It’s so hard to say goodbye to yesterday

Première quinzaine de Mai 2018

Ces derniers jours ont été le témoin de changements en ce qui me concerne. Scylla, la banque, l’appartement abandonné, j’ai même dû vendre pas mal de fringues pour pouvoir m’assurer de ne pas me retrouver endettée. Alors quand je revêts la forme de la Louve je suis quelque peu préoccupée. Mais l’esprit calme de l’animal prend le dessus et c’est bientôt plus important de trouver un lapin que de savoir si oui ou non je vais quitter ce trou à rats qui me sert d’appartement.

Les pattes de la Louve nous mène jusqu’aux limites du territoire de la Meute. Merd* pourquoi elle a fait un truc pareil ? Si on nous retrouve là c’est certain on va passer un sale quart d’heure. Pourtant une odeur intrigue la Louve. On la connait très bien cette odeur alors avant que j’ai pu réagir la Louve me bride et fonce à la poursuite de cette piste encore chaude. Elle s’arrête à de nombreuses reprises pour s’assurer de ne pas être sur la mauvaise voie. Moi ce qui m’inquiète c’est pas cette odeur mais plutôt celles des autres qui pourraient nous tomber dessus. Je la vois… Roxane.

J’ai envie de dire à la Louve de se barrer avant qu’elle nous remarque mais vu la tournure du vent c’est probablement trop tard. Et comme un ultime doigt d’honneur que pourrait me faire la Louve si elle est était capable elle me laisse reprendre ma forme humaine, refusant de continuer. Ca veut dire quoi ça au juste ?

Je suis de mauvaise humeur envers moi-même, envers la Louve, envers le monde entier qui semble me laisser m’enfoncer dans mes emmerdes continuellement. Mon regard se pose sur Roxane et là je repense à Alexis que je n’ai pas vu depuis plus de cinq mois. Dire qu’elle me manque serait un euphémisme. Cette petite… Je me racle la gorge pour signaler inutilement ma présence. Nue comme un ver c’est pourtant pas ça qui me dérange, non ce qui me gêne c’est d’être devant Roxane et de devoir lui dire que je regrette tout ce que j’ai pu dire. Allez un peu de courage, même la Louve du fond de sa léthargie m’encourage à faire ce pour quoi elle est venue. La fourbe, elle aurait pu trouver un autre moyen.

« Salut… »

Je reste à distance raisonnable parce que je sais que je ne devrais pas être là. Les bras croisés sur ma poitrine et la tête baissée je ne montre aucun signe d’arrogance.

« Je voulais te parler. Je sais que je devrais pas être là mais c’était important. »

Je lève des yeux implorants vers la jeune femme. Qu’elle ne me chasse pas tout de suite. Qu’elle m’écoute, qu’elle me donne des nouvelles des miens avant de le faire c’est tout ce que je demande. Après tout je l’ai pas virée quand elle s’est infiltrée chez moi.

Tu humes l’air et te lances à la poursuite d’un lièvre dont tu as flairé la piste. Le vent printanier t’enivre. Quelques fleurs ont déjà éclos et le pollen vient chatouiller tes narines alors que tu cours vers ta proie qui zigzague entre les arbres, détalant devant toi. Tu te rapproches et dans un dernier bond lui brise le cou. Le sang envahit ta bouche et tu lèches tes babines avant d’entamer la chair. L’odeur de ta proie est partout, autour de toi. Tu te laisses envahir par ce moment de pure détente. Tes instincts animaux sont à leur maximum. Tu ne les retiens pas en toi, comme elle le fait à longueur de journée. Tu les laisses simplement s’exprimer. L’excitation de la chasse, le goût du sang. La solitude. Mais alors que tu es occupée à fouiller dans les entrailles encore chaudes, quelque chose t’interrompt. Un bruit ? Une odeur ? Tu ne sais pas exactement ce qui t’a alertée, tu sais seulement que tu n’es plus seule. Tu laisses la carcasse sur le champ et te met à couvert, sous un tronc. Tu chasses les restes de sang de tes narines pour identifier l’odeur. Une odeur que tu connais bien. Charlie. Elle n’est pas très loin, et il t’es évident maintenant qu’elle s’approche. A contre-cœur tu la laisses reprendre le contrôle. Tu sais qu’il le faut. La pause est terminée.

Roxane se change, attendant que la louve ne se décide à s’approcher, observant la carcasse du lièvre refroidir. Quel gâchis. Charlie n’a rien à faire sur le territoire de Wolfheaven. Elle a quitté la Meute. Et pourtant la voilà. Elle se tourne et se lève face à elle, la regardant sans rien dire, attendant qu’elle prenne la parole. Son regard est dur. Roxane apprécie Charlie, mais leur dernière rencontre ne s’est pas bien passée. Bien sûr Roxane avait provoqué Charlie en s’infiltrant chez elle, mais c’était son boulot de garder un œil sur elle, et ce qu’elle avait vu l’avait mise hors d’elle. Bien que Charlie lui ait assuré qu’elle ne mettait pas en danger la Meute, il était évident qu’elle persistait dans des activités pas tout à fait légales. Sinon elle n’aurait jamais pu avoir cet appartement et tout ce qu’il contenait. Elle avait refusé de lui en parler, et Roxane avait laissé couler. Mais ce n’était que parce que malgré tout, et malgré son bannissement, elle appréciait Charlie. Elle ne pourrait pas toujours être aussi indulgente. Charlie la mettait en face de ce qu’elle détestait dans le rôle d’exécutrice. Devoir sévir et punir même ses propres amis, sans faiblir. Elle avait laissé le cas de Charlie de côté, choisissant toujours de s’occuper d’autres cabots ou de rechercher les métamorphes solitaires, et priant pour qu’elle ne se fasse pas remarquer de quelque façon que ce soit. Et voilà qu’elle débarquait ici, sur leur territoire, sans y avoir été invitée. Même si son attitude n’était pour une fois pas rebelle, le simple fait d’être là était une provocation.

« Tu n’es plus chez toi ici. »

On a connu plus agréable comme accueil, mais ce n’était que la vérité. Charlie n’était plus la bienvenue depuis son bannissement. Elle devait se racheter une conduite, se montrer à la hauteur de la confiance des siens avant que ce fait ne puisse être rediscuté. C’était les règles.

« Je n’ai pas changé de numéro de téléphone. »

Roxane poursuivait sur le même ton, sans émotion. Le fait qu’elle avait dû s’interrompre alors qu’elle prenait enfin un moment pour elle ne l’aidait pas à vouloir faire preuve de compréhension et à être aimable, c’était certain.

« Mais parle puisque c’est important et que tu es là. Avant que je ne te reconduise à nos frontières. »

Le message était on ne peut plus clair. C’était finalement une bonne chose que sa part animale la pousse à renvoyer la louve hors de son territoire. Roxane était trop gentille avec Charlie, et c’était une faiblesse.

It’s so hard to say goodbye to yesterday

Première quinzaine de Mai 2018

J'aurais pu me vexer du ton employé et de la sècheresse dans sa voix pourtant je ne le fais pas parce que je sais que je n'ai rien à faire là et qu'elle a toutes les raisons du monde de vouloir me botter le derrière. Bon ok, j'avoue qu'il y a quelque part en moi une petite voix qui s'irrite en disant que Roxane avait bien envahi son espace avant et qu'elle ne l'avait pas frappé pour autant mais passons.

La renarde avait décidé de ne pas me faciliter les choses mais elle me laissait tout de même une opportunité de dire ce que j'avais à dire avant de m'humilier en me trainant dehors. Alors je prends mon air le plus innocent possible qui ne doit plus fonctionner depuis bien longtemps mais c'est toujours mieux que mon air farouche.

« J'ai merdé et je voudrais vraiment savoir comment réparer tout ça. Je sais ce que je t'ai dit la dernière fois mais j'étais en colère, blessée et emmurée dans mon égo. »

Une personne qui ne me connaissait pas dirait que je dis ça juste pour l'adoucir mais Roxane savait. Elle savait que même à l'article de la mort je n'irais pas dire qu'ils m'ont fait du mal. Parce que je hais la pitié que je peux voir dans le regard de ces personnes qui ne me sont en aucune manière supérieur. Je ne vaux pas moins qu'eux alors pourquoi je leur inspirerais de la pitié ?!

« Je veux revenir, je veux pouvoir voir Alexis sans que ça ne devienne un crime ou quelque chose d'aussi glauque qu'un pédophile caché dans les buissons d'un parc pour enfant. Je veux retourner dans ma famille. »

J'ai la voix qui flanche sur la fin mais je fais comme si de rien n'était. Parce qu'il est là le fond de mon problème. Si jusqu'à présent j'ai refusé de revenir c'est parce que j'étais meurtrie de m'être fait éjectée de la sorte par ceux que je considère toujours comme ma famille. Mais la vérité c'est que j'ignore comment faire, demander pardon, prouver ma valeur... Ce n'est pas dans mes habitudes de faire des choses pareilles, je tiens tout pour acquis et je rejette la faute sur les autres. Jusqu'à présent c'était de leur faute à eux mais les différentes conversations que j'ai pu avoir autour de moi m'ont fait changer d'avis et de point de vue.

« Vous avez dit que ce serait possible... » dis-je d'une voix faible et extrêmement gênée.

J'avais déjà l'impression de la supplier et mon égo en était froissé. Si on me demandait plus j'allais devoir prendre sur moi et je doutais y arriver du jour au lendemain parce que la fierté c'est tout ce qu'il me restait à l'heure actuelle.

Roxane regarde Charlie devant elle, dans les yeux. Elle n’exprime que de la froideur mais intérieurement elle espère que Charlie n’est pas là pour provoquer la Meute, ou pour la provoquer elle. Seulement elle ne doit pas le montrer. En silence elle écoute les paroles de Charlie. Des regrets. Roxane essaie de le cacher mais elle est impressionnée. Charlie n’est pas du genre à s’excuser, ni à avouer qu’elle a eu tord. C’est ce qui lui a valu un bannissement. Cet entêtement à garder la tête haute et à soutenir qu’elle a fait ce qu’elle devait faire, alors que ses actions allaient à l’encontre des lois, et mettaient la réputation de la Meute en danger alors qu’elle avait justement besoin de gagner la confiance d’un maximum de gens.

Et voilà que la louve est là, devant elle, demandant pardon. Demandant comment réparer. Comment revenir parmi eux. Parlant de la Meute comme étant sa famille. Elle l’était. Avant. Pouvait-elle encore l’être ? Pourrait-elle pardonner ? Roxane n’en savait rien. Si il n’y avait qu’elle pour décider… Oui bien sûr qu’elle la pardonnerait, et qu’elle l’accueillerait à nouveau. Mais elle n’était pas seule. Sa voix ne compterait pas plus que celle des autres. C’est la Meute qui avait banni Charlie, c’est la Meute qui lui pardonnerait. Ou qui refuserait de le faire. Roxane réfléchit à tout ça, et ne répond pas. La voix de Charlie reprend. Une voix pleine de regret, et de peur. La peur d’être rejetée, que Roxane connaît bien pour s’être fait guider par cette peur bien souvent au cours de sa vie.

« Pourquoi ? »

Une simple question qui vient franchir les lèvres de la rouquine. Le regard se fait moins dur, sans qu’elle n’en ait vraiment conscience.

« Pourquoi maintenant ? Qu’est-ce qui a changé depuis la dernière fois ? »

Y avait-il une raison qui la poussait à faire cette démarche maintenant ? Elle ne pouvait s’empêcher de se demander quelles étaient les raisons de ce soudain revirement. Roxane ne pourrait pas prendre la décision, mais elle pouvait plaider en sa faveur, à ses côtés, si elle était convaincue de la sincérité de la louve.

« Je ne peux pas te dire oui, Charlie. Je ne peux pas te dire que la Meute t’accueillera à nouveau. Mais je veux essayer de te comprendre. La Meute cherchera à le faire avant de pouvoir te pardonner. Tu le sais, je pense. »

It’s so hard to say goodbye to yesterday

Première quinzaine de Mai 2018

Roxane avait oublié d'être bête, je ne pouvais pas lui en vouloir d'être suspicieuse après tout elle me connaissait plutôt bien et la dernière conversation que nous avions eu avait été plutôt tendue. Mais j'étais sérieuse et ça aussi elle devait s'en douter. S'il y a bien une chose que je ne pouvais faire c'est m'excuser dans le vent et reconnaître des torts juste pour l'attendrir. Mon égo avait plus de valeur que de l'affection ou quoi que ce soit. Pourtant j'avais réfléchis pendant des semaines et j'avais vraiment merdé, ces excuses la Meute les méritait et Roxane plus que tout le monde après la manière dont je l'avais traitée lors de son passage.

« Je me suis juste posée les bonnes questions. Pourquoi j'avais fait tout ça ? Pourquoi j'avais été trop stupide pour faire mes excuses quand il en était encore temps ? »

Ça me coûtait vraiment de reconnaître mes torts, de lui donner le bâton pour me battre mais pourtant c'était nécessaire. La Louve en moi ne cessait de me pousser à ranger mon égo à un endroit où je ne pourrais pas le voir souffrir et pour une fois je l'écoutais. C'est pas vraiment comme si j'avais le choix en fait mais passons ce détail.

« La vérité c'est que je voulais de l'argent facile, je pensais faire de mal à personne, surtout pas à la Meute, et je voulais prouver que j'étais capable de faire de grandes choses. »

Je me mords la lèvre alors que j'essaye de ne pas songer à Mike et à toutes les personnes que j'ai réellement déçues et blessées. Tout ça pour prouver que je ne suis pas faible comme le pensait mon vrai père. Je m'étais perdue, entre identité de Louve et celle que j'avais toujours voulu être. Et cette histoire avec Paul m'avait un peu monté la cervelle. De l'association de malfaiteurs qui s'engrènent à toujours aller plus loin pour le simple fun d'avoir repoussé des limites.

« Je sais que ça n'excuse rien mais les mauvaises fréquentations, l'excitation de franchir des interdits, avoir tout ce que je voulais sans le moindre problème... Ça m'est monté à la tête et j'ai perdu de vue le plus important : l'intérêt de la Meute, son intégrité et chacun de ses membres dont j'ai sali la réputation. »

Je fixais Roxane avec le plus grand sérieux du monde. J'étais une sale gosse, elle le savait mieux que quiconque mais aujourd'hui je voulais vraiment me racheter. Je voulais qu'elle me donne cette deuxième chance pour laquelle je me battrais parce que plus je restais loin de la Meute et plus j'avais l'impression de m'enfoncer dans un tourbillon de conneries. Comme les alcooliques anonymes ont besoin d'un parrain moi j'avais besoin d'eux pour ne pas retomber dans cette addiction. Je ne voulais pas encore en arriver aux promesses faites pour montrer ma bonne foi parce que je savais que ça sonnerait comme les promesses d'un homme infidèle à sa femme déjà trompée de nombreuses fois : complètement faux. Je ne veux rien promettre, juste prouver ma détermination.

Charlie semblait sincère. Pas qu’elle ne soit habituellement faux-cul. Charlie disait en général ce qu’elle pensait, en face, à tout le monde. Ce qui lui valait parfois des regards de travers et des ennemis, mais aussi des amis. Quelques uns. Roxane était de ceux qui appréciaient ce trait de caractère. Mais Charlie en avait un autre qui parfois prenait le dessus. Elle aimait faire des plans, se lancer dans des traffics et des combines en ne voyant que ce qu’elle pouvait en retirait, en ignorant les conséquences et les retombées de ses magouilles. Et lorsqu’elle se laissait aller à ça, elle mentait. Elle cachait. Et elle s’était fait bannir. Et la voilà qui revenait, s’excusant, et s’expliquant. Ravalant sa fierté. Roxane en était suprise. Et elle savait que les autres les seraient tout autant. Qu’ils se poseraient des questions. Plus qu’elle-même ne s’en posait probablement. Car Roxane faisait toujours confiance à Charlie, malgré ses mensonges et ses cachotteries. Elle avait toujours envie de croire qu’elle était capable de respecter les règles. De revenir parmi eux.

Et Charlie s’excuse, et s’explique. Face à Roxane. Soutenant le regard, assumant enfin ses erreurs, qu’elle semble avoir comprises.

« Tu n’avais pas besoin de prouver quoi que ce soit auprès de nous, Charlie. »

Roxane avait dû prouver qu’elle méritait sa place parmi eux. Une simple métamorphe, au départ. Faible, inutile, aux yeux de nombre d’entre eux. Pas Charlie. Charlie était une louve. Elle avait eu sa place dès le moment où elle avait reçue la morsure qui l’avait transformée. Ou plutôt le moment où elle y avait survécu. Et elle avait perdu sa place. Maintenant elle semblait la vouloir, cette place. Elle semblait comprendre sa valeur, son importance. Elle avait compris ses erreurs et elle les regrettait.

« Je ne peux rien te garantir, Charlie. Mais je parlerai à Hayden. »

Elle hésita quelques instants avant de faire quelques pas vers elle, et de poser sa main sur son bras.

« Je sais que tu es sincère. »

Elle hésita à la prendre dans ses bras mais se ravisa. Ce ne serait que plus difficile si la Meute la rejetait à nouveau. Elle se contenta de serrer légèrement son bras, juste pour lui faire comprendre qu’elle n’était plus seule, et qu’elle serait à ses côtés lorsqu’il faudra affronter le reste de la Meute.

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