Un doux parfum boisé venait emplir mes narines, je sentais le vent souffler entre mes pattes et j’écoutais ce silence si agréable qui régnait en ce lieu. Une nouvelle bourrasque fit vibrer légèrement mes bois au-dessus de ma tête. Je fermai les yeux un instant et humai l’air. Jamais je me sentais aussi libre que sous ma forme animale. Dans ces moments là plus rien ne comptait, j’étais juste un cerf, rien d’autre. Je rouvris les yeux et je me mis à courir entre les arbres. Je n’avais pas de destination précise, je courais un peu au hasard, là où j’en avais envie. A chaque fois, je prenais un plaisir immense à parcourir cette forêt, ma forêt. En vérité, ce n’était pas vraiment la mienne, il n’y avait pas mon nom écrit sur un acte de propriété. Mais la sensation de ne faire plus qu’un avec elle lorsque je me transformais et le fait de travailler chaque jour en tant qu’humain à la préserver, me pousser à m’autoproclamer maître et même roi de cette forêt. C’était assez prétentieux de ma part mais je n’en avais rien à foutre. Ici, il n’y avait personne pour m’en empêcher.
Au bout d’une bonne dizaine de minute, je m’arrêtai enfin de courir et je regardai tout autour de moi. Je m’étais bien éloigné de l’entrée de la forêt, là où j’avais laissé mon vieux pickup. Le bois était immense mais à force de le parcourir de part en part, je le connaissais par cœur et retrouver mon chemin ne me posait aucun problème. Je m’avançai vers une flaque d’eau et me penchai pour en boire une gorgée. Puis soudain, j’entendis un craquement, plusieurs oiseaux s’envolèrent, je m’immobilisai alors, restant à l’écoute. Le silence était revenu mais je ne bougeais toujours pas d’un cil. Il y avait quelque chose qui clochait, je me sentais comme observé. Le vent transporta jusqu’à moi une odeur que je connaissais bien, celle d’un prédateur, d’un loup. Ma respiration devint un peu plus intense. Etait-ce un véritable loup ou bien un garou ? Je n’allais pas tarder à le savoir. Dans tout les cas, je me tenais prêt à m’enfuir le plus vite possible.
L’ennui quand on a choisi un cerf pour animal de prédilection c’est qu’on devient très vite le gibier d’un autre.