidait pas à m’en détacher pas plus que cette attraction aberrante qui me ramenait toujours dans ses bras. Je ne m’expliquais pas ce phénomène. Ce que je pouvais constater plus ou moins objectivement c’est que je commençais à lui en dire un peu trop, à laisser trop d’espace pour qu’elle puisse se faufiler dans ce que je jugeais être ma vie personnelle, privée. Je baissais trop mes défenses, elle me mettait… en confiance. Je me crispais à ce songe, un regard en biais sur le bracelet que je portais. Oui, j’arrivais encore à transformer tous les aspects positifs de ces dernières heures avec elle en quelque chose d’interdit, d’impensable. Je ne savais tellement plus où j’en étais, je savais ce que je devais faire mais je ne parvenais pas à m’y résigner. Encore moins depuis que j’avais discerné sa fragilité. Je ressassais les événements les plus étranges que nous ayons partagés. Son cauchemar, sa peur, ses pleurs. Cette détresse avait fait naître en moi des sentiments incohérents. Je voulais la protéger, être à ses côtés pour l’épauler. Mais je ne le devais pas. Parce que je devais d’abord m’occuper de la communauté avant elle. Je ne pouvais pas être égoïste. C’est pour ça que je ne pouvais pas la retenir. Même si nous n’étions pas un couple… Est-ce qu’elle se privait de vivre autre chose avec quelqu’un de mieux, quelqu’un de plus adapté pour moi ? Cette pensée me broyait le cœur. Je me mordis la lèvre et comme d’habitude, augmenta le son de la radio pour la fermer mentalement.

J’avais l’impression que le parfum de Rebecca me collait encore à la peau et j’espérais que ça ne soit pas le cas. Enfin, je comptais en parler à Alan, bien entendu, de son retour. Et lui demander s’il ne pourrait pas lui trouver un job. Mais bon, de là à ce qu’il devine que j’ai passé assez de temps contre elle pour avoir son odeur sur moi. Pas que ça me déplaise, bien au contraire mais là ça devenait un peu embarrassant. Nos vies sentimentales étaient respectueusement tues. Je n’avais pas eu beaucoup d’informations sur sa séparation avec Kate, ni sur leurs retrouvailles. On se comprenait lui et moi à ce sujet, pas besoin de creuser. J’essayais de me calmer malgré que tout me rendait nerveux jusqu’à cette chanson sordide s’échappant des hauts parleurs. Tout me ramenait à elle. Ce soir, il s’agissait d’Alan pourtant dont les problèmes m’avaient plus qu’inquiété depuis hier matin. Pour que Kate juge ça aussi grave et me contacte par crainte qu’il ne se … suicide. Je l’avais bien compris au ton de sa voix qu’il s’agissait de ça. Je n’avais pas tout compris de ce qu’il se passait avec lui mais je comptais bien avoir le fin mot de l’histoire. Il était trop sous pression, ça devait sûrement venir de là. Je savais que quelque chose clochait avec ses transformations mais nous n’en avions jamais parlé ouvertement. Du coup, je n’avais qu’un paquet de suspicions à ce propos. Je ne voulais pas aborder un thème dérangeant avec lui mais les choses prenaient de trop grandes proportions. Si même sa femme ne savait plus quoi faire… Je doutais pouvoir moi-même changer le cours de l’histoire mais ça valait la peine de tenter le coup. Je le revoyais pencher sur cette balustrade à l’hôtel et puis la fois où nous nous étions un peu chamaillés après l’appel de Krystel Raybrandt… Mon meilleur ami n’allait pas bien et même si j’avais aperçu quelques signes avant-coureurs, je ne m’étais pas douté de la gravité des événements. Je m’en voulais tellement. Je tentais de chasser un peu la jolie brune de mon esprit pour me focaliser sur ce rendez-vous et sur lui.

J’arrivais enfin dans sa ville, mon ancienne ville. J’étais à l’avance, je fis un crochet par mon ancienne adresse juste par curiosité. L’immeuble avait été un peu amoché avec la guerre mais ça allait encore par rapport à d’autres quartiers. J’en éprouvais un peu de mélancolie bizarrement, je me sentais vraiment pas dans mon assiette ce soir. J’étais complétement retourné comme toujours après avoir vu mon amante. Allez ! Je me frappais le front pour me raisonner et me dirigeais vers l’appartement de mon conseiller.  Je me garais à quelques mètres de l’entrée – j’avais eu de la chance sur le parking, embarquais la bouteille que j’avais pris soin d’apporter – l’alcool un bon catalyseur pour la communication, puis pénétrais dans la bâtisse. Une fois sur son palier, j’activais la sonnette et entendis la voix de mon comparse de l’autre côté. Je souris automatiquement. Bien, maintenant, j’allais apprendre à me détendre plus que ça parce qu’il allait falloir jouer serré pour ne pas le brusquer, le braquer, le vexer, l’irriter ou tout autre verbe se rapprochant de ceux-là. J’accueillis son rictus du mien. « Ah euh… J’ai dû la manquer de peu alors. » Ou alors je suis passée à côté d’elle sans m’en apercevoir tellement je suis perturbé. J’entrais en donnant une petite tape amicale sur l’épaule d’Alan en guise de bonjour. Puis attendit au milieu de la pièce que mon hôte me dise où nous allions nous asseoir. Je sortis de derrière mon dos une bouteille de vin que j’agitais sous ses yeux. « J’ai réussi à trouver quelque chose de convenable. Ce qui n’est pas donné dans cette partie du Monde. » Je lui souris. « On s’installe où ? » Je ne comptais pas attaquer le vif du sujet directement. Je devais d’abord prendre la température…

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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyVen 28 Juin - 0:59




Tu voulais me parler ?

« Ah euh… J’ai dû la manquer de peu alors. »
« Pas de souci, entre, entre ! Tu connais les lieux ! »

Je me décalai pour le laisser entrer dans l’appartement et le temps que je ferme la porte, il était déjà dans notre salon, à m’attendre. D’un tour de clé, je verrouillai la porte, plus par réflexe que par réelle nécessité. C’était une habitude que nous avions prise pendant les années sanglantes, et nous n’avions pas voulu la perdre. Je le rejoignis rapidement, raflant au passage des objets qui traînaient pour les poser sur un meuble, la table basse, bref, un endroit où ils étaient sensés être, et mon sourire s’élargit lorsqu’il agita une bouteille de vin sous mes yeux.

« J’ai réussi à trouver quelque chose de convenable. Ce qui n’est pas donné dans cette partie du Monde. On s’installe où ? »

Je posai le livre que j’avais en main avec un sourire. Camille était trop bien éduqué pour son propre bien, je m’en faisais souvent la remarque, sans en faire un reproche. Je ne savais rien de son enfance, comme il ne savait rien de la mienne, comme je n’avais rien cherché à savoir de celle de Kate, et c’était pour le mieux. Je m’approchai du balcon pour fermer un peu la porte fenêtre puisque le vent avait forci, et aussi parce que le vide qui se tenait derrière agissait sur moi comme un aimant, il me fallait l’avouer, avant de repasser devant Camille pour me diriger vers la cuisine. En lui montrant de canapé, je lui répondis :

« Installe toi sur le canapé, j’arrive avec des trucs à grignoter et des verres. Tu as passé une bonne journée ? »

L’interrogation qui m’avait titillée toute la journée, ou depuis qu’il m’avait envoyé un message pour que l’on se voit, pointait à nouveau le bout de son nez et tandis que j’essuyais deux verres que j’attrapais sur le plan de travail, je laissai les différentes hypothèses possibles planer dans mes pensées. Si c’était plus sérieux, il me l’aurait dit, il ne m’aurait pas menti par message. Pourtant, vu son visage, je sentais que ce n’était pas non plus un sujet léger qu’il allait aborder avec moi. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, et il fallait l’avouer : ça m’angoissait. Généralement, le climat de mon appartement, dans lequel se mêlaient nos odeurs, à Kate et moi, m’apaisait, et ce devait être le seul endroit en Ecosse, si ce n’était au monde, où je me relaxais plus ou moins. Je laissais mes soucis derrière moi lorsque j’en franchissais le palier, je me sentais plus léger lorsque le sourire de ma femme m’accueillait ici. J’en oubliais presque mes écarts, j’en oubliais presque le goût amer que ma trahison m’avait laissé dans la bouche, j’en oubliais presque les hommes de la PES qui s’étaient fait mon ombre, j’en oubliais presque le retour de la Reine des Vampires dans la vie de Camille. Presque, certes, mais c’était déjà un mieux. Certes, on ne pouvait pas dire non plus que j’étais l’homme le plus détendu sur terre lorsque j’étais chez moi, non, mais c’était normal. Un Alan relaxé et qui cessait de s’inquiéter, ça ne s’était pas vu depuis… au moins sept longues années. Et ça n’était pas près de réapparaître dans la faune locale, vous pouviez me croire sur parole. Mais aujourd'hui, je m'en approchais, un peu. Un tout petit peu. J'étais de bonne humeur. Je revins dans le salon, histoire que Camille ne m’attende pas longtemps, et déposai le bol rempli de petits biscuits apéritifs, la seule chose comestible que j’avais pu trouver, il était temps que j’aille faire des courses histoire de remettre un peu de cet aliment appelé viande dans notre frigidaire, sur la table, ainsi que les deux verres. Je poussai un oreiller avant de m’installer, et souris à Camille, une nouvelle fois.

« Alors… tu voulais me parler ? Tu… »

Je fronçais les sourcils, en humant l’air, troublé. Je me frottai le nez, intrigué. Ma forme de prédilection étant le berger allemand, j’avais développé mon flair au même titre que mon ouïe, et j’étais devenu, au fil des années, extrêmement sensible à toutes les sortes d’odeurs que les humains ignoraient. Je n’étais pas à truffier, non, mais j’avais en mémoire plusieurs odeurs que j’associais à des personnes, des parfums, des flagrances perçues dans une pièce qu’une personne de ma connaissance venait de quitter. Suivre quelqu’un à l’odeur m’était strictement impossible, bien sûr, mais bon. Lorsque les odeurs étaient vraiment imprégnées, elles me sautaient aux yeux, ou plutôt aux narines, comme à cet instant. Si l’odeur de Camille était plutôt normale, ou du moins attendue (encore heureux !), une autre se mêlait à la sienne et ne m’était pas inconnue. J’étais totalement incapable de mettre un nom ou un souvenir dessus, ça devait remonter à trop loin. J’inspirai, toujours intrigué. Un peu méfiant. Etonné. Inquiet, oui, bien sûr. Forcément, je pouvais même rajouter. Je cherchai dans ma mémoire à qui je pouvais bien associer cette odeur, mais ce fut un nouvel échec. Je m’enfonçai un peu dans le canapé, mon sourire étant devenu interrogatif, et amusé :

« Tu as rencontré quelqu’un ? »

C’était à moitié une question, à moitié une affirmation. Une affirmation, parce que c’était la raison la plus plausible à mes yeux à ce mélange d’odeur, une question parce qu’il ne voulait certainement pas m’en parler, ou du moins je ne lui demanderai jamais de le faire contre son gré. C’était trop personnel, et je n’avais aucun droit de regard, puisque je n’étais ni son père, ni son frère, malgré tous les sentiments fraternels que je pouvais avoir pour lui. Mais bon, maintenant, la question était posée. Je me demandais s’il allait me répondre que ça ne me regardait pas, chose que je pouvais très bien comprendre (d’autant plus que ce n’était ni l’odeur d’une louve, ni la non-odeur d’une vampire…).



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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyLun 1 Juil - 19:31




Tu voulais me parler ?

Malgré moi, je détaillais ses moindres faits et gestes. Maintenant que Kate m’avait alerté, je passais le moindre de ses mouvements, de ses expressions au crible comme pour y chercher les failles qui m’avaient échappés. J’essayais de comprendre, de réaliser dans quel état mon meilleur ami se trouvait. Je l’observais avec insistance quand il se dirigea vers la fenêtre pour la fermer. Que faisait-il avant que j’arrive ? L’image de sa silhouette pendue à la balustrade revint me hanter, retourna mon estomac et je masquais habilement mon trouble derrière un sourire étudié quand il se retourna pour me parler. J’allais devoir diriger mieux que ça mes émotions même si j’étais déjà de base tourmenté par d’autres sujets. Il m’y ramena bien vite d’ailleurs en me demandant comment s’était déroulée ma journée. Cette question m’arracha une esquisse de rictus et une ébauche de grimace qui traversèrent mes traits trop rapidement pour qu’il ne le capte heureusement surtout qu’il s’affairait déjà à préparer les verres. Je comptais lui glisser dans la conversation de façon très anecdotique le retour de Rebecca. Il savait qu’elle avait été ma voisine, il savait qu’elle avait disparue six mois auparavant et il savait très certainement que nous partagions une relation qui dépassait le cadre amical strict bien que je n’en ai jamais touché un mot de cette histoire devant lui. Je ne sais pas si c’était si évident que ça mais il était observateur et je me doutais bien qu’il avait compris à demi-mots. La mentionner pourrait permettre de démarrer la conversation sur quelque chose de plus léger – enfin… pour lui seulement, avant d’attaquer le vif du sujet mais pour plusieurs raisons, je préférais encore attendre un peu avant de la placer dans la discussion. Ca donnerait trop d’importance à l’information si je débutais avec ça, non ? « Oui » déclarais-je évasif, je fronçais légèrement les sourcils en lui retournant son interrogation « Et toi ? » La tâche risquait d’être peu aisée connaissant mon conseiller, il était aussi secret que moi et à sa place, je sais qu’on aurait dû mal de me faire parler. Je m’installais dans le fauteuil qu’il m’avait indiqué en essayant de me détendre un maximum – une peine quasi perdue, bien que le cadre s’y prêtait et que malgré son instabilité récente, il me semblait relativement calme et décontracté – c’était inédit et inespéré. Il revint avec des biscuits apéritifs et deux verres. J’allais lui demander s’il avait un tire-bouchon sous la main pour ouvrir la bouteille que j’avais apporté quand il mit directement les pieds dans le plat avant de s’arrêter net. Je lui offris un regard interrogateur durant ces quelques secondes de silence. « Je ? »

Il embraya alors sur quelque chose auquel je ne m’attendais pas, tellement pas que ma propre réaction me surprit. Je me mis nerveusement à rire. Mince, l’odeur de la jolie brune me collait donc bien à la peau – ce qui n’avait rien d’étonnant après tout et grâce à son flair de berger allemand, il n’avait pas mis longtemps à le démasquer. Ce qui restait étonnant c’est qu’il me demande ça comme ça ouvertement, as-tu rencontré une femme ? C’était bien ça qu’il venait de dire non ? Alors que nous évitions toujours ces sujets, qu’est-ce qui lui prenait ? Je doutais qu’il ait su relier l’arôme à sa propriétaire mais … Ma nervosité atteignait alors son apogée et boire ce vin devint soudainement une priorité. Bon, je pouvais peut-être esquiver mais vu qu’il m’offrait le moment idéal pour en toucher un mot, je déclarais d’un air faussement détaché « Rebecca, tu sais mon ancienne voisine, elle est revenue sur Glasgow. » Afin de ne pas m’attarder sur cet instant plutôt embarrassant, j’ajoutais très rapidement à la suite « Tu aurais un tire-bouchon histoire qu’on goûte cette petite merveille ? » Je posais le breuvage sur la table en attendant de posséder de quoi l’ouvrir – ça m’empêchait ainsi de le retourner dans tous les sens pour évacuer ma montée de stress. Je tapotais d’une main sa consœur à la place, c’était complétement inconscient de ma part. Bon tant qu’on avait abordé le thème Becky, c’était aussi l’instant de lui parler de sa situation, je me l’étais promis. Je rajoutais donc toujours aussi nonchalamment « D’ailleurs, elle cherche un boulot. Tu penses qu’ils auraient besoin de quelqu’un du côté de l’université ou de ton école ? Je me vois mal tenter de lui trouver une place à la Lune Bleue. » Au milieu des loups garous, proche de Mary, enfin bref, je laissais Alan tirer ses propres conclusions. « Enfin si tu entends parler de quelque chose… »

Je lui souris et me calais un peu mieux dans le divan. Comment passer de ça au message de sa femme ? Aucune idée, je cherchais toujours une bonne entrée en matière. J’allais attendre qu’au moins nous ayons des verres à la main pour faire passer la pilule plus facilement dans une ambiance plus conviviale. Il fallait que je maîtrise mon taux d’anxiété, c’était primordial. Je devais faire preuve de tact et j’avais peur de ne pas en être à la hauteur. Est-ce que je pouvais mentionner l’appel de sa compagne ? Seulement en derniers recours, il allait se vexer sinon et je ne voulais pas être au centre d’une nouvelle discorde entre lui et son épouse. J’en avais assez fait dans ce domaine. C’était miraculeux d’ailleurs qu’elle soit en bons termes avec moi maintenant. Je m’en voudrais si je provoquais un nouveau cataclysme dans leur couple. J’allais devoir appuyer mes inquiétudes sur ses récents comportements avec moi. Comme à l’hôtel. Ca semblait peut-être trop maigre comme justification. Je creusais dans ma mémoire des instants où je l’avais jugé assez lunatique. J’étais resté songeur, limite absent pendant quelques instants alors que mon esprit se confondait en anecdotes quelconques. Je relevais la tête alors conscient d’avoir été distrait. S’il avait parlé, je ne l’avais pas entendu. « Tu disais quelque chose ? » Avec un peu de chance, il associerait ce moment d’égarement à ma belge préférée. Ce qui ne serait pas tout à fait faux, c’était en bonne partie sa faute si j’avais du mal à me concentrer ce soir. J’étais complétement cassé physiquement et émotionnellement, aussi éprouvé. Mais je comptais bien lutter contre tout ça pour Alan.

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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMer 3 Juil - 13:02




Tu voulais me parler ?


Je sentais mon ami nerveux depuis son arrivée chez moi, comme s’il comptait aborder un sujet hautement délicat. Je le sentais, parce que je commençais à bien le connaître, mais malheureusement, la plupart de ses pensées m’échappaient encore. Je pouvais être observateur comme je pouvais être totalement aveugle aux signaux que les autres souhaitaient m’envoyer, je le savais très bien. Mais là, il était nerveux avant d’arrivée, sa nervosité avait augmenté d’un cran lorsque j’avais ouvert la porte, et elle venait encore d’augmenter d’un cran. Peut être exagérais-je ce que je pouvais voir, mais bon. Dans tous les cas, si je ne savais pas le pourquoi de sa nervosité avant, maintenant, je pouvais en comprendre certaines raisons. Parce que ma question avait été plus qu’indiscrète, indécente, et surtout, la réponse qu’elle demandait ne me regardait pas le moins du monde. Sur le coup, je n’y avais pas réfléchi, puisque c’était la suite logique de ma perception d’une odeur étrangère, du cheminement de mes pensées, puisque c’était la formulation à haute voix de mes conclusions et des chapes d’ombre qui subsistaient encore. Je regrettais, maintenant, d’avoir posé la question, mais il était trop tard pour faire marche arrière, puisque Camille choisit de me répondre, avec un air détaché qui semblait trop vrai pour l’être totalement.

« Rebecca, tu sais mon ancienne voisine, elle est revenue sur Glasgow. Tu aurais un tire-bouchon histoire qu’on goûte cette petite merveille ? D’ailleurs, elle cherche un boulot. Tu penses qu’ils auraient besoin de quelqu’un du côté de l’université ou de ton école ? Je me vois mal tenter de lui trouver une place à la Lune Bleue. Enfin si tu entends parler de quelque chose… »

Rebecca ? Ma première réaction fut un « Aaah… Oh ? », au fur et à mesure que mes souvenirs visuels, olfactifs et factuels de cette jeune femme me revenaient en mémoire.  Je m’en souvenais bien dans le sens où elle avait été une part que je supposais importante de la vie de Camille, pendant les Années Sanglantes. Avant sa disparition soudaine, d’ailleurs. Deuxième réaction suite à cette pensée, un léger froncement de sourcil, alors que Camille embrayait sur le sujet de sa bouteille de vin qui n’attendait qu’une chose : être ouverte. Rebecca donc, que je n’avais pas spécialement cherché à connaître, afin que de son côté, elle ne me connaisse pas plus que cela. Je ne m’autorisais à faire confiance qu’à ceux de mon espèce, et encore, et plus encore lors des Années Sanglantes où mon instinct me criait de me méfier de tout le monde. Je me frottai à nouveau le nez, pour chasser l’odeur qui se heurtait à mes narines. Histoire qu’elle arrête de me perturber. Maintenant que je savais à qui elle appartenait, il n’y avait plus de raison de s’inquiéter. La question était : pourquoi Rebecca avait elle disparu des écrans radars aussi soudainement et aussi longtemps, et pourquoi redonnait-elle signe de vie maintenant que la guerre était finie. Si elle avait fui l’Ecosse, c’était qu’elle était d’une espèce surnaturelle, mais dans ce cas là, elle était partie bien tard. Ou juste une simple humaine qui voulait rester en vie, mais de même, pourquoi ne pas être partie plus tôt ? Je ne pouvais rien déduire, et j’avais déjà assez fouiné dans des sujets privés de Camille pour ramener ma paranoïa sur le tapis. Je me fis cependant la réflexion que j’allais en parler à Duncan, pour qu’il me tienne au courant s’il trouvait quelque chose d’étrange concernant la jeune femme. J’essayai de me reconcentrer sur ce qu’avait dit Cam, et après quelques secondes de réflexion, je retrouvais le dernier sujet qu’il avait abordé, alors que j’étais en train de songer au fait qu’il pouvait être en danger…

« Elle cherche du travail ? Hum… je vais voir ce que je peux faire… mais il faut qu’elle soit digne de confiance, d’accord ? J’ai déjà du mal à remettre un pied à l’université, si elle n’est pas honnête avec moi, et avec l’administration, c’est moi qui porterai le chapeau… »

Je me levai pour aller chercher le tire-bouchon dans un tiroir. Je voulais bien donner un coup de main à Camille, pour une fois que je pouvais l’aider concrètement pour quelque chose qui, visiblement, lui tenait à cœur, ce n’était pas le moment de refuser. D’autant plus que je pouvais effectivement garder les oreilles et les yeux attentifs, l’organisme qui m’avait embauché pour les cours particuliers, et les contacts que j’avais noués pour d’éventuels remplacements dans des écoles et collèges, cherchant toujours quelques surveillants et autres laborantins. Si Camille se portait garant de l’honnêteté de Rebecca, chose que je ne me sentais vraiment de faire actuellement, je pourrais accessoirement me porter officiellement garant à mon tour et lui trouver un job. Je mis enfin la main sur le tire-bouchon, et en le tendant à Camille, après m’être rassis face à lui, je repris :

« Tiens, à toi l’honneur. Faut que ce soit clair : tu me connais, je ne lui fais pas confiance. Elle a disparu du jour au lendemain, et elle se repointe une fois la paix déclarée officiellement. Même si ça ne signifie rien en soi, ce n’est pas neutre comme attitude. Mais je te fais confiance, alors si tu lui fais confiance, alors c’est okay. »

Je me réinstallai confortablement dans le canapé, surveillant mon regard qui avait la fâcheuse manie de dériver vers la porte fenêtre du balcon. Je ne savais pas trop ce que je pouvais dire de plus. Si Camille voulait me parler de cela, nous avions peut être un peu trop vite abordé le sujet. Par ma faute. Parce qu’il n’aurait alors pas voulu l’aborder de cette manière, je m’en doutais. D’ailleurs…

« Au fait… je… je suis désolé pour ma question… c’était… indiscret de ma part. »

Je ne savais pas s’il avait d’ailleurs compris que j’avais flairé l’odeur. Je me voyais mal m’excuser en lui disant que j’avais flairé une odeur étrangère et qu’il m’avait été dès lors indispensable de tout savoir si cette erreur olfactive dans mon appartement. Je me passai une main nerveuse dans la nuque, ne sachant vraiment pas ce que je pouvais rajouter de plus.


Dernière édition par Alan Dougal le Mer 3 Juil - 22:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMer 3 Juil - 19:57




Tu voulais me parler ?

Bon, je savais qu’aborder un sujet aussi privé avec mon meilleur ami serait… comment dire, délicat. Parce qu’il avait une nette tendance à vouloir me surprotéger et à me juger inapte à discerner les autres, à me préserver. Cette façon de me materner qu’il avait m’amusait souvent mais là, c’était plus encombrant qu’autre chose. C’est une des multiples raisons qui faisaient que je ne me confiais jamais à lui pour les thèmes les plus sensibles. Il justifiait ça d’ailleurs à l’instant. Bon, après, pour la garantie que j’avais à lui fournir pour Rebecca, je pouvais comprendre. Je ne voulais pas non plus qu’il soit dans une position fâcheuse par ma faute. Mais je connaissais suffisamment mon ancienne voisine – enfin je le croyais du moins, pour affirmer qu’elle ne ferait pas n’importe quoi. Elle avait disparue six mois, c’était vrai mais elle avait peut-être pris certains arrangements avec son ancien patron. Je la voyais mal ne pas se montrer responsable et sérieuse. Bon ok, je l’avoue je n’avais pas tous les paramètres pour promettre à Alan qu’elle serait là tous les matins mais je savais tout de même que si elle était revenue, c’était pour rester. Elle était l’une des seules personnes en qui j’avais confiance. Le paradoxe voulait qu’elle ait disparue et ne m’en ait rien dit. J’avais compris son départ comme précipité, imprévu mais qui étions-nous pour juger la complexité de son existence après tout ? Il suffisait de nous regarder, incapable de lier avec d’autres personnes que celles de notre espèce de peur d’être trahi. Je me savais non-objectif même si je tentais de rester neutre. « Je comprends. Ecoute, je ne veux pas que tu te sentes obligé de… Enfin… C’était juste une idée en l’air. » J’étais embarrassé de lui en avoir parlé maintenant. J’en avais trop dit et en fait, je n’avais pas envie de m’étendre sur ce sujet parce qu’il réveillait en moi beaucoup trop de choses encore trop fraîches. Je savais que je n’étais pas en état de couvrir le plus gros de ce qui se heurtait dans ma poitrine et comme mon conseiller me connaissait bien trop, il valait mieux éviter de s’étaler.

Il se leva, je le suivis des yeux distraitement. J’étais tellement chamboulé à l’intérieur, j’avais du mal de me focaliser sur plus d’une pensée à la fois. Ça en devenait sérieusement affligeant et je me serais giflé si j’avais pu pour ça. Il m’apporta un tire-bouchon et je me penchais alors vers l’avant pour récupérer la bouteille que j’avais posée sur la table basse. « Merci. » J’entrepris de l’ouvrir alors qu’il continuait à parler. Ce qu’il disait était compréhensible, je le savais pertinemment et pourtant, ça m’énervait. Je n’avais vraiment aucun recul quand il s’agissait de Rebecca et inconsciemment, j’aurais voulu qu’il l’apprécie car son avis avait toujours eu beaucoup d’importance à mes yeux. Peut-être que quelque part, il confirmait mes propres inquiétudes, celles que je n’avais jamais formulé même mentalement, celles qui se taisaient au fond de moi. « Oui, je lui fais confiance. Après tout, nous, non plus, on est pas très net. Je sais qu'elle sera à la hauteur peu importe le job. » Ferme-la maintenant avant d’en rajouter inutilement une couche. J’ôtais sèchement le bouchon de sa prison, passant dans ce geste un peu de ma frustration. Il s’excusa à la suite et ça m’apaisa sommairement. « Ce n’est rien… De toute façon, je comptais t’en parler. Comme ça, c’est fait. » Ce n’était pas le moment de jouer les vexés pour pas grand-chose. Je savais à qui je m’adressais, au Roi de la parano. Mais surtout à mon meilleur ami qui à ce juste titre, méritait bien que j’écrase mes propres problèmes pour lui. Surtout qu’il en avait besoin.

Je nous servais le vin comme transition à la raison de cette visite et à l’oubli du thème «  l’ex voisine de Camille Fontayn ». Je tendis son verre à mon hôte. « Faudrait d’abord le laisser s’aérer un peu, je pense. » J’humais sa fragrance et le reposa le temps qu’il prenne un peu l’air. Je croisais mes jambes,  nouais mes doigts ensemble et fixais mon regard dans celui de mon interlocuteur. « Je ne suis pas venu ici pour parler de Becky, comme tu te doutes. A vrai dire, Alan, je m’inquiète pour toi… » Je mordis l’intérieur de la joue. Je ne savais si c’était une façon subtile d’abord la chose mais j’en avais trouvé aucune autre. J’étais plutôt maladroit quand ça devenait embarrassant... « Je me fais beaucoup de soucis depuis quelques temps. Entre la PES qui te suit à la trace, la perte de ton emploi, la communauté et le reste... Je veux dire tu as eu beaucoup de choses à gérer ces derniers temps. Je te sais particulièrement stressé pour le moment et ton attitude à l’hôtel, l’autre jour, m’a interpellé. Je comprendrais que tu ne veuilles pas en parler avec moi mais en tant qu’ami… Je veux m’assurer que tout va bien. » Je ne lâchais pas ses prunelles et pris mon courage à deux mains. Alan m’avait sauvé de ce que j’étais il y a 7 ans. Je voulais qu’il puisse compter sur moi autant que je l’avais fait, le faisais et le ferais sûrement avec lui. Nous étions une équipe et plus important encore, une famille. Si on le blessait, on me blessait aussi. J’étais relié à lui comme un frère pourrait l’être et l’idée qu’il puisse être dans un tel état de détresse sans que je ne le sache me rendait vraiment malade. C’est cette pensée qui me permit de lui ouvrir mon cœur bien que j’eus du mal à choisir mes mots. Je fis symboliquement un pas dans une direction que je ne prenais pas souvent voir jamais même avec lui. Je lui parlais de ce que je ressentais. « Alan, tu … Tu comptes beaucoup pour moi et si jamais tu étais… disons en difficulté, j’aimerais simplement… pouvoir être là pour toi. » Je détournais enfin le regard, un peu trop gêné par ce que je venais de lui dire. Je pris une gorgée de ma boisson finalement et ajoutais en revenant porter mon attention sur lui. « Es-tu sûr que… tout va bien ? »

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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMer 3 Juil - 22:38




Tu voulais me parler ?



    « Ce n’est rien… De toute façon, je comptais t’en parler. Comme ça, c’est fait. »

    « Okay ! D’accord, je t’ai dis, tu as toute ma confiance, donc si tu te portes garant d’elle, c’est d’accord, je vais voir ce que je vais pouvoir faire. Pour une fois que je peux t’aider directement pour autre chose que pour les mé… nous, je vais voir ce que je vais pouvoir trouver. »

    L’intervention de Camille avait été brusque. Très brusque, à mon goût. Trop ? Peut être. Et ma réponse était elle aussi tendue, en réponse à ce que je considérais un peu comme de l’acidité, de Camille. Je l’avais froissé, je le sentais, mais ce n’était pas vraiment ça qui me gênait. Enfin, si, ça m’embêtait, puisque je n’aimais pas le froisser, surtout lui qui devait avoir déjà suffisamment à penser, mais… ce qui m’embêtait vraiment, c’était qu’il perde à ce point le sens des réalités. J’estimais pourtant avoir modéré mes propos paranoïaques pour qu’ils ne paraissent pas trop inquisiteurs, et pas trop… incisifs. Etait-ce moi, le problème, ou son affection pour cette Rebecca qui, pour le moment, ne partait pas d’un très bon pied au niveau de mon estime pour elle. Certes, visiblement, elle avait réussi à plaire à Camille, et s’il était heureux, j’étais heureux pour lui, mais je ne voulais pas qu’il oublie pour autant toutes les mesures de sécurité, tous les principes de vigilance qui nous étaient vital. Et s’il commençait à lui parler de ses capacités ? Et s’il commençait à… non. Il fallait que je me calme. Il fallait que j’arrête d’avoir peur et que j’aie confiance en Camille pour rester lucide et logique. Qu’il ne perde pas à ce point le sens des réalités. Qu’il ne taise pas à ce point son instinct de survie. Il nous servit du vin, et j’essayai de me détendre, tout en gardant pour moi le cheminement de mes pensées.

    « Faudrait d’abord le laisser s’aérer un peu, je pense. »

    J’acceptai le verre et le changement de sujet d’un mouvement de tête, d’un discret merci et d’un regard lui montrant que je n’étais pas dupe, mais que je n’allais pas interférer pour autant. En flairant l’odeur du vin, j’observai Camille tenter de se décrisper, et je restais silencieux, l’univers apaisant de mon propre salon, qui respirait la sécurité, m’aidant à rester calme et patient. Je n’avais pas à brusquer Camille, s’il était venu, c’était qu’il voulait me parler. J’avais déjà suffisamment fait de faux pas depuis qu’il était entré dans l’appartement pour continuer à mettre les pieds dans le plat ou l’acculer dans un coin. Il fallait que je l’écoute.

    « Je ne suis pas venu ici pour parler de Becky, comme tu te doutes. A vrai dire, Alan, je m’inquiète pour toi… Je me fais beaucoup de soucis depuis quelques temps. Entre la PES qui te suit à la trace, la perte de ton emploi, la communauté et le reste... « Camille… Je… »Je veux dire tu as eu beaucoup de choses à gérer ces derniers temps. Je te sais particulièrement stressé pour le moment et ton attitude à l’hôtel, l’autre jour, m’a interpellé. Je comprendrais que tu ne veuilles pas en parler avec moi mais en tant qu’ami… Je veux m’assurer que tout va bien. »

    Je n’aurai pas du l’écouter. Je ne comprenais pas ce qu’il était en train de vouloir me dire. Je n’arrivais pas à comprendre les sens de ses phrases, ou plutôt, je les comprenais un peu trop bien, et je ne voulais pas en saisir le sens. Je fronçai les sourcils, et posai le verre. Que voulait-il dire ? Il s’inquiétait pour moi… pourquoi ? Je… j’allais bien, c’était lui qui risquait le plus. Il fallait qu’il s’inquiète plus pour lui, que pour moi. Ce n’était pas à lui de veiller sur moi, c’était à moi de veiller sur lui. Je sentais que je m’emmêlais les pinceaux dans mes pensées. Parce que je sentais, aussi, que j’étais de mauvaise foi. Il fallait que je me calme. Parce que là, je commençais à respirer un peu trop vite. Mon attitude à l’hôtel ? De quoi parlait-il ? Avais-je mal fait, avec ce James ? Je savais que je n’étais clairement pas le plus diplomate des métamorphes, c’était même tout le contraire. J’étais impulsif, comme Kate, et je montais très vite aux créneaux lorsque quelque chose m’énervait. Il n’y avait qu’à voir ma réaction, l’autre jour, sur les quais, lorsque Camille avait reçu ce message de la Reine des Vampires… Je répétai, presque suppliant. « Cam… nan… » . J’avais conscience que je n’avais pas à l’interrompre. Parce que là, il me parlait. Vraiment. Droit dans les yeux. Il refusait de lâcher prise tant qu’il n’avait pas dit ce qu’il avait à me dire. C’était ainsi que je le comprenais tout du moins.

    « Alan, tu … Tu comptes beaucoup pour moi et si jamais tu étais… disons en difficulté, j’aimerais simplement… pouvoir être là pour toi. Es-tu sûr que… tout va bien ? »

    Cette phrase m’acheva. Acheva la construction en fétu de pailles que j’avais bâtie à la va-vite à ses premier mot. Il n’avait suffit que de ces quelques mots pour la balayer, il n’avait rien fallu de plus qu’une petite brise de sincérité pour faire s’effondrer mes faux-semblants de mauvaise foi. Je me pris la tête entre les mains. Pourquoi me parlait-il de ça, maintenant ? Je… je n’allais pas plus mal qu’avant. Je me levai du canapé, pour en faire le tour et m’approcher de la porte fenêtre, où une petite brise tentait de m’apaiser. « Ecoute… je… ». Allais-je bien ? Est ce que tout allait bien ? La question était trop complexe. Beaucoup trop complexe. Je ne voulais pas me pencher dessus, à dire vrai, parce que j’avais peur de ce que je pourrais trouver sous le tapis de ma mauvaise foi. Le tapis de ma volonté de ne rien savoir. Allais-je mal ? Allais-je bien ? Je ne pouvais répondre par un oui ou par un nom. J’avais une vague idée d’une réponse, partielle, à cette question, même. Restait à savoir à j’avais le droit de le dire à Camille. Il était comme moi, prompt à se faire du souci. Et… ce n’était pas moi… que de parler de ce que je pouvais ressentir. Kate avait accès à ce que je pensais, presque dans sa totalité. Lorsqu’elle me posait les questions. Je ne faisais jamais les premiers pas, elle n’en faisait pas non plus. Camille, lui aussi, gardait pour lui ses sentiments. Je ne le comprenais que trop bien. C’était trop… intime, de dire à haute voix, de donne une réalité tangible, à ce qui nous abritait. C’était tellement risqué d’avouer ce que l’on ressentait. J’avais peur de donner de la consistance à mes doutes, à mes hontes, à ma culpabilité. Je craignais de rendre mes démons plus matériels encore, si je parlais de l’attraction que le vide exerçait sur moi. Mes crises de somnambulisme qui m’avaient mené à plusieurs reprises sur le balcon, elles n’existaient plus si on n’en parlait pas. Je savais que j’étais peureux, je savais que j’étais lâche. En quarante-deux ans, j’avais eu suffisamment l’occasion de m’en apercevoir. Mais… Je fermai les yeux, toujours adossé à la vitre, face à Camille. Depuis quand… était-ce lui qui s’inquiétait pour moi ? Je… c’était déroutant. Je me sentais… mal.

    « Ecoute… je… C’est gentil de t’inquiéter pour moi mais… je… »

    Même à moi, mes mots sonnaient faux. Ils étaient totalement vides de sens. Ils étaient creux. Désespérément… hors propos. « c’est gentil de t’inquiéter »… je m’adressais à un gosse de douze ans. Camille n’était pas un gosse. Il n’était pas mon fils, certainement pas. Il n’était pas mon frère… enfin si, il l’était, à mes yeux. La réalité me frappait de plein fouet, alors que je n’arrivais plus à faire de phrase complète. Pourquoi étais-je parti vers la baie vitrée ? Pour mettre de la distance ? Pour me rapprocher de la fenêtre ? Pour… Camille n’avait rien du gamin perdu que j’avais trouvé, ou plutôt qui m’avait trouvé, sept ans plus tôt. J’avais l’impression de m’en rendre compte seulement à cet instant alors qu’il s’inquiétait pour moi. Je tremblai. Je cherchai un point d’appui, ne pouvant vraiment soutenir le regard de Camille.

    « Ecoute, je…pourquoi… Je… »

    Les mots ne venaient pas, alors que je voulais réagir.

    « Je ne sais pas trop quoi… Je ne veux pas que tu te fasses du souci… Je »

    Pourquoi avais-je l’impression de le supplier ? Je perdais totalement mes moyens.


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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptySam 6 Juil - 13:07




Tu voulais me parler ?

Sa tête partit dans ses mains et je restais là interdit me taisant face à cette réaction. Alan, comment allais-je pouvoir te sauver ? Mes sourcils s’arquèrent d’eux-mêmes d’inquiétude et je commençais déjà à me juger coupable de son état. Si j’avais été plus alerte et plus attentif, j’aurais peut-être pu réagir plus vite. A la place, je l’avais accablé d’autres ennuis et l’appel de Krystel Raybrandt avait sûrement dû finir par l’achever. Il se décrocha du fauteuil, je gardais mon silence et le suivi avec le plus grand soin des yeux. Il se posta près de la fenêtre et moi j’étais déjà prêt à je-ne-sais-pas-trop-quoi mais prêt à intervenir d’une façon ou d’une autre. Je n’aimais pas qu’il s’approche aussi impunément du vide mais je n’en dis pas un mot, je devais attendre qu’il veuille bien amorcer cette conversation et ne pas le brusquer. Une ébauche de phrase qui mourut aussi vite dans l’air. Non, je n’allais pas insister. Je savais à quel point c’était difficile de mettre des sons sur sa détresse, ses problèmes, de les exposer comme ça et de les affronter par la même en face. J’étais du genre à fuir ça, alors, je pouvais aisément imaginer la lutte interne qui s’opérait dans l’esprit de mon meilleur ami. Dans l’immédiat, je devais juste patienter. Je ne bougeais pas, respirais à peine pour ne pas le déranger ou le déstabiliser. J’agissais comme si j’étais en présence d’une créature sauvage et imprévisible qui risquait de me repousser violent d’une seconde à l’autre si je faisais un pas de travers. Je marchais sur un fil avec lui pour le moment, j’ignorais jusqu’où son instabilité risquait de nous amener. Je restais donc vigilant face au déclin qu’il observait depuis que j’avais débuté les hostilités. Il reprit la parole après avoir fermé les paupières, je profitais qu’il ait effacé le décor pour grimacer. Ça n’allait pas être évident, je le savais. Je devais aborder un problème sans en justifier la source. Il semblait être sur le point de craquer, du moins, il commençait au moins à ne plus me mentir d’une certaine façon.

Je n’étais pas du genre tactile,  je ne voulais pas le briser en venant appuyer d’une main rassurante son épaule pour lui signifier que j’étais bien là. J’avais peur de faire une bourde en m’approchant. Je le regardais déjà s’effriter sous mon regard. Je me relevais juste, histoire de ne pas rester assis et vins juste m’adosser au mur juste à côté de sa fenêtre. Le vent m’apaisait moi aussi. Je repris doucement de ma voix la plus calme et la plus grave également. « Alan, tu sais… on est une équipe. Je ne peux pas … ignorer ce qu’il se passe pour toi. » Je me mordis la lèvre inférieur et me perdis dans la contemplation de l’horizon.  « Je comprends que… je t’en demande beaucoup là. Mais je veux que tu sois honnête avec moi et surtout avec toi. Ça n’aidera personne … si… si tu ne veillais pas à ta santé. » Je ne pouvais pas ajouter mentale, ça me semblait bien trop direct.  « Je sais que c’est difficile pour toi en ce moment… Et qu’en parler… est compliqué mais… enfin…  » Je commençais à butter sur mes propres limites ce qui était ridicule. Dès qu’il fallait parler de sentiments, j’étais un vrai crétin. Surtout que là ça n’était pas moi qui était enjeu mais lui. Je déglutis douloureusement et articulais enfin  « Je veux en venir au fait que tu n’es… pas seul. Et que tu n’as pas à gérer tout ce que tu affrontes dans … ton coin. » Quelle ironie que ça soit moi qui lui sorte un truc pareil… Je savais que j’avais raison pourtant. Mais contrairement à lui, moi au final, j’avais dû m’appuyer sur lui à plusieurs reprises.  « Tu sais que… je ne te jugerais jamais… Et que… enfin… » Je revins poser mon attention sur lui et ajoutais le plus sérieusement du monde  « Tu as le droit de t’appuyer sur quelqu’un … C'est normal... Je veux dire… Je suis là pour … toi, Alan. » Prononcer son prénom me rassurait, je ne sais pas pourquoi. C'est comme si, je pouvais tout de même l'atteindre comme ça, en l'interpellant de cette façon. C'était un drôle de sentiment.

J’avançais finalement mes doigts jusqu’à son épaule et l’obligeais à me regarder en face. Ses prunelles me donnèrent de nouvelles raisons de m’accrocher à cette bravoure incertaine.  « Oublie un peu la communauté et nos rôles respectifs… Considère-moi juste comme ton ami ce soir. Et parle-moi franchement, est-ce que tu vas bien ? » J’arrivais à peine à soutenir son regard mais je tenais bon. Je percevais sa vulnérabilité, elle venait se heurter à mes angoisses. Je devais, je voulais faire quelque chose pour lui. Je ne pouvais pas le laisser dans un tel état. J’allais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour le sortir de là. Coûte que coûte, j’allais l’aider. Même contre sa volonté s’il le fallait – ça ne me dérangeait pas. En décidant de nous allier pour lutter contre la menace vampirique, nous avions décidé de former une famille. Et si l’Ecosse me semblait aussi familière et si je m’y sentais chez moi, c’était en bonne partie grâce lui. Alan ne partageait pas mon ADN mais notre amitié transcendait bien ça. Il y a des situations qui tissent des liens bien plus forts que ceux que la vie nous impose. Et j’avais dû vivre une guerre pour m’en apercevoir.
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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptySam 6 Juil - 19:38




Tu voulais me parler ?


    Je m’étais éloigné de Camille, et le voilà qui venait vers moi, rompant la distance que j’avais établie, comme une distance de sécurité chargée de masquer mon mur, mes protections qui s'étaient effondrées. Parce que c’était vraiment de ça dont il était question, maintenant. J’avais patiemment bâti un mur autour de moi de puis mon premier échec de transformation en buse, depuis que le vol avait mal tourné, plus de vingt quatre ans auparavant. Ma phrase avait un double sens. Non. Parce que je n’avais jamais essayé de voler, lorsque j’étais transformé en buse. C’était déjà assez difficile de rester concentré pour ne pas perdre conscience, faire un mouvement était inenvisageable. Et ce mur donc, Camille venait de le briser à coups de massue, auxquels je ne m'étais pas préparé. J’avais du mal à respirer. Il était trop proche, il allait voir mes faiblesses, et j’avais peur qu’il les voit. Il n’avait pas le droit de les voir. Il n’avait pas à s’inquiéter pour moi, bon sang ! Voilà que je commençai à m’énerver. Alors qu’il s’était juste approché de moi. J’étais perdu, parce que j’avais peur de ce que Camille pouvait dire, encore. Parce qu’il avait percé mes défenses, et que j’étais vulnérable, et que je n’en avais pas l’habitude. Sa voix grave retentit à nouveau, et je voulus faire un pas en arrière, bloqué par la baie vitrée sur laquelle j’étais adossé. J’étais ridicule.

    « Alan, tu sais… on est une équipe. Je ne peux pas … ignorer ce qu’il se passe pour toi. Je comprends que… je t’en demande beaucoup là. Mais je veux que tu sois honnête avec moi et surtout avec toi. Ça n’aidera personne … si… si tu ne veillais pas à ta santé. Je sais que c’est difficile pour toi en ce moment… Et qu’en parler… est compliqué mais… enfin… » « Arrête, s’il te plait, arrête… »

    Mon murmure était inaudible, je ne pensais pas qu’il ait d’ailleurs pu l’entendre. Mais le problème, c’était que moi, je l’avais entendu. Je me faisais pitié, là. Pourquoi étais-je aussi… faible, alors que Camille me parlait comme un dresseur pouvait parler à un animal sauvage et craintif. Et il ne s’arrêtait pas, alors qu’inconsciemment, je cherchais à me recroqueviller dans mon coin. Je voulais qu’il cesse de m’acculer, ainsi, parce que je pouvais mal réagir. J’allais mal réagir, c’était une certitude. Il me demandait d’être honnête avec lui, alors que j’étais déjà incapable de l’être avec moi-même. « Je veux en venir au fait que tu n’es… pas seul. Et que tu n’as pas à gérer tout ce que tu affrontes dans … ton coin. Tu sais que… je ne te jugerais jamais… Et que… enfin… Tu as le droit de t’appuyer sur quelqu’un … C'est normal... Je veux dire… Je suis là pour … toi, Alan. » L’emploi de mon prénom était un électrochoc. A chaque fois qu’il résonnait, mon cœur s’avérait incapable de battre normalement. Et je tremblais davantage. Et Camille continuait, alors que mon ouïe pourtant affinée commençait à mélanger tous les sens. Je tressaillis à son contact, comme s’il venait de me brûler, et il me força à le regarder. J’étais misérable, je ne voulais pas le regarder dans les yeux, mais pas un hasard malvenu, mes pupilles croisèrent les siennes une seconde et y restèrent accrochées, alors que je retombais dans un mutisme malsain. Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas quoi dire, j’étais tétanisé par son contact. « Oublie un peu la communauté et nos rôles respectifs… Considère-moi juste comme ton ami ce soir. Et parle-moi franchement, est-ce que tu vas bien ? »

    Le silence. Un silence qui me permit de reprendre pied dans ma descente aux Enfers. Oublier la communauté ? Oublier nos rôles ? Je ne pouvais pas les oublier, parce que les autres n’allaient pas les oublier. Je voyais en Camille un soutien, c’était certain. Un soutien inébranlable, une personne en qui je pouvais totalement avoir confiance, ce qui était bien rare ces derniers temps, et surtout dans ma vie. Camille était un roc sur lequel, je le savais bien, je pouvais m’appuyer. Mais je ne pouvais pas me le permettre. J’avais mal, là. J’étais mal, aussi. Je ne savais pas ce que je pouvais lui répondre à sa question concernant… ma santé. Physique ? Mentale ? Je n’avais pas envie de m’enfuir par une pirouette, parce que le regard de Camille me l’interdisait. Et que sa fragilité, aussi, c’était ainsi que je voyais ses efforts pour me parler, alors que je sentais bien que ça lui coûtait d’être aussi… ouvert avec moi, sa fragilité donc m’en empêchait. Je n’avais pas le droit de fuir, même si je le souhaitais, mais je n’avais pas le droit de m’appuyer sur lui non plus. Il m’offrait son soutien, j’avais peur de le prendre. Ce n’était vraiment pas de la méfiance, c’était plus… obscur. C’était une crainte d’être un poids, d’avoir mal. Dans un sens, si je n’en avais pas vraiment parlé à Kate, ce n’était pas pour rien. Si je me confiais avec parcimonie à un journal intime actuellement dissimulé dans la bibliothèque, ce n’était pas pour rien non plus. Je m’échappai de l’emprise de ses pupilles, en ôtant sans douceur sa main de mon épaule. En me retournant, je fis coulisser la porte fenêtre, ne résistant plus à l’appel du vent présent à l’extérieur. Je ne fis pas de pas en avant, cependant, inspirant longuement. Je ne faisais plus face à Camille, je n’y arrivais plus. Je fermai les yeux, à nouveau.

    Parler franchement ? Camille se rendait il seulement compte de ce qu’il était en train de me demander, là ? Je ne savais pas trop à quel jeu nous jouions, mais j’étais perdu, et j’étais… Je fis un pas en avant, pour rallier la balustrade contre laquelle je m’appuyais, bras tendus, coudes et poignets verrouillés.

    « Ecoute Camille… je… c’était à moi de parler, à présent. Je ne l’avais que trop laissé se dépatouiller seul. J’espérais simplement que si j’arrivais à parler, il n’allait pas me couper. C’est… je ne sais pas. Tout… ce… je fis une pause le temps d’expirer, et de fermer encore plus fermement les paupières. Je ne sais pas si je vais bien, parce que je ne sais pas si c’est normal ou pas. Peut être que je suis trop stressé, fatigué, épuisé et que ça m’amène à mal réagir à des situations compliquées qui me suivent depuis des années mais… je ne sais pas. »

    C’était sorti tout seul, dans un souffle, et je ne savais même pas si ça avait été compréhensible par l’autre métamorphe. Des années… Je pouvais presque dire des décennies, un peu plus de deux pour être exact. Certes, ça empirait, parce que je dormais mal, je culpabilisais de n’être qu’à moitié un métamorphe, comme si j’étais une sous espèce dégénérée, comme les loups pouvaient l’être vis-à-vis des Métamorphes. Certes, j’avais le poids de la culpabilité d’avoir trompé Kate, et de le cacher. D’être lâche, et de vivre avec. Le poids de la PES sur mes épaules, et ma paranoïa, ma peur, mon stress, qui enflaient chaque jour un peu plus. Mais… à la base, mon problème, si c’en était un, datait de ma première tentative de transformation en buse. C’était depuis ce soir-là, sur un toit de Londres, que je me réveillais en équilibre, en hauteur, que je faisais des crises de claustrophobie, sans raison, que j’étais obsédé par le vide et que je me mettais de préférence en hauteur. Je refusais toujours de regarder Cam, plus encore qu’auparavant, même.

    « Je ne sais pas si j’ai besoin d’aide, je ne sais même pas si, si c’est le cas, on, tu, peux m’aider. Je… Je ne veux pas que tu te fasses du souci. Je… je pris une inspiration, en resserrant ma prise sur la balustrade métallique Je suis sûr que je peux gérer ça seul, il… il me faut du temps. »

    Seul, avec la présence de Kate comme un phare dans la nuit, et celle de Camille, sur lequel je m’appuyais à distance. Il ne le savait pas, mais m’investir dans la communauté méta, c’était le seul moyen que j’avais trouvé pour le moment de ne plus penser. Ou de trop penser… je ne savais pas trop. Je tremblai encore, et ma respiration devenait à chaque seconde un peu plus saccadée. Il fallait que je me concentre pour reprendre le contrôle de mon corps. J’étais terrorisé, c’était un fait, mais il ne fallait pas que Camille s’en aperçoive, même si ca devait déjà en être le cas.



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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptySam 6 Juil - 22:21




Tu voulais me parler ?

Il refusa mon contact brutalement et je ne cherchais pas à le retenir. Sa panique commençait à engendrer la mienne. J’avais abaissé la plupart de mes propres remparts, j’étais apparu vulnérable devant lui. Je me prenais de plein fouet le retour de cette prise de risque. Il fallait que je me referme le temps d’accuser le coup. Ce n’était pas le moment de me laisser bouffer par sa détresse alors que je devais être son point d’appui. Il m’échappa donc et bien que je restais pour l’instant en retrait, je comptais le suivre de près alors qu’il ouvrait l’accès au balcon. Je craignais le pire – oui, c’était vrai. Je ne venais de lancer la bombe au milieu de son salon. Et si c’était trop dur pour lui de supporter cette conversation ? Je me crispais, mal à l’idée de le voir vraiment si désespéré. Il se posta sur la balustrade, je me calais à ses côtés en veillant à ne pas l’effleurer pour ne pas provoquer davantage de dégâts. Je fixais un point éloigné, n’osant même pas le frôler visuellement. Je lui accordais du temps et en profitais pour me blinder un peu mieux contre les circonstances. Mon esprit dériva juste un instant vers Rebecca et je réalisais dans quelles proportions je l’exposais à des situations aussi explosives. Elle devait me manier avec la même précaution que je devais gérer à l’instant l’instabilité de mon meilleur ami. Je me passais une main sur le visage à ce songe et m’en voulais un peu plus de compliquer autant son existence. Au final, je ne parvenais plus à endurer nerveusement ma journée alors je sortis de ma poche mon paquet de cigarettes. Alan me semblait trop troublé pour m’en tenir rigueur et au pire, ça lui donnerait l’occasion d’exprimer un peu de sa colère d’une façon plus conventionnelle. Je calais le filtre entre mes lèvres et relevais la tête alors que je m’apprêtais à utiliser mon briquet. Il venait de reprendre la parole, je stoppais tous mes gestes pour l’écouter. Hésitant, les syllabes se décomposaient dans sa bouche et je restais toujours muet, patient, comprenant bien contre quoi il devait lutter. Il me dévoilait enfin un pan de son histoire que j’ignorais et je serrais un peu plus ma prise sur ce que j’avais posée à la commissure de mes lèvres. Je le laissais continuer, toujours figé dans le mouvement que j’avais commencé à opérer. Mon conseiller venait de s’ouvrir à moi, juste assez pour que puisse mesurer l’ampleur de ses soucis. Quelque chose qu’il traînait, quelque chose qu’il devait affronter depuis trop longtemps. Quelque chose qui le dépassait mais dont il est incapable de parler. Moi non plus, je ne savais pas devant le poids de sa souffrance si je pourrais l’aider. Mais je ne pouvais pas me permettre de douter de moi là maintenant.

J’enclenchais l’étincelle qui me permit de tirer enfin une bouffée de nicotine. Je posais une paume sur la barre qui nous empêchait de sombrer dans le vide, l’autre s’occupant de gérer la clope. Je me sentais tellement impuissant et tellement dépassé parce qu’il se passait là, à l’instant. Mais j’avais compris qu’en prenant sur moi et m’ouvrant suffisamment à lui, j’avais réussi à ce qu’il se confie en partie. C’était déjà un énorme pas entre nous. Et j’aurais pu m’en contenter sauf que désormais, j’étais vraiment en connaissance de cause et que je ne pouvais plus fermer les yeux sur son mal être qu’il venait d’étaler devant moi. Je ne pouvais pas l’abandonner maintenant. Quel genre d’ami, quel genre de personne aurais-je été si j’avais déjà baissé les bras si rapidement ? La fumée que je créais mourrait dans le ciel, j’avais instinctivement levé mes prunelles vers les nuages. Ma gorge se serra, je savais que je n’avais pas dix milles options. Il fallait que je lui communique ma propre gratitude, mes propres ratés pour que peut-être il veuille continuer sur cette voie. C’était un échange. J’écrasais donc à nouveau mes défenses pour lui et tira un peu de courage du vent, du crépuscule et de ma clope. Je gardais toujours mon regard rivé sur l’immensité des cieux, accrochant mes prunelles aux oiseaux qui daignaient encore les traverser. Un spectacle qui m’apaisait toujours à tous les coups. Mes intonations étaient toujours incroyablement calmes – je ne savais pas comment je parvenais toujours à paraître aussi serein quand tout en moi se bousculait avec véhémence. « Alan… Tu sais… Moi aussi j’ai longtemps cru que je pouvais m’en sortir seul… Que je pourrais gérer les choses à mesure qu’elle se présentait à moi…. Et finalement… J’ai juste réussi à faire complétement dérailler ma vie. Parfois… Il faut savoir prendre le risque de s’appuyer sur quelqu’un et ça avant qu’il ne soit trop tard. Ma situation était très différente de la tienne, je sais. J’étais plus jeune aussi mais… Ce que j’essaie de te dire c’est que… Si tu… Tu n’avais pas été là, si je ne t’avais pas rencontré, je ne sais pas où je serais actuellement, sûrement mort ou complétement assujetti à la Reine… Je te dois ma vie actuelle. » Et bien plus encore.

Je profitais d’un moment de battement pour absorber un peu de goudron et pour me recentrer. J’étais happé par une foule de sentiments, par mon passé, notre passé et notre présent. Et je ne sais pas pourquoi mais depuis que j’avais commencé à m’exprimer, mes mots venaient plus facilement. Ma voix était légèrement moins assurée mais je parvenais tout de même à articuler. « Je ne te l’ai jamais vraiment dit…. Mais merci. Merci de m‘a… m’avoir sauvé. » Je baissais la nuque et retirais une autre bouffée de nicotine. « On en a traversé des épreuves à deux. On est parti de rien et regarde, jusqu’où on est parvenu à aller… » Je ne savais plus moi-même où je voulais en venir au final. Il y avait tellement de choses importantes que j’aurais dû lui dire plus tôt qui lui aurait peut-être épargné ce qu’il vivait ou au moins qu’il l’aurait peut-être fait se tourner plus rapidement vers moi. Mon meilleur ami, le seul que j’ai jamais eu. Je venais prudemment poser mes yeux sur sa silhouette et ajoutais « Tu sais que tu peux avoir confiance en moi, pas vrai ? Tu sais que je ne te laisserais jamais tomber peu importe le problème, tu peux compter sur moi Alan. Et même si je ne peux rien faire, si je ne peux pas vraiment t’aider, laisse-moi au moins une chance d’essayer. » Mes intonations vibraient avec une intensité rare, ma sincérité ne pouvait pas être plus forte que ça. Et je ne pouvais me dévoiler plus que ça non plus. Je n’avais jamais fait autant de pas vers quelqu’un, je ne m’étais jamais autant exposé. Mais il s’agissait du seul frère que je possédais et de la personne pour qui je vouais une admiration sans limites.

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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyDim 7 Juil - 13:44




Tu voulais me parler ?



    Même les yeux fermés, j’avais conscience de ma position dans l’espace. Même les yeux fermés au point de vouloir me croire coupé du monde, je savais exactement où je me situais par rapport à Camille, par rapport à mon appartement, par rapport à la ville qui s’étendait en bas. Je ne savais pas quoi dire, parce qu’il n’y avait plus rien à dire. Nous étions tous les deux tellement habitues à tout intériorisé, même si niveau crise de colère, j’étais plutôt pas mal dans mon genre, qu’il nous en coûtait de parler. J’avais l’impression que c’était du donnant-donnant, et que j’offrais des miettes en réponse à ce que Camille me disait. Il prenait tellement sur lui, je me demandais comme j’avais pu le voir comme un personne qui avait besoin d’aide, et que je pouvais aider. Non, c’était faut, je commençais à me leurrer, en sachant pertinemment que c’était le cas. Camille avait réellement eu besoin de moi, à un moment, et j’avais tendu la même, je ne pouvais pas me refuser ça, je ne pouvais pas le nier. Mais j’avais aussi l’impression qu’il n’avait plus besoin d’aide maintenant, et que j’allais être plus un poids pour lui qu’un soutien. J’avais les yeux fermés, renfermé en moi-même, mais l’odeur de nicotine qui vint heurter mes narines m’informa que Camille fumait, à côté de moi. Je n’étais pas stupide, je savais bien qu’il fumait encore occasionnellement même si ça m’agaçait, mais je ne pouvais pas non plus être constamment sur son dos. Et ce n’était pas le moment de penser à ça ou de faire une remarque, vraiment pas. D’ailleurs, je n’avais pas la tête à ça, parce que Camille avait repris, alors que je tremblais un peu moins, comme si parler m’avait fait du bien. Ce qui n’était pas le cas, j’en étais certain.

    « Alan… Tu sais… Moi aussi j’ai longtemps cru que je pouvais m’en sortir seul… Que je pourrais gérer les choses à mesure qu’elle se présentait à moi…. Et finalement… J’ai juste réussi à faire complètement dérailler ma vie. Parfois… Il faut savoir prendre le risque de s’appuyer sur quelqu’un et ça avant qu’il ne soit trop tard. Ma situation était très différente de la tienne, je sais. J’étais plus jeune aussi mais… Ce que j’essaie de te dire c’est que… Si tu… Tu n’avais pas été là, si je ne t’avais pas rencontré, je ne sais pas où je serais actuellement, sûrement mort ou complètement assujetti à la Reine… Je te dois ma vie actuelle. » « Camille, je… non… »

    Ma voix n’était qu’un soupir, qu’un souffle rauque et incompréhensible. Non, il n’avait pas à dire ça. Il ne me devait rien. Il ne me devait strictement rien, je ne voulais pas qu’il me doit quoique ce soit. Ce que j’avais donné, qui me semblait si… peu, je lui avais donné sans le vouloir, sans arrière pensée, sans attendre quoique ce soit. Je ne voulais pas qu’il se sente obligé de m’aider juste parce qu’il pensait me devoir quelque chose. Et puis… Je ne savais pas vraiment. J’avais conscience qu’il voulait me dire quelque chose, mais… je n’arrivais pas à le comprendre. Je ne savais plus si c’était parce que j’avais peur de comprendre ou tout simplement parce que j’en étais incapable. Je murmurai, toujours sans le regarder mais en ayant cette fois ouvert les yeux sur le vide et la ville, un « Cam, tu ne me dois rien, rien du tout, tu… » qui mourut avant d’avoir totalement éclos, étouffé par mon timbre éraillé, les bruits de la circulation, et surtout la voix de Camille qui reprenait :

    « Je ne te l’ai jamais vraiment dit…. Mais merci. Merci de m‘a… m’avoir sauvé. On en a traversé des épreuves à deux. On est parti de rien et regarde, jusqu’où on est parvenu à aller… Tu sais que tu peux avoir confiance en moi, pas vrai ? Tu sais que je ne te laisserais jamais tomber peu importe le problème, tu peux compter sur moi Alan. Et même si je ne peux rien faire, si je ne peux pas vraiment t’aider, laisse-moi au moins une chance d’essayer. »

    Je recommençais à trembler. J’avais tout essayé, j’étais certain que si je pouvais aller mieux, seul le temps allait me le permettre. Etais-je en train d’admettre que j’allais mal ? Non, non, ce n’était pas possible, je n’allais pas mal, j’étais juste… fatigué. Voilà. Non, il ne fallait pas que je me mente. Mais je ne voulais pas, ne pas aller bien. L’admettre, c’était admettre mon état, et il ne fallait pas que ce soit le cas. Je recommençais à trembler, ma respiration recommençait elle aussi à perdre sa régularité. Elle tremblait, me fuyait, s’étouffer dans mes poumons, l’air refusait d’y entrer, refusait d’en sortir. J’étais toujours appuyé contre le balustrade, mais je m’en étais davantage approché. Il fallait que je me calme. Je n’avais pas le droit de mentir à Camille, j’avais trop confiance en lui, je tenais trop à lui pour me le permettre. Je bégayai :

    « Non, non, Cam… s’il te plait… ne me dis pas Merci… tu… »

    Mes mots retombèrent, sans force, alors que ma voix se perdait dans ma gorge. Il fallait que je parle, je le savais. Il fallait que je force les mots à franchir la barrière de mes lèvres, parce que je le devais à Camille qui se confiait à moi. Je baissai la tête, lâchai prise d’une main pour me la passer sur le visage, comme pour me convaincre de parler. « Je… » Que pouvais-je bien dire ? Je ne savais pas moi-même ce que j’avais, si j’avais quelque chose. J’étais convaincu que la fatigue et le stress jouaient un grand rôle dans mon état actuel, et que rien ne pouvait y changer. Même si je savais, aussi, que ce n’étaient pas les seuls facteurs. Bon sang, pourquoi me compliquais-je autant la vie, sincèrement ? Pourquoi est ce que… Je pris une inspiration, hésitant.

    « Je… J’ai… j’ai confiance en toi, Cam, mais… c’est… »

    Il fallait que je cesse de réfléchir, en fait. Je n’arrivais pas à parler, je n’arrivais pas à dire ce que je pensais, ce que je ne pensais pas, même, ce que je pouvais croire, ou juste ressentir. Les mots se heurtaient à mes réflexes, c’était presque contre-nature pour moi de parler ainsi. J’avais envie de vomir, j’avais mal au cœur, je ne me sentais pas de regarder Camille.

    « Je… de…, je n’arrivais pas à remonter loin dans le temps, c’était certain. J’essayai de me rapprocher de ce que Camille allait pouvoir comprendre., de… dernièrement, je… j’ai recommencé à faire de… des… cauchemars. Ce… c’est ridicule., je lâchai un rire nerveux, je… j’ai toujours voulu voler et… je rêve que je saute du toit, que je me transforme et… et que… je… je perds mes plumes, je… je… redeviens le chien que je suis sensé être et je tombe… je vois le sol qui s’approche, mais je… je suis incapable de… de changer. Je me réveille toujours au moment du choc. »

    Je tremblais carrément maintenant. Je n’avais raconté ce rêve, ce cauchemar plutôt, à personne, pas même à Kate qui me récupérait paniqué au moins trois fois par mois ces derniers temps. Je l’avais écrit dans mon journal, il y avait des années, mais le rêve continuait, sans changer d’un iota. Il recommençait, encore et toujours, je savais ce qui allait se passer, mais je m’envolais quand même, ou plutôt je sautais quand même de mon balcon, en sachant que même si je connaissais quelques secondes la joie de voler, j’allais m’écraser dans les minutes qui allaient suivre. Je lâchai un nouveau rire nerveux, désabusé, dû plus à la tension nerveuse qu’à un réel amusement.

    « On pourrait croire que quand quelqu’un fait ce genre de cauchemar pendant des années, il finit par avoir le vertige, mais c’est tout le contraire… »




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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyVen 12 Juil - 12:32




Tu voulais me parler ?

Ses tremblements et le timbre de sa voix me firent froncer les sourcils, malgré moi, d’inquiétude.  J’avais baissé plusieurs de mes masques et désormais, les réenfiler aussi sec furent impossible. Cette conversation devait se faire autant que possible à cœur ouvert. Nous n’étions peut-être pas doués pour la communication lui et moi mais je pouvais faire des efforts pour deux ce soir. Je ne devais pas être égoïste et puis, Alan avait toute ma confiance. J’aurais aimé que ça marche dans les deux sens. Il avait trop souvent été un pilier pour moi mais je ne l’avais jamais été assez en retour. Je serais plus vigilant à l’Avenir. Son souffle perdait en cohérence et je commençais à m’en vouloir de l’avoir autant acculé dans ses pensées. Ça aurait été peut-être plus simple si j’avais mentionné Kate mais… Non, je ne voulais vraiment pas créer une nouvelle confusion au sein de leur couple. Elle comptait aussi sur moi. Je tirais une nouvelle bouffée de nicotine quand il reprit la parole. Il balbutia et ses intonations incertaines me crispèrent un peu plus. Je me sentais abominable d’avoir autant insisté mais paradoxalement, ma manière de l’approcher avait finalement payé. Il m’avoua avoir confiance en moi ce qui me fit sourire automatiquement, me détendis partiellement. Je n’osais rien ajouter entre ses phrases hachées, trop conscient qu’il marchait toujours sur un fil et qu’au moindre acte empressé de ma part, il risquait de se refermer d’un seul coup. Nous avions un fonctionnement plus ou moins similaire à ce niveau-là alors je pouvais anticiper ses réactions. J’attendis donc qu’il continue, ce qu’il fit difficilement. Je voyais bien à quel point c’était laborieux pour lui de mettre des mots sur ses soucis et j’aurais presque eu envie de l’arrêter tellement ça me faisait mal de le voir souffrir autant. Je n’en fis rien, trop conscient qu’il avait besoin de cette discussion – autant que moi d’ailleurs qui avait vraiment besoin d’identifier et de comprendre son problème. Je recoupais les informations qu’il me fournissait avec le message de Kate et compris de quoi il en retournait. Alan voulait vraiment voler, il venait de me l’avouer. Pour une raison qui m’était inconnue, il faisait un blocage apparemment sur l’aspect volatile et en faisait des cauchemars un peu trop réaliste. Il était vrai que nous avions tous des prédispositions et moi, je galérais généralement à prendre l’apparence de gros animaux féroces comme l’ours. Je galérais mais je savais y parvenir, juste que je n’aimais pas ces formes. Lui apparemment, ça dépassait ce simple stade de la sensation de mal être que l’on pouvait ressentir dans la peau d’une créature qui ne nous correspondait pas.

D’ailleurs, il ne parlait pas de ça tout à fait. Il voulait vraiment se changer en oiseau. Son attirance pour le vide m’inquiétait. Oh bien sûr, moi aussi, j’adorais être en hauteur, perché sur quelque chose, tous les endroits où le vent pouvait librement circuler, j’avais les instincts du corbeau. Mais de là à aimer me balancer dans le vide… Enfin pour moi, les deux éléments n’étaient pas reliés. Et finalement, il ne faisait que se battre entre son besoin d’être à terre et celui de se propulser dans les airs. Le berger étant son favori, ça n’avait rien de si étrange que ça. Mais tout de même, entre le penser et réellement se pencher sur une balustrade, se transformer pendant son sommeil… Je comprenais que sa femme soit soucieuse. Ce n’est pas qu’il était vraiment suicidaire mais toutes ses angoisses devaient se remettre là-dessus, sur ce problème particulier, le rendre obsessionnel sur ce fait et ça en devenait carrément dangereux. Il y avait des solutions, j’en étais convaincu et j’étais heureux que son épouse ait fait appel à moi. J’étais bien placé pour l’aider. Je relevais le regard conscient de l’importance de ce qu’il venait de me confier et avançais prudemment mes prunelles jusqu’à son visage. «  Je vois… » Mmmh. Je réfléchissais à comment pouvoir l’aider à dépasser ce qui ressemblait vraiment à une incapacité psychologique. Avait-il déjà tenté ? Est-ce que ça s’était mal terminé ? Je n’osais pas l’interroger. Il avait déjà dû trop se confier là, s’il voulait m’en apprendre plus, il le ferait. J’allais devoir compiler avec ses silences et parler de mes déductions sans lui laisser le loisir de consulter mes pensées, histoire de ne pas lui imposer trop d’embarras. Je continuais ma propre confession vu que cette façon de procéder porter ses fruits. Nous n’avions jamais parlé de ça avant. Il ignorait vraiment tout de mon passé à part le fait que j’ai été riche et que je ne garde plus le contact avec mes géniteurs.

C’était étrange de parler sur le sujet sans doute le plus tabou de mon existence. Enfin du moins, celui pour lequel je m’étais le moins épanché. Enfin le moins… Je n’avais jamais parlé de ça à personne. « Tu sais… Il y a un certain apprentissage pour le vol, c’est normal de … hé bien d’éprouver des difficultés. Les formes terre à terre nous sont plus naturelles dans le sens où humainement, nous connaissons ce moyen de déplacement. Je n’ai pas sauté de ma fenêtre la première fois que j’ai pris cette forme. » Ahah, j’imaginais la tête de ma mère à me voir jouer à superman nu comme un vers avant de m’écraser sur leur pelouse… « J’ai commencé par m’entrainer au-dessus de mon lit. J’étais terrifié à l’idée de me briser les côtes ou la nuque. Alors j’ai appris à tomber correctement et à voler comme ça. » Je me revoyais m’affaler sur mon matelas, mes parents pensant que je m’amusais à sauter dessus comme un gamin. S’ils avaient su… « Bon après, il y a l’aspect du sens des courants d’air, du vent qui peut parfois devenir et ton allié et ton ennemi, que tu ne peux pas maîtriser dans ta chambre mais… pour ça, j’ai été m’isoler sur un coin de plage pour retomber dans la mer… » La chance d’habiter à Cannes et de ne pas être éloigner de l’eau. J’avais manqué de me noyer quelques fois mais je me gardais de le dire. Les créatures aquatiques, ce n’était pas trop mon truc. J’avais déjà réussi à me changer en loutre une fois, une catastrophe, j’avais réellement fini par manquer la noyade. Depuis, j’avoue que je n’avais pas envie de réitérer l’expérience. « Si un gamin de dix ans a réussi à se débrouiller, je suis sûr que tu y parviendras aussi. Je vais t’aider, on va apprendre ensemble. On pourrait se retrouver tous les dimanches soirs par exemple ? On ira à ton rythme. » Je me redressais un peu et arrivais à la fin de ma cigarette. Je lui déclarais alors solennellement et avec fermeté. « Tu peux compter sur moi, Alan. A deux, on va y arriver. Peu importe ce qu’il se passe vraiment, je vais t’aider à dépasser ça. »

Embarrassé par ma propre audace des dernières minutes, je prétextais devoir jeter mon mégot et le désignant à mon comparse pour rentrer. Je trouvais le cendrier qui servait davantage de décoration qu’autre chose pour l’écraser avant de revenir me poster près de la fenêtre ouverte histoire de le surveiller. Ça ne me rassurait pas qu’il reste là alors je l’invitais à rentrer. « La température commence à baisser et je pense que le vin n’attend que nous pour être bu. » Je souris, cherchant à détendre l’atmosphère tendue et la gêne que nos révélations avaient provoquée. Maintenant que je savais, nous pouvions basculer sur autre chose. Inutile de lui en demander plus aujourd’hui et de le pousser un peu plus loin. Sauf si il voulait m’en parler. Dans ce cas, je serais là pour l’écouter.




Dernière édition par Camille Fontayn le Dim 14 Juil - 10:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptySam 13 Juil - 21:39




Tu voulais me parler ?

Je ne savais pas à quoi je m’attendais, maintenant, de la part de Camille. Il devait me prendre pour un fou. Un fou suicidaire. C’était ce que j’étais dans un sens, je ne voyais pas d’autres explications à mon attitude dérangeante et dérangée. Je ne savais pas à quoi je m’attendais, donc, mais certainement pas à un «  Je vois… »qui sous-entendait une réelle réflexion et pas juste une tentative de faire croire qu’il comprenait ce que je racontais. Je restai silencieux en attendant une nouvelle intervention de Camille. Je refusais de repenser à ce que je venais de dire. Parce que c’était trop gênant même vis-à-vis de moi. Vis-à-vis de Camille. Je me sentais… Pire que ridicule. J’étais nerveux, j’avais lâché un rire nerveux, parce que je ne savais pas quoi rajouter de plus. « Oublie ça, tu… »

« Tu sais… Il y a un certain apprentissage pour le vol, c’est normal de … hé bien d’éprouver des difficultés. Les formes terre à terre nous sont plus naturelles dans le sens où humainement, nous connaissons ce moyen de déplacement. Je n’ai pas sauté de ma fenêtre la première fois que j’ai pris cette forme. [..]»

Je n’écoutais plus après cela. Il n’avait pas sauté de sa fenêtre la première fois qu’il s’était transformé en corbeau. Lui, il n’avait pas tenté directement de voler. C’était logique, c’était normal. Je me souvenais avec une acuité étonnante de ma première tentative. Je voulais voir si je pouvais me changer en un autre animal. Mes premières années à Londres, je m’étais cru loup-garou, parce que je me transformais avec aisance en animal, et que j’étais sensible à la Pleine Lune. Lorsque j’étais arrivé dans un foyer pour jeunes, l’année de mes onze ans, j’avais découvert la lecture, les bibliothèques, et j’avais cherché à en savoir plus sur qui j’étais. Et j’avais compris que je n’étais pas un lycanthrope, mais… autre chose. Puis je m’étais demandé si je pouvais choisir une autre forme animale. J’avais choisi la buse, plus qu’elle ne m’avait choisi. C’était un animal si… gracieux, noble, et c’était un oiseau. J’avais forcé la métamorphose, voulant faire plier l’oiseau par ma volonté, au lieu de l’inviter à prendre ma place. Que la douleur qui m’avait fait m’évanouir ait été psychologique ou bien réelle n’avait pas d’importance, seules ses conséquences étaient intéressantes. Je faisais un blocage, et j’étais trop têtu pour abandonner. Devais-je lui en parler ? Je ne voulais pas dire de choses inutiles. Parler, je commençais à en accepter l’idée. M’épancher… non, il n’en était pas question. Je ne pouvais pas me confier aussi naturellement si ça n’avait pas d’intérêt. Je ne me sentais pas bien. Enfin… je ne me sentais pas bien depuis le début de cette conversation, mais… là, ça revenait. Comme une vague de mal être alors que Camille faisait preuve de bien plus d’optimisme que moi face à mon… problème. Peut être parce qu’il ne savait pas tout, il n’était pas au courant de tout. Il ne pouvait pas comprendre, c’était impossible. A deux on va y arriver. Comment pouvait-il dire ça ? Ca faisait vingt quatre ans que je m’entraînais. C’était déjà un mieux que je reste conscient plus de dix minutes, le temps de faire quelques pas. Dernièrement j’avais ouvert les ailes, mais le berger allemand n’avait pas pu supporter l’idée même de quitter la terre ferme et j’avais eu des haut-le-cœurs jusqu’à ce que je reprenne forme humaine… « J'imagine que... on peut toujours... essayer… » Je m’aperçus soudain que Camille n’était plus à mes côtés, et je tournais rapidement sur moi-même « Camille ? », manquant de perdre l’équilibre, pour le retrouver. Il était allé écraser son mégot de cigarette, et était à présent à côté de la porte fenêtre, visiblement peu enclin à ce que je reste sur le balcon. Ca pouvait se comprendre, dans un sens, vu ce que je venais de lui dire.

« La température commence à baisser et je pense que le vin n’attend que nous pour être bu. »

Je me mordillai la lèvre, comme un gamin pris en faute. Le vin. Oui. J’avais oublié. Des heures avaient passé depuis que Camille était entré dans mon appartement, ou c’était du moins ainsi que je le ressentais. Je finis par faire un pas en avant. Ca me faisait étrange de quitter le vide. De quitter le balcon. Mais… étrangement… Camille avait ouvert les vannes. J’avais envie de lui poser des questions, maintenant. Je n’étais pas à l’aise, mais… Camille avait les réponses aux questions que je m’étais longtemps posé, et que je m’étais résolu à mettre de côté. Je rejoignis mon petit frère et sitôt le pas de la porte fenêtre passé, je me retrouvais dans mon appartement et son ambiance… personnelle. Je retrouvai le canapé, et m’y installai, mal à l’aise.

« Je… »

Je réinstallai les coussins et un éclat brun attira mon attention. Une plume. Sans blague. Parfois je me réveillais la nuit en sursaut, sentant le cauchemar approcher, et de crainte de réveiller Kate, j’allais terminer la nuit sur le canapé. D’où les plumes qui y traînaient, malgré tous mes efforts. Je la posais dans ma main, songeur.

« Je peux te poser une question ?, je n’attendais pas vraiment de réponse, et j’enchaînai directement, toujours un peu hésitant, mais avec une touche de curiosité perçant ma voix, c’est peut être… personnel… mais… quand tu prends un autre forme… le corbeau n’intervient pas pour t’en empêcher ? Je veux dire… je ne sais pas comment dire… »

Le berger allemand était très présent en moi depuis mes huit ans, depuis ma première transformation en fait. C’était le premier animal à avoir été moi, et c’était le seul si on oubliait la buse. Mes trois premières années à Londres, j’avais passé plus de temps sous forme animale, ou peu s’en fallait, que sous forme humaine, et ça avait renforcé chez moi sa présence. Peut être était-ce pour cela qu’il interférait si… violemment lorsque je songeais à d’autres animaux que lui. J’avais été seul pour comprendre ce qu’il m’arrivait, et j’ignorai si Camille avait été seul lui aussi à ce moment déterminant de la vie des métamorphes. Après tout, ce… don se transmettait uniquement de parents à enfants, par les gènes. Si j’avais été adopté, ce qui expliquait que j’aie été totalement seul, je ne savais pas si Camille avait été dans le même cas que moi. Il m'avait dit que Manawyddan avait été la première métamorphe qu'il avait rencontré, et je le croyais. Donc en fait, je savais ou j'étais censé savoir qu'il avait été seul, comme moi, face à sa première transformation. Pourquoi avais-je, moi, déconné alors que lui... non.

« Le berger allemand ne veut pas que je vole. Il ne veut pas que je sois autre chose, en fait. Est-ce que…, je fis tourner la plume entre mes doigts, sans l’abimer, juste en la regardant comme si j’étais hypnotisé par elle. penses-tu que ce… que ce soit… normal ? »


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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMer 17 Juil - 22:14




Tu voulais me parler ?

J’attendis calmement qu’il décide de me rejoindre à l’intérieur, je voulais l’éloigner du vide à tout prix. Sa confession me forçait à être plus que vigilant et je comptais garder un œil sur ses déplacements à partir d’aujourd’hui. Autant ne pas forcer un peu trop pour son penchant douteux. Même si je commençais à penser qu’en cas de situation extrême, l’animal l’aiderait. Ça serait d’ailleurs une solution, d’y aller brutalement. Mais ça n’était pas mon genre. Je préférais qu’on fasse ça à ma façon calmement, étape par étape. Alan rentra enfin et je me réinstallais dans mon fauteuil en m’emparant de mon verre. J’en bus une longue gorgée et la savoura alors qu’il s’amusait à remettre les coussins en place. Une plume attira mon attention et je me rappelais du message que Kate m’avait laissé. Je me tus, bien conscient de sa difficulté croissante à m’évoquer ses soucis. Il reprit la parole, je levais mon regard vers lui. Sa question - purement rhétorique qui relevait plus de l’introduction qu’autre chose, fût balayée par son interrogation.  Je fronçais les sourcils et médita vraiment sur sa question. Je voyais plus ou moins où il voulait en venir. Je m’étais d’abord transformé en chat noir à la base. Mais quelque chose l’avait surpassé lors de ma deuxième transformation. Le corbeau s’était manifesté naturellement alors que je ne l’avais pas du tout cherché. C’était lui qui m’avait trouvé et avait rangé le félin au placard. Il y avait une forme de possessivité des créatures qui pouvait nous habiter. L’oiseau s’était imposé à moi de façon brutale, j’avais mis un moment avant de parvenir à reprendre une autre forme. Ça avait été un apprentissage en soi. Est-ce que c’est ça qui bloquait chez lui ? Aucune idée. Mais nous finirions par comprendre, ensemble. Je n’eus pas le temps de lui répondre qu’il avait déjà enchaîné. Je fis tourner mon récipient entre mes doigts – une de mes nombreux tics nerveux. Mon ami commençait à m’en dire un peu plus et j’essayais de faire tout mon possible pour parvenir à garder ma concentration à son maximum. Je lui répondis d’une voix toujours aussi calme et posée. « Qu’il y ait une forme de domination de ton animal de prédilection est plutôt normal. Mais après, ça me semble prendre énormément d’ampleur dans ton cas. Tu es censé la maîtriser. » C’était sûrement lié à son histoire que je ne connaissais pas. Je ne pouvais pas tirer des conclusions avec aussi peu de cartes en main. « Ça s’apprend, tu dois prendre le dessus, enfin ta partie humaine doit te permettre de gérer ça. » Je ne savais pas comment mettre des mots sur ce que je ressentais en tant que métamorphe. C’était logique, je n’en avais jamais parlé à quiconque et puis toutes ses sensations étaient trop animales pour avoir des équivalents avec un langage humain. « Je ne vois pas trop comment décrire ça… »  

Je me grattais distraitement le menton d’une main et revins poser mon attention sur mon interlocuteur qui semblait absorbé dans sa contemplation. On allait vraiment devoir résoudre ça rapidement. Ça m’inquiétait beaucoup trop. « Pour être franc, je… enfin je crois que la première forme est rassurante quelque part. Expérimenter d’autres animaux peut être assez angoissant. J’ai mis une année avant de savoir passer du corbeau au chat. Il y a pu avoir… une sorte de conflit… Je pense… Ça remonte à loin, j’ai du mal de vraiment bien me souvenir de ça. Toujours est-il que rien n’est définitif et qu’il existe une solution.  » Je me remis à boire un peu de mon breuvage avant de poser le contenant sur la table face à moi. J’avais du mal de contenir mon flot de questions et bien que j’aie été jusqu’ici très prévenant, j’avais envie de poursuivre la discussion et creuser le thème. Je le sentais un peu plus ouvert, j’osais donc articuler. « Ça … ça fait longtemps que tu es… Enfin que tu éprouves ces difficultés ? » Il m’avait vraiment fait flipper à l’hôtel et encore, j’étais loin de me douter que ça serait grave à ce point. J’ajoutais très vite afin de ne pas le braquer maintenant après tout ce chemin parcouru « Tu n’es pas obligé de me répondre, bien sûr. C’est juste que… » J’aurais aimé que tu m’en parles plus tôt. Avant que ça prenne ces proportions. Mais j’étais fautif aussi, je ne lui avais jamais donné le loisir de s’appuyer sur moi. Je commençais à me sentir embarrassé et fis une diversion très douteuse en reprenant mon verre. « Pas mauvais ce vin, non ? J’aurais dû en acheter plus d’une bouteille. » Bien que ça m’ait coûté un bras. Avec mon minable petit salaire de barman, je ne pouvais pas tellement m’offrir un tel luxe. Coup dur pour un ancien riche héritier. Mes habitudes réapparaissaient de façon ponctuelle sans que je les contrôle et je devais à chaque fois modérer mes ardeurs. Ce n’était pas vraiment un problème heureusement. Je commençais par contre à me demander si accepter ce job à la Lune Bleue avait été une bonne décision. En plein milieu des négociations et de la guerre, ça me semblait plus que judicieux. Ça me permettait de côtoyé de façon régulière la meute, d’apprendre à les connaître – bénéfique pour l’alliance. De plus, si j’avais des urgences au niveau de ma communauté, Mary pouvait se montrer plus clémente – ou du moins, pouvais-je lui donner les vraies raisons de mes absences. Après, dépendre à ce point des loups me plaisait de moins en moins. Sans mentionner le fait que je détestais mon boulot… Ainsi que le bar où je bossais.


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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyDim 21 Juil - 23:36




Tu voulais me parler ?

« Qu’il y ait une forme de domination de ton animal de prédilection est plutôt normal. Mais après, ça me semble prendre énormément d’ampleur dans ton cas. Tu es censé la maîtriser. Ça s’apprend, tu dois prendre le dessus, enfin ta partie humaine doit te permettre de gérer ça. Je ne vois pas trop comment décrire ça… »

Bam. Ca faisait vraiment mal d’entendre ça. Tu es censé, tu dois, ça s’apprend… J’avais quarante-et-un ans. Bientôt quarante-deux ans, d’ailleurs. Et visiblement, je n’avais pas appris, j’étais en retard, si on pouvait formuler la chose de cette manière. Ca semblait si… évident pour Camille, alors que pour moi, ça ne l’était pas le moins du monde. Du moins… je ne m’étais jamais posé la question à ce sujet. J’avais pris les choses comme elles étaient venues, cherchant plus à savoir comment j’étais devenu ainsi et non de quoi étais-je capable. Comment, qui, qu’étais-je, c’étaient les questions que je me posais. Je m’étais contenté de savoir que le berger allemand était là pour venir à mon secours si j’en avais besoin, pour me prêter son flair, son ouïe, son instinct, son sixième sens animalier. Ce n’était qu’à mes dix huit ans que j’avais eu envie d’aller voir ailleurs et l’échec pour le moins cuisant auquel j’avais du faire face ne m’avait pas vraiment donné envie de tenter d’autres choses. Oui, j’étais vexé. J’avais mal pris son Tu es censé la maîtriser. Oh, pour maîtriser le berger allemand, je le faisais à merveille. Ou alors c’était le chien qui me maîtriser, mais nous cohabitions depuis tellement d’année que nos réactions se mélangeaient souvent. J’étais profondément… métamorphe, sur ce point là. Métamorphe, et lycanthrope d’une certaine manière. Lorsque j’étais plus jeune, je me pensais loup garou, maintenant, on me croyait loup garou… Et il ne fallait pas se le cacher : les bergers allemands n’étaient pas des chiens de salon qui venaient ronronner aux chevilles des petites grands-mères… C’étaient plutôt des animaux certes gentils, mais qui pouvaient réveiller leur côté sauvage, non domestiqué, sans prévenir. Je me renfermai, lorsque Camille rajouta, sûr de lui :

« Pour être franc, je… enfin je crois que la première forme est rassurante quelque part. Expérimenter d’autres animaux peut être assez angoissant. J’ai mis une année avant de savoir passer du corbeau au chat. Il y a pu avoir… une sorte de conflit… Je pense… Ça remonte à loin, j’ai du mal de vraiment bien me souvenir de ça. Toujours est-il que rien n’est définitif et qu’il existe une solution. »

C’était bien mignon d’affirmer cela, mais… La carapace se replaçait, sans que je ne fasse un seul effort pour l’en empêcher. Ce qu’il clochait, c’était que j’étais blessé dans mon amour propre. Il n’y avait rien de dédaigneux dans ce que disait mon petit frère. Rien de mesquin, de prétentieux, de hautain. Il ne voulait pas me rabaisser, il ne voulait pas m’acculer, se moquer de moi, appliquer du gros sel sur une plaie qui refusait de se fermer depuis des années. Il ne le voulait pas, je le savais, mais il le faisait dans un sens… J’avais l’impression de revenir à l’école, d’être à nouveau l’élève. Si à dix neuf ans, j’avais eu suffisamment d’humilité pour reprendre le B-A-BA du cursus scolaire, ce n’était plus le cas maintenant. J’avais tout fait pour pallier les dégâts de mon enfance hasardeuse. Je ne pensais pas, plus de vingt ans après, que ma sauvagerie, dans mon attitude, allait encore avoir de l’influence sur ma vie. Sauvagerie… le terme était un peu fort, très certainement, mais c’était le mieux que je pouvais trouver pour dire ce qu’il en était. A treize ans, j’étais tout de même entré dans un gang. Et encore… treize, c’était parce que je venais de les fêter. A quatorze ans, je ne reculais pas devant la violence, et je n’étais pas le dernier pour en faire preuve. Je marmonnai un « On verra bien, on verra bien… et puis, est ce si gênant en fin de compte ? » qui mourut dans ma barbe. Je m’étais fait, sans m’y faire tout à fait réellement, à l’idée de rester un métamorphe berger allemand. Me transformer en d’autres animaux, en dehors de la buse, ne m’avait jamais attiré, parce que le chien avait relégué au fond de mon esprit l’hypothèse que c’était utile, et lorsque je me trouvais dans une situation délicate, je cherchais en premier lieu une solution humaine, avant dans chercher une métamorphique. Je posai la plume sur la table, dans une moue blasée. La question, hésitante, que me posa alors Camille me tira un froncement de sourcils.

« Ça … ça fait longtemps que tu es… Enfin que tu éprouves ces difficultés ? Tu n’es pas obligé de me répondre, bien sûr. C’est juste que… » « Que… ? » « Pas mauvais ce vin, non ? J’aurais dû en acheter plus d’une bouteille. »

Je me repenchai sur le vin, acceptant la diversion le temps de me calmer, de me poser, de réfléchir. Je n’étais pas un fin œnologue, très loin de l’être même, mais je devais reconnaître qu’il était loin d’être un tord-boyau ou une piquette comme on pouvait en rencontrer bien souvent. Depuis combien de temps est ce que j’éprouvais ces difficultés ? Je ne me voyais pas lui répondre « toujours », même si c’était la stricte vérité. Depuis le début, le chien s’était toujours exprimé avec véhémence lorsque j’avais pu m’imaginer voler, nager, voire trottiner sous la forme d’un petit insecte. Je bus une gorgée, et reposai le verre pour me plonger dans l’observation de mes mains, faisait tourner mon alliance autour de mon doigt, comme je le faisais pour me détendre.

« Et bien…, je fis une petite pause, ne sachant pas ce que je pouvais répondre à Camille. Et bien, je dois dire qu’en effet, il n’est pas mauvais. On reconnait le Français lorsqu’on a affaire à du vin ! »

J’avais pris le parti de faire des efforts pour évacuer un peu la tension qui aurait pu nous habiter. Qui m’habitait, tout du moins. Avant les Années Sanglantes, ou dans le privé avec Kate, je pouvais me laisser aller à faire de l’humour, mais ce n’était plus vraiment chose courante. D’ailleurs, en pensant à Kate… je ne savais pas si c’était une chance ou non qu’elle ait été absente ce soir en particulier. Je ne savais pas quelle aurait été ma réaction si Camille avait abordé ce sujet pour le moins délicat en sachant que Kate était en train de travailler dans son bureau, par exemple… J’inspirai et expirai lentement. Depuis quand… depuis quand… depuis quand…

« Je ne peux pas te donner de date précise… ça peut te paraître étrange, mais je n’ai jamais été… comment dire…, je fis une pause pour me masser les tempes, en cherchant comment formuler le tout. Ca ne m’est pas… c’est étrange de parler de ça…, comme ça… Disons que ca m’est plus naturel de me dire que je suis un berger allemand, que de me dire que je peux prendre toutes les formes animales… c’est plus simple, déjà et… je ne sais pas comment expliquer ça… »

Qu’avait dit Cam un peu plus tôt ? Que c’était une question de domination ? Que ma part humaine devait me permettre de gérer ça ? C’était ça le problème… je n’avais pas de part humaine. Il y avait juste… moi, qui étais partagé entre ce que le berger allemand ferait, et ce qu’il était lucide de faire. J’étais purement métamorphe, ambivalent entre le berger et l’homme, jusque dans mes pensées. Je ne savais pas comment formuler ça à haute voix.

« Tu parlais de… de part humaine. Je… je crois que je n’en ai pas. Le berger et l’homme sont trop intrinsèquement liés pour qu’il me soit possible de les dissocier. C’est comme si tu me demandais de… la comparaison est maladroite, mais… comme si tu me demandais de trahir Kate. Ce n’est pas la même chose, mais les liens sont similaires. »

Trahir, pas tromper. Je n’avais pas pu dire le terme à voix haute. C’était stupide, parce que je l’avais trompée. Je m’en voulais. Horriblement. Ce n’était pas… moi. Avoir trompé Kate avec une autre m’emplissait d’un sentiment de honte bien plus fort que de me transformer en buse au détriment du berger allemand, mais le goût amer que j’avais dans la bouche était le même, à moindre échelle. Je me dégoutais, je me donnais envie de vomir. Mon obsession pour le vide était il lié à cela ? La réponse m’effrayait, et je ne voulais pas y songer de peur d’entendre un oui timide résonner entre mes deux oreilles.



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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyJeu 1 Aoû - 15:22




Tu voulais me parler ?

Je connaissais suffisamment mon ami pour pouvoir affirmer que j’avais sûrement trop présumé de mes capacités à l’ouvrir à la discussion – bien entendu, ma maladresse me rattrapait toujours. Je le vis se refermer sous mes yeux sans savoir à quel moment précis je l’avais perdu, quel mot avais-je dit de travers ? J’avais déjà réussi à oublier avec précision les réponses apportées. Je me sentais vraiment confus face à ses réactions. Je ne pensais pas avoir sous-estimé la gravité des faits, peut-être justement l’avais-je exagéré ? Ou du moins, avais-je laissé passer que… Je serrais les dents et me maudissais. Je ne supportais pas l’idée d’avoir peut-être échouer à cette tâche aussi stupidement. Heureusement, ma diversion sur le vin nous permit à tous deux de faire une mini-pause au milieu de toute cette tension qui circulait sans grand mal entre nous. Il saisit l’opportunité que je lui présentais pour mon plus grand plaisir et but une gorgée de vin. Je fus partiellement rassuré quand il me répondit à ce propos. Bon, au moins, je ne l’avais pas fâché. Je marchais sur un fil avec lui. Tant que je ne le cassais pas cela dit, ça irait. Je souris à sa remarque, restant toujours dans cette optique de détendre l’atmosphère. J’avisais au fur et à mesure parce qu’au final, je n’avais pas d’autres options. Pour l’instant, je le laissais se perdre dans ses pensées, accuser mes paroles et grappilla dans ces quelques minutes de battement un peu de patience, de calme. Ma nervosité me forçait à jouer avec le verre entre mes doigts. Je ne m’attendais pas à ce qu’il réponde à mon interrogation qui se trouvait être à la limite de l’indiscrétion et de l’effronterie. Je ne me serais jamais permis de m’immiscer dans ses histoires privées si je ne jugeais pas la situation grave mais … Je ne savais pas comment il interprétait cette démarche de ma part.

Finalement, sa voix s’éleva à nouveau dans l’air et instinctivement, me fis retenir ma respiration. Ouf, je ne l’avais pas complétement perdu et nous reprenions la conversation là où nous l’avions laissée. Il fallait que je reste vigilant cependant. Je l’écoutais attentivement, toujours sans l’interrompre, fixant même mon breuvage pour ne pas lui donner l’impression de l’observer sous toutes les coutures et d’accentuer son malaise. A en juger par les informations qu’il me donnait, j’en déduisais qu’il n’avait jamais réussi à se transformer en autre chose qu’en berger allemand. Je n’en revenais pas qu’il ne m’en ait jamais parlé. Ca expliquait son retrait durant les combats – il n’avait pas pu prendre la forme d’un loup, logique. Mon dieu, ça avait dû être atroce pour lui de devoir rester à l’écart pour cette raison. Pourquoi ne pas m’en avoir parlé plus tôt ? Blessé ? Oui, d’accord, je l’étais un peu. J’avais l’impression que je n’avais pas réussi à jouer mon rôle d’ami et que finalement, tout ne s’était opéré que dans un sens. Oui, c’était en grande partie ma faute, je le savais. Je n’avais pas l’habitude d’être proche d’autres personnes et cela rendait donc chaque relation unique, précieuse. J’accordais beaucoup d’importance à mon amitié avec Alan. Je savais très bien que si quelqu’un l’atteignait, je serais touché autant que lui. Dans ce cas précis, j’ignorais tout de ses soucis et ça depuis plus de sept ans. Une part de moi était réellement triste qu’il n’est jamais jugé bon de m’en toucher un mot. Finalement, qui étais-je pour lui ? Pas un confident et ça ne devrait pas me surprendre – je ne le laissais pas tout à fait remplir ce rôle non plus auprès de moi. Pour autant, ça continuait de me chiffonner. Je plaçais mes émotions de côté et me focalisais sur mes expressions. Je ne voulais plus me planter alors je veillais à adopter une attitude posée, rigoureuse même, concentrée. J’effaçais vite la surprise de mes traits.

Je réfléchis à l’élaboration d’une réponse censée, comme il le disait, c’était étrange de parler de ça à voix haute. Nous étions composés d’instinct, de pulsions, notre part animal, la décrire humainement avec des syllabes était un vrai challenge. Après tout, ça faisait partie inhérente de nous et il était difficile de poser de manière objective des théories sur des sensations. Néanmoins, je mobilisais mon vocabulaire anglophone et mon imagination pour se faire. Ensuite, je posais prudemment mon regard sur lui et articulais « Alan, je comprends où tu veux en venir, moi aussi je suis dans une relation similaire avec mon côté animal » Je me vis rire nerveusement après avoir été sérieux. « Sorti de son contexte... Les gens pourraient se méprendre sur le sujet de...Bref. Si tu n'étais qu'animal tu ne serais pas là assis à me parler calmement, tu ne serais pas aussi civilisé. Ce n'est pas une réelle question de dissociation mais plus d'égalité entre les deux. Parfois l'un penche plus dans la balance que l'autre c'est une sorte d'harmonie et tu ne me semble pas en paix avec ta part animale mais en conflit, si elle ne te laisse pas gérer ta nature. » Je me mordis un instant la lèvre en pleine réflexion. L’idée de couple ne m’apparaissait pas si évidente que pour lui. Peut-être parce que moi-même, j’étais un célibataire endurci, je ne savais honnêtement plus ce que c’était d’être avec quelqu’un de manière aussi intime. « Est-ce que… Enfin, je ne veux pas devenir indiscret mais… Tu as déjà… tenté je suppose ? Je veux dire, tu as déjà essayé de prendre d’autres formes ? Autre même que l’oiseau ? » La réponse de ce blocage devait se trouver dans son passé mais je me voyais mal lui demander de m’expliquer. « Il faut comprendre pourquoi tu es autant en conflit avec ta part animale, pourquoi elle juge bon de prendre autant le contrôle. Il y a une raison. » Je détachais mon regard de lui quelques instants, songeur. Je me fis déterminer quand je lui déclarais le plus sérieusement du monde. « En tout cas, je peux t’apprendre à voler. Et je peux t’aider à trouver des solutions. » J’allais le sortir de ce pétrin. Ma force, je la tirais de ceux que je devais, voulais protéger. Et si il y a bien une chose que je ne parvenais pas à encaisser c’est la déception que je pourrais leur causer. J’allais vraiment mettre tout en œuvre pour épauler mon meilleur ami.


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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMar 20 Aoû - 14:03




Tu voulais me parler ?


«  Alan, je comprends où tu veux en venir, moi aussi je suis dans une relation similaire avec mon côté animal. Sorti de son contexte... Les gens pourraient se méprendre sur le sujet de...Bref. Si tu n'étais qu'animal tu ne serais pas là assis à me parler calmement, tu ne serais pas aussi civilisé. Ce n'est pas une réelle question de dissociation mais plus d'égalité entre les deux. Parfois l'un penche plus dans la balance que l'autre c'est une sorte d'harmonie et tu ne me semble pas en paix avec ta part animale mais en conflit, si elle ne te laisse pas gérer ta nature. »

Il ne me comprenait pas, ça me semblait évident. Personne ne pouvait me comprendre, parce que personne n’était dans ma tête, en dehors de moi. Et encore : même moi, je peinais à me comprendre par moment. Là, cependant, c’était très clair pour moi : mais extrêmement complexe à formuler à haute voix. Un seul fait ressortait : j’avais un problème. C’était indéniable. C’était certain. Il ne servait plus à rien de tergiverser, de m’esquiver par des pirouettes. Ca ne servait à rien de fuir devant la réalité : j’avais un gros problème. Peut être pas là où on pensait au départ, puisqu’après tout mon attrait pour le vide n’avait rien d’inquiétant, mais j’avais un problème. Lié au berger allemand, lié à ma manière de gérer ma condition de métamorphe, lié à mon absence de… « formation » à ce sujet. J’étais comme un enfant qui avait du apprendre à manier seul un couteau : je l’utilisais certes efficacement, mais pas de manière académique. Une harmonie ? Être en paix avec ma part animale ? Non. C’était clair que non. J’étais plus animal que Camille semblait le suspecter. Je me dégoûtais, parce que j’étais presque plus proche des loups que des métamorphes dans mon approche de ma part animale. Je murmurai un « J’imagine que l’on ne pourra jamais expliciter ça à haute voix… » qui mourut étouffé dans ma barbe, et c’était tant mieux. Les questions de Camille reprirent après une légère pause, et je fus soulagé dans un sens qu’il n’ait pas l’air d’avoir entendu, ou compris, ce que je venais de dire.

« Est-ce que… Enfin, je ne veux pas devenir indiscret mais… Tu as déjà… tenté je suppose ? Je veux dire, tu as déjà essayé de prendre d’autres formes ? Autre même que l’oiseau ? Il faut comprendre pourquoi tu es autant en conflit avec ta part animale, pourquoi elle juge bon de prendre autant le contrôle. Il y a une raison. En tout cas, je peux t’apprendre à voler. Et je peux t’aider à trouver des solutions. »

« Je ne sais pas si on peut vraiment parler de conflit, Camille… c’est délicat comme sujet, c’est délicat comme…  terme. »

J’haussai les épaules, plus pour me détendre qu’autre chose. Je remontai le fil de la discussion, cherchant à changer de sujet. J’étais mal à l’aise. Je n’étais pas effrayé, ou plutôt le berger allemand ne se sentait pas menacé par la discussion – ce qui était déjà un mieux – mais… j’étais mal à l’aise, parce que je n’avais pas toutes les réponses, parce que j’avais peur de réfléchir aux questions, et que j’avais peur de remuer un peu trop de poussières. Je ne savais pas quoi dire d’autre. Je ne savais plus quoi dire d’autre : je ne voulais pas trop… continuer à parler de tout ça. Si j’avais essayé de me chercher en autre chose ? Autre que le chien, autre que l’oiseau ? Non, bien sûr que non. Ca ne m’était jamais venu à l’esprit. C’était… indécent. Anormal. Je cherchai mes mots. Je pris mon inspiration. Qu’avais-je dis un peu plus tôt ? Que je voulais changer de sujet, que je voulais arrêter de parler de tout cela ? Pourtant… il me semblait logique de… Je ne savais pas trop. Mais je pris une nouvelle fois, oui, encore une fois, mon inspiration :

« Au début, je pensais que j’étais un loup garou… Il ne m’était pas venu à l’esprit que je puisse être un… autre chose. Que toutes les formes animales du monde soient à ma portée. Je m’y suis habitué au berger… je veux dire… »

C’était impossible d’exprimer totalement ce que je ressentais et j’haussai les épaules une nouvelle fois, d’impuissance. J’avais essayé. J’avais tenté. J’avais fait l’effort de passer outre ma répugnance à parler de moi, de ce que je ressentais. J’avais atteint mes limites : je ne pouvais pas aller plus loin. Je rendis les armes : « Changeons de sujet, s’il te plait… J’accepte ton aide, j’en ai besoin. Pour voler, pour m’accepter. Mais… changeons de sujet pour aujourd’hui, Camille. D’accord ? » Je n’allais pas le redire une nouvelle fois. Les « s’il te plait », les « excuse moi », les « je suis désolé », ne me venaient jamais facilement. Non pas à cause d’un ego mal placé, ou du moins je l’espérais, mais parce que j’avais bâti autour de moi des murailles qui me protégeaient de tout cela. Qui masquaient mes faiblesses, autant à moi-même qu’au monde qui m’entourait.

Je cherchai à toute vitesse un sujet à aborder. Le beau temps ? Le vent qui se levait ? Les métamorphes ? Rien ne semblait adéquat. Je pris le premier sujet plus ou moins… voilà, qui me vint à l’esprit, las de chercher :

« Tiens, je t’ai dis que Kate m’avait offert un nouveau livre ? »

J’avais un bon prétexte pour me lever, et m’éloigner un peu de canapé, contrôler mes légers tremblements de nervosité, évacuer le reste de la tension qui m’habitait. C’était fini. D’accord ? C’était fini : on allait arrêter d’en parler pour le moment. Voilà. Il fallait que je me calme. J’ouvris la porte de mon bureau, je soulevai quelques papiers pour récupérer mon livre, et je pris à nouveau le temps de respirer. J’arrêtai de bouger, les yeux regardants dans le vide. Je me pinçai l’arête du nez pour me faire retomber sur terrain, et j’essayai de sourire en revenant dans le salon. Mon sourire sonnait faux, tout comme ma voix qui tentait d’être rieuse, toujours pour alléger l’atmosphère. Et bien ancrer le changement de sujet. Je tendis La pédagogie pour les nuls à Camille. C’était bien un cadeau de Kate, ça : fin et délicat. Je ne l’avais toujours pas ouvert d’ailleurs.  

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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyMar 27 Aoû - 1:25




Tu voulais me parler ?

J’enchaînais, de toute évidence, les bourdes et plus je voulais manipuler les mots, plus ils m’échappaient. J’avais toujours cru que les paroles froissaient juste l’air bien souvent et ne marquaient pas concrètement l’esprit mais l’ironie voulait qu’ils m’effrayent terriblement. C’était mon paradoxe, je ne leur faisais pas confiance et cependant, je les redoutais d’une façon ou d’une autre que j’en sois ou non le porteur. Je ne savais pas communiquer, tout simplement. Je savais gérer des situations, apaiser des tensions,  servir de beau discours. J’étais un beau parleur bien souvent mais je ne savais pas mettre des termes sur les sujets importants. Alan que j’avais malgré moi dû acculé pour en arriver là, venait de m’ouvrir une porte sur l’esquisse de ses secrets et je m’empressais, semblait-il, déjà prendre la fenêtre pour sortir. Pratique pour un oiseau ? Non, ce n’était pas le moment de plaisanter. Je n’avais vraiment pas le cœur à ça même si cette manœuvre mentale était censée me calmer afin que je puisse rattraper mes gaffes. Délicate, oui, cette conversation l’était. Je ne comprenais pas où mon ami voulait en venir parce qu’il parlait à demi-mot et que je ne pouvais pas tout décrypter. Nous n’envisagions apparemment pas notre statut de métamorphe de la même façon. Je ne savais pas trop comment les autres ressentaient tout ça pour la simple et bonne raison que nous n’en parlions pas. C’était un thème trop intime, trop personnel. Nous avions tous une histoire propre et l’apprentissage des uns n’était pas le même que celui des autres. Devoir aborder ça sans toucher à son passé, à ses souvenirs relevait du domaine de l’impossible. Certains avaient eu la chance d’avoir des mentors pour leur expliquer ce qui se passait pour eux, comment l’appréhender. Il y avait ceux qui comme moi ou Alan apparemment, n’avait jamais eu l’occasion de trouver une oreille pour écouter l’incompréhension et l’apprivoiser. Et puis comme je l’avais déjà fait remarquer, notre partie animale n’était pas soumise à la régularité et la rigidité du vocabulaire humain. Ceci était un exercice périlleux et je le savais. Je n’étais pas à la hauteur.

Il tenta de m’expliquer malgré tout mais cela me dépassait clairement. Nous ne vivions vraiment pas tout ça de la même façon et entre ses hésitations, ses débuts de phrases incomplètes, je peinais à saisir la finalité de ses pensées. Tout ce que je pouvais affirmer, c’était qu’il n’était jamais parvenu à prendre une autre forme que le berger allemand et que ce fait commençait partiellement à le rendre obsessionnel avec en déviance une attirance pour le vide délirante et flippante. Je me passai une main sur le visage. Il fallait que je le ménage, Kate avait raison. J’essayais de trouver des bons termes à apposer cette fois-ci mais je ne pus surenchérir car il me fit comprendre que nous avions déjà été assez loin pour aujourd’hui. Mes nerfs et ma tension approuvaient sa décision tandis que ma culpabilité s’intensifia d’une seule et même onde. Je n’étais pas parvenu au bout de mes objectifs et je m’en voulais. Néanmoins, j’avais réussi à obtenir son accord pour l’aide. C’était le plus grand point à aborder, je pouvais être heureux de cette victoire. Mais ça ne faisait pas remporter la guerre pour autant. J’allais rester  vigilant et mener chaque bataille pour son bien. Il pouvait compter sur moi. J’articulai en guise de réponse « D’accord. Pas de soucis. » et le laissai trouver le moyen de nous détourner de notre embarras commun. Je devais me détacher de mon anxiété maladive pour pouvoir finir cette soirée trop riche en confidence, sur une note définitivement positive.

Il ne fallait pas qu’il se referme. Je voyais qu’il se forçait, je le connaissais mais je jouais sa comédie. Si ça pouvait fonctionner… Je masquai donc mon inquiétude derrière un rictus étudié lorsqu’il me montra le cadeau que Kate lui avait fait. Elle avait toujours eu un sens de l’humour plutôt développé et c’était sûrement la seule personne au monde qui pouvait faire ce genre de farce sans qu’Alan ne s’en offusque. Je le croyais du moins…  « Je vois que ta femme ne perd pas le Nord. » ajoutais-je en le taquinant avant d’élargir mon rictus.  « Cela dit, peut-être que tu trouveras comment gérer les enfants trop curieux dans ce bouquin. Qui sait ? » Je faisais allusion au gosse qui lui posait plein de questions sur sa nature de « lycan » bien entendu. Tout fût bon ce soir-là comme prétexte pour éviter de retomber sur le sujet qui fâche. Je fuyais moi-même tous les détours qui pourrait me ramener à mon ancienne voisine parce qu’étrangement, tout finissait toujours par revenir à elle dans ma tête et cela aurait pu gravement m’alarmer si je n’avais pas passé le reste du temps à me préoccuper de mon meilleur ami. J’essayais de me montrer détendu et serein alors que je continuais à m’en faire en silence, à me poser plein de questions, à analyser son comportement afin d’y trouver la moindre faille. Comment avais-je pu passer à côté de ça pendant toutes ces années ? Je l’ignorais mais j’étais un piètre ami pour ne l’avoir découvert que récemment. Je devais rectifier le tir. Je ne me laissai pas beaucoup de marge d’erreurs d’ailleurs. Je devais parvenir au bout de cette lutte.

Les heures défilèrent et je décidais de rentrer avant que Kate ne revienne elle-même de sa petite virée. Je n’étais pas sûr de pouvoir supporter le poids de son regard sur moi, les attentes et espoirs qu’elle avait dû nourrir à l’égard de cette conversation. C’était trop pression pour moi, je n’étais plus en état. Et parmi les personnes que je ne voulais surtout pas décevoir, elle se plaçait aisément dans les premiers de la liste. Je détaillais une dernière fois mon conseiller et ajoutais très innocemment.  « On se contacte de toute façon donc… Pour mettre tout ça en place. Tu remettras mon bonsoir à Kate surtout. » Je sortis et me retrouvai sur son palier avant de me retourner ultimement pour ajouter très rapidement, trop rapidement même.  « Tu sais où me contacter, il ne faut jamais hésiter. Peu importe l’heure ou la cause... Allez, à la prochaine Alan ! Merci pour la soirée! » Je filais très vite et dévalai les escaliers jusqu’à atteindre le trottoir et puis, ma voiture. Je m’affalai dans mon siège côté conducteur. Je ne savais pas du tout comment j’allais faire mais j’allais vraiment devoir alléger les choses, les faciliter même pour mon bras droit. Et tout ça, sans qu’il n’en ait conscience. Un vrai défi autant que celui de l’aidait à aller mieux. Mais ça irait. Parce que mon instinct me le disait et que j’avais aussi envie d’y croire. J’allumais le moteur et gagnais l’asphalte avec la conviction que je pouvais sauver Alan. Après tout, lui m’avait déjà tendu la main par le passé. C’était à mon tour de lui démontrer ma force, mon soutien et de lui exprimer ma reconnaissance. C’était ma plus belle chance de me montrer digne de ce qu’il avait fait pour moi et je comptais la saisir. Quitte à y laisser quelques plumes.


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MessageSujet: Re: Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]    Tu voulais me parler ? [Livre II - Terminé]  EmptyJeu 5 Sep - 10:51




Tu voulais me parler ?

Allez Camille, allez, s’il te plait. Attrape la perche que je t’envoie pour que l’on change de sujets de conversation. Que l’on cesse de parler de ça. J’allais le ressasser des jours et des nuits, je le savais. J’allais faire un cauchemar, je le sentais. Toujours le même : je sautais, je volais, je tombais, je mourrais. Toujours le même : je le sentais poindre aux frontières de mon esprit, attendant que je dorme pour s’emparer de moi. J’allais encore me réveiller en sursaut, en sueur, le cœur battant la chamade. Et peut être des plumes éparpillées dans le lit. Normalement, un métamorphe ne pouvait pas se transformer dans son sommeil – fort heureusement d’ailleurs, déjà que j’avais tendance à aboyer ou quelque chose s’en approchant lorsque je rêvais – et j’étais persuadé qu’il ne pouvait pas y avoir d’exceptions. J’en avais donc conclu que je me transformais à moitié conscient, et que lorsque je rêvais que j’étais buse, je le devenais vraiment plus ou moins consciemment. Mais il ne fallait pas que j’y pense. J’avais voulu changer de sujet, et si je ne lâchais pas prise, j’allais être celui qui n’allait pas effectuer le changement. Ridicule.

Je n’étais pas la plus habile des personnes en ce qui concernait les relations humaines, c’était le moins que l’on pouvait dire. Lorsqu’il fallait faire preuve de tact, de diplomatie, de savoir faire en communication, je laissais Camille parler avant de faire la moindre bêtise irréparable. J’étais vif, impulsif, incisif, agressif même. Même si j’étais observateur, j’étais tout à fait capable – et je ne le prouvais que trop souvent – de passer à côté des évidences. Mais lorsque c’était Camille qui était en face de moi, je le connaissais si bien maintenant qu’il avait du mal à se jouer de moi. Son rictus répondait au mieux : nous jouions tous les deux la comédie, celle que je voulais absolument mettre en place. Le ton taquin de Camille lorsqu’il complimenta les choix littéraires de ma femme me fit chaud au cœur, bien plus qu’il ne devait le savoir. J’avais de la chance, beaucoup de chance, d’avoir un ami comme Camille, un petit frère comme Camille. Il ne devait pas se rendre à quel point sa sensibilité vis-à-vis de moi me touchait. Il faisait des efforts, ça se sentait, pour entrer dans mon jeu, et même si je le sentais, ça ne changeait rien.

« Je vois que ta femme ne perd pas le Nord. Cela dit, peut-être que tu trouveras comment gérer les enfants trop curieux dans ce bouquin. Qui sait ? »

J’arquai un sourire avant de comprendre, et un sourire s’épanouit sur mes lèvres, presque sincère.

« Tiens, je n’y avais pas pensé, mais tu n’as pas tort… Faut que je le lise vite avant septembre alors, histoire d’être opérationnel pour une nouvelle année scolaire. »

Les heures défilèrent et nous nous efforçâmes de rester sur des sujets légers. Ils n’étaient très certainement pas divers, ni variés, et encore moins intéressant – enfin, ils l’étaient bien sûr, mais ils n’étaient pas graves et c’était l’important –mais nous ne nous rapprochâmes pas des sujets sensibles. Vint le moment de se séparer. Je ne savais plus vraiment si Camille travaillait mais ça devait être le cas.

« On se contacte de toute façon donc… Pour mettre tout ça en place. Tu remettras mon bonsoir à Kate surtout. Tu sais où me contacter, il ne faut jamais hésiter. Peu importe l’heure ou la cause... Allez, à la prochaine Alan ! Merci pour la soirée! »

« J’ai ton numéro, ne t’en fais pas. Passe une bonne soirée, Camille, et ne te fatigue pas trop quand même. Et ne t’inquiète pas : je prends soin de moi. Toi, fais gaffe à toi, d’accord ? »

Je n’étais pas sûr qu’il ait tout entendu, tant il avait filé vite dans la cage d’escaliers. J’écoutais ses pas résonner puis s’éteindre, et je fermai lentement la porte, songeur. Prendre soin de soi… c’était un concept étonnant. Dans un sens, je lui mentais en disant que j’allais le faire, parce que je ne savais pas encore vraiment si j’allais changer mon attitude, mon comportement. Si j’avais un problème, et bien… je vivais avec depuis bien des années. Certes mon comportement était étrange, surtout lorsque je me perchais sur la balustrade du balcon, il ne m’était pour le moment rien arrivé de grave. Certes, il s’agissait d’essayer de régler le problème, et je devais me faire violence pour accepter la main tendue de Camille, pour la simple raison que je n’aimais pas dépendre de quelqu’un, mais je ne voyais pas d’urgence. Je vivais ainsi depuis longtemps, cette simple pensée me réconforter. Camille avait remué le lit de la rivière, et pour le moment la vase obscurcissait le cours d’eau m’empêchant de voir ce qu’une telle agitation avait révélé. J’avais mal, j’avais peur, mais pire que tout je ne savais pas sur quel pied danser. En parler à Kate ? Oui, bien sûr… plus tard. Je ne voulais pas l’inquiéter, et même si je comptais bien le lui dire, je ne voyais pas spécialement d’urgence encore une fois. Ca ne mettait pas tant que ça ma vie en danger, non ? Et elle ne devait pas l’avoir remarqué tant c’était infime, sinon elle me l’aurait dit, c’était une évidence. Toujours aussi songeur, j’entrepris de ranger le salon, mes mains agissant d’elles-mêmes alors que je repassais dans ma tête toute la première partie de la soirée.

Mon problème de transformation était il un grave problème ? Je n’arrivais pas à répondre à cette question et ça m’embêtait. Mon problème de transformation était il un grave problème ?



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