La pellicule en preuve d'un oubli

Sujet: La pellicule en preuve d'un oubli Dim 1 Mai - 20:38

Je grimace en faisant défiler une nouvelle fois le mail de James. Je lui ai pourtant dit de trouver quelqu’un d’autre. Je soupire et me passe une main dans les cheveux.
Enfin, maintenant, c’est fait, j’ai accepté… D’une part, parce que oui, je commence à m’ennuyer légèrement, mais sûrement à ne rien faire… Enfin non, pas à ne rien faire. Mais à ne plus faire de photographies… Et d’autre part, parce que je lui devais un service, et qu’il s’est bien chargé de me le rappeler…

J’ai même déjà contacté et pris rendez-vous. Mais je n’aime pas ça. Ce n’est pas comme si déjà de base, j’étais super motivée pour faire des portraits… Non, et puis là, comment dire que je ne suis carrément pas à l’aise. Tout le monde en a entendu parler, donc ce n’est même pas vraiment ça.
Et j’ai cherché un peu plus d’infos du coup, quand il m’a assez harcelé pour que je finisse par accepter. Et visiblement, quoiqu’en dise les gens, il n’y a pour le moment pas de véritables pistes concernant les explosions… Après, ça ce n’est pas mon boulot. Je ne suis pas journaliste, à eux de chercher ce qu’il s’est passé ou d’inventer des théories fumeuses. Bon, je sais, la piste des vampires n’est pas si délirante que ça. Avec la reine présente juste avant, ça peut même faire genre. Mais ce serait un peu gros non ? Enfin, je n’en sais rien et honnêtement, je m’en fous un peu.

Ce n’est pas pour rien que je n’ai jamais songé à intégrer la Meute. Pas tant que je n’ai pas confiance en eux, quoique si un peu. Mais je n’ai clairement pas envie de faire partie d’un groupe dans le genre. Bon, et ce n’est pas comme si je ne bougeais pas tous les 2 mois à l’autre bout du monde en plus. Je n’ai pas besoin d’avoir des comptes à rendre, de devoir me justifier ou autre.

Bon, d’accord, je suis désolée pour eux. Vraiment. Ça doit être super dur. Et c’est pour ça que je ne voulais pas accepter. Je n’ai pas envie de me retrouver mêlée à tout ça. Pas envie d’être au milieu, de près ou de loin.
Mais me voilà là, à attendre la euh représentante de ce qui reste de cette Meute détruite. Je regarde mon téléphone. Roxane Emerson, c’est ça. Une changeuse. Youpi. Voilà pourquoi je ne voulais pas. Je n’ai aucune envie d’être de suite affiché méta moi aussi. Ça entrainera trop de questions, et de si… Et
pas uniquement de leur côté non.

Je soupire à nouveau, avant de regarder autour de moi. Elle n’est pas encore en retard, mais ça m’arrangerait, j’aurais une excuse pour me barrer…. Et au final non, parce que je l’aperçois. Je me lève et lui souris, lui tendant la main.

« Mademoiselle Emerson ? Ravie de vous rencontrer. Je suis Ania Kenway, la photographe envoyée par James. »

Eh oui, je sais être polie et parfaitement bien élevée.

Roxane n’avait pas vraiment envie d’aller à ce rendez-vous. Elle avait été approché par un journaliste, un certain James, qui lui avait posé quelques question par téléphone. Principalement sur la soirée qui avait précédé les explosions. Roxane avait eu fortement envie de l’envoyer bouler, mais elle s’était dit que ça pouvait finalement peut-être être une bonne chose. Leur donner quelque chose à se mettre sous la dent les occuperait suffisamment pour qu’ils n’aillent pas fouiller plus loin et se mettent à traquer les survivants de la Meute qui n’avaient vraiment pas envie qu’on les trouve. Roxane était déjà exposée. On la connaissait. Elle ne prenait pas vraiment un risque supplémentaire en acceptant de répondre à ses questions. Elle en avait aussi profité pour glisser quelques paroles rassurantes sur le fait que les siens, malgré la douleur et la perte, ne souhaitaient pas déclencher une nouvelle guerre. Ils s’étaient d’ailleurs rapprochés des vampires et de la PES pour tenter de comprendre ce qu’il s’était passé. Il n’y aurait pas de vengeance aveugle de leur part. Le fait qu’elle ne soit en réalité pas capable de tous les contacter, elle n’en avait rien dit. Il y avait des choses qu’il valait mieux garder pour soi, surtout lorsqu’on s’adressait à un journaliste.

A la fin de l’entretien téléphonique, James lui avait demandé si elle avait des photos d’elle à leur transmettre pour illustrer l’article. Il y avait bien sûr celles de l’époque où elle avait été impliquée dans le meurtre de Camille Fontayn, mais il aimerait en utiliser d’autres. Et il souhaitait également éviter d’utiliser les images racoleuses des débris de la Lune Bleue. Lorsque Roxane avait répondu négativement, il lui avait proposé de lui envoyer quelqu’un pour en prendre. La rouquine avait accepté, et s’était dégagée une petite heure pour rencontrer la photographe. Elles avaient rendez-vous à Glasgow, devant une boutique facilement reconnaissable. Roxane n’eut aucun mal à reconnaître celle qu’elle cherchait. Le matériel qu’elle avait avec elle ne laissait aucun doute. Elle se dirigea donc dans sa direction. La jeune femme se leva à son approche, tendant la main pour la lui serrer, et se présentant poliment. Roxane fit de même, peu motivée par cette rencontre, mais ne blâmant pas pour autant Ania, qui ne faisait que ce qu’on lui demandait de faire.

« Enchantée Ania. Tu peux m’appeler Roxane. »

Mon pied s’agite nerveusement alors que j’attends que mon rendez-vous arrive. D’ordinaire, je suis patiente. Il faut bien pour arriver à prendre un jaguar ou n’importe quel autre animal. Mais je ne fais que les photographier, je ne les dérange pas, je ne les approche pas…. Bon, okay, sauf exceptions, mais ce n’est pas pareil. Et oui, là aussi, ce n’est que pour prendre des photos. Mais on m’a plus ou moins forcé la main et ça, j’aime beaucoup moins déjà. Sans compter que les circonstances ne sont pas vraiment cool et que je ne suis pas certaine d’apprécier être mêlée à tout ça, même de loin. Je me suis toujours arrangée pour ne pas approcher les loups et la Meute… Et voilà que je me retrouve plongée dedans sans y prendre garde, pire même, à cause de mon métier… Non, et puis, photographier des gens… Quand il s’agit de peuples paumés au milieu de nulle part, j’adore. Parce qu’ils sont naturels, souriants, timides et curieux à la fois, beaux tout simplement… mais sinon… J’ai du mal…
Je sais bien, ce ne sera pas simplement des personnes lambdas… ce qui me gêne encore plus en vérité. J’ai l’impression de les installer sur une place publique et de les désigner comme cible. Oui, c’est con, après tout, ils ont accepté de se faire photographier, je sais bien.
Et oui, elle risque de tiquer et de tilter que oh joie, je suis comme elle. Ce serait le pompom…

Et je la vois approcher. Et durant quelques secondes, j’en arrive à me dire que je vais pouvoir faire de chouettes photos au final. Je suis persuadée que sa chevelure rousse qui lui aurait valu le bucher y a 400 ans est totalement naturelle. Elle est jolie. Elle a même beaucoup de charme… Je suis persuadée qu’elle rend super bien sur les photos. Je me lève et lui souris en me présentant, presque par automatisme.
Je hoche la tête.

« Roxane donc. »

Je la fixe une seconde.

« James m’a dit que cela ne vous posez pas de problèmes, mais il n’a pas été très prolixe. Je ne sais pas s’il a vu avec vous ce que vous désiriez comme photographies ou non. Ce que vous acceptiez ou non.
Je sais que vous allez être mon modèle, mais s’il y a autre chose, ou d’autres personnes… » Que vous voulez pointer du doigt. « Que vous souhaitez photographier, dites-le moi et je ferais le nécessaire. »

Je désigne un banc un peu à l’écart, avant de prendre mon sac et de m’y rendre avec elle. Je m’y assois et fais tourner l’appareil dans mes mains.

« Vous pouvez poser si vous le désirez… Mais, personnellement, je préfère les images plus naturelles… » Je lui souris. « Je vous promets que les photos seront belles. »

Je grimace légèrement, avant d’inspirer.

« Je suis navrée pour ce qui s’est passée.
Je sais que le moment n’est pas forcément idéal pour vouloir… tout ça. Je sais que James peut se montrer insistant, si vous désirez reporter, n’hésitez pas à me le dire. »

Je m’installe un peu mieux et prépare mon appareil.

« Je suis parfois trop curieuse, mais les personnes ont tendance à être plus naturelles lorsqu’elles parlent d’elles-mêmes et de ce qu’elles aimes… Si cela est trop difficile ou délicat, n’hésitez pas à me dire que j’abuse. » Je lui souris et la dévisage, avant de prendre une photo. « Vous êtes une louve depuis longtemps ? Je peux demander comment çase passait pour vous dans la Meute ? »

Et le Changeur qui a failli sortir était joli aussi…

La métamorphe ne sait pas quoi dire à la photographe, et un petit silence s’installe entre elles une fois les présentations faites. Silence qui ne dure pas cependant, car la jeune femme qui lui fait face se charge de le combler assez rapidement, expliquant les instructions qui lui ont été données. Roxane la trouve un peu mal à l’aise, malgré un professionnalisme évident. Elle comprend que ce rendez-vous ne soit pas dans le top 3 de ses meilleures expériences cependant. Devoir prendre des photos de quelqu’un qui venait de perdre plus de la moitié de ses proches, et se retrouvait à devoir gérer quelque chose qu’elle ne comprenait pas et qui la dépassait… Elle devait être un peu stressée et ça se comprenait. Roxane répondit donc rapidement à ses questions, pour ne pas la laisser stresser et se demander si elle avait dit quelque chose qu’elle n’aurait pas dû.

« Il m’a dit qu’il avait besoin de photos pour illustrer son article, et comme je n’en avais pas, il a proposé de m’envoyer quelqu’un. Si on peut éviter les photos qui sont sorties dans les journaux la dernière fois que l’on m’y a vue, ça m’arrangerait. »

Roxane fit un petit sourire à la photographe. Comme à peu près tout le monde ici, elle avait vraisemblablement vu les dites photos. Prises à la volée devant le commissariat lorsque Roxane en était sortie après avoir été interrogée sur le meurtre d’un membre de la Meute. Meurtre qu’elle n’avait pas commis, et qui lui avait valu, en plus de la douleur d’avoir perdu quelqu’un qu’elle respectait, une médiatisation forcée à laquelle elle n’était pas habituée et qu’elle avait détesté. Revenir sous les feux de la rampe ne lui plaisait pas, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Et elle préférait que ce soit elle qui y passe plutôt que n’importe qui d’autre. Elle secoua donc la tête à la proposition d’Ania, concernant d’autres personnes qu’elle voudrait inclure.

« Ca ira merci. Une personne jetée en pâture aux journalistes suffira pour combler leur curiosité. En tous cas je l’espère. »

Une pique lancée sur un ton léger mais qui reflétait sa vision de la chose. Elle n’aimait pas être ainsi sous le feu des projecteurs, alors qu’elle avait passé sa vie à se cacher et qu’elle était plutôt douée pour ça. Mais il fallait que quelqu’un le fasse, et elle préférait que ce soit elle. Malcom et James étaient trop impulsifs pour tenir ce rôle. Lyra, ou Cian, auraient peut-être pu, mais elles étaient bouleversées par les évènements, bien plus encore que l’exécutrice. Et elle se sentait responsable de tous ses frères et sœurs. Elle était leur exécutrice, elle devrait prendre les coups pour eux, même si bon nombre d’entre eux s’en fichaient complètement, perdus dans leur souffrance et la peur d’être les prochains. Mais elle ne faisait pas ça pour leur reconnaissance ou leurs remerciements. Elle le faisait parce qu’elle devait le faire.

« Le naturel m’ira parfaitement. » ajouta-t-elle tandis que la photographe commençait à régler son appareil, assise sur un banc.

Alors que Roxane se préparait psychologiquement aux flashs qui ne tarderaient pas, Ania lui souffla des excuses bienveillantes, insistant sur le fait qu’elle pouvait annuler ce shooting si elle le souhaitait.

« Merci, mais vous n’y êtes pour rien. Et il va bien falloir y passer. Je suis finalement contente que ce soit vous qui vous en chargiez. »

Roxane se tendit légèrement par réflexe lorsque la photographe lui expliqua comment elle voulait procéder. Parler d’elle, de choses intimes, alors qu’elle ne connaissait pas son interlocutrice, la stressait. Mais ce stress ne dura pas. Après tout rien ne la forçait à dire la vérité. Elle était habituée au mensonge. Il n’y avait pas de raison qu’un appareil photo fasse une différence. Elle ferait comme à son habitude, glissant des éléments de vérité dans un tissu de mensonges visant à protéger sa vraie nature.

« Comme beaucoup, depuis les Années Sanglantes. Mais bon je ne pense pas que parler de ma transformation soit forcément un sujet propre à me détendre. Vous n’êtes pas sans savoir j’imagine que c’est un moment assez douloureux. »

Roxane lâcha un petit rire nerveux, avant de continuer.

« La Meute était une famille pour moi. Un peu ma seule famille d’ailleurs. Le lien qui nous unit est très fort. C’est un peu difficile à expliquer. Mais je me sentais vraiment chez moi, avec eux. Je pouvais être moi-même, avec des gens qui me respectaient et m’appréciaient pour ce que je suis. Entièrement. Les loups ne sont pas des gens qui vivent dans la demie-mesure. Ils sont… Je ne sais pas trop comment dire… Vrais ? Si ils n’apprécient pas quelque chose, vous le saurez aussitôt. Et si ils s’attachent à vous, vous devenez le centre de leur préoccupations. Enfin bref… je sais plus trop ce que je dis. Et ce n’est pas très intéressant. »

Roxane parla ainsi quelques minutes, essayant d’ignorer la photographe qui s’agitait autour d’elle, puis se tut, ne sachant plus vraiment quoi ajouter. Est-ce qu’Ania avait pris ce qu’elle voulait prendre ? Roxane était un peu curieuse de voir le résultat, mais n’osait pas trop, par peur de la gêner. Finalement elle se rapprocha d’elle alors qu’elle regardait sur l’écran de son appareil, lui demandant un peu timidement.

« Je peux voir ? »

Je lui souris doucement alors qu’elle répond à mes interrogations, posées ouvertement ou sous-entendues. Ouais ça va bien se passer. Même si la situation est carrément glauque. Même si ça doit être vraiment dur pour elle. Et que je vais être légèrement mal à l’aise j’en conviens, mais ce ne sera ni la première ni la dernière fois. Je hoche la tête, après l’avoir dévisagée une seconde.

« Je comprends oui. Si elles ont été prises n’importe comment, à votre insu, elles ne devaient pas rendre grand-chose. Enfin, pas grand-chose de bien. Et étant donné que le public se fait une opinion uniquement par rapport aux photos 80% du temps, ce n’est pas vraiment l’idéal. Encore moins quand… on cherche à attirer la sympathie des gens. »

Tout en parlant, je farfouille dans ma mémoire, essayant de savoir si je les ai vues ces photos. Mais ça ne me dit rien. Vu que ça doit être la période la plus longue que j’ai passé ici, sans bouger, depuis des années, ce n’est pas vraiment étonnant. Et vu que même lorsque je suis là, je ne lis pas particulièrement les journaux et autres nouvelles… Je la fixe quelques secondes, avant de m’occuper à nouveau de mon matériel. Elle ne dégage pas l’odeur d’un lycanthrope… Pas vraiment… Ouais, ou ton odorat te joue des tours ma belle.
J’esquisse un sourire, acquiesçant une nouvelle fois à ses paroles.

« Je l’espère aussi. On va faire en sorte que vous soyez assez intéressante pour ça. Ça ne devrait pas être bien compliqué. »

Enfin, après les journalistes étaient en général des vrais fouilles-merdes. Avec tout le respect que je pouvais avoir pour eux. Et oui, j’en avais, après tout Neal avait été plus que talentueux pas vrai ? Donc tous n’étaient pas uniquement là pour emmerder le monde et créer des problèmes jusqu’alors inexistants. Certains, rares c’est vrai, étaient vraiment à la recherche de vérités et d’histoires authentiques. Mais faire la une était tellement plus intéressant et facile en général. Tellement plus rentable. Quant à elle, je ne savais pas trop pourquoi elle avait accepté d’être celle jetée en pâture. Peut-être parce qu’elle l’avait déjà été oui. Peut-être parce qu’elle avait un rôle important dans la Meute. Mais ça, vu mon manque de connaissance de leur fonctionnement, je serais bien infoutue de le dire.
Je m’excuse une nouvelle fois, tout en m’installant malgré tout, car je doute qu’elle serait venue si elle n’avait pas eu l’intention de le faire, ce shooting, mais bon… Je lui souris et hausse doucement les épaules.

« J’ai davantage l’habitude de photographier les animaux sauvages et autres contrées lointaines. Je suis moins à l’aise avec les gens... Mais elles seront réussies quand même ! »

Oui, parce que j’ai quand même un certain orgueil à ce sujet. Et visiblement, elle n’aime pas parler d’elle-même. Indiscrète moi ? Si peu pour le coup. Je l’écoute distraitement alors que je prends des photos, changeant légèrement de place en fonction de la lumière et du résultat. Je hoche la tête quand elle parle. Oui, je sais plus que bien même. Et plus elle parle, plus elle nous oublie, l’appareil et moi. Ou presque oui.
J’esquisse un sourire en l’entendant parler, enviant presque durant quelques minutes ce qu’elle décrit avec… tendresse ? Je ne sais pas trop, mais elle semble réellement attachée à la Meute. Pourtant, je n’ai nullement l’envie de rejoindre les loups, ni même d’être trop entourée et surveillée. J’adore ma liberté et la possibilité de disparaitre sans laisser d’adresse. Certes, j’ai tout de même des personnes qui tiennent à moi, mais elles me connaissent, c’est différent. Dois-je relever qu’elle parle de la Meute comme d’une maison, et je la crois sur parole quand elle dit s’y sentir bien, mais qu’elle parle des loups en disant ils, et pas nous ? Je lui souris et secoue la tête.

« Oh si, c’est intéressant. Vous en parlez avec beaucoup d’attachement. En vous entendant, on comprend que la Meute est une grande famille. Et oui, les loups sont assez entiers de ce j’ai entendu dire. Ce n’est pas forcément un mal en soi après. Mais vu qu’ils sont tout aussi impulsifs en général, ça doit parfois être difficile à gérer effectivement.
Et vous dans tout cela ? Vous êtes quoi exactement ? Un genre d’attaché de presse ? »

Je prends encore quelques photos, avant de la voir se rapprocher, presque timidement. Mon sourire s’agrandit et je reviens aux premières photos, avant de tourner l’appareil vers elle.

« Evidemment. Ce sont les vôtres. S’il y en a une qui vous intéresse ou que vous trouvez mieux, plus adaptée ou autre, dites-le moi. »

Je la laisse faire défiler les photos, à côté de moi, inspirant lentement sans même m’en rendre réellement compte. Non, elle ne sent pas le loup. Elle en porte l’odeur, sans doute parce qu’elle en cotoie encore… Mais cette odeur de… forêt et de bitume n’est pas assez forte… L’autre, celle plus sauvage et plus animal en quelque sorte, est bien plus présente.

La photographe ne semble pas avoir connaissance des photos qui ont pourtant fait la une de plusieurs journaux quelques mois seulement auparavant. C’est étrange, pour une photographe travaillant avec des journalistes. Peut-être vient-elle de commencer ? Elle a pourtant l’air de savoir ce qu’elle fait avec son appareil. Roxane ne pose cependant aucune question. Elle ne voudrait pas se montrer malpolie en demandant à voix haute depuis combien de temps elle fait ce métier. Sa curiosité est pourtant rapidement assouvie. Elle est plus à l’aise avec les animaux qu’avec les humains. Roxane rit, et lui fait un petit clin d’œil tout en lui lançant.

« Si ça peut vous aider je peux toujours me transformer. Mais je ne suis pas sure que ce soit le genre de photos que James attend, ni que les passants soient très rassurés. »

Elle jette un regard circulaire autour d’elles. Elles se sont un peu isolées des allées et venues à l’entrée des magasins, mais restent dans une allée assez fréquentée. L’appareil photo leur attire d’ailleurs quelques regards interrogateurs qu’elle s’efforce d’ignorer. Elle s’imagine un instant se transformer en louve ici, et prendre la pose devant l’objectif, sous les yeux choqués des passants. Bien sûr les loups sont acceptés, mais de là à parader sous leur forme animale en pleine rue, il y a un pas que personne n’a franchi, sauf dans des circonstances qui n’ont rien de joyeux.

« Comme ça vous êtes photographe animalier ? Vous faites des reportages Safari ? »

A la demande de la brune cachée derrière son appareil, Roxane raconta un peu de sa vie, glissant parmi les mensonges élaborés au fur et à mesure du temps des petites tranches de vérité qui rendaient le tout crédible. La photographe finit par poser la question qui devait lui brûler les lèvres depuis le début, sans doute galvanisée par l’apparente sincérité de sa modèle. Roxane lui répondit aussitôt, tandis que le clac de l’obturateur continuait à se faire entendre.

« On peut dire ça oui. J’étais le bras droit de l’Ulfric et de la Lupa, avant les explosions, et j’ai été médiatisée par le passé, malgré moi et à tort. Alors si quelqu’un doit être médiatisé autant que ce soit moi. »

La rouquine s’approche et demande à voir les photos, ce qui lui est aussitôt accordé. Elle pouffe en arrivant sur une photo sur laquelle elle était définitivement en plein milieu d’une phrase. La bouche grande ouverte et les sourcils à demi froncés dans une grimace peu flatteuse.

« Ben déjà on va éviter celle-là. »

La plupart des photos était plutôt sympathique. Elle se trouvait même jolie dessus. Assez naturelle. Bien sûr se fatigue se lisait sur son visage, mais ça… A part avec une bonne nuit de sommeil qu’elle n’avait pas le lue de se payer, il n’y avait sans doute rien à faire.

« Elles sont très bien. Je vous laisse le choix de la photo, je suis sure que vous saurez choisir la meilleure. Après tout c’est votre métier. »

Si ça a l’air de l’étonner quelques secondes, que j’avoue ne pas savoir de quelles photos elle peut bien parler, je ne rajoute rien. Après tout, tout le monde n’est pas forcément censé être au courant de tout et se tenir informé de tout, pas vrai ?... Si ? Bon, je suis un peu une ermite, et alors, où est le problème ? Je parviens parfaitement à faire mon travail, c’est le principal non ? Enfin, pour elle. Et comme je lui explique, je suis plus à l’aise avec les animaux. Ce qui la fait rire, et sa réponse me fait sourire.

« Oh, James serait sans doute heureux d’avoir la photo d’un Loup à mettre à côté de vous en humaine, ça ferait vendre. Mais oui, même si on est un peu à l’écart, ça risque de créer une légère panique je pense. »

En vrai, il serait carrément ravi d’avoir un Loup je pense. Faire un genre avant/après… le truc con quoi. Mais c’est mort, et ce n’est même pas parce qu’il y a du monde autour de nous. Enfin, déjà si, ça simplifierait pas les choses et ça dégénérerait d’une façon ou d’une autre. Mais c’est surtout que ça m’embête déjà de faire ces photos pour la jeter en pâture, ce n’est pas non plus pour en faire une bête de foire. Oui, tout le monde sait déjà, mais ce n’est pas une raison. Se changer en pleine rue, à la vue de tous, ça n’a rien d’agréable.
Je lui jette un coup d’œil et acquiesce.

« Ça m’arrive, même si je travaille plus souvent seule. Je travaille principalement pour le National Geographic, le WWF, et pour d’autres associations ou groupes du genre. »

Je l’écoute me parler d’elle, de ceux qu’elle aime, de sa famille. Oh, je n’ai jamais douté que la Meute était une grande et aimante famille. Mais personnellement, j’aurais tellement de mal à m’intégrer dans un tel groupe… sans parler que les Loups sont si… je ne sais, susceptibles ? Colériques ? Arrogant ? Ou peut-être était-ce juste une mauvaise image dont je ne parvenais à me défaire. Ou de mauvaises expériences. Et je l’interroge enfin sur elle, sur son rôle dans cette Meute. Je la fixe une seconde, les sourcils froncés, avant de les hausser.

« Vous étiez exécutrice ? Mais oui, il vaut mieux éviter que tous ne soient exposés sans raison. »

Et là, oui, je me demande alors même que je finis de parler, si le titre est connu du grand public. J’avoue que je n’en sais absolument rien, peut-être que oui, et au pire, je pourrais mettre ça sur mes nombreuses rencontres ici et là… non ? J’aviserais…
Je lui montre les photos, lui tendant l’appareil. Je souris en hochant la tête. Oui, être pris en mouvement, ça ne réussissait à personne.

« Merci. Faire de belles photos avec un bon modèle, c’est facile… Enfin, presque. » Je lui souris. « Ça marche. Je vous en enverrais ma sélection, trois ou quatre, au pire, avant d’envoyer à James. Si ça ne vous embêtes pas de me donner votre mail. Ou portable… Si ça vous dérange, je comprends, je verrais avec lui en direct. »

J’efface quelques photos, effectivement plus comiques que flatteuses, avant de relever le nez de mon appareil et de la fixer à nouveau. Je me mordille l’intérieur des joues avant de reprendre.

« Je sais que c’est un sujet délicat… et je ne vous demande cela qu’à titre personnel, par curiosité si on veut… Curiosité que vous pouvez juger déplacée et du coup, ne pas vouloir me répondre… Mais… Vous vous en sortez ? Vous allez faire quoi ? Vous et… ce qu’il reste de la Meute ? »

Je ne sais pas trop pourquoi je lui pose la question, après tout, cela ne m’intéresse pas réellement, pas directement. Mais… en repensant à l’état dans lequel j’étais après la mort de Neal et Andrew, j’en viens à me dire que ce doit être bien plus difficile pour elle que ce qu’elle montre. Après tout, s’ils étaient véritablement sa famille…

L’idée d’une transformation publique pour le shooting amusa légèrement les deux jeunes femmes. Enfin amuser était peut-être un peu beaucoup dire. La situation serait vraiment amusante si le ressort comique n’en était pas la peur et l’ignorance de la population. Les voir courir en tous sens, paniqués et convaincus qu’ils se feraient mordre et se transformeraient en bête sauvage serait amusant si ce n’était pas justement pour cette raison que Roxane ne s’était jamais sentie acceptée parmi les humains. Ils craignaient encore les loups. C’était sans doute pour ça que quelqu’un avait entrepris de les décimer. Que penseraient-ils de sa véritable nature si elle venait à être sue ? Ce serait sans doute pire.

Elles discutèrent un peu de son métier de photographe. Roxane l’imaginait assez bien au milieu de la Nature. Elle avait même l’impression, bien qu’elle ne la connaisse pas vraiment, qu’elle y serait plus à l’aise que dans cette jungle urbaine. La conversation se porta également sur la Meute, et la place qu’occupait Roxane. Elle se contenta de dire qu’elle était le bras droit des chefs de Meute avant qu’ils ne meurent dans les explosions. Elle fut surprise d’entendre le terme d’exécutrice dans la bouche d’Ania. Ce n’était pas vraiment un secret défense, mais le nom étant assez clair sur la fonction principale de ce poste. On évitait donc de le crier sur tous les toits, pour ne pas effrayer la population.

« Il vaut mieux éviter ce nom, surtout en public. »

La rouquine se ferma légèrement, ne pouvant s’empêcher de se demander si la jeune femme avait été envoyée par James pour la piéger. Peut-être qu’il avait entendu une rumeur qu’il souhaitait confirmer. Peut-être avait-elle été un peu trop bavarde. Elle espérait vraiment que ce n’était pas le cas. Ania avait l’air d’être quelqu’un de bien. Roxane demanda à jeter un œil sur les photos. Elle lui donna son mail pour qu’elle lui envoie les photos. Elle pensait que leur rencontre se terminerait là, mais la photographe hésita un peu avant de lui poser quelques questions supplémentaires. Roxane lui aurait peut-être répondu si elle n’avait pas eu ces quelques soupçons éveillés plus tôt. Au lieu de ça elle répondit, un peu sèchement.

« En effet votre curiosité est déplacée. Merci pour les photos. Est-ce qu’on en a terminé ? »

Elle récupéra son sac à main posé sur le banc et prit la direction de sa voiture qu’elle avait garée quelques rues plus loin.

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