Dire que j’étais encore plus perdue qu’auparavant eut été un euphémisme. Bon. Non, ce n’était pas tout à fait exact. J’avais parlé à Hayden. Cela m’avait fait beaucoup de bien, et m’avait presque totalement rassurée. Il voulait toujours m’adopter. Il m’aimait. Tout comme maman. Non, je n’en avais jamais vraiment doutée, c’est simplement que… que c’était compliqué… Les voir m’avait apaisée et remontée le moral.
Même si je m’en faisais toujours autant quant à leur sécurité… et à la mienne. Et que tout n’était pas résolu pour autant. Les problèmes n’allaient pas en s’arrangeant, et même si je ne suivais que de loin et avec les informations qu’on voulait bien me donner, c’est-à-dire très peu, je savais que ce n’était pas prêt de s’améliorer…

Et maintenant, comme si tout cela ne suffisait pas, il y avait Darren… J’aurais jamais imaginé qu’il puisse être source de… complications pour moi… De tous mes amis, c’est celui qui avait été le plus présent, qui ne m’avait jamais fait défaut. Mais… je savais plus trop comment réagir à sa présence dernièrement… c’est vrai quelle idée de sortir une phrase de ce genre et de rembarrer la personne dans les minutes qui suivent ? Non, au final, j’avais juste dû mal interpréter, il s’était senti mal devant mon hésitation et … et je sais pas… je sais même pas ce que je voulais vraiment… c’est mon ami, il est gentil, drôle, … plutôt mignon… Je secoue la tête.

Je n’avais rien de prévu aujourd’hui, j’avais décidé de faire un tour, histoire de me changer les idées…
Maman ne devait pas passer, ni personne, je n’étais pas attendu avant le soir, et je serais rentrée bien avant la nuit. J’avais embarquée mon violon sans vraiment y réfléchir, juste parce que je m’étais dit que je pourrais peut-être vouloir en jouer, pensée fugace qui m’avait traversé l’esprit. Le truc, c’est que je ne savais pas trop où aller, j’errais sans but, pour changer. En temps normal, j’aurais peut-être appelé Darren ou Lexie, mais… je ne savais pas comment réagir, ni avec l’un ni avec l’autre en ce moment… J’me retrouvais d’autant plus seule.
Peut-être qu’en allant faire un tour en ville… Ouais, faire les magasins seule c’est pas très marrant. Mais ce sera toujours mieux que de ressasser en boucle et de déprimer à la maison toute seule.
Et puis, surtout, je me sentais mal. J’étais vraiment pas cool avec maman… et sans déc, je ne me rappelais même pas lui avoir offert quelque chose pour son anniversaire… J’avais aucune idée, mais ça se fait pas… En faisant les boutiques, je trouverais peut-être l’inspiration qui sait.

Essayant de mettre au clair mes pensées et mes sentiments, sans grand succès jusqu’à présent, marchant direction le centre-ville, je ne l’ai pas vu arriver. Enfin, c’est plutôt qu’elle est arrivée de nulle part cette voiture.
Vous savez ce qu’on raconte ? Quand vous voyez défiler votre vie devant vos yeux et tout le tralala ? Ben c’est faux. Des conneries.
Le seul truc exact, c’est qu’effectivement tout semble se dérouler au ralenti. La voiture qui dérape. Qui tente de freiner. Moi, comme une idiote qui reste plantée sur place. Sans même me dire ‘Hé ma cocotte, COURS !’. Non, juste la peur et une horrible paralysie. Et la voiture.

Perdue dans mes pensées, entre ma mère, Hayden, Darren, le cadeau en retard de maman… je me retrouve au milieu de la rue, une voiture fonçant droit sur… ben sur moi…
Et comme une idiote, au lieu d’essayer de bouger, je reste plantée, comme une biche dans les phares d’une voiture. Je sais que je devrais bouger, histoire d’essayer de me sauver et de ne pas mourir à l’aube de mes 16 ans. Quelle mort débile en plus. Même pas par un vampire, un loup ou que sais-je. Non une banale voiture. Ce serait d’une tristesse. Ouais bon, mourir dans d’atroces souffrances ne serait pas mieux. Ouais, bon, quelle que soit la façon, ce serait … Mon dieu, je ne veux pas mourir !

Je sens d’un coup qu’on m’attire en arrière et des bras qui m’encerclent, me protégeant malgré moi. Je sens la voiture qui poursuit son chemin, passant là où je me trouvais quelques millisecondes plus tôt. Avant d’entendre le choc de la voiture rentrant dans… dans je sais pas quoi, et j’m’en fous, ce n’est pas moi. La main sur mon visage me protège. Et me rassure. L’adrénaline, qui aurait dû me servir à me sauver moi-même, plutôt que de me paralyser comme une idiote, est toujours là et je me mets à trembler.
Il, parce que oui, vu la carrure c’est un homme, enlève sa main de mon visage, le danger étant passé, et me regarde.
Je mets quelques secondes à réussir à me focaliser sur lui. Je cligne des yeux et hoche la tête. Son autre bras faisant toujours office de protection.

« Oui. Oui, ça va. » Je le regarde, hochant toujours la tête.
« Je… » Je déglutis et fais un petit sourire. « Merci. Je … J’arrivais pas à…
Heureusement que vous… que vous étiez là. »

Il s’écarte un peu de moi et me regarde, l’air inquiet, avec un gentil sourire. Il me fait penser à Hayden. Mon sourire s’agrandit. Je regarde en direction de la voiture, frissonnant de nouveau. Merde. Ça aurait pu être moi. Je crois que je vais me sentir mal. Mes mains se mettent à trembler.
Mon regard tombe sur mon étui, tombé à terre. Merde. Je m’approche et l’ouvre, sortant rapidement le violon pour m’assurer qu’il est intact. Je soupire, avant de le ranger précieusement. Je me relève, l’étui à la main.
Je dois le remercier encore ? Ou je sais pas… Mais sans lui… Il faut que je me pose, je crois que je vais tomber dans les pommes sinon. Petite nature va !

« Je… Je vais aller prendre un café, ou un chocolat plutôt. Je… peux vous offrir quelque chose pour vous remercier ? Ce serait le minimum, vous venez de… me sauver… »

Après tout, il vient de me sauver la vie. C’est la moindre des choses. Enfin, après, il a sans doute d’autres choses à faire… empêcher d’autres gamines de se faire tuer par inattention par exemple, je sais pas. Mais moi, il faut que je m’assois et que je prenne un truc chaud. Ouais. Un café. Un truc sucré à manger aussi.

Je le regarde lui, qui vient littéralement me sauver la vie, mon violon à la main. Je le sers contre moi, le violon, comme une protection magique. Et lui, mon sauveur, me dit que n’importe qui aurait fait la même chose. Pourtant, ça a été le seul à bouger. Même moi je n’ai pas bougée. Le comble. Il faut avoir de bons réflexes.
Je jette un nouveau coup d’œil à la voiture, me demande un instant comment va le conducteur. Il faudrait peut-être se renseigner non ? C’est de ma faute… S’il n’allait pas bien ?
Pourtant je ne bouge pas de là, je ne peux pas, rien que de regarde la voiture, j’ai des frissons qui reviennent.
J’ai besoin de m’asseoir, avant que mes jambes ne me lâchent. Je lui propose de m’accompagner, faut bien que je le remercie. Il jette un regard au conducteur. Je fais comme lui, me rassurant à moitié, il n’est pas mort, ni trop gravement blessé, c’est toujours ça. Je lui souris alors qu’il réfléchit. Il devait bien se rendre quelque part, je m’apprête à lui dire que s’il est pressé, ce n’est pas… enfin, faut pas qu’il se sente obligé quoi…Mais il me répond et accepte. Mon sourire s’agrandit quand il désigne un café au coin. Je le regarde un instant en clignant des yeux alors qu’il me propose son bras. Après une infime hésitation, je passe ma main dessous et le saisi.
Avançant à ses côtés vers le café, je secoue la tête, en esquissant un sourire.

« Non, ça va. Je … vais bien. Juste un peu… choquée je pense. Mais ça va. Grâce à vous. »

Il ouvre la porte, me laissant passer. Non sérieux, ça existe encore les mecs comme ça ? Bon, ok, il est plus vieux. Et vu ses fringues… Je murmure un « merci » en passant. Je m’installe sur une des banquettes près d’une des fenêtres, jetant un coup d’œil sur la voiture. Je secoue la tête, avant de reporter mon attention sur mon voisin. Il me regarde, avec son air toujours semi-inquiet, un petit sourire aux lèvres. Je lui souris en retour, posant mon violon près de moi.
J’enlève mon écharpe, la pose sur mon violon, mais je garde mon manteau, je tremble encore. Que ce soit le choc ou le froid, peu importe, pour l’instant, je préfère le conserver.

« Vous aviez sans doute des choses à faire. Je… c’est gentil de vous inquiéter pour moi, mais ça va. Si vous êtes pressé … enfin, j’veux dire, vous sentez pas obligé de rester. Je vous promets, je vais bien.
Je vais prendre un chocolat, et ça ira parfaitement après. »

Je fronce les sourcils. Il va ptre croire que tu regrettes de l’avoir invité. C’est pas ça pourtant. J’veux juste pas qu’il se force à rester juste parce qu’il… se sent responsable ou un truc comme ça.

« Je reviens pas sur mon invitation. Mais… vous sentez pas forcé c’est tout.
Oh. Je m’appelle Savannah. »

Je lui souris. La serveuse s’approche, et semble plus captivée par l’accident que par nous.

« Un chocolat chaud, un muffin au chocolat et euh … »

Je le regarde, attendant qu’il passe commande à son tour. Oui, il a dit un chocolat, mais bon…

Installée près de la fenêtre, alors que je lui explique qu’il n’a pas besoin de rester s’il a d’autres choses de prévues, et que je finis enfin par me présenter, il se contente de me sourire.
Je lui souris en retour quand il se présente, soulagée au final qu’il ne tienne pas compte de mon blabla et qu’il reste. Oui, ça va, mais un peu de compagnie ne me fera pas de mal.

« Merci.
Enchantée Victor. »

La serveuse arrive, je passe ma commande, qu’elle note distraitement. Elle ne nous prête pas attention, moi, peu m’importe, du moment qu’elle me ramène ce que je veux. Victor commande effectivement un chocolat chaud.
Il me regarde et m’interroge sur mon violon. Je lui offre un grand sourire. Avant de réfléchir.

« Depuis… 10 ans… enfin, j’ai commencé avec du solfège, et j’ai dû commencer le violon, il y a 6-7 ans je pense…
J’en ai fait au conservatoire. Mais c’est trop… linéaire, trop obtus… Je continue, parce que j’aime ça, que j’y ai des amis, et que ça me permet de rencontrer des gens du métier… Mais je prends des cours particuliers en plus en dehors… c’est plus léger, affranchi de tout ce… ces cérémonies et ce qu’on vous impose en genre musical… »

Je pose amoureusement ma main sur l’étui.

« Au début, c’était plus une contrainte qu’autre chose. C’est difficile le violon… et pas franchement agréable quand on ne sait pas en jouer…
Et puis c’est devenu un passe-temps, un loisir…
Maintenant… c’est ma liberté, mes moments d’évasions et de plaisirs… »

Je relève la tête et croise son regard. Je rougis.

« Désolée. Je m’emballe un peu là-dessus. »

Je me tais, me mordillant la lèvre, alors que la serveuse revient, les tasses et mon muffin sur un plateau. Je cherche dans mon sac alors qu’elle dépose le tout et la note sur la table. Je sors mon portefeuille et lui donne un billet de 10 livres avant qu’elle ne réclame. Je la vois hausser un sourcil, mais elle ne dit mot. Bien. Je prends la note pour la fourrer dans mon sac.

Je prends ma tasse entre mes mains pour les réchauffer. C’est dingue, j’ai encore froid… c’est le contrecoup ? Peut-être… Je prends mon muffin, découpant un petit morceau avant de le manger.
Je le regarde en lui souriant à nouveau.

«Et vous, vous jouez d’un instrument ? Vous aimez la musique ? »

Ouais, d’accord, j’aurais pu trouver autre chose… D’un autre côté, c’est lui qui m’a lancé là-dessus hein… Je replace mes mains gelées autour de la tasse. Du coin de l’œil, je vois une ambulance se garer à côté de la voiture. Je tourne la tête et soupire, soulagée de voir que quelqu’un s’occupe du conducteur. Oui, j’aurais dû m’en préoccuper. C’est de ma faute. Mais… je sers la tasse entre mes doigts, avant de détourner le regard et de revenir vers Victor.

Je me rends compte que je parle trop. J’ai tendance à toujours m’emballer quand je parle de musique, de violon. Et là, il a de la chance, je suis sage et pas trop bavarde encore. J’essaie juste de lui expliquer ce que je ressens quand je joue, quand je laisse juste les notes sortir toutes seules, quand la mélodie m’emporte sans que j’ai l’impression d’y être pour quelque chose. Je finis par m’en rendre compte et m’arrête avant de vraiment enchaîner et poursuivre.
Il me sourit, en me rassurant. Oui, une passionnée. On peut dire ça…

Lorsque la serveuse arrive avec nos commandes, je vois bien que ça ne lui plait pas que je règle. J’hausse les épaules et esquisse un sourire en réponse à sa grimace. La prochaine commande ? Il n’a rien d’autre à faire ? Bon, moi non plus, tu me diras… mais bon, ça veut dire que je le fais pas trop chier, c’est déjà ça… Mon sourire s’agrandit.

« J’ai dit que je vous invitais. Mais si ça peut vous faire plaisir, je ne suis pas contrariante. »

Si ça me permet d'avoir un autre gâteau... Il commence à me parler de lui. De son grand-père. De son amour pour la musique classique. De ses essais au piano. C’est amusant qu’il me parle aussi naturellement. D’habitude les adultes ne prennent pas trop la peine… Je l’écoute attentivement, buvant mon chocolat tant qu’il est chaud, souriant quand il me montre ses mains en se plaignant. Je ris même à la fin.

« J’aime beaucoup Chopin aussi. Les Nocturnes pour violon ou Tristesse sont vraiment magnifiques. Ou Bach, pour rester dans les classiques connus, Air sur la corde de sol.
Sinon, les danses hongroises de Brahms j’aime beaucoup.
Vous connaissez Lindsay Stirling ? J’adore ce qu’elle fait, elle est franchement douée, même si d’autres violonistes peuvent être meilleurs, elle, elle arrive à rendre ça tellement… attractif, intéressant. Alors que pour la plupart des gens, le violon c’est ringard au mieux… Faut voir ses clips sur Zelda, Skyrim, Evanescence, Games of Throne ou Radioactive… j’aimerais… pouvoir faire comme elle. Faire aimer aux gens ce que je fais… »

Je me tais à nouveau. Je parle trop.
Les ambulanciers sont là, pour l’homme, dehors. Je m’en veux oui… Je regarde Victor alors qu’il me parle. Je souris doucement alors qu’il pose sa main sur la mienne. Oui, ok, j’ai les mains froides, c’est pas une idée. J’acquiesce, à moitié convaincue, alors qu’il enlève sa main. Il est gentil de s’inquiéter comme ça pour moi. Il devrait pas. C’est vrai, il m’a évité de finir contre le macadam, c’est déjà beaucoup.
Je le regarde avec de grands yeux, ne sachant pas trop quoi répondre pour le coup. J’ouvre la bouche, avant de la refermer et de secouer la tête. Je cligne des yeux.

«Je… Non. » Je souris amusée, baissant les yeux en parlant. « Je ne suis pas assez talentueuse pour faire des concerts non. Je ne pense pas être même assez douée pour que… que vous ayez vraiment envie de m’entendre… ou pour que j’ose… Je ne joue pas devant… Il n’y a qu’en cours que je joue… ou si, une fois, devant ma mère et… mon père. Mais non, je ne crois pas… »

Je relève la tête vers lui en me rendant compte que je fixe ma tasse. Je sais que j’ai dû rougir, mais qu’est-ce que tu veux ? Sérieux, je peux pas jouer devant des gens. Encore moins devant quelqu’un que je connais pas. Aussi gentil soit-il.

Elle me parle d’une violoniste Lindsay Stirling. Je crois l’avoir déjà entendu jouer. Il est vrai qu’elle est douée. Je regarde l’adolescente parler avec beaucoup d’enthousiasme. J’imprime aussi ses goûts musicaux. Mes mains entourent ma tasse remplit de chocolat chaud, me réchauffant. Je n’avais pas forcément froid. La chaleur a quelque chose de réconfortant. Avais-je vraiment besoin qu’on me réconforte ? Non. Cette simple sensation, vous ramène inéluctablement devant un fait. Je reste encore un humain. Je souhaiterai ne plus rien ressentir, que la jouissance d’un monde anéanti.

J’écoute Savannah, m’expliquer combien, elle n’osait jouer devant du monde. La peur d’être jugé. De part, sa jeunesse, il est normal de ressortir ce doute en ses propres capacités. De ne pas être totalement sûr de soi. Je lui fais un sourire compatissant.
Je comprends, … le jour où tu te sentiras prête à me faire découvrir ta musique … - Je sorti de ma poche un stylo et inscrit mon numéro sur une petite serviette blanche, qui était posé sous ma tasse. – Tu n’auras qu’à m’appeler… où si un jour tu as besoin d’un ami, n’hésite pas ! – Je fais glisser la serviette vers la elle.

Les ambulanciers avaient désertés la rue. Il y avait plus personne dans la rue. Seule la voiture accidentée était toujours présente. La violence du choc avait pliée la carrosserie du capot. Je buvais une gorgée du chocolat. J’en faisais de meilleur de mon bar à New York.

Il y avait souvent des groupes qui passaient dans mon bar – Lui dis-je en buvant encore une gorgée. – Ils n’étaient pas tous talentueux mais ils y avaient de bon groupe. Le fait d’être en groupe est aussi un moyen de surpasser sa peur … d’aller sur scène ! Tu devrais y songer. – Je lui donnais un conseil pour surmonter sa peur. Quel gentilhomme je suis ! Ne pas être seul sur scène aide beaucoup. Je l’ai remarqué avec les groupes de jeunes qui demandaient à jouer dans mon bar. La serveuse revint vers nous, le sourire aux lèvres. Ils n’y avaient plus chose à voir dans la rue. Elle me fit un sourire.
Souhaitez-vous autre chose ?
Non, merci. – lui répondis-je. Je tourne mon visage vers Savannah. – Souhaites-tu autre chose ?

[HJ : désolé ma réponse nulle !]

Oubliant presque ce qu’il s’est passé auparavant, je m’anime et parle presque toute seule de moi, et du violon. Oui, la musique. Mais c’est lui qui m’a demandé. Et c’est encore lui qui a l’air intéressé. Il m’écoute, me laisse parler. Et oui, c’est agréable de pouvoir parler… monologuer d’accord… avec quelqu’un. C’est vrai, si je rentre, je serais seule. Comme presque chaque soir. Pour dire à quel point, ça me pèse… j’en viens à me réjouir de discuter de tout ce qui me tient à cœur, ou presque, avec quelqu’un que je viens de rencontrer.
Si maman et Hayden savait que je prenais tranquillement un chocolat avec un inconnu, ils seraient sans doute furax. Mais bon, il m’a sauvé la vie… ça compense non ?

Je stoppe et ne sais plus trop quoi dire par contre quand il me propose de jouer devant lui. Pour lui ? Je ne peux pas. C’est… non franchement, je ne suis pas assez douée.
Il me note son numéro sur une serviette. Je le regarde, avant de lui sourire doucement en retour.

« Ok… mais ce n’est pas prêt d’arriver… que je puisse jouer devant vous…
Mais. Merci. »

Je prends la serviette. Je vais la paumer. Ou la jeter. C’est franchement pas le genre de truc auquel je fais attention. Je sors mon téléphone de la poche et l’enregistre en direct. Non pas que je pense l’appeler un jour pour lui proposer de jouer ou autre… mais bon… sait-on jamais…
Je réfléchis alors qu’il me parle de groupe. Je finis mon chocolat et hoche la tête.

« Oui, j’y ai déjà réfléchis… Mais ce n’est pas si facile d’intégrer du violon dans un groupe. J’ai pas choisi le meilleur instrument pour ça… Mais peut-être que oui… je devrais chercher de ce côté-là.
Mais je ne suis pas sûre de vouloir jouer sur scène pour autant… Je sais pas… Mais je vais y réfléchir... encore... »

Je lui souris. La serveuse revient. Je secoue la tête.

« Non merci, c’est gentil. »

Alors qu’elle repart, je regarde dehors. Plus personne. Le spectacle est terminé. Je regarde rapidement l’heure. Oups. Il va falloir que j’y aille si je veux avoir la chance de trouver les boutiques encore ouvertes.

« Je vais devoir y aller, je dois trouver un cadeau avant la fermeture... » Je me mords la lèvre. « Merci encore. Pour tout. »
Je mets mon écharpe, me lève et récupère mon étui.

« Si jamais… je change d’avis. Je vous appelle, c’est promis. J’essayerais… » J’hausse les épaules et lui souris. « Merci d’avoir été là Victor. A bientôt peut-être. »

Je lui dépose un bisou rapide sur la joue, avant de me sauver. Je passe la porte, lui fais un signe à travers la vitre et disparaît au coin de la rue. Bon. Le cadeau pour maman maintenant.

Je regarde la demoiselle, intégrer mon numéro dans son portable. Sa jeunesse montre à quel point elle est confiante envers le genre humain. Ses parents ont du oubliés de lui dire qu’il fallait être un peu plus méfiante avec les étranger. Un manque dans son éducation. Maintenant, je ne suis plus un inconnu pour Savannah. Pas un ami, non plus, mais plus comme une connaissance. Je la regarde avec douceur. Je n’ai pas besoin de me forcer, c'est physique. Grand-père me le disait souvent, j’avais un regard doux, rassurant ainsi les humains qui me rencontraient. Je l’écoute me parler de ses appréhensions à jouer sur scène, même accompagné d’un groupe. Elle était si fraiche, si innocente.

La serveuse, nous avait demandé si nous voulions autre chose à manger, ou boire. Devant notre refus, elle se retira, nous laissant à nouveau seul. Je regarde celle-ci s’éloigner et reporta mon attention sur Savannah. L’adolescente semblait désormais agitée. Je la regarde se lever, reprendre son écharpe et son étui. Elle avait encore des choses à faire. Trouver un cadeau apparemment. Tout comme moi. Je devais en trouver un pour Constance. Par contre, ce ne devait pas être dans la même catégorie. Trouver un cadeau pour une vampire, ce n’était pas de tout repos.

A bientôt … - Elle me fait un baiser sur ma joue, et je la regarde s’éloigner. Je vois déjà le potentiel de cette petite. Je soupire et me dit que je devrais trouver un moyen de la revoir une nouvelle fois pour renforcer notre lien. Un lien d’amitié serait intéressant pour moi.

[Suite au prochain épisode…]