Tout avait été si vite. A peine concevable. La soirée d'anniversaire des jumeaux restera marquée dans la mémoire de la Meute. Un changement d'Ulfric, un parricide, le désistement de l'exécutrice qui avait défié la Lupa. Décidément, la Meute était fortement secouée. Ce que Mary n'aimait pas du tout. Ils devaient être fort pour lutter contre les Vampires. Et le sourire de Torben semblait flotter autour d'elle, moqueur, comme pour dire qu'il l'avait prévenu. Exaspérée, elle avait tenté de faire le vide, de ne plus penser à ce qu'il lui avait dit. Mais autant mettre un loup en cage. Les jumeaux étaient restés avec leur mère. Depuis l'affront qu'elle avait subi, Mary ruminait sa vengeance à l'égard d'Isadora. Cette louve avait bafoué son autorité à un moment crucial et la Lupa ne comptait pas se laisser faire. Si elle n'avait pas réagi avec violence à ce moment-là, c'était uniquement pour sauvegarder la Meute et éviter une dissension supplémentaire. Mais cette petite catin ne perdait rien pour attendre. Elle ne la laisserait certainement pas partir tranquillement sans régler ses comptes avec elle. Après cette soirée riche en émotions, Mary était rentrée en compagnie de Roxane, sa protégée. Sa chère Roxane qui avait parfaitement joué son rôle au sein de la Meute, protégeant les jumeaux au péril de sa vie. Mary lui en était très reconnaissante. Elle apprit alors que Roxane avait été contacté par Hayden afin que cette dernière protège la Lupa et les jumeaux. Mary ne savait trop qu'en penser...

Quoi qu'il en soit, elle estimait Hayden et trouvait qu'il ferait un Ulfric fort et puissant pour la Meute. Il était visiblement loyal envers elle lorsqu'il était exécuteur. Mais à présent, elle ne devait plus le considérer comme son subordonné. Il était le dominant à présent. Bien que la Lupa ait un pouvoir fort sur la Meute, dans le couple Ulfric-Lupa, le mâle était clairement le dominant. Et ça ne changerait jamais. Mary se demandait ce que Hayden prévoyait pour l'avenir. Pensait-il la remplacer par sa chienne ? Rien que cette idée lui hérissait le poil. Mais elle pensait avant tout aux siens. Elle devait montrer un visage uni avec le nouveau mâle dominant. Mieux valait en discuter en privé avec lui. Mais elle ne lâcherait pas la place qu'elle avait conservé durant toutes ses années. Les siens avaient pleinement conscience qu'elle les avait protégé durant les Années Sanglantes. On ne pouvait congédier ainsi une Lupa sans grave crise. Mais n'étaient-ils pas déjà en crise ? Hayden avait été jusqu'à tuer son propre père, hésiterait-il à écarter une femelle pour placer la sienne à ses côtés ? Elle l'ignorait. Mais elle espérait qu'il conserverait les principes qu'il avait lorsqu'il était exécuteur. Le bien-être de la Meute avant le sien. Et quoi qu'en dise Isadora, jamais Mary n'avait placé son intérêt avant celui des loups.

Elle se trouvait à Wolfheaven, cela faisait pas mal de temps qu'elle n'y avait pas mis les pieds. Depuis les événements en fait. Non pas qu'elle craignait particulièrement l'endroit, non. Elle n'était pas le genre sentimental. Mais elle n'avait eu aucune raison particulière d'y revenir. Jusqu'à aujourd'hui. Hayden lui avait demandé d'être là. Il était temps qu'ils parlent, tous les deux. Mary était curieuse, elle se demandait ce que l'Ulfric avait en tête. Souhaitait-il la conserver comme Lupa ? Dans ce cas, il savait pertinemment ce que cela impliquait. Normalement, ils auraient dû passer la nuit ensemble, le soir de son sacre, histoire de sceller définitivement leur union devant la Meute. Mais cela ne s'était pas produit. Un parricide n'arrive pas tous les jours, même parmi les lycans. Mary ne savait donc pas trop à quoi s'en tenir vis-à-vis de Hayden. Elle entra dans la salle principale, les loups présents s'inclinant avec respect, lui montrant leur cou en signe de soumission. La Lupa traversa la salle, rejoignant le petit salon qui était vide. Elle s'installa dans un canapé, attendant tranquillement la venue de Hayden.

Cela faisait à peine quelques minutes qu'elle s'était installée quand soudain, la porte s'ouvrit. Elle releva la tête. Il était là. Elle se leva, s'approcha de lui et s'inclina, lui présentant son cou. Puis, relevant les yeux vers lui, elle déclara d'un ton calme et serein :

Je te salue, Ulfric. Mes respects.

Après les termes de circonstances, elle abandonna le côté procédurier et pompeux pour demander doucement :

Hayden... Comment vas-tu?

Elle se doutait que les derniers jours avaient dû être une torture pour le loup. Mary le contempla un bref instant. Il avait un charisme fou et elle devait lutter contre ses pulsions qui lui commandaient de verrouiller la porte et de s'unir au mâle Alpha.

Tout allait être décidé ici et maintenant, Mary en avait plus que conscience. De cet entretien allait dépendre l'avenir de la Meute. Mary s'inquiétait, il fallait bien l'avouer. Comment Hayden voyait-il sa place au sein de la Meute ? Isadora avait quitté le groupe, il ne pouvait donc plus la choisir comme Lupa à la place de Mary. Mais il avait toujours la possibilité de choisir une autre femelle, une qui n'ait pas de contentieux avec Isadora. Impossible de savoir ce qu'il a dans la tête. Il a dû passer un sale quart d'heure depuis sa victoire. Le meurtre de son père, la perte de sa compagne. Non pas que Mary regretterait le départ d'Isadora, ah ça non. Cette catin ne perd rien pour attendre, au vu de son comportement pendant l'anniversaire des jumeaux. Non, Mary n'est pas mécontente qu'elle ait prit ses cliques et ses claques. L'avenir des jumeaux la préoccupe davantage. Isadora est-elle partie avec eux ? Il est hors de question de laisser ces deux êtres si incroyables entre les griffes de leur mijaurée de mère. Ca non. La présence d'Hayden si peu de temps après le meurtre de son frère montrait à quel point il prenait son rôle à cœur. Il confirmait l'intuition de Mary comme quoi il ferait un excellent Ulfric. La louve sent son cœur accélérer lorsque la porte s'ouvre. Elle se lève et se tient parfaitement droite après avoir présenté ses respects au nouveau mâle dominant. La hiérarchie dans le couple Alpha est très claire : l'Ulfric domine la Lupa.

Après avoir présenté ses respects, Mary eut la bonne surprise d'entendre la marque de déférence à son égard d'Hayden. Elle appréciait que ce dernier la confirme dans son rôle en l'appelant toujours « Lupa ». Visiblement, il n'avait pas l'ambition de la remplacer. Mais qui sait ? Mary avait demandé gentiment comme Hayden allait. Après tout, elle était bien différente dans l'intimité, en comparaison de son attitude de louve dominante face à la meute. Bien sûr, elle n'avait plus retrouvé la douceur et la tendresse depuis la mort de Nathanaël. Avec lui, elle était câline, tendre et douce. Même si elle n'avait pas retrouvé un Ulfric digne de l'ancien d'Ecosse, cela ne l'empêchait pas d'être dans une certaine mesure, prévenante avec le chef de la meute. Elle crut déceler un éclair de surprise dans les yeux de Hayden. S'attendait-il à ce qu'elle soit désagréable avec lui ? Il lui avait toujours été fidèle en tant qu'exécuteur. Elle n'avait aucune raison de lui en vouloir. Et la perspective éventuelle de le posséder lui plaisait plutôt.

La question qu'Hayden lui lança en retour la fit sourire. Qu'est-ce que cela lui faisait d'avoir perdu son ancien compagnon? A dire vrai, pas grand chose... Elle n'avait pas spécialement choisi Jonathan. Et ils ne s'étaient pas vraiment entendu. Elle jugea qu'il valait mieux être franche avec Hayden.

Et bien, je dois dire que je ne suis pas vraiment effondrée, je dois l'admettre. Jonathan et moi, nous... ne nous entendions pas spécialement bien. Nos avis divergeaient beaucoup trop.

Elle hocha la tête au reste de ses paroles. Oui, Roxane lui avait parlé de tout après les événements. Mary avait été furieuse qu'on l'ait écarté de ces connaissances mais elle comprenait pourquoi.

Oui, je suis au courant. Justice a été rendue. J'espère que la Meute restera unie et soudée quoi qu'il puisse se passer.

La suite fit accélérer douloureusement le cœur de la louve. Enfin. On en venait au cœur du problème. Elle se rapprocha d'Hayden avant de répondre doucement :

Oui, nous n'avons plus d'exécuteurs. Nous devons réfléchir ensemble pour les remplacer. Et reste à voir ce que tu as en tête me concernant.

Il était beau, son visage reflétait une férocité et en même temps un calme qui émoustillait la louve. Elle plongea son regard dans celui de l'Ulfric, attendant qu'il dévoile le fond de sa pensée, à défaut d'autre chose.

La discussion avec Hayden allait sceller le destin de tous les loups et Mary en avait plus que conscience. Elle ne désirait nullement affronter Hayden et elle estimait qu’il ferait un bien meilleur Ulfric que son père, c’était évident. Mais elle ne pouvait s’empêcher de craindre les projets du mâle la concernant. Hayden ne l’avait pas possédé après le combat et la Meute ne savait donc toujours pas sur quel pied danser. Ils avaient un nouvel Ulfric que tous les loups avaient reconnu. Mais leur Lupa n’avait pas été unie au nouveau mâle, pas plus qu’elle n’avait été remplacée. Mary n’aimait pas cela. La Meute était fragile. Bouleverser ses repères –qui étaient déjà bien ébranlés- était loin d’être sage. Les deux exécuteurs avaient laissé leurs postes vacants. Ils étaient à un point critique et devait régler la situation le plus vite possible. La Lupa n’avait aucune idée de ce que le loup avait en tête. Mais le fait qu’ils ne se soient pas unis la perturbait grandement. Des siècles de tradition bafoués en quelques minutes. Elle comprenait bien les raisons mais cela ne l’empêchait pas d’être la proie de ses pulsions les plus naturelles. Elle avait envie d’Hayden, de s’unir à lui comme son instinct le lui commandait. Elle réfréna ses ardeurs à grand peine et resta immobile, observant le mâle dominant. Le moment était enfin arrivé de mettre tout à plat. Bien sûr, Mary appréciait le pouvoir dont elle jouissait depuis tant d’années et elle ferait tout pour le conserver. Mais elle avait aussi à cœur de ne pas déchirer la Meute pour de vaines ambitions. Hayden devait cependant trancher et prendre une décision, sans quoi une louve aux dents plus longues que les autres défierait Mary pour prendre sa place. Ce que la Lupa voulait éviter à tout prix.

La louve s’était sentie soulagée lorsque Hayden lui avait témoigné le respect dû à son rang. Elle ne préférait pas anticiper sur ses décisions mais s’il l’avait appelé Lupa, peut-être ne comptait-il pas la remplacer en fin de compte ? L’ombre d’Isadora planait entre eux et Mary ne ressentait que fureur envers cette catin qui l’avait défié. La louve en elle criait vengeance, réclamait le sang qui lui était dû. Hayden venait d’évoquer son père et malgré son sourire, elle ne ressentait pas de joie particulière pour la mort de Jonathan. Non, elle estimait que tout ceci représentait un beau gâchis. Jonathan avait joué, il avait perdu. Et il avait été stupide de miser sur les vampires contre les siens. Les loups ont un sens aigu de la famille. Celui qui trahit le paye de sa vie.

Ne dis pas ça. Tu as fais ton devoir envers la Meute. Et tu as fait preuve d’un sacré courage.

Mary était sincère, pour une fois. Elle imaginait bien la réflexion qu’il avait fallu à Hayden pour prendre la décision de défier et tuer son propre père. Tous loups qu’ils étaient, le lien paternel était quelque chose de fort. L’intérêt de la Meute prévalait mais trancher les liens avec son père était tout sauf simple. Mary pouvait comprendre le temps de retraite qu’il avait fallu à l’Ulfric pour incarner réellement son rôle. Mais Mary n’était pas spécialement connue pour sa patience. Il avait défié son père, il avait pris sa place, à lui maintenant d’en assumer les conséquences. S’il n’en était pas capable, il pouvait rendre le pouvoir qu’il avait pris et affronter le déshonneur. La louve s’était rapprochée de lui et elle le sentit se tendre. Avait-il peur ? Non, il n’en avait pas l’odeur. Alors quoi ? Ressentait-il cette tension qu’elle-même sentait ? Elle restait immobile, proche de lui, à l’observer, attendant qu’il prenne la parole. Ce qu’il ne tarda pas à faire.

Je suis rassurée de te l’entendre dire car ce n’est pas ainsi que l’ont pris les nôtres. C’est une offense grave envers la Lupa de ne pas s’unir à elle, comme tu le sais. Je suis soulagée que nous ne divisions pas davantage la Meute en la privant d’une dominante à qui ils obéissent depuis tant d’années.

Oui, elle était sacrément soulagée de ces paroles. Evidemment qu’elle désirait rester Lupa. Elle ne vivait que pour le bien des siens depuis le début des Années Sanglantes et même avant. Elle ne se voyait pas changer de vie et être éconduite ainsi. Mais Hayden avait clairement annoncé qu’il y aurait des limites. Mary sentit sa louve gronder sourdement en elle mais elle écouta patiemment. Après tout, il était l’Ulfric. Le début de ses paroles fit frémir Mary. Quoi ??! Cette chienne, rester parmi eux ??? Elle savait bien que ce n’était pas une négociation, l’Alpha édictait ses conditions. Mary devait les suivre, ou bien renoncer au pouvoir. Elle sentit sa louve furieuse sur le point de bondir. Et le reste la surprit plus qu’autre chose. Ne pas partager leur couche ? Tous ses sentiments s’opposaient à cela. Mais si elle pouvait garder sa place, c’était un moindre mal. Hayden était bien différent de son père. Là où Jonathan aurait simplement imposé sa décision, son fils lui proposait de demander quelque chose en retour de ce désagrément. Mary sourit. Très bien, elle aimait comment se présentaient les choses. Hayden semblait quelqu’un de fiable, sur qui elle pouvait compter pour tenir la Meute. Et il semblait également la considérer comme son égale, pas sa chose. Amélioration bienvenue par rapport à l’ancien mâle dominant. Mary se rapprocha encore jusqu’à ce que ses lèvres frôlent celles de l’Ulfric.

Effectivement, comme tu viens de le dire, c’est beaucoup à exiger de moi. Isadora m’a gravement offensé et lui retirer seulement son poste est bien insuffisant. Que vont penser les autres loups s’ils constatent qu’en insultant leur Lupa, ils peuvent rester parmi nous sans dommage ? Mais je suis prête à passer outre et à mettre ma fierté de côté. J’ai une condition, une demande si tu préfères que je la nomme ainsi. Nous ne partagerons pas notre couche, c’est entendu. Mais je veux que tu sois à moi une seule nuit. Après cela, plus rien, tu as ma parole. Et je veux que la meute entière soit au courant.

Mary sentait le souffle d’Hayden glisser sur ses lèvres. Elle sourit, attendant sa réponse. Oui, ils allaient certainement bien s’entendre.

La vie était beaucoup plus simple pour Mary lorsqu'elle était seule au pouvoir et qu'elle prenait ses propres décisions. Durant les Années Sanglantes, elle avait été la seule aux commandes et la Meute s'en était globalement bien sortie. Elle avait commis des erreurs, comme n'importe qui mais les lycans étaient toujours là, ils étaient toujours puissants et c'était bien ce qui importait. La seule chose qui importait à ses yeux. La Lupa avait toujours réservé une partie de son énergie à la recherche d'un Ulfric digne de ce nom, bien que le fait de gouverner seule était loin de lui déplaire. L'arrivée de Jonathan avait été très compliquée et si Mary avait veillé à donner l'image d'un couple dominant uni, il n'en était rien. Le changement d'Ulfric était plus à son avantage qu'autre chose. Visiblement, Hayden respectait son autorité, ne semblait pas vouloir la destituer et son manque d'expérience du pouvoir, contrairement à son père, la rendait indispensable pour lui. La louve avait conscience qu'en face d'elle se trouvait un loup qui avait des principes, des valeurs morales et qui, tout comme elle, plaçait l'intérêt de la Meute au dessus de tout le reste. Au dessus même de la vie de son propre père. Ce n'était pas rien et la jeune femme était persuadée qu'elle s'entendrait bien mieux avec une personnalité pareille qu'avec son géniteur. Mais restait de nombreux problèmes à évoquer. Et le premier était le plus important. L'avenir de la Meute et donc celui de Mary. Hayden n'a aucune expérience du pouvoir mais il a des idées arrêtées sur certaines questions, cela se sent parfaitement. Elle préfère attendre patiemment, museler ses pulsions, afin de savoir parfaitement ce que Hayden a en tête. Il la remercie ce qui ne fait ni chaud ni froid à la belle. Elle n'a pas prononcé ces mots pour être remercier. Elle était sincère et conforter l'Ulfric dans sa position de dominant ne fait que fortifier également la Meute. Mary ne fait jamais rien pour rien, c'est dans sa nature. Elle n'est pas un être désintéressé, loin de là. Ce qui ne l'empêche pas, de temps en temps, d'être honnête.

Mary ne connaît pas les intentions du loup mais elle perçoit les battements de son cœur et son odeur. Elle sait qu'il ressent probablement la même chose qu'elle. Les loups sont des êtres impulsifs. Et un dominant ressent toujours le besoin de s'unir à la chef de meute. Cela relève du pur instinct. Elle lutte mais n'hésite pas à se rapprocher du loup, sa proximité l’enivrant d'autant plus. Oui, elle le dévore des yeux, en même temps qu'elle le juge, l'évalue. Fera-t-il un bon leader ? Toute sa vie, depuis la mort de Nathanaël, cette question l'a hantée. Qui aurait assez de puissance et de fougue pour le remplacer ? Etait-ce l'homme qui se trouvait devant elle ? Elle hocha la tête à la réponse d'Hayden.

Nous avons beaucoup de choses à voir ensemble, en effet. A commencer par le remplacement des exécuteurs. Veux-tu que nous convoquions chacun mâles et femelles de notre côté pour choisir parmi eux ? Une autre question d'importance taraude mon esprit, je ne te le cache pas. Qu'en est-il de l'Alliance avec les changeurs ? Tu dois savoir que ton père y était plutôt hostile. Roxane nous a beaucoup aidé et t'a soutenu personnellement. Quel est ton point de vue sur la question?

Mary avait été voir Camille juste après le changement de chef et l'avait informé de cette évolution. Mais elle ne savait toujours pas comment les choses allaient évoluer et elle ne laisserait pas cette Alliance péricliter. Mais un autre point est à régler et non des moindres. Naturellement, les paroles de l'Ulfric ne font qu'irriter Mary. Isadora a fait preuve d'un comportement inadmissible et aucune meute normalement constituée ne pourrait garder en son sein une louve, qui plus est exécutrice, qui a autant bafoué l'autorité d'un dominant. D'autant qu'Isadora a clairement annoncé qu'elle ne recevrait plus aucun ordre de Mary. Etait-ce cela qu'il désirait pour les siens ? Une anarchie latente qui n'attendait qu'un prétexte pour éclater ? Combien de temps faudrait-il à cette chienne pour menacer directement l'autorité de Mary en utilisant ses contacts bien placés dans la meute pour les monter contre la Lupa légitime ? Non, elle ne pouvait l'admettre mais était prête à passer outre, comme elle venait de le dire. Mary s'était rapprochée une fois encore. Hayden baissait d'un cran dans son estime. La louve n'avait pas aimé depuis longtemps, depuis Nathanaël en fait. Mais l'Ulfric lui avait appris un élément essentiel : la Meute prévaut. Sur tout, la mort, l'amitié, l'amour. Et Hayden prouvait en cet instant qu'il n'avait pas les épaules d'un véritable leader. Un véritable chef est capable de sacrifier son intérêt personnel pour celui des siens. Visiblement, Hayden était loin d'avoir la capacité de faire pareil sacrifice. Pitoyable et tellement dommage. Il avait tué son père pour rien. Hayden pose ses mains sur les épaules de la louve et la fait doucement mais fermement reculer en arrière. Mary n'oppose pas de résistance mais se contente de le toiser.

Me faire une fleur?, elle éclata de rire, Ne sois pas ridicule, Hayden. M'évincer, ce serait déchirer la Meute en deux et ce serait indigne d'un Ulfric. Quant à mettre Isadora à ma place, vous n'avez ni l'un ni l'autre l'habitude du pouvoir et ce serait également malavisé. Ce n'est pas pour me faire une fleur que tu me laisses ma place. C'est tout simplement parce que tu as besoin de moi. Alors, évite de me raconter des conneries. Quant à Isadora, elle a clairement dit qu'elle ne recevrait plus d'ordres de ma part. Tu veux donc garder une louve rebelle au sein de la Meute ? Si Isadora t'a empêché de te battre contre ton père, c'était par pur égoïsme et intérêt particulier. Tu es en train de faire exactement la même chose et cette attitude est bien loin d'un chef de Meute qui ne pense qu'au bien des siens.

Mary avait prononcé ce discours sans agressivité mais avec le poids de l'expérience de quelqu'un de pouvoir. Et Hayden savait qu'elle visait juste. La suite des paroles du loup montrait clairement que l'amour guidait ses choix, non la raison. C'était dangereux pour la Meute. Pendant une fraction de seconde, Mary se demanda si elle ne préférait pas finalement Jonathan. Elle sourit.

D'un côté, tu admets que tu m'en demandes beaucoup et me demande ce que je désire de toi. Mais de l'autre, tu refuses ma proposition. Dans ce cas, ne me demande pas mon avis, ce sera beaucoup plus simple et gagnera du temps.

Hayden était passé derrière son bureau pour s'emparer de sa bouteille de whisky et leur servir chacun un verre. Elle le remercia d'un signe de tête et but une gorgée. La fin des paroles l'amusa. Elle but une autre gorgée qui répandit une douce chaleur dans son corps. Puis, elle se rapprocha à nouveau d'Hayden.

J'en suis parfaitement capable. C'est mon lot quotidien depuis plus de sept ans. Comme tu l'as si bien dit, pour Isadora, c'est soit l'exil soit la punition physique. Si tu me dis que l'exil n'est pas acceptable, elle devra se soumettre à mon autorité pour rester des nôtres et tu le sais. Comme tu sais que cette soumission sera publique.

Mary reposa son verre et se rapprocha plus d'Hayden, effleurant sa jour du bout de son doigt avant de reposer son bras le long de son propre corps.

Quant au reste, tu admettras que je suis plus que conciliante au vu des circonstances. Je suis prête à revoir mon offre et à ce que notre nuit reste privée et à ce que la meute n'en ait pas vent. Cela te satisfait-il davantage, Ulfric ? Ainsi, ta chère future épouse et ton beau mariage sera sain et sauf.

La discussion était tout sauf facile. Mary devait admettre qu’il avait du cran. Mais s’il pensait la duper aussi facilement, il se mettait la griffe dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Elle voyait parfaitement le doute qui l’habitait. Il sentait cette odeur si particulière de celui qui hésite, qui dissimule au plus profond de lui ses interrogations. Et c’était naturel d’en avoir. Tuer son père, risquer de perdre sa compagne, devenir chef alors qu’on ne le désirait pas vraiment. Il y avait de quoi douter, franchement. Mary était cruelle mais il lui arrivait à faire preuve de compassion. Hayden devait tout apprendre. Mais pour cela, il avait besoin d’elle. Mary avait une expérience du pouvoir qu’il ne possédait pas et il le savait pertinemment. La louve avait lutté pour conserver son pouvoir. Après la mort de Nathanaël, elle aurait pu être destituée mais il n’en avait rien été. Pourquoi ? Elle s’était battue pour conserver sa place. C’était l’Ulfric qui lui avait appris à diriger une Meute. Et elle ne savait rien faire d’autre. Mais elle avait toujours fait preuve de courage et de détermination. Contrairement à Hayden. On ne pouvait nier qu’il avait fallu une bonne dose de courage pour défier son père et le tuer. Mais qu’il était décevant de se rendre compte qu’Hayden ne prenait pas réellement son rôle de chef à cœur. Il le prenait parce qu’il fallait le prendre. Et Mary ne s’y trompait pas. Les modifications qu’il proposerait, notamment vis-à-vis du statut Ulfric/Lupa ou de la place d’Isadora était dicté uniquement par son intérêt personnel, nullement celui de la Meute. Mary avait bien des défauts mais jamais elle ne faisait passer son intérêt avant celui des siens. Il y avait bien eu des règlements de compte avec des membres de la Meute mais cela avait toujours permis à Mary d’affirmer son pouvoir sur les loups et de renforcer donc le groupe. Elle continuait d’observer Hayden, analysant chaque geste, chaque expression de son visage. Elle savait que ses pulsions étaient les mêmes que chaque loup. Même s’il aimait Isadora, ce qui ne faisait aucun doute, une des pulsions les plus fondamentales chez les lycans était l’union entre le mâle et la femelle dominante. C’était inscrit dans leurs gènes depuis des générations. Mais Hayden était fidèle, Mary ne le savait que trop bien. Elle était animée du désir le plus primitif qui soit et elle l’assumait pleinement. Voir Hayden se débattre avec ses principes l’amusait beaucoup. Elle évoqua les postes des exécuteurs et cela sembla soulager l’Ulfric. Mary appréciait ses paroles concernant les changeurs.

Oui, je pense que conserver les représentants des deux sexes ainsi que des deux anciens clans parmi les exécuteurs n’est pas mal. Nous devons donc convoquer les loups. Le choix des exécuteurs nous revient. Concernant l’Alliance, je suis ravie de t’entendre dire cela. J’ignorai quelle était ta position concernant les métas. Roxane nous a beaucoup soutenus pendant la crise que nous avons traversée. Mais quand tu parles d’une union plus formelle, à quoi penses-tu exactement ?

Oui, ces paroles l’intriguaient, qu’avait donc en tête Hayden à ce sujet ? Les changements n’étaient pas un mal, loin de là mais Mary n’était pas prête à tout accepter. En avait-elle seulement le choix ? Hayden était l’Ulfric et elle savait que c’était lui qui détenait l’autorité. Mais selon la coutume, le couple dominant composait l’un avec l’autre. La Lupa avait son mot à dire dans les décisions importantes. A quoi cela rimait-il si Hayden prenait ses décisions et faisait semblant de venir la consulter ? Il ressemblait beaucoup plus à son père qu’il ne le pensait en cet instant. Il commença à parler, évoquant les modifications qu’il désirait voir réaliser. On voyait bien qu’il n’avait guère l’habitude de parler en public et d’être dépositaire du pouvoir suprême. Ce n’était pas un mal. Mary continuait de l’observer, de le jauger. Il fallait qu’il s’habitue à cela car pendant toute la première partie de son règne, les loups l’observeraient, le jugeraient. Et s’il faisait preuve de faiblesse, il ne tarderait pas à se faire détrôner à son tour. Les paroles d’Hayden eurent le don de mettre Mary de mauvaise humeur. Furieuse même était le meilleur terme. Il confortait Isadora et la mettait en défaut. C’était parfaitement indigne de la part d’un Ulfric. Il lui parlait d’intérêt de la Meute pour décider ensuite de conforter sa louve dans le groupe. Ce n’était pas privilégier ses intérêts personnels, ça ? L’injustice flagrante de cette décision faisait gronder la louve et elle ne se retenait qu’à grand peine de lui sauter à la gorge. Pendant une fraction de seconde, Mary eut l’impression fugace que Hayden allait s’avancer vers elle, peut-être en geste de consolation. Mais il n’en fit rien et se contenta de lui lancer le même type de regard noir qu’elle-même avait.

Je ne te considère pas comme un abruti ambitieux, Hayden, tu le sais bien. Tu as fait preuve d’une grande loyauté envers la Meute et envers moi pendant de longues années. Mais l’amour rend stupide, c’est une vérité. Et l’amour envers Isadora t’aveugle. Que l’on change des choses dans la structure de la Meute, je suis loin d’être contre. Mais conforter une rebelle qui a défié la Lupa en place, c’est privilégié ses sentiments personnels contre l’intérêt commun. Quant à tes accusations, sache que lorsque j’ai appris la trahison de l’Ulfric, le mal était déjà fait. Tu penses réellement qu’une louve peut défier physiquement un mâle dominant ? D’autant que l’information m’est venue par l’intermédiaire des vampires et tu comprendras bien que j’ai interprété cela comme une volonté de nous déstabiliser. Je n’aimais pas ton père, tu le sais, mais j’étais prête à ce qu’il reste en place si la Meute pouvait être forte. C’est ça, être un chef. Je ne nie pas mes responsabilités dans cette guerre. Mais je les assume. Alors tâche d’en faire autant car c’est ce que l’on attend de toi. Tu n’as pas voulu obtenir ce titre ? Il te pèse ? Libère-t’en si cela t’es aussi douloureux. Tu as fait ton devoir de Bolverk envers la Meute, tu l’as libéré d’un traître. Tu peux t’en retourner auprès de ta louve et vivre heureux, en laissant à un autre la possibilité de la diriger. Je n’ai jamais fait défaut aux miens, ce n’est pas maintenant que je le ferai.

Mary accepte le verre qui permettra, peut-être, de faire baisser la pression entre eux. Elle boit une gorgée, liquide ambré qui lui brûle la trachée. Elle se rapproche de Hayden, l’attraction physique et le besoin de contact se faisant plus fort. Un besoin que ressentent tous les loups appartenant à une même Meute. Naturellement, Mary aimerait beaucoup plus. Il y a certes l’attrait de faire taire sa rivale. Mais si tout cela demeure secret, elle n’en tirera aucun avantage vis-à-vis d’Isadora puisque cette dernière ne sera pas au courant. Elle ressent ce besoin. Qui apaisera par là même la tension qui est née entre eux. Et qui lui permettra de sentir l’union qui les rapproche. Mais Hayden semble déterminé et Mary sait que sa place est encore incertaine. Evidemment, elle n’est pas assez folle pour lui forcer la main. Mais elle maîtrise parfaitement l’art de la parole, acquise de haute lutte en politique. Et la séduction et le charme ne lui sont pas étrangers non plus. Le regard d’Hayden ne se radoucit pas et ses paroles sont aussi dures qu’au début. Mary sourit et répond lentement :

Je dois être franche avec toi, Hayden, tu as raison. Si je désire cette union, ce n’est pas pour la Meute, c’est pour moi. Je ressens ce besoin, comme tu le ressens aussi. Si cela reste un secret entre nous, comment veux-tu que j’en tire avantage sur Isadora ? Elle ne sera pas au courant de ma bouche, tu as ma parole. Et ne nie pas le fait que ton instinct te le commande également. Mais, Hayden, si tu étudies bien cette proposition qui, je te l’accorde, est motivée par un intérêt personnel, tu comprendras que l’équilibre de la Meute n’est nullement menacé, surtout si cela reste secret. Alors qu’Isadora, elle, sera confirmée dans la Meute de façon publique, aux yeux de tous. Qu’est-ce qui risque de menacer l’équilibre du groupe, à ton avis ? Quant à la soumission d’Isadora, ravie que tu me l’accordes. Je souhaite faire un geste de bonne foi envers toi. Je m’engage à considérer Isadora comme une louve à part entière et à faire table rase du passé. A la condition qu’elle en fasse de même de son côté. Je ne conteste pas ses qualités, seulement son comportement à mon égard. Cela te convient-il ?

Elle se rapprocha une nouvelle fois, leurs deux corps très proches, bien qu’aucun contact physique n’ait encore lieu. Rapprochant son visage de celui du loup, elle murmura :

Es-tu prêt à garder un secret, Hayden ?

La rencontre partait un peu en sucette. Et pas dans le bon sens du terme. La tension devenait palpable entre eux et menaçait d’éclater, ce qui n’était guère dans les intérêts de Mary. Elle estimait sincèrement Hayden qui avait rempli son rôle pendant des années dans la Meute. Et elle ne désirait nullement commencer leur collaboration par une prise de bec en règle. Mais elle devait reconnaître qu’Hayden lui faisait une bonne impression. Son tempérament, bien loin de celui de son père, était à la fois ferme et ouvert. La discussion était possible avec lui, contrairement à Jonathan. Jusqu’à un certain point au-delà duquel toute négociation devenait purement et simplement inenvisageable. De leur entente dépendait l’avenir de la Meute et Mary était bien décidée à ce que cela fonctionne sans pour autant s’écraser, ce qui n’était absolument pas dans son caractère. La pulsion qui la poussait à s’unir à lui était bien cela : une pulsion. Une fois celle-ci assouvie, Hayden ne serait plus « que » l’Ulfric, un partenaire de pouvoir. Pourquoi pas un allié ? Seul le temps pourrait le dire. Mais Mary continuait de l’évaluer, de le jauger pour déterminer si cela en valait la peine. Et pour le moment, la réponse était plutôt positive le concernant. Oui, sa résistance l’honorait. Et surtout, les propositions concernant les métamorphes l’émoustillaient car elle-même en avait rêvé il y a quelques temps mais Jonathan ne l’aurait jamais toléré. Elle avait gardé cette idée pour elle et à présent, c’était Hayden qui l’évoquait. Elle en fut davantage émue qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Mais bien sûr, elle était la Lupa. Elle se reprit quasiment immédiatement. Mary avait également conscience que Hayden tentait d’abattre ses cartes pour la mettre en difficulté mais que le temps jouait pour elle. Au fur et à mesure, il aurait de moins en moins d’arguments et la Lupa finirait par avoir l’avantage. Mais cet entretien ne devait pas se terminer en bataille rangée, telle n’était pas son intention. Ils avaient des bases communes, bien plus que Mary avait pu en avoir avec son père. Cela la rassurait. Le partage du pouvoir avait été assez conflictuel avec Jonathan et le fait de retrouver une forme de quiétude avec l’Ulfric n’était pas pour lui déplaire, tant que ses prérogatives n’étaient pas diminuées. Les gestes et les paroles de rapprochement que prononça Hayden concernant les exécuteurs et le fait qu’ils devraient se mettre d’accord ensemble la toucha également, aussi étrange que cela lui paraisse.

Très bien, j’organiserai cela de mon côté pour les louves. Je te propose qu’on se revoit à la fin de la semaine pour prendre une décision. Je suis sensible à ta volonté de transparence entre nous et tâcherais de m’y conformer également. Un petit point que nous devons évoquer… Isadora doit-elle être convoquée ?

La question méritait d’être posée. Surtout si la Lupa devait enterrer la hache de guerre avec l’ancienne exécutrice, elle se devait de savoir comment se comporter vis-à-vis d’elle. Hayden enchaîna sur le sujet métamorphe et son idée provoqua l’assentiment de Mary qui hocha la tête.

Je suis tout à fait d’accord avec toi concernant la séparation des deux groupes. Nous devons avoir comme interlocuteur privilégié Camille qui est toujours leur leader. Je l’ai prévenu de ta nomination et je pense qu’il serait judicieux d’aller le rencontrer ensemble. De plus, cela le rassurerait beaucoup concernant tes intentions à leur égard. Quant à intégrer certains métamorphes, tu connais les liens qui m’unissent à Roxane et je n’en serai qu’encore plus ravie. A voir si cela est possible. Il faudra à mon avis faire une annonce dans une réunion regroupant lycans et métamorphes. Sur la base du volontariat uniquement, évidemment. Mais il est important de bien le préciser. Et d’expliquer que nous ne sommes nullement en train d’assimiler les métamorphes et de détruire leur regroupement car tu peux être sûr que certains changeurs vont interpréter cela comme une volonté de notre part de déstabiliser leur structure déjà fragile pour garder un pouvoir sur eux. Quant aux nôtres, il faudra clairement leur expliquer que la Meute se veut plus ouverte, sans pour autant renier ses valeurs.

Mary avait l’habitude de défendre des projets contre les siens. L’Alliance, c’était elle qui l’avait forgé et bon nombre d’individus y étaient encore parfaitement hostiles. Elle connaissait bien les membres de la Meute et jusqu’où ils pourraient aller. Encore une fois, Hayden avait besoin d’elle et de son savoir. Il était primordial de ne pas déstabiliser davantage la Meute et l’Alliance. Par l’intermédiaire de leurs deux chefs, le regroupement devait se renforcer, surtout après les attentats et le changement d’Ulfric. L’explication de Mary concernant des vampires qui l’auraient prévenu de la traîtrise de Jonathan eut l’effet attendu. Hayden explosa de colère, sans doute la voyait-il déjà comme une traîtresse. Cela eut le don d’exaspérer Mary. Il la prenait pour une traîtresse ?! Après tout ce qu’elle avait donné aux siens ? Oui, elle était cruelle. Oui, elle était parfois égoïste. Mais jamais quand l’avenir de la Meute se trouvait compromis. Nul ne pouvait lui reprocher cela. Elle affronta sans broncher la fureur de l’Ulfric. Il ignorait tout et se permettait de s’emporter sans savoir. Erreur de débutant. Erreur d’un exécuteur qui tentait de tirer les vers du nez à un ennemi de la Meute. A présent qu’il était Ulfric, il ne devait plus se comporter de la sorte. Mais ce n’était pas à elle de lui donner des leçons, il apprendrait bien assez vite… Elle reprit la parole avec un ton assuré :

Tu veux toute l’histoire ? Parfait. La veille de l’anniversaire des jumeaux, j’étais à la Lune Bleue. Un homme est venu me voir. Un humain. Torben Badenov. Oui, c’est un nom que tu connais. Mon premier réflexe fut naturellement de lui sauter à la gorge. Mais il venait pour me prévenir, me dit-il. Pour me faire des révélations. Tu connais un peu le parcours de cet homme, tu sais qu’il travaille avec la traînée vampirique. Alors, je pense que tu me comprendras lorsque je me suis dit que tout ce qui sortirait de sa bouche n’était que calomnies, mensonges et tentative de division de la Meute. Je l’ai cependant écouté. Il m’a alors expliqué que ton père avait pactisé avec les vampires. La fin de la discussion a été un peu plus brutale et il est parti. Tu sais tout. Après cela, j’ai passé une nuit plus qu’agitée. Devais-je agir ? Démasquer le traître ? Sans aucune preuve que la parole du larbin de la Reine ? Qui a admis devant moi qu’il préférait me voir diriger la Meute plutôt que Jonathan, avide de pouvoir et sanguinaire ? Ne cherchait-il pas à me manipuler ? Devais-je le dire à quelqu’un ? Et si oui, à qui ? J’ai voulu t’en parler lorsque nous nous sommes retrouvés à l’anniversaire des jumeaux. Et la suite, tu la connais mieux que quiconque. Ose me dire que je suis fautive ! VAS-Y !!

Les derniers mots avaient été jeté comme une provocation. Mary était frémissante de colère. Non, elle ne trahirait jamais les siens. Non, elle n’avait pas trahi. Non, elle n’avait pas pensé une seule seconde à elle là dedans, encore une fois. Elle se radoucit pendant un moment. Hayden était un loup intelligent. Et Mary était sincère, il le sentirait évidemment. Elle n’avait rien à cacher et elle lui avait dit la vérité. Qu’il en fasse ce qu’il en veut. Elle s’était rapprochée de lui et lui adressa un sourire apaisé, en signe de paix.

Tu peux me faire confiance pour tout ce qui a trait à la Meute, Hayden, je peux te le promettre. Toutes ces années, j’ai certes fait preuve d’égoïsme et, je veux bien le reconnaître, de cruauté envers Isadora et d’autres. Mais j’ai porté la Meute et défendu ses intérêts.

Hayden répondit à ses avances en étant catégorique. Mary haussa les épaules, frustrée certes, mais philosophe. Elle avait de nombreux mâles à sa disposition. Elle passa un doigt sur la poitrine du jeune homme.

Bien dommage… Tu ne sais pas ce que tu perds. Si tu changes d’avis, en tout cas, tu sais où me trouver. Concernant Isadora, c’est noté. Je vais lui demander de venir me voir, qu’en penses-tu ? Cela peut-être un bon début de se voir toutes les deux et de remettre les choses à plat.

Mary était loin de mépriser Hayden. Mais elle le considérait, à raison, comme un novice. Ses opinions étaient dictées par ses sentiments, il ne prenait guère le temps de les mettre de côté. Cela viendrait certainement avec le temps. Mary ne tenait pas spécialement à se le mettre à dos dès le début de son règne. Ils seraient amenés à cohabiter durant des années, autant partir du bon pied. Mais Hayden avait mis à mal son autorité en ne la prenant pas comme femelle. En faisant cela, il devait s’attendre à ce que la louve ne soit pas encline à tout renier pour ses beaux yeux. Mary était loin d’être une enfant de chœur. Et elle ne tenait pas non plus à sous-estimer Hayden qui pouvait être un adversaire formidable. Sept années de lutte et de pouvoir avait structurées la jeune femme, l’avait forgé telle la lame d’une épée. Elle ne laisserait pas faire ainsi bien que la politique et ses méandres lui aient appris la manipulation, le louvoiement et la négociation. La négociation, on était en plein dedans. Le besoin était présent des deux côtés. Les meilleures négociations se font dans ces conditions. Il avait besoin d’elle, de son ascension sur une partie de la meute, elle avait besoin de son adoubement pour conserver son pouvoir. La question était à présent le prix à mettre sur la table. Naturellement, l’échange n’était pas sur un pied d’égalité, Mary toute louve qu’elle était, n’était « que » la Lupa. L’Ulfric était plus puissant qu’elle. Mais cela faisait des années qu’elle avait pris les rênes seule. Observant toujours le loup, Mary ne pouvait nier la pulsion présente en elle. C’était parfaitement contre-nature de ne pas s’unir au mâle alpha de la Meute. Hayden devait forcément le sentir. Ne pas s’être unie avec lui représentait une grave offense mais visiblement, le chamboulement dans les règles des lycans était loin d’être terminé. L’évocation de l’exécuteur et de l’exécutrice était un sujet qui vint rapidement sur le tapis. Mary haussa les épaules à l’évocation d’Isadora.

Qu’elle vienne, cela m’importe peu. Si tu dis qu’elle doit rester dans la Meute, soit. Elle a donc sa place dans cette réunion. Je ferai au plus vite pour convoquer les louves. Concernant le lien entre exécuteur et exécutrice, je t’avoue qu’il m’indiffère. Qu’ils forment un couple à la ville ou non, cela les regarde.

Camille et les changeurs furent également au cœur des préoccupations de Mary. Elle hocha la tête à la réponse d’Hayden.

J’évoquerais notre cas ainsi que celui des changeurs durant la réunion avec les louves. Quant à Camille, tu le juges bien durement. Il a été un allié depuis toutes ces années. Je lui fais confiance.

L’Alliance était une nécessité. Surtout avec les semi-démons et les vampires. Ils se devaient d’être forts. Et cela supposait des alliés. Mary n’était peut-être pas objective au vu de ses liens avec Roxane. Mais elle estimait que ce lien était à protéger. La Lupa n’était pas non plus naïve, elle percevait la faille des changeurs. Leur incapacité à s’organiser en groupe structuré était leur plus grande faiblesse. Vouloir y remédier n’était pas un mal, au contraire. Des métamorphes plus forts ne seraient que davantage profitables à tous, lycans compris. La jeune femme avait abattu ses cartes, exposant son entrevue avec Torben. Elle affronta la colère de l’Ulfric avec une pointe de morgue. Qui était-il pour juger ? Et surtout pour aussi mal juger. Cela commençait bien comme règne ! N’ayant nullement l’intention de se faire condamner pour un crime qu’elle n’avait pas commis, elle releva la tête, s’opposant aux paroles du mâle.

Fautive ?! Je n’ai eu cette entrevue qu’à peine quelques jours avant l’anniversaire des jumeaux. Et quand j’ai voulu t’en parler à la soirée, tu sais pertinemment ce qui a arrêté notre conversation, ton propre père. Nous avons fait silence et il m’a ensuite été impossible de te parler, à toi comme à Isadora ! Ne me condamne pas pour un crime que je n’ai pas commis ! J’avais toute confiance dans mes exécuteurs. Tu veux tout savoir ? Très bien. J’en conclue que tu me diras tout ? Et toi, as-tu des squelettes dans ton placard, Noble Ulfric ?

La colère faisait vibrer sa voix, ressemblant presque au grondement du loup. Une pointe de désir continuait de la tarauder. Le reste des paroles d’Hayden la fit sourire.

Gagner ta confiance ? Parce que tu crois vraiment que je vais ramper comme un louveteau pour quémander ? Tu me la donneras lorsque tu le souhaiteras, c’est tout. Il n’y a rien à gagner. Et si tu ne me fais pas confiance, tant pis pour toi mais le couple dominant n’en sera que fragilisé. Il est si facile de critiquer ses dirigeants quand on a pas le pouvoir. Nous allons bien voir ce que tu en fais. Je n’ai absolument rien à me reprocher.