Vingt-trois heures. Il était temps de me rendre à la salle des trônes. Des gardes humains avaient du, au courant de la journée, prendre le relai des officiers vampires que Morgane et moi avions dépêchés à la surveillance des vampires fauteurs de trouble qui s’étaient trouvés à la lune bleue le quinze. Il était important que l’on s’occupe de les questionner, d’autant plus après les explosions qui avaient eu lieu, bien que nous ayons retardé cela de ce fait. Il y avait eu plus important que nous devions gérer. Les vampires seraient bien rapidement pointés du doigt, car nous nous en étions tous sortis indemnes. Était-ce réellement un hasard, ou n’était-ce qu’une chance de circonstance, grâce aux débordements justement, qui avait contribué à protéger la Reine, et ses plus loyaux vampires ? Ses plus déloyaux, également… Certains de ceux que nous devions voir ce soir avaient eu des propos assez durs et contestant clairement l’autorité de Morgane. Se pouvaient-ils qu’ils soient coupables de ça, et veuillent faire peser les soupçons sur la Reine ? Ce ne serait pas improbable. Bien au contraire. Le trouble serait grand, si cela était le cas, mais bien moins grand que si la Reine venait à laisser sa place vacante, ouverte à tous les vampires malveillants existant. Mais cela pouvait être un coup des semi-démons, à nouveau. Après tout, si les loups et les vampires s’alliaient, ils pouvaient s’épauler pour lutter contre le chaos qui suivait le passage des rejetons des enfers.

Soupirant, je revêtais un tailleur rouge sang – oui, c’était cliché, mais quelle importance ? Je n’avais que peu de distance à parcourir, de toute façon. Enfin, à échelle d’un manoir, ça faisait une grande distance, mais tout était bien plus rapide pour un vampire. J’avais rejoint la demeure Raybrandt peu après avoir entendu les explosions. Question de prudence, et question pratique. Nous allions avoir besoin de réagir et vite. Grand bien m’en avait pris. Je regardais avec surprise mon téléphone, m’indiquant que Morgane nous demandait en urgence. Étrange, nous ne devions pas la rejoindre avant quelques heures encore. Je rejoignais donc assez vite la salle du trône, prenant place debout aux côtés de la Reine qui se trouvait là, la saluant d’un signe de tête, faisant de même à l’attention de Nicolas. Eux-même venaient tout juste d’y entrer. Je me tournais vers Morgane, attendant qu’elle commence les festivités.

J’acquiesçais aux paroles de notre Reine, intriguée de ce dont elle voulait nous parler. Je la suivais dans la salle du trône, restant debout à ses côtés. La position, qui serait probablement inconfortable à tenir bien longtemps pour un humain, m’indiffère. Je reste droite, alors que les chevaliers au service de la monarchie amenaient le premier prisonnier, le dévisageant sans réelle expression. Fort bien, nous allions voir ce qu’ils avaient dans le ventre, et surtout qui ils servaient. Il finirait par parler, tôt ou tard. Il ne pourrait de toute façon rien faire d’autre que de subir, ou de parler. Enchainé et entravé dans ses mouvements, et vu l’importante concentration de fidèles à Morgane, il n’aurait pas faire deux pas, qu’il serait maîtrisé. Et alors, son sort serait beaucoup moins enviable. Morgane avait beau être plus… pacifique que sa mère, elle n’en restait pas moins capable de punir ceux qui dérogeaient à la règle, ou voulaient échapper à leur juste punition. Elle savait se montrer clémente, mais elle ne le faisait qu’envers ceux qui étaient méritants.

Et vu la réponse hautement inspirée du vampire qui nous faisait face, il n’en faisait absolument pas partie. Oh, il faisait le fier. Son calvaire ne faisait que commencer, pourtant. Il n’était pas décidé à parler ? Fort bien, nous allions le faire parler. Il cicatriserait vite, à moins que l’on ne l’en empêche. Ses chevilles et poignets maintenus par de l’argent devaient le faire souffrir, mais depuis que les gardes de la Reine l’avaient ramené ici avant que nous ne soyons tous priés de quitter la Lune Bleue, il s’était passé un certain temps et, s’il devait encore souffrir, il devait malgré tout s’être accoutumé à cela.

Revêtant des gants, je prenais un ouvre-lettres en argent, que les gardes avaient disposé non loin des trônes, avec d’autres armes diverses et variées. Ce n’était pas là la plus mortelle ou la plus douloureuse des armes à notre disposition, mais elle pouvait être traitre. Souriant davantage, je m’approchais du rebelle et plaquais l’ouvre-lettres bien plus aiguisé qu’un tel objet normalement, entaillant légèrement, très légèrement sa joue. Elle finirait par cicatriser, mais moins rapidement qu’une blessure normale.

« Le choix est assez simple. Je peux t’entailler encore un peu le visage, ou peut-être même te planter ce jouet dans l’œil, mais tu finiras pas parler. Tôt ou tard. Mieux vaut tôt que tard, pour toi. »

Action▪▪ Essaye de faire parler le prisonnier.

Je soupirais, en entendant le vampire interrogé répondre. Nous perdions notre temps. Jamais le ”peuple” ne gouvernerait, et il se leurrait s’il croyait réellement ça. Le peuple deviendrait bien vite le nouveau monarque, c’était certain. Sans cacher mon dédain, je l’ignorais, me retenant de le faire taire définitivement. Sans sa langue, il se montrerait moins impertinent.

« Majesté, je pense que cela nécessite une discussion, mais interroger encore plus des siens ne nous apportera rien. Vous devriez le renvoyer, et les laisser tout autant qu’ils sont croupir en prison. Ça fera peut-être réfléchir les simples d’esprit qui ont la sottise de croire en ces imbécilités – ou qu’ils seront mieux lotis, à la botte de ceux qui osent penser pouvoir renverser le pouvoir. »

Oh, j’étais bien placée pour le savoir – n’avais-je pas trahi les vrais sanguinistes, les sanguinistes originels dont ceux-là n’étaient que des pales copies ? Ils étaient désorganisés, peu nombreux, et parfaitement inutiles. Il suffisait de voir leur intervention négligeable lors du couronnement des Reines, puis leur interférence risible à la Lune Bleue. Mais c’était peut-être là pour noyer le poisson, alors qu’ils étaient responsables de pire… C’était à ne pas négliger.

« Vous devriez peut-être les faire interroger davantage par des mains plus inflexibles. S’ils en savent plus, c’est ainsi que nous l’apprendrons, Majesté. »

Elle ne le tolèrerait pas, mais il fallait parfois se salir les mains, qu’elle le veuille ou non. Si elle ne l’avait pas interdit, je l’aurai à vrai dire déjà fait, pour lui faire fermer sa belle gueule de crétin. Mais peu importait, nous verrions. Si elle estimait que nous devions continuer ici cet interrogatoire… Eh bien, soit.