Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ? [Livre II

Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ?

La rouquine marche dans les allées des jardins, adoptant la même attitude que les gens qui l’entourent. Celle de quelqu’un qui profite du temps agréable revenu soudainement pour sortir de leur appartement dans lequel il tournait en rond à cause des averses fréquentes de grêle ou de neige. En réalité si elle avait voulu profiter du temps revenu au beau fixe, elle serait allée courir dans la nature sauvage, sous sa forme renard. Avec Mary tiens. Il fallait vraiment qu’elles arrivent à se caler un temps toutes les deux dans leur emploi du temps. Elles n’avaient pas eu le temps de se voir depuis qu’elles avaient échangé leur sang.

Non en réalité Roxane n’était pas là pour profiter du passage dans le positif des températures. Elle était là pour exercer son « métier ». Pas vraiment répertorié chez pôle emploi, mais c’était ce qu’elle faisait pour gagner sa vie. Il fallait qu’elle participe un peu aux frais, ça faisait un moment qu’elle se servait dans le frigo de Wolfheaven sans rien donner. Il fallait qu’elle gagne un peu son pain, sinon ça allait parler derrière son dos, et elle avait besoin que les loups comme les métamorphes lui fassent confiance. Certains lui avaient tourné le dos sitôt qu’elle avait été soupçonnée du meurtre de Camille. Pourtant elle n’avait rien à voir là-dedans. Absolument rien. Si Camille et elle avaient quelques différends, c’était quelqu’un qu’elle appréciait, et dont elle reconnaissait le travail. Elle ne comprenait pas pourquoi ses cheveux s’étaient retrouvés sur la scène de crime. Mais elle avait un alibi, alors les enquêteurs l’avaient laissée repartir, tout en lui promettant qu’ils découvriraient comment elle s’était arrangée pour se laver les mains de son crime.

Les nerfs de la trentenaire étaient titillés de toute part. L’annonce de la mort de Camille l’avait chamboulée, comme tous. Et la garde à vue désagréable qu’elle avait subie sans la comprendre l’avait choquée. Et c’était sans compter les soucis d’Alexis, sa petite protégée. Cette dernière venait de rejoindre la meute, et il fallait faire quelque chose pour la sortir des griffes des vampires avant que ça ne devienne problématique. Elle ne voulait pas que la meute se sente menacée par leur jeune membre, et ne prenne la décision qui s’imposait. Il en était hors de question. Alexis était trop précieuse à ses yeux.

Bref, elle errait entre les passants, anonyme parmi la foule anonyme, et elle subtilisait un portefeuille qui dépassait d’une poche lorsqu’elle en voyait un accessible. Elle ne prenait pas trop de risques, elle avait le temps. Personne ne la remarquait, malgré sa chevelure reconnaissable. Elle attirait l’œil de certains hommes parfois, mais elle les repérait tout de suite, et s’arrangeait pour slalomer dans les allées de manière à les semer. Elle ne voulait pas qu’un dragueur la prenne la main dans le sac à main de quelqu’un sans le vouloir.

C’est au détour d’un bosquet, au niveau d’une fontaine entourée de bancs, qu’elle remarque un visage qui ne lui est pas inconnu. Le teint de peau, le visage peu maquillé, discret. La mémoire revient rapidement à Roxane. Elles se sont rencontrées alors que Roxane s’était introduite dans la maison d’un riche, pour lui subtiliser quelques objets de valeur. Mais elle avait été interrompue par deux coups de feu provenant de la chambre. Le vase qu’elle avait laissé tomber sous la surprise avait trahi sa présence. Et c’était cette femme qui avait débarqué dans la pièce, braquant une arme sur elle. Roxane n’avait pas voulu risquer sa vie, et ses instincts l’avaient poussée à prendre la fuite sans demander son reste. La balle était partie en sa direction, dans une trajectoire parfaite, mais elle n’avait rencontré que du vide. Un papillon de nuit s’envolait en direction de la fenêtre, et un tas de vêtements retombait sur le sol, vide et inerte. Heureusement il n’y avait rien qui pourrait l’identifier dans ce petit tas de tissu. Son sac ne contenait que des objets dérobés dans la pièce.

Elle avait suivi l’affaire dans les journaux. L’assassin n’avait pas été démasquée par la police, et l’affaire avait été classée. Roxane ne s’était pas manifesté, elle ne voulait pas sortir de l’ombre. Son anonymat lui était cher à cette époque. L’homme était quelqu’un d’influent, et bien que Roxane ne sache pas quelles avaient été les raisons qui avaient poussé cette femme à le tuer, elle avait deviné à son tir qu’elle n’était pas une simple amante déçue. Elle était entraînée. Une tueuse. Et elle était là, à quelques mètres, apparemment intéressée par un homme qui se situait de l’autre côté de la fontaine, en compagnie d’une jeune femme. La filature était discrète, mais Roxane s’y connaissait en discrétion. Etre voleuse forme à ce genre de choses. Pour l’instant la tueuse ne l’avait pas remarquée, et Roxane resta là quelques secondes, hésitant à faire demi-tour quitte à affronter le dragueur un peu lourd qu’elle avait croisé juste avant. Quelques secondes d’hésitation de trop puisque la brune tourna la tête dans sa direction. Roxane le lit dans ses yeux. Elle l’a reconnue. La métamorphe tourne les talons, s’éloignant dans l’allée entre les poussettes et les couples, espérant que la filature soit plus importante pour la brune que le fait de croiser par hasard une cambrioleuse qu’on avait voulu tuer.

Je m'étais remise assez rapidement de mes blessures. J'avais peur qu'une griffure de balle au visage laisse beaucoup de traces, mais la plaie avait bien cicatrisé, et d'ailleurs même cette cicatrice devenait invisible à qui ne savait pas qu'elle s'y trouvait. On avait échappé à l'enfer. Mais moi, j'avais une autre question qui me trottait dans la tête ; c'était de savoir si la PES jetait un coup d'oeil aux vidéos de surveillance du centre commercial après l'attaque ou non, et si dans ces images on pouvait voir mon visage. J'avais moi même assez longtemps utilisé ce genre d'enregistrement dans mon boulot d'espionnage pour savoir comment ça fonctionnait. J'avais hésité à partir de mon appartement d'Edimbourg, mais après concertation, les chances pour qu'on m'associe à Torben et qu'on me trace jusqu'ici étaient minces, trop minces pour que je me donne la peine de disparaître. J'avais bien d'autres affaires à régler, le danger me paraissait plus que superficiel. Peut être l'avenir me détrompera. J'espère et pense que non même si je sais trop bien qu'une erreur, un peu de malchance arrive plus vite que l'on pense. J'ai toujours vécu sur le fil... Le danger est en quelque sorte mon moteur, mais un danger duquel je sais pouvoir me sortir. Je ne me sens pas en danger. Il y a vraiment une chance sur mille pour que la PES fasse attention à moi. Une chance négligeable pour le moment.

Mais ce n'était pas du tout ce à quoi je pensais en ce moment. Pourtant, on pourrait croire qu'une jeune femme qui se promène dans les jardins d'un air distrait ressasse des réflexions personnelles. On pourrait le deviner facilement. C'est exactement l'image que je veux montrer, que je montre. Une jeune femme d'une trentaine d'années, solitaire et l'esprit ailleurs, profitant du soudain revirement météorologique pour s'aérer les pensées. L'ombre est mon foyer ; mais la foule est mon terrain de jeu. Mon camouflage sous lequel je me cache depuis toujours. Me donner une apparence contraire à ma véritable attitude devient un jeu d'enfant, avec le temps. Quelque chose de naturel. C'est presque... instinctif. Les jardins de Princes street sous la neige m'indiffèrent au plus haut point, de même que la météo soudain clémente. Enfin si, ça a son importance mais seulement sur le plan pratique. Je n'ai jamais perdu mon temps en futilités et je ne vais pas commencer maintenant. Je suis en mode chasseur, en ce moment. Ma proie, ma cible, je l'aie juste devant mes yeux depuis au moins 10 minutes. Un homme, d'apparence banale. Il est le parfait monsieur tout le monde qui passe aisément inaperçu. Sauf pour moi. Parce qu'il est rare que quelque chose m'échappe, encore moins quelqu'un quand je l'ai dans mon champ de vision. Je le suis de loin, affichant cette attitude désinvolte et rêveuse quand en vérité mes pupilles étaient rivées sur le moindre de ses mouvements, la moindre de ses actions, prête à bouger moi aussi si nécessaire.

L'homme marchait, tout simplement. Il s'arrêta une seule fois, car il avait reçu un message. Quelques mètres plus loin face à lui, je le regardais sortir son téléphone et afficher un sourire satisfait tandis qu'il reprenait sa marche d'un pas plus décidé. Et moi de même. Toujours de loin, toujours discrète. La filature, ça aussi c'était presque devenu naturel. Comme si c'était ancré dans mes gènes, comme si ma mère sur laquelle je ne ferais aucun commentaire m'avais mise au monde pour faire ce genre de choses. Oui, je venais à croire cela, avec le temps. Enfin bref, ce n'est pas le sujet.

L'individu s'était arrêté près d'une fontaine, où une jeune femme l'attendait. Grande et blonde, fine et élancée. On pouvait facilement déduire que c'était elle qui lui avait envoyé le sms et qu'il s'était dépêché pour la rejoindre. Je m'assois sur le rebord de ladite fontaine et les observe d'un œil, avant de leur jeter des coups d'oeil plus précis, mais jamais un long regard appuyé.

Alors que je détournais les yeux du couple, je vis une chevelure rousse fendre la foule. Ma main se crispe sur le rebord. Une chevelure aussi rousse, ça ne passe pas inaperçu et ça ne s'oublie pas, surtout pour moi. Son regard était posé sur le mien. Elle m'avait repéré, et elle m'avait reconnue. Elle m'avait reconnue. Grave erreur que de me le montrer, ma belle. Je jetais un dernier regard aux objets de ma présence en ce lieu mais n'hésitais pas longtemps. Eux, j'en savais pas mal, je pouvais les retrouver rapidement et je n'étais pas non plus à un jour près. Elle, elle sait. Pas tout, pas beaucoup en fait, mais elle en sait trop tandis que moi je ne sais rien sur elle. Je me levais donc rapidement et partis à sa suite, d'une démarche sûrement beaucoup plus déterminée à celle de tout à l'heure. Elle ne partira pas. J'esquive, je glisse entre les gens, je les frôle et rattrapais bien vite la jeune femme. Ma main saisit son poignet fermement, je l'obligeais à me regarder dans les yeux.

« Vous n'allez tout de même pas filer aussi vite... »

J'essayais de parler doucement. Même si je ne ferais que des sous entendus, il ne fallait courir aucun risque. Avant de reprendre, j'offrais à la jeune femme un petit sourire. Glacial. Pour une fois je n'avais pas à jouer la comédie, que ça me plaise ou pas.

« Je crois que je devrais vous remercier d'avoir tenu votre langue. Pourquoi d'ailleurs ? Vous m'intriguez. »

Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ?

La rouquine s’éloigne d’un pas rapide, mais elle entend les pas pressés derrière elle, qui se rapprochent. Elle ne va pas se mettre à courir. Elle ne peut rien lui faire de toute façon, pas là en pleine foule. Elle ne va pas lui tirer une balle dans la tête au milieu des poussettes. Roxane se laisse rattraper, résignée. Elle voit du coin de l’œil la tueuse qui arrive à sa hauteur. La main se referme à peine sur le poignet de la métamorphe qu’elle pivote pour lui faire face. Se stoppant soudainement et dégageant son bras par la même occasion. Ses yeux bleus plantés dans ceux noirs de l’autre femme, elle attend. Elle attend qu’elle lui dise pourquoi elle ne l’a pas laissée tranquille.

« Apparemment non. Vous n’avez rien de plus intéressant à faire ? Et votre cible, là. Celui qui filait le parfait amour avec sa blonde. »

Le volume de la voix de la métamorphe est bas, comme celui de celle à qui elle répond. Pas de scandale, pas de cris. Elle ne veut pas attirer l’attention sur elles.

« Qu’est-ce que vous me voulez ? »

Les regards entre les deux femmes sont froids, et les sourires qu’elles échangent sont tout sauf amicaux. Leur dernière rencontre est gravée dans leur mémoire, à l’une comme à l’autre. Roxane ne sait rien ou presque de la noire qui lui fait face. Elle a cette fois-ci un peu plus de temps pour l’observer, et elle remarque des détails qu’elle n’avait pas remarqué la fois précédente. Quelques cicatrices qui semblent anciennes, et une autre marque, récente, au-dessus de la pommette. Malgré ça le visage reste agréable à regarder. Le corps est athlétique, entretenu. La métamorphe ne sait pas ce que fait cette femme, mais elle ne doit pas passer sa vie les fesses sur une chaise. Et avec ses qualités de tireuse, elle n’est certainement pas serveuse dans un bar. Roxane pencherait pour une tueuse à gage.

« De rien. »

Un instant de réflexion. Ainsi donc c’est la curiosité qui a poussé la brune à la rattraper dans la foule ? Qu’est-ce qu’elle veut savoir exactement. Elle l’a vue se transformer sous ses yeux. Elle doit savoir qu’elle est métamorphe, ou en tous cas savoir qu’elle n’est pas humaine. Est-ce qu’elle connaît l’existence de ceux de son espèce ? En tous cas Roxane ne va pas en faire sa meilleure copine et lui raconter sa vie, c’est certain.

« J’ai mes raisons. Ca m’aurait avancé à rien de vous balancer. Mais je peux encore changer d’avis, si vraiment vous y tenez. »

Une menace, à peine dissimulée. Ne me cherche pas, ou tu me trouveras.

La chevelure rousse m'avait tapé dans l'oeil. Dommage pour elle, parce que même pour quelqu'un qui n'est pas entrainé ça ne passe pas inaperçu. Moi non plus j'avoue que je n'ai pas le physique le plus discret, rien que ma couleur de peau, les métis ne sont pas rares mais ça court toujours moins les rues que les blancs. J'avais dû faire avec, m'adapter. Peut être que ce détail jouait en ma défaveur en ce moment, peut être était-ce pour cela que la jeune femme m'avait reconnue si rapidement. C'était à l'époque où je démarrais ma course de meurtres, si je peux dire. Lui, c'était une cible assez importante, un humain haut placé. Mais un humain pro-vampire, qui leur apportait beaucoup de soutient officieusement. Du genre armes et compagnie. A l'époque, c'était exactement le genre d'hommes que je me devais d'éliminer. Influent et impliqué. L'affaire avait été assez délicate mais j'avais tout bien géré, tout s'était passé à merveille. Sauf ce bruit de crystal quand j'ai tiré. Je me croyais seule mais je ne l'étais pas. Une des rares fois où je me suis trouvée prise au piège de la sorte, peut être à cause d'une trop grande confiance en moi. Je ne sais pas. Le tout est que je l'avais raté, elle s'était échappé, ou plutôt elle avait disparu. Une métamorphe. Il m'avait fallu plusieurs années supplémentaires avant de découvrir l'existence de l'espèce mais maintenant c'était chose faite. Elle courrait toujours, elle. Elle n'avait pas parlé, comme je venais de le lui signaler. Oui on pourrait se dire qu'elle ne l'a pas fait car elle même était en tort, en train de voler, mais une histoire est vite inventée, elle pouvait toujours dire m'avoir vue seulement m'introduire dans le logement.. Rien. Heureusement pour moi, parce que pour une fois l'affaire avait fait du bruit, je ne venais pas de tuer n'importe qui. Le problème était qu'elle avait vu mon visage et qu'elle pouvait faire le lien entre moi il y a quelques années et moi aujourd'hui. L'autre moi est censée être morte et personne ne doit pouvoir nous relier. Sauf elle. Elle vient de le faire. Elle ne m'échappera pas. Elle soutenait mon regard et ne se laissait pas déstabiliser. Elle évoque ma filature. Tu viens d'éveiller encore plus ma méfiance, ce qui ne va pas jouer en ta faveur.

« Perspicace. Désolé de vous décevoir, mais vous êtes plus importante qu'eux. Eux, je peux y revenir quand je veux. Pas vous.J'en profite, parce que vous n'allez pas filer en vous transformant, on le remarquerait et ce ne serait pas très bon pour l'anonymat des vôtres. »

Je lui dévoilais une de mes cartes, une de mes rares cartes d'ailleurs, vu que je ne savais pas grand chose à son sujet. Ca n'allait pas durer. Si je ne pouvais pas en finir ici, au moins pourrais-je en apprendre assez pour la retrouver. Pouvoir la dévisager est déjà un bon avantage. Ce que je lui veux ?

« A votre avis ? »

Je répondais à sa question par une autre. Son avis m'intéressait, oui, mais je voulais aussi gagner du temps. Le temps est chose si délicate et si précieuse, qu'on en a toujours besoin. Il n'y avait pas besoin de faire de longues études pour deviner ce que je lui voulais. Jeux de regards, jeux de force. Je suis relativement bonne là dedans, mais j'ai une adversaire de taille me semble t-il. Tant mieux, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas amusée ainsi.

« Et que leur diriez vous, au juste ? Sur une histoire vielle de plusieurs années ? »

Un peu de bluff. Bien sûr que des nouveautés sur cette affaire intéresserait quelqu'un, même vielle de plusieurs années. En revanche, j'étais maintenant prévenue du risque et je voulais savoir ce qu'elle aurait à me répondre. Une autre question, aussi, avec un petit sourire..

« Et pourquoi le feriez vous maintenant, alors que vous aviez eu tout le loisir de le faire pendant ces dernières années ? »

Juste un petit test. Un premier.

Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ?

Elle connaît donc les métamorphes, et leur situation d’anonymat précaire. Roxane note cette information dans un coin. Ceux qui connaissent leur existence sont rares. Et en général lorsqu’il arrive que quelqu’un connaisse un métamorphe, et que ce métamorphe lui ai révélé sa nature, le fait qu’ils soient plusieurs n’est pas connu. Elle, elle sait. Elle sait qu’ils sont plusieurs changeurs. La rouquine ne sait pas encore comment utiliser cette information, ni même si elle souhaite l’utiliser, mais elle la note mentalement.

« Au vu de votre habileté à répondre à mes questions par d’autres questions, j’imagine que vous cherchez à en savoir plus sur moi. Vous ne saurez rien de plus que ce que vous savez déjà. Pardon de vous décevoir. »

Un petit sourire vient appuyer l’ironie des ses excuses. Désolée elle ne l’est certainement pas. Si elle pouvait la planter là avec ses questions sans réponse, elle le ferait. Mais elle sait que si elle tente à nouveau de se glisser dans la foule, la métis la suivra. Hors de question de se transformer ici, il y a trop de monde. Mais ce monde la protège également. Elle est certaine que la tueuse a une arme sur elle, et elle ne veut pas prendre le risque de s’isoler de la foule. L’effet de surprise de sa première transformation ne fonctionnera pas deux fois, et elle finirait une balle dans le corps à coup sûr. Il ne lui reste qu’à gagner du temps, à rester là avec cette inconnue, feignant de discuter aux yeux des passants, mais en réalité en proie à une joute verbale dont le but est double : dissimuler et apprendre.

« Oh un message anonyme a toujours intéressé la Police, vous savez. Même sur une vieille histoire. Ne vous inquiétez pas pour moi, je saurai les intéresser, et les mener vers vous. Si toutefois l’envie m’en prenait. Ce qui n’arrivera pas si vous me laissez tranquille. »

La rouquine reprend sa marche, tranquillement. Elle ne cherche pas à fuir, et elle se doute que l’autre ne lâchera pas l’affaire aussi facilement. Seulement deux femmes immobiles trop longtemps vont finir par attirer l’attention, et elle n’a pas envie qu’on la remarque encore. Elle a assez d’un pot de colle sur le dos.

Ca s'annonçait difficile. La métamorphe était automatiquement sur ses gardes, et elle savais qui j'étais. Ce n'était pas ce dont j'avais le plus l'habitude, en règle générale j'inventais tout un tas d'histoires sur ma personne et sur un peu tout, en l'instant cela m'était bien impossible. J'allais devoir réviser mes méthodes, et en vitesse. J'étais nue on pouvait dire, je ne pouvais pas me cacher derrière des fausses identités comme je l'avais toujours fait. Elle savait ce que je voulais ; sa peau sinon des informations. Elle savait ce que j'étais ; une tueuse, même si elle n'avait aucune idée de mes talents d'espionne elle avait déjà eu quelques échantillons de mes capacités. Opérer tout en discrétion allait être dur, très dur, parce que je ne pouvais rien tenter dans un lieu public. La mettre à l'écart ? Ne pas y penser non plus, la rouquine en profiterait pour se transformer et filer. Je pourrais l'atteindre car cette fois elle ne me surprendrait pas, mais selon la forme qu'elle prenait, ce serait tout simplement impossible. Allez tirer sur un papillon ! Même pour une tireuse d'élite, ce n'était pas chose facile, surtout quand le papillon vous fuit. Alors j'analysais, je récupérais tout ce que je pouvais. Son visage et sa physionomie se gravent dans mon esprit, je saisis au moins la chance qu'il m'est donné de pouvoir la détailler ainsi de près. Et de constater qu'elle est une adversaire de taille, outre les avantages de sa nature : elle a détecté ma filature, chose que presque personne n'avait réussi à faire, encore moins ces dernières années. Excepté Torben, mais ce n'était pas le sujet. Et elle ne laisse rien passer, rien. Je tente un coup.

« Mais qui sait, peut être en sais-je déjà assez pour vous retrouver et vous éliminer dans un cadre plus propice. »

La retrouver serait dur, mais pas impossible maintenant que j'avais pu l'observer de près. Si jamais j'avais assez de temps pour cela, je le ferais, oh oui, je ne perdrais pas un instant mais malheureusement bien d'autres affaires plus importantes m'appelaient. Elle n'était pas un danger immédiat alors je n'allais pas bousculer mes priorités pour elle.

« Et vous pensez peut être que mon portrait-robot leur sera suffisant pour me retrouver ? Mais de toute manière, vous regretteriez bien vite le geste. »

Petites phrases mystérieuses bien rodés, je n'en dévoile pas trop mais je lance des pistes. Oui, si elle tente de parler elle le regrettera, d'une manière ou d'une autre. Et moi aussi, je regretterais fortement de ne pas avoir agi plus tôt, car un mot à la police peut mettre la CIA sur mes traces. On pourrait prendre ça pour de la paranoïa, mais j'ai assez travaillé pour leur compte pour connaître leurs moyens, et ce qui m'arriverait si ils m'attrapaient. La jeune femme se détourne et fend la foule. Je souris et me lance après elle, d'un pas un peu plus décontracté que tout à l'heure. Elle ne chercher presque pas à fuir, la rattraper n'est pas dur. Je marche à sa hauteur quelques instants, lui lançant des regards en coin mais sans prononcer un mot. Ce n'est pas que je cherche quoi dire, mais simplement que j'aime bien faire durer les choses. Prendre mon temps alors que je n'en ai pas. Paradoxal, oui.

« Là, vous comptez faire quoi ? Marcher jusqu'à ce que je me lasse et que je m'en aille, vous dissimuler dans un coin désert et filer ? »

Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ?

La femme bluffe, Roxane en est presque certaine. Si elle en savait suffisamment sur elle, elle ne perdrait pas son temps là, à la suivre et à tenter d’obtenir des informations. La rouquine n’a rien laissé filtrer. Tout ce qu’elle a de plus, c’est son visage. De même qu’elle-même a pu observer le sien. Roxane, elle, a des informations en plus. Elle l’a vue filer cet homme et sa copine, plus tôt. Si elle recoupe l’identité de ce dernier avec celui qu’elle a tué lors de leur première rencontre, elle pourrait bien découvrir les desseins de cette mystérieuse femme. Mais ça ne l’intéresse pas. Même si sa curiosité est un peu piquée par le peu qu’elle sait de cette femme, elle a d’autres choses bien plus importantes à gérer ces temps-ci. Prouver son innocence dans le meurtre de Camille par exemple.

« Vous ne savez rien de moi. Sinon vous ne seriez pas là à essayer de me faire lâcher une information. »

La rouquine commence à perdre patience. Ce jeu de force entre les deux femmes est fatiguant, surtout qu’elle n’a aucune intention de la balancer. Elle veut juste s’assurer qu’elle la laissera tranquille, et qu’elle ne viendra pas fouiner dans sa vie.

« Peut-être, peut-être pas. Un visage c’est déjà beaucoup pour une enquête qui pâtine faute du moindre indice. Mais si cela peut vous épargner des efforts pour me faire payer, sachez que je n’ai pas prévu de vous placer dans une situation délicate. En tous cas si vous en fait autant de votre côté. »

Les mots sont toujours aussi mesurés, choisis. Elles sont entourés d’inconnus, et n’importe qui peut les écouter, c’est d’ailleurs pour ça que Roxane décide de se remettre en mouvement. Afin d’éviter d’attirer l’attention.

« Vous finirez bien par vous lasser, oui. Lorsque vous aurez enfin compris que je ne suis pas un danger pour vous tant que vous n’en êtes pas un pour moi. »

Elle a accroché le regard de la métis qui lui fait face, afin de lui permettre de lire dans ses yeux qu’elle ne dit que la vérité.

La jeune femme reste totalement hermétique. Rien. En même temps, elle n'est pas une imbécile, elle sait que je ne lui veux que du mal et que je cherche à en savoir plus. Ce n'est pas difficile, dans ce cas là, de ne rien laisser filtrer. Surtout qu'apparemment, elle ne cherche même pas à apprendre plus sur ma personne. Je pourrais presque être vexée. Bref. Je sens que ceci est une impasse. Je n'arriverai à aucun résultat positif dans ces conditions. Si je disposais de temps, d'un peu plus de temps j'arriverai certainement à mes fins mais d'autres obligations m'appellent et je devrais bientôt abandonner cette petite rouquine à sa promenade dans les jardins. Au moins je sais qu'elle se trouve toujours en écosse, il ne sera donc pas impossible de la retrouver quand le moment sera plus approprié.

Elle m'assure qu'elle me laissera tranquille si je fais pareil de mon côté. Je ne crois jamais un ennemi sur simple parole et pourtant je décèle une réelle sincérité. Après tout, elle n'a rien a gagner en parlant de moi à la police mais c'est un excellent moyen de pression sur moi. Enfin j'espère pouvoir la surprendre. L'éliminer avant qu'elle ne sente le danger venir. Je la laisse fendre la foule avant de partir à sa suite.

"Vous me connaissez encore mal. Peut être que j'entretiens la conversation dans le seul but de saisir le moment opportun pour vous éliminer. Dans ce cas vous ne vous débarrasserez pas très facilement de moi. Ou alors peut être avez vous avez raison, je suis dans le vague et vais vite me lasser de votre silence. Ou encore, je bleuffe d'un bout à l'autre sur mon ignorance pour vous conforter dans l'idée que vous êtes en sécurité. Les possibilités sont multiples. Vous ne pouvez pas savoir, alors ne cherchez pas à vous avancer. Cela pourrait vous jouer des tours."

Je jouais cartes sur table. Tout pouvait être possible et en effet, elle ne pouvait pas vraiment savoir. Tout est imaginable et je joue beaucoup là dessus, en toutes circonstances. Le doute. Je reportais mon regard sur elle.

"Mais admettons que je vous croie quand vous m'affirmez que vous ne direz rien tant que je ne viendrai pas fouiller votre petite vie. Sans même aucune garantie autre que vos paroles... Mais soit. Ne tentez rien mademoiselle. J'ai de longues oreilles et si vous vous manifestez ce sera un jeu d'enfant que de vous mettre la main dessus en un rien de temps."

C'était l'entière vérité pour une fois. Même si elle disait quoi que ce soit, les autorités mettraient longtemps à m'identifier et à me trouver. Parce qu'Erin Danvers est morte. La tueuse qu'a vu la métamorphe tuer un haut dignitaire n'est plus que poussière. La personne qu'elle vient de voir aujourd'hui, c'est une ombre qui oeuvre pour la Reine des vampires. Personne n'aurait jamais soupçonné un tel changement de camp de ma part.

Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ?

La brune cherche à semer le doute dans l’esprit de Roxane, et pourtant la rouquine ne se laisse pas perturber. Elle la regarde, tandis qu’elle tente de la faire douter, sur l’étendue de son savoir à propos d’elle, et sur ses intentions. Et Roxane douterait presque, à l’entendre. Mais elle reste sur son idée. Elle n’aurait pas abandonné une filature pour suivre quelqu’un qu’elle pouvait déjà retrouver. Si elle l’a fait, c’est qu’elle a été surprise de la croiser ici. Evidemment elle pourrait attendre une occasion pour la tuer, mais c’est peu probable. La foule est trop dense, et elle doit bien se douter que Roxane ne quittera pas ce lieu fréquenté en si charmante compagnie. C’est une impasse pour les deux jeunes femmes. L’une comme l’autre n’obtiendra rien de l’autre. En tous cas en termes d’informations. Elles sont toutes les deux bien trop maîtres de leurs paroles et de leurs actions pour laisser filtrer quoi que ce soit.

« En effet je ne peux pas savoir. Pourtant je me doute que vous n’êtes pas stupide au point de me chercher des ennuis ici, au milieu de ces passants. Vous êtes comme moi, vous tenez à votre anonymat et à votre discrétion. Vous ne commettrez pas cette erreur. Quant à ce que vous savez sur moi, je suis certaine que ça se résume à bien peu de choses. Vous n’auriez pas abandonné une filature pour suivre quelqu’un dont vous savez déjà tout. Vous auriez préféré me retrouver lorsque je serai devenue votre priorité. Ne me sous-estimez pas, vous non plus. Je ne suis pas idiote. »

Ainsi elle la croit ? Roxane en doute. Elle n’a pas l’air d’être de ceux qui croient les paroles sans vérifier les actes. En tous cas Roxane ne la croira pas sur parole. Elle surveillera ses arrières, et elle renforcera de prudence. Cette femme est dangereuse, et elle ne lâchera pas si facilement. Le fait que Roxane l’ait vue est visiblement important pour elle, puisqu’elle a choisi de la suivre. Elle ne la laissera pas repartir comme ça, si facilement.

« Vous n’entendrez rien, je peux vous en assurer. Mais si vous avez de longues oreilles, méfiez-vous de mes dents. Elles sauront mordre si vous ne gardez pas vos distances. »

Je stoppe de nouveau notre marche, et je la regarde, intensément.

« Je pense que nous en avons terminé. Je vous laisse vaquer à des occupations plus utiles. Et si vous tenez votre promesse, ceci devrait être un adieu. »

Je n'y arriverais pas cette fois-là, dommage. C'était une occasion assez inespérée et inattendue malgré le lieu et ses inconvénients. Mais je ne suis ni aveugle ni dupe : c'est une pure et simple impasse. C'est logique après tout, mais cela m'enrage. Je ne baisse jamais les bras, mais je suis un fantôme patient. Elle vit, et vu ses capacités et son caractère j'ai le temps avant qu'elle ne passe l'arme à gauche. Même si tout peut arriver à n'importe quel moment. C'est pareil pour moi. Bref, j'estime pouvoir revenir sur son cas quand les circonstances seront plus appropriés. J'ai d'autres chats à fouetter et j'ai déjà pu faire un maigre pas aujourd'hui. A la fois en avant et en arrière. J'ai pu lui parler, entendre sa voix et la détailler du regard physiquement. J'ai pu en apprendre beaucoup sur son tempérament. En arrière parce que je l'ai mis en alerte, parce qu'elle se sait désormais en danger. Mais je ne pouvais pas faire autrement, je ne peux pas me cacher avec elle. Cela aussi m'enrage au plus haut point. Que je ne puisse pas la manipuler parce qu'elle sait parfaitement ce que je suis, dans les grandes lignes. Elle sait tout ce qu'il y a d'important à savoir. Et c'est une ennemie de taille, ça aussi je l'ai compris. Pas qu'une voleuse de bas étage. Je sais que je vais devoir prendre mes précautions, avec elle. Attendre bien sûr, non dans l'espoir qu'elle m'oublie mais c'est que je n'irai pas bousculer mes priorités pour son beau minois. Elle se tiendra à carreaux jusqu'à ce que je m'occupe d'elle ou elle en paiera le prix sans attendre.

Je la laisse me répondre sans intervenir dans son résonnement. Elle ne veut pas se laisser déstabiliser et ne veut pas envisager la possibilité que je cache mon jeu. Ce n'est bien entendu pas le cas, mais cela pourrait l'être et elle se serait faite avoir. Tant mieux pour elle, tant pis pour moi. Ce n'est que partie remise, mais désormais je ne commettrais plus la bêtise de venir la voir en face. Je souris lorsqu'elle me parle de dents.

« Je ne remets nullement en doute l'efficacité de votre dentition. »

Remarque très peu constructive, j'en conviens. N'empêche que tout le monde ne parle pas de dents pour menacer son vis-à-vis. Elle a donc pour habitude de se transformer en animal dont les dents sont bien aiguisées... Ca peut être utile. Je lui lance un dernier sourire.

« Et bien adieu dans ce cas. Soyez sage et je vous rendrai la pareille. »

Je m'éloigne et me perds dans la foule, reprenant la direction de la fontaine où je l'avais aperçue. Juste à temps pour voir le couple se lever et repartir, mais je ne les suis pas. Je regarde tout autour de moi ; je ne me sens pas épiée et je ne vois personne. Mon regard suis toujours mes premières cibles mais je ce n'est pas ce que je cherche. Ce sera dur, très dur, mais j'aime les défis et si je ne prendrais pas le moindre risque : si je sens mon entreprise un milimètre trop périlleuse, je remettrais à plus tard. Mais je suis une des meilleures dans la surveillance et la filature ; je pense avoir une chance.

Si je ne peux rien apprendre de ses mots, j'apprendrai de ses actions et déplacements.

HJ:

Voleuse vs Tueuse, qui en sortira indemne ?

La jeune femme fait demi-tour après avoir rappelé subtilement à la rouquine qu’elle espérait ne pas entendre parler d’elle. Pas de risque, Roxane n’a pas pour projet de la dénoncer. Elle a d’autres chats à fouetter. L’entrée des métamorphes dans la meute ne s’est pas faite sans heurts, l’assassinat de Camille n’est que la partie visible de l’iceberg.

Roxane salue la tueuse d’un signe de tête, signifiant du même coup qu’elle approuve le fait qu’elle ne cherchera pas à lui nuire, et la regarde marcher énergiquement vers la fontaine où leurs chemins se sont croisés. Cherche-t-elle à reprendre sa filature ? L’homme et sa compagne de tout à l’heure. Ou cherche-t-elle à lui faire croire que c’est ce qu’elle fait ? Les yeux de la rouquine ne quittent pas la silhouette qui se faufile dans la foule. Elle se décale pour l’avoir dans son champ de vision. Elle veut être certaine que le danger est passé.

Elle observe les mouvements, les positions, et les endroits où elle marche. Et elle se doute. Elle entrevoit un mouvement de tête, dans sa direction. Discret, presqu’indécelable. Mais suffisant pour réveiller les instincts de la renarde. Malgré ses adieux, l’autre ne la laissera pas prendre le large si facilement. Elle espère encore obtenir quelque chose d’elle.

La rouquine n’attend pas plus longtemps, elle a vu ce qu’elle voulait voir. Un bref regard circulaire autour d’elle. Les toilettes publiques, à quelques mètres, dans la direction opposée. Elle s’y dirige d’un pas rapide. L’autre est à l’opposé, même si elle décide de la suivre, il sera trop tard lorsqu’elle arrivera. Elle contourne le bâtiment et s’enfonce dans les arbres et les buissons qui y sont accolés. Un dernier regard autour pour s’assurer que personne ne la voit. La voie est libre. Personne ne s’installe aux abords des toilettes pour se poser dans un parc. Pas le temps de retirer les vêtements et de les ranger dans le petit sac. Tant pis. La métamorphe se concentre quelques instants et prend la forme la plus facile pour elle. Les oreilles et le museau s’allongent, tandis que les jambes s’affinent et te rapprochent du sol sur lequel viennent se poser de petites pattes noires. Tu ne prends que le sac entre tes dents, et tu t’enfuis sous le couvert de la végétation. Tu sais être invisible, c’est dans ta nature. Tu prends la fuite, prudemment. Patientant parfois pour que la foule soit moins dense, et que l’on ne te repère pas. En quelques minutes tu es déjà loin.

HRP:

» Une voleuse au Celtic Pub [Livre II - Terminé]
» L'histoire du livre perché. [Livre III - Terminé]
» Hey, tu les as vu ? [Livre II - Terminé]
» All I see is all 〆 [Livre II - Terminé]
» We're in this together now [Livre III - Terminé]