La luciole fronça les sourcils, de contrariété. Elle avait longtemps vécu ignorante des travers de la société, et ne les appréhendait clairement pas encore, mais plus elle en découvrait, moins elle parvenait à conserver son optimisme à toute épreuve. Et que des choses si triviales que ce que Cha’ lui exposait entrent en compte… C’était réellement injuste. Peut-être qu’elle ne chercherait pas à faire carrière dans la musique… Elle n’en avait surement pas la carrure, ou les contacts, ou… Non ça n’était pas pour elle. Elle était même pas douée. Elle servait à rien, vraiment.
« Eh ben c’est pourri. Les gens sont stupides. Ils aiment pas les bonnes choses, ils aiment les choses connues. C’est comme si… Comme si on leur faisait manger quelque chose de trop cuit et dégueulasse en leur disant que c’est super bon ! C’est des… des larves ! Des escargots ! Ils ont le cerveau tout mu et qui réfléchit pas ! Ils en ont peut-être même pas ! Ca se trouve, ils se le sont fait enlever, et c’est pour ça qu’ils sont si bêtes ! Ca en serait peut-être moins inquiétant… Dégueulasse, mais moins inquiétant, oui. »
Elle s’emballait, elle s’insurgeait, elle en faisait des tonnes mais sans vraiment le vouloir. Elle trouvait vraiment ça bête, et dommage. Mais elle était malgré tout soulagée, que ça fonctionne bien pour son amie. Elle le méritait. « Je suis contente qu’ils reconnaissent ton talent… Parce que tu le mérites. Et ça aurait pas été juste si ça avait pas été le cas. Tu as des copies de ce que tu fais ? Tu le gardes précieusement pour le montrer si des gens veulent travailler avec toi ? Ca se passe comment, d’ailleurs ? »
Elle pensait sincèrement que Charlie avait le talent pour réussir, et que ça n’était que justice que ça fonctionne. Son visage se voila un peu, quand elle dit avoir presque trop de travail. Est-ce qu’elle faisait attention à elle, au moins ? Parce que trop travailler, et ne pas prendre soin de soi, c’était dangereux. Elle voulait pas que Charlie se mette en danger, elle. « C’est bien que tu aies du travail mais… tu dors ? Tu te reposes un peu ? Tu fais pas que ça ? Il faut dormir, tu sais. Sinon tu vas tomber malade ! Je veux pas que tombes malade, moi, hein. Tu promets ? »
Elle se sentait un peu mal à l’aise : elle se savait idiote, et très enfantine à demander ça de cette façon mais c’était plus fort qu’elle. Cha’ allait surement en rire. Le rouge lui monta aux joues. Pourquoi elle tournait pas sa langue quarante six fois dans sa bouche, avant de parler ? Au moins, elle dirait pas les choses bêtement. Mais… c’était peut-être un entrainement pour le lycée. Non ? La louve l’avait dit, tout le monde disait des choses idiotes au lycée. Elle dévisagea la jeune adulte, incroyablement surprise, en l’entendant. Un paradis pour les loups mais pas les autres ? Pas de loup solitaire ? L’idée la perturbait.
« [color=#0088FF]Mais… Tu… t’es avec eux presque tout le temps ? C’est pas trop dur… ? Moi je… Non rien, je suis pas toi, je suis pas une louve, je peux pas comprendre, je crois.[\color] »
Ça ne la gênait pas, au fond. Si elles devaient être identiques… Ca serait ennuyant, et elles n’auraient surement rien à se dire. Ou alors elles seraient toujours d’accord, mais passeraient de bon moment ? La métamorphe haussa les épaules pour elle-même, sans même s’en rendre compte, sans rien dire de ce qu’elle pensait – n’ayant pas conscience que son attitude semblerait bizarre. Elle sourit, quand elle sentit la pression sur sa main – le message était passé.
« Mais j’ai plus… »
Elle avait plus l’âge de vivre ce genre de démarche. De vouloir être emportée apr quelqu’un qui voulait lui donner des bonbons… Elle ne l’avait jamais eue, si on comptait qu’elle avait été gardée séquestrée chez elle très jeune. Elle retomba un instant dans sa mélancolie et sa tristesse, dans un certain mutisme, incapable d’articuler un mot. Silence qui dura plus longtemps qu’elle ne pensait, qui rendit bien audible le bouleversement de son amie, l’empêchant de réagir au fait de vouloir élever des louveteaux… De toute façon, ça la dépassait.
« Je… Je sais pas, mais je dis la vérité. Mais je te laisserai faire au rythme que tu veux. »
Elle passa ses bras autour de la louve, n’ajoutant rien, profitant du ciel étoilé et de la chaleur qui se dégageait de son amie pour se réchauffer, s’endormant légèrement.