L'histoire devint une légende. La légende devint un mythe. Tout mythe a un fondement réel : c'est une évidence que l'on a bien trop tendance à mettre de côté. Parfois, cette origine remonte si loin dans le temps et les esprits deviennent si étriqués qu’il leur est impossible de croire à ce qu’ils refusent de croire ; mais ça ne l’empêche pas d’être toujours là, quelque part, parmi nous. Tout mythe a une origine. Et tout surnaturel n'est pas imaginable. Pourquoi, selon vous, les vampires sont-ils restés aussi longtemps dans l’ombre ? Parce que, pour les humains, ils faisaient parties du folklore, tout simplement. Parce qu'il existe un gouffre entre imaginer des êtres de la nuit, morts et pourtant si vivants, et concevoir leur existence. Parce que l'Humanité a été si longtemps le prédateur et non la proie que changer de statut n'est pas acceptable.

Oui, l'Humanité refuse de croire ce qu'elle ne veut pas croire, si elle n'en est pas obligée : c'est une vérité générale vérifiée depuis des siècles. Vampires, loups-garous, démons, semi-démons... Il y a dix ans, personnes ne soupçonnaient leur existence et pourtant ils vivaient bel et bien en marge de notre société. Je suis un loup garou. Je ne suis pas un mythe, je ne suis pas un être immatériel, je suis bel et bien en vie, et pourtant, je suis un loup-garou.

Notre existence est avérée, notre existence n'est plus une surprise maintenant. Pourtant, même lorsque les vampires sont sortis de leur cachette, l'idée de notre existence n'a pas été envisagée. Tout, dans la mythologie ou plutôt dans les mythologies, aurait pu mettre la puce à l'oreille de l'Humanité. Ce n'est pas une critique : ce n'est qu'une remarque, une mise en lumière de l'ignorance dans laquelle on peut être sans le savoir. La sagesse, selon Socrate, est de savoir que l'on ne sait pas tout.

Des traces, dans les mythologies, attestant de l'existence des Loups-garous, je vous le disais précédemment : il y en a des centaines. La plus évidente est très certainement celle de leur origine, que l'on trouve dans la mythologie nordique, avec un père donné aux loups : Loki. Et un premier loup : Fenrir. Et ce n'est pas pour rien que le loup est le méchant, dans les histoires racontées aux enfants : le Petit Chaperon Rouge, le Roman de Renart, les trois Petits Cochons...

Tout. Absolument tout est expliqué par les mythes, l’histoire obscure, et les folklores. Les négliger ne rime à rien, surtout lorsqu'un pan du voile du secret a déjà été levé.

Plusieurs questions se posent, à présent : Aurions-nous, auriez-vous, aviez vous le droit d'être étonnés devant cette vidéo amateur relativement maladroite, alors que depuis des années vous viviez avec des loups, avec des vampires, avec des êtres pourvus de pouvoir qui étaient supposés rester confinés au sein de la littérature fantastique ? Pourquoi crier au scandale et s'en étonner, alors qu'il existait, qu'il existe toujours, des traces de la présence dans notre réalité de tels créatures dans les mythologies comme il en existe pour les vampires et loups-garous ?

Si l'Humanité s’était plongée dans la mythologie après l'arrivée sur le devant de la scène des vampires, elle n'aurait pas été prise au dépourvu par les Loups-Garous. Si l'Humanité avait fait son devoir de recherche, elle aurait su qu'elle n'était pas seule sur Terre à avoir le droit d'y vivre, d'y grandir et de s'y étendre. L'existence d'êtres tel que ce cheval-garou, permettez moi l'expression, n'aurait pas du être une surprise non plus. Centaure, Kelpie, Pégase, Ponkhiraj, Sleipnir, Arion, Alastyn, Šemík… ce ne sont que des noms, ce ne sont que des dénominations pour un même fait et ce serait trop long de tous les lister ici. Indépendamment les uns des autres, vous ne devez pas connaître toutes ces dénominations, mais à vous tous aucun ne vous est inconnu. Le concept même de centaure est présent dans des dizaines de civilisation. Grecs, Latins, Aztèques, Ting-Ling – en Chine... Il y a des loups-garous, il y a des chevaux-garous : le parallèle est saisissant. Si Loki était le père des premiers, Poséidon est le père des seconds.

Une nouvelle question se pose alors : l'Humanité doit-elle craindre ce qu'on pourrait désigner par le terme de « nouvelle espèce »?

La peur des loups-garous et des vampires est logique : par le biais même de la mythologie qui a porté leur mémoire à bout de bras pendant des siècles, la crainte de ces créatures surnaturelles a été elle aussi transmise. Les loups-garous sont agressifs, les loups-garous sont des prédateurs. Il y a de quoi craindre leur transformation, il y a de quoi craindre leur présence. Et encore... Je suis un loup-garou et ça ne m'empêche pas d'avoir une famille, d'avoir des amis, d'avoir un travail et une vie comme vous. Mais oui : il semble logique de craindre les loups-garous par réflexe, puisque l'image du loup est associée en mémoire à la violence et la brutalité.

Ma réponse est simple et tient en un seul mot : non. Je parlais pour les loups de l'impact de la mythologie sur la perception de cette espèce : il en va de même ici.

Je n’ai cessé de parler de mythologie depuis le début de mon exposé, mais c'est parce qu'il est primordial : faisons donc en un tour.
Chez les Ting-Ling en Chine, une légende raconte que les créatures qui ressemblaient à Centaure étaient originaires de l'île de Formose. Tout comme la légende grecque sur les Centaures, fils de Philyra et de Cronos, ces créatures étaient admirées pour leur sagesse et leur force positive. Force et rapidité sont les qualités que le Yi-king attribue au cheval. En Chine, c'est un animal typiquement yang. Le binôme cheval-dragon symbolise la lutte du bien et du mal. Le cheval est valorisé positivement en représentant la face humanisée tandis que le dragon figure la face bestiale du symbole. Il n'est pas surprenant que les Arabes, qui figurent parmi les plus grands cavaliers du monde, aient aussi leurs légendes sur le premier équidé. Chez eux le cheval passe pour avoir le don de faire jaillir des sources par la force de ses sabots. En Europe, la licorne médiévale est un symbole de puissance. Et les exemples se poursuivent dans une multiplicité mondiale.

Dans tous les cas, en tenant compte d'un pourcentage contraire inévitable : les centaures – ces hommes mi-hommes, mi-chevaux – ont une résonance bénéfique. Si des créatures comme le Kelpie ont mauvaise réputation, dans tout le corpus que j’ai rassemblé concernant les apparitions de créatures mi-homme, mi-cheval dans les littératures du monde, un seul ressenti ressort : de telles créatures, si elles existent, sont bénéfiques et sages. Et pourraient nous aider.

Au lieu de reproduire les erreurs du passé, ne serait-il, aujourd’hui, pas préférable de prendre contact avec les membres d’une telle espèce, pour instaurer dès à présent une relation de confiance entre nos deux peuples, et s’appuyer sur leur sage qui ne peut qu’être réelle ? En tant que loup-garou j’ai une conscience aigüe de ce que la méfiance peut faire à la paix et à l’unité. En tant que loup-garou, je suis surveillé. Et si j’en comprends les raisons vus les récents événements, je ne peux que conseiller à l’Humanité dont j’ai pu faire partie de ne pas réitérer des erreurs qui mèneraient de nouveaux à des conflits : si une nouvelle espèce de garou, si des chevaux-garous existent, il ne s’agit aujourd’hui pas de chercher à les contrôler et les éradiquer. Il s’agit de protéger leur diversité et d’instaurer un dialogue entre eux, vous, et nous.