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Rien ne captive autant les gens que le spectacle d'une tragédie
MessageSujet: Rien ne captive autant les gens que le spectacle d'une tragédie   Rien ne captive autant les gens que le spectacle d'une tragédie EmptyDim 14 Aoû - 13:41

Un mois… ça fera un mois demain. Dans la nuit de demain en fait. Si proche et déjà si loin. Non, ça fait pas longtemps, mais… si, ça fait déjà trop longtemps que je me lève et qu’ils ne sont plus là. Trop longtemps que leurs rires se sont perdus. Trop longtemps…
Je secoue la tête. Je dors, un peu, quelques heures, c’est déjà du progrès. Et c’est carrément une victoire quand je ne me réveille pas en sursaut au milieu de la nuit, tremblante et affolée. Même s’il dit rien, même s’il fait pas de remarque, je sais que je réveille Malcom. Enfin, d’accord, il lui faut pas grand-chose, mais quand même. Et je me suis retrouvée, je sais pas trop comment, à lui demander si je pouvais rester avec lui, quelques fois, comme une enfant apeurée. Je dors pas forcément beaucoup plus, mais je sais qu’il me protégera. Et ça me rassure. Et ça m’énerve en même temps. Je me sens tellement faible et inutile. Et d’un autre côté, quelle importance d’être forte ou importante ? Il n’y a plus personne pour qui je sois indispensable ou… J’en sais rien. Je parviens tout juste à me maintenir debout, sans m’écrouler à chaque minute qui passe… J’ai tellement mal. Pourtant, je suis toujours là. Et je sais qu’ils ne reviendront pas, je sais que je ne les reverrais plus. Mais j’ai toujours cette douleur écrasante et cette colère que je ne parviens pas à effacer. Que je ne veux pas effacer, elle m’aide et… c’est plus facile d’être en colère. J’ai des raisons d’être en colère. Tellement de raisons. C’est injuste. Et même si les autres sont touchés, j’ai l’impression… d’être seule. Je sais, là, c’est moi qui suis injuste. Et je me sens pas réellement seule, c’est simplement que… j’en sais rien. C’est trop. C’est juste trop.

Je ferme les yeux et lève le visage vers le ciel gris. On a beau être fin juin, le temps s’accorde parfaitement à mon humeur pour le coup. Gris et pluvieux. Quelques gouttes commencent à tomber, mais ça n’a aucune importance. J’inspire profondément. Les gens accélèrent et me contournent alors que je reste plantée au milieu de la rue. Qu’est-ce que je fous ici ? Pourquoi je viens me torturer ? Comme si j’avais besoin de ça pour me sentir mal. Comme si où que je regarde, quoique je fasse, je pensais pas déjà à eux. Je fais encore quelques pas avant de stopper. Les quelques gouttes se multiplient et finissent par recouvrir la chaussée. Les gens courent presque ou vont s’abriter, je les regarde sans réellement songer à me protéger moi.

Je me tourne et regarde de l’autre côté de la rue. Les barricades sont toujours là. Les débris calcinés également. Et j’ai des flashs qui me reviennent. Hayden qui me dit d’être prudente, le sourire de maman de l’autre côté du bar. Et malgré moi, je peux pas m’empêcher de me passer en revue toutes les personnes présentes, toutes celles dont je me souviens. Comme si le coupable était parmi elles. C’était le cas ? La PES enquête déjà et… et ça mène nulle part. Nicolas a promis aussi. Mais je… Je peux lui faire confiance ? Oui, j’ai déjà dit oui. Quoiqu’en ait pensé maman, ou les autres…

Ma gorge me pique et se serre, et je me force à respirer pour ne pas hurler. Si je pleure, on s’en fout non, vu comment il pleut, personne n’y fera attention. Mais je peux pas m’écrouler. Parce que maman m’a trop bien élevée et que dans un sens je peux pas abandonner, malgré tout ça. Parce que sinon y aura plus personne pour se souvenir d’eux et ils disparaitront et ça, je veux pas. Parce que… parce que si je tombe vraiment je me relèverais pas. Alors je reste plantée là, en t-shirt sous la pluie, à regarder les cendres de ce qui fut ma vie. Et si les larmes cessent de couler, ne laissant qu’un vide terrible, j’arrive pas à bouger pour autant.

Savannah Valentyne

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Savannah Valentyne
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