L’heure était aux règlements de compte. L’alliance Métamorphes et Lycans menaçait de s’effondrer et Mary faisait tout ce qui était en son pouvoir pour la stabiliser, avec l’aide de Camille naturellement. La tentative d’assassinat était toute récente et c’était peu dire que la Lupa avait taillé dans le vif du sujet concernant la loyauté qu’on devait à sa meute. Sa colère la suivait telle une ombre et frappait sans crier gare. Mary en avait vécu des moments difficiles. Elle s’en était toujours sortie. Grâce à sa cruauté, sa fougue et son autorité naturelle. Son emprise sur la meute n’avait jamais été aussi forte, même si elle la partageait avec Jonathan. Les traitres avaient été châtiés. Et cruellement. Mary y avait veillé et elle faisait parfaitement confiance aux exécuteurs de la meute pour remplir leur office. Briser des os, arracher des ongles et provoquer des hurlements de douleur relevaient totalement de leur domaine de compétence. Mary avait été ravie de ce qu’ils avaient faits mais ils n’avaient pas eu autant d’informations que cela. Du moins, depuis la dernière fois qu’elle les avait vus. Ils devaient être en train d’interroger un lycan traitre en ce moment même. Elle ignorait encore la teneur des révélations que possédaient ses deux exécuteurs. Mais elle ne doutait pas de leur réussite. Mary était restée si longtemps au pouvoir parce qu’elle avait de l’intuition, du flair, une capacité à se tirer de n’importe quelle situation. Naturellement, il lui était arrivée de se tromper, et pas qu’une fois, mais elle avait toujours réussi à retourner la situation à son avantage. Autant que faire se pouvait. Lorsque la Lupa n’était pas avec sa meute, son repaire favori était la Lune Bleue, la boîte qu’elle possédait et qu’elle gérait de main de maître. L’ambiance était toujours électrique dans cet endroit, mais Mary s’y sentait comme chez elle. Elle n’hésitait pas à se fondre dans la masse des danseurs pour y côtoyer humains et lycans. Cette fascination qu’avaient les humains pour les loups s’était certes amenuisé avec les Années Sanglantes mais ne s’était pas tarie, loin de là.

Mais les temps étaient plus durs qu’auparavant. Mary avait eu plus de mal à trouver des filles pour danser voire plus. Elle avait fini par y arriver mais elle avait dû proposer des salaires plus qu’attractifs et elle devrait donc mathématiquement rentrer dans ses frais. Cette soirée était comme les autres depuis la réouverture de la boîte. Une ambiance certes animée mais qui l’établissement avait connu des jours meilleurs. Mary se trouvait pour l’heure non loin du bar, aidant sa jeune recrue à se familiariser avec les commandes des clients. Elle observait les alentours, toujours méfiante, toujours aux aguets. Sait-on jamais. Mais aucune personne normalement constituée n’oserait tenter quelque chose contre la Lupa en plein territoire lycan.

Mary abandonna finalement sa recrue qui ne s’en sortait pas si mal. Elle avait deux trois choses à régler question paperasse et surtout, elle tenait beaucoup à savoir ce que Isadora avait pu obtenir comme aveu du traitre. Se dirigeant d’un pas assuré vers son bureau, Mary sent soudain que quelque chose ne va pas. Elle respire à fond et cette odeur est comme une gifle pour elle. Elle la reconnaîtrait entre milles. Une colère noire se saisit d’elle. Elle avance et finit par atteindre son bureau. Les yeux lançant des éclairs, elle dévisage l’homme qui se trouve assis dans son fauteuil. Sa voix froide rompt le silence qui s’est établi entre eux pendant quelques instants.

Tu as cinq secondes pour me dire ce que tu fais là et pour me donner une bonne raison de ne pas te dépecer vivant.

Et il savait pertinemment que ce n’étaient pas des paroles en l’air…

Dès la seconde où elle a senti cette odeur, une foule de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres engloutit la louve. La colère, le désir, la rancœur, la violence, la curiosité. Elle hésitait entre découvrir la raison de sa présence ici –car il y en avait forcément une- et la tentation de lui sauter à la gorge pour lui ouvrir la carotide. Mais Mary n’était pas stupide, loin de là. Elle connaissait bien Torben. Elle savait qu’il ne se serait pas jeté dans la gueule du loup sans renfort. Il devait avoir une bonne amie à l’extérieur et quelques armes bien dissimulés sous son manteau. Non pas qu’elle ait peur de lui, ça non. Mais elle préférait l’attaquer lorsqu’elle avait le plus de chances de réussite. Ce qui n’était pas spécialement le cas. Elle se souvenait parfaitement bien de la dernière fois qu’il était venu ici. Il avait apporté la mort, le carnage et la désolation. Un brasier s’enflamma dans son cœur rien qu’à l’évocation de cela. Des centaines de frères et de sœurs avaient perdu la vie sous les crocs des suçeurs de sang. Mary n’oubliait rien et gardait une rancune tenace des outrages qu’elle avait subis. Torben avait sans conteste un large crédit en la matière. Elle dévisage l’homme, son regard semblant vouloir le traverser de part en part. Il a changé, bien sûr, en sept années. Ce n’est pas un vampire, le temps garde son empreinte sur lui et de nombreuses rides qu’elle ne lui connaissait pas avant se dessinent à présent sur sa peau. Mary se souvient également de leurs étreintes passionnées. Ils se sont bien amusés, c’est sûr. Torben était un des meilleurs amants qu’elle ait eu et ce n’était pas peu dire. Mais à l’heure d’aujourd’hui, elle ne l’aurait admis pour rien au monde. Cette relation lui a déjà coûté bien trop cher. L’homme ne sort pas d’armes mais se lève et vient se planter devant elle, à quelques millimètres de la louve.

Cette proximité hérisse littéralement Mary. Pour un peu, on verrait presque dans son rictus, un loup retroussant les babines pour montrer les crocs. Elle connait bien le bougre. Cette provocation n’a pour seul but que de lui montrer qu’il ne la craint pas. Et après ? Elle le sait, tout comme il sait qu’elle n’a pas peur de lui non plus. Pas besoin de rouler des mécaniques pour affirmer ce genre de choses. Mary se contente alors de plonger ses yeux dans ceux de l’intrus, ne bougeant pas d’un millimètre, le défiant du regard. La remarque de Torben l’agace encore plus. Prendre de ses nouvelles ? Non, mais pour qui il la prend ?!

Tu veux bien m’épargner ces conn**ies ?! Depuis quand tu prends de mes nouvelles ? Si tu es là pour quelque chose de précis, crache le morceau et casse toi.

Evidemment, Torben savait certaines choses concernant la Meute et les récents événements. Jusqu’à quel point ? Elle ne pouvait le deviner et elle ne poserait certainement pas la question. Tiens, tiens, l’Ulfric, hum ? Ainsi donc, il était venu pour ça. Mais pour quoi exactement ? Mary croisa les bras, continuant de dévisager l’humain, à quelques millimètres de son visage.

Tu es donc venu pour obtenir des détails de mes exploits sexuels avec ton remplaçant ? Très bien. Que veux-tu savoir ? Les différentes positions qu’on a essayées ? La longueur de son instrument ? Ou bien la durée qu’il tient au lit par rapport à toi ? Je dois dire qu’à tout point de vue, je suis gagnante.

Mais Mary était tout de même curieuse. Que voulait-il ?

Comment cette rencontre allait-elle s'achever ? Mary aurait été bien incapable de le dire. Elle ne comprenait pas pour le moment le but que poursuivait Torben. Mais la méfiance était de mise avec lui. Sa proximité lui rappelait immanquablement les moments intimes qu'ils avaient partagé il y a de cela si longtemps que cela semble une autre époque. Cette tension est toujours palpable, tenace entre eux alors même que Mary n'a qu'une envie, celle de lui trancher la gorge et de le regarder se vider de son sang. Ils se ressemblent plus qu'ils ne veulent bien l'admettre. Mary sent tous ses muscles se contracter, prête à répliquer au moindre geste de menace directe. Mais la simple présence du toutou de la Reine est une menace. La Lupa découvre ses dents en une mimique lupine de défi et de haine. Son regard reste figé dans celui de l'humain, guettant un mouvement, un geste qui donnerait le signe de la curée. Le regard de Torben reste accroché au sien, en guise de défi. La gestuelle est très importante dans le monde des loups. Deux mâles vont s'affronter du regard avant de se jeter l'un sur l'autre. Le premier qui cille montre sa faiblesse. A ce jeu-là, Mary ne perd jamais. Elle ne détourne donc pas les yeux et continue de fixer Torben qui est à présent si près qu'elle sent son souffle sur sa peau. Il se décide finalement à aller à l'essentiel.

Je t'écoute.

Elle se contenta de contempler l'homme qui n'était plus qu'une marionnette, ne possédant plus de volonté propre que celle que sa Reine lui insufflait. Elle méprisait cela cordialement. A l'époque où elle l'avait connu et fréquenté, Torben était un soldat, un homme torturé certes, mais qui décidait encore de ses actes dans une certaine mesure. Il avait bien changé à ce niveau-là. Abandonner sa liberté à un autre, voilà un concept que la Lupa ne pouvait comprendre. Il avait évoqué l'Ulfric et Mary fronça les sourcils. Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Elle n'aimait pas ça, mais alors pas du tout. Il savait des choses qu'elle ignorait. Autant dire qu'il était en position de force et cela ne disait rien qui vaille à Mary. Les paroles de Torben la firent sourire. La prenait-il pour une louve sujette à des crises de névrose poussées ? Elle éclata de rire et répondit :

Moi ? En recherche d'équilibre psychique ? Rappelle-moi qui est le servant d'une Reine tyrannique ? Quant à tes expériences, crois bien que j'en suis ravie pour toi si cela t'a permis de faire des progrès dans le domaine. La plus femme du monde ? On ne couche pas avec son chien de compagnie à ce que je sache.

Torben se pencha soudain vers elle jusqu'à amener ses lèvres contre son oreille. Son corps était quasiment collé au sien et un long frisson parcourut le corps de la Lupa. Elle ne releva même pas l'insulte, intriguée et surprise par les paroles de Torben. Murmurant  à son tour à l'oreille de l'homme, elle répondit :

Je vois. Belle hypothèse. As-tu des preuves de ce que tu avances ? Ou ne cherches-tu, comme je le crois qu'à semer la discorde parmi les lycans ? Et même si tu avais des preuves, pourquoi viendrais-tu m'en avertir ? Par pur altruiste ? Permets-moi d'en douter. Ou alors, poursuis-tu un autre but ? Celui de t'attirer mes bonnes grâces?

Elle attrapa entre ses dents le lobe de l'oreille qu'elle mordit avant de le relâcher, plongeant son regard dans celui si proche de Torben. La tension était palpable entre eux.  

La présence même de cet humain la crispe mais la curiosité est bien plus forte. Elle sait qu'il peut lui mentir, qu'il est aussi manipulateur qu'elle. Elle n'est pas naïve, loin de là. Si elle est restée Lupa pendant si longtemps, c'est qu'elle est capable de jauger ses adversaires et de rester sur ses gardes. Torben avait été son amant mais cela semblait être dans une autre vie. La tension avait toujours existé entre eux mais là, elle atteignait son paroxysme. La louve ne pouvait s'empêcher de repenser aux cadavres des siens gisant dans la Lune Bleue. Elle se hérissait de fureur à ce souvenir. Tout en Torben n'était que bassesse et faux-semblants. Et s'il y avait bien une chose qu'elle n'admettait pas, c'était de servir de jouet à quelqu'un, qui plus est au larbin de la Reine. Elle savait évidemment que l'homme ne serait pas venu ici de son propre chef. Il agissait sur ordre. Quel but poursuivait Krystel ? Une chose était certaine. Elle n'agissait pas dans l'intérêt des loups et ne comptait nullement faire la paix. Mary le savait. Depuis les attentats, l'union entre métamorphes et lycans était plus que précaire et un rien pouvait la faire vaciller. Ce serait d'ailleurs dans l'intérêt des vampires de détruire pareil lien. Mary avait naturellement pensé que les vampires pouvaient tirer les ficelles des événements récents, ayant corrompus les changeurs et les loups pour qu'ils fassent le sale travail à leur place. Les deux ennemis ne se lâchaient pas du regard et l'assurance exaspérante de l'humain ne faisait qu'agacer davantage la louve. Elle savait qu'il était capable de tout. Mais elle n'en avait que faire. Les paroles pleines d'ironie de Mary montrent clairement le peu de patience qu'elle possède en réserve. S'il veut lui dire quelque chose, il a intérêt à le faire vite. Le sourire carnassier de Torben amuse la louve. Il espère lui faire peur peut-être ? Ce serait la meilleure !

Ta vie sentimentale et personnelle est parfaitement passionnante mais j'ai beaucoup de choses à faire, vois-tu ? Alors si tu venais à l'essentiel?

Oh oui, l'essentiel. Il allait y venir. Et il lança sa bombe d'un air anodin. Mary ne lui fit pas le plaisir d'afficher sa surprise. Elle savait qu'il tentait de la manipuler et elle ferait tout pour que ses plans échouent. Mais disait-il la vérité concernant la traîtrise de l'Ulfric ? La Meute était-elle en danger ? Elle ne portait pas Jonathan dans son cœur, surtout depuis ces derniers temps où il la mettait clairement à l'écart. Mais cette distance cachait-elle réellement autre chose ? Mary resta donc stoïque, bien décidée à ne pas donner satisfaction à Torben. Elle rapprocha son visage, attrapant son oreille qu'elle mordit sans ménagement. La raison parfaitement bidon qu'il lui donna la fit sourire. Il la prenait vraiment pour une idiote...

Prévenir une ancienne maîtresse, voyez vous ça ! Arrête, tu vas finir par me faire verser une larme.

Très bien, il voulait jouer au con, ils allaient jouer. Torben se rapproche et ses mains effleurent à peine les bras de la louve puis ses hanches. Mary reste de marbre, son regard toujours fixé dans celui de l'humain. Ses paroles concernant l'implication des membres de la meute d'Angleterre sont parfaitement justes en tout cas. Elle ne montre toujours aucune émotion. Elle rapproche une fois encore son visage jusqu'à effleurer les lèvres de Torben. Elle murmure alors :

Je suis très touchée par ton attention à mon égard. J'ignorai que les vampires étaient à ce point attachés à la paix. Et je n'y crois pas une seule seconde, d'ailleurs. Tu sembles bien au courant des action de l'Ulfric et des membres de la meute d'Angleterre. Je peux savoir comment tu as obtenu toutes ces informations?

Puis, rapprochant son corps de celui de l'ancien militaire :

Et... C'est le seul à vouloir ma peau?

Il n'y avait pas de mot assez dur pour refléter ce que Mary pensait de Krystel et des siens. Et quoi qu'on en dise, quel qu'ait pu être le passé qui les liait et la véritable nature de Torben, il faisait immanquablement partie des siens. Il s'agissait donc d'un ennemi. Mais Mary était une femme manipulatrice et sauvage. Elle n'appréciait pas forcément tuer. Faire mourir à petit feu ou jouer avec une proie était bien plus amusant à vrai dire. La jeune femme ne se souvenait que trop bien les circonstances de leur rencontre. Oui, cela ressemblait à une autre époque. Et ça l'était véritablement. Torben n'était à l'époque qu'une loque, une épave avinée et torturée. Il était évidemment étrange qu'une Lupa s'abaisse à coucher avec pareil humain. Mais Mary était en proie à ses hormones et, tout déchu qu'il soit, Torben restait un homme séduisant et sans aucun doute le moins pire de tous ceux qui se trouvaient dans le bar. Ils avaient échangé quelques mots et la Lupa lui avait clairement du rentre-dedans, sans aucun ménagement. L'homme n'avait pas cherché plus loin et ils s'étaient retrouvés à finir la soirée dans un hôtel. Une nuit torride et bestiale comme Mary les aimait. Mais, contrairement à bon nombre de ses conquêtes d'un soir, ils s'étaient revus par la suite. La louve appréciait les qualités d'amant de l'humain et ils semblaient avoir plus de points communs qu'ils ne voulaient bien l'admettre. Torben n'était qu'un amusement pour la chef de meute, une distraction rien de plus. Mais doué. L'amusement avait commencé à sérieusement dégénéré lorsque l'homme, ivre comme souvent, lui avait intimé l'ordre de partir de chez lui. Furieuse, elle l'avait giflé avant de disparaître. Ils ne s'étaient plus revus jusqu'à ce que Torben, visiblement guéri de son addiction, était venu obtenir un emploi à la Lune Bleue comme chargé de la sécurité. Avec les conséquences funestes qu'on connaissait.

Cette rencontre est un combat, un affrontement, même si aucune goutte de sang n'est pour le moment versée. Elle sait que Torben a un coup d'avance sur elle mais il ne devrait pas faire l'erreur de la sous-estimer, loin de là. Pourquoi a-t-elle la désagréable impression qu'il tire les ficelles dans l'ombre. Ou plutôt que la Reine tire les ficelles dans l'ombre par l'intermédiaire de son serviteur. Elle lui annonça naturellement, comme il devait s'en douter s'il n'était pas particulièrement stupide, qu'elle ne croyait pas du tout à ses excuses. Mary sait jouer avec les hommes, elle en a une expérience consommée. C'est presque une habitude. Une seconde nature. Elle ne quitte pas Torben des yeux, murmurant à son oreille après l'avoir mordu. Elle le provoque, il le sait et il aime cela. Comme au temps jadis. Elle n'a nul regret de ce qu'elle a pu partager avec lui. Le seul regret qui la travaille est que cette relation ait nui aux siens lors de cette sanglante soirée à la Lune Bleue. Elle lui fera payer, tôt ou tard. Ce n'est qu'une question de temps. En attendant, la question concernant ses intentions fit réagir Torben comme elle l'avait prévu. L'homme se penche alors rapidement sur elle, si brusquement que Mary sent sa louve bondir dans sa poitrine, prête à se défendre. Mais il emprisonne seulement ses lèvres entre les siennes en un baiser fugace mais fougueux. Mary se laisse faire, non sans plaisir avant que Torben rompe l'étreinte et ne lui murmure une fois encore à l'oreille.

Je ne peux pas dire que cela m'étonne. En revanche, je suis davantage surprise que tu viennes m'en parler avant qu'il soit couronné de succès. Pourquoi ce revirement ?

Elle sourit à la deuxième partie du discours de Torben.

Baisée, sûrement. Bien, ça reste à voir.

Torben s'écarte et fait le tour de la pièce. Mary reste immobile, ne se retournant pas vers lui mais lui accordant tout de même son attention. Les paroles de Torben semblent sensées et guidées par le but d'apaiser les tensions pouvant renaître entre vampires et lycans. Mais ce serait être bien naïve que d'y croire.

Je ne nie pas que Jonathan soit un peu... particulier. Vous sauvegarderez peut-être la paix en le mettant hors d'état de me nuire. Et ce faisant, vous privez également la Meute d'un leader. Je ne suis pas idiote, Torben. Alors, ne me fais pas l'injure de me considérer comme telle, tu pourrais bien le regretter.

Mary était bien décidée à ne pas laisser les soupçons l'envahir. La Meute devait restée unie, surtout en ce moment, surtout face aux vampires.

Si tu n'es pas plus convaincant que cela, tu peux disposer.

Leur rapprochement hérissait littéralement la louve. Lors de leur baiser, une envie farouche de lui trancher la carotide s'était emparée d'elle. Elle se maîtrisait mais, pour combien de temps ? Ses pulsions avaient toujours été puissantes et le fait de partager un baiser fiévreux avec Torben ne faisait que les attiser. Mais il était plus que révoltant de partager une intimité bien connue avec celui qui était à présent son ennemi. Et qui plus est un ennemi qui avait l'impudence de venir sur son territoire pour la provoquer et jouer avec elle. Mary n'avait guère la présomption de penser qu'elle pourrait faire changer l'humain d'allégeance. Krystel était bien trop puissante et en avait réellement fait son chien fidèle et obéissant. S'il était venu, c'était avec l'objectif évident de la manipuler et d'en faire sa marionnette dans un grand jeu d'échecs que même lui ne comprenait pas entièrement. Mais Mary ne pensait qu'à l'intérêt de la Meute. Elle devait la préserver des dissensions. Les preuves de Torben concernant la traîtrise de Jonathan étaient bien maigres. L'homme était bien sûr de lui, il la sous-estimait trop et là résidait sa plus grande faiblesse. Mary avait appris au sein de la Meute à ne jamais sous-estimer un adversaire. On pouvait avoir des surprises parfois fort déplaisantes. Le flegme de la Lupa était tout sauf sincère. Elle bouillonnait intérieurement mais elle mettait un point d'honneur à n'en rien montrer à Torben. Elle aurait préféré mourir que de lui donner satisfaction. Elle n'était au courant de rien, c'était la première fois qu'elle entendait de telles accusations formulées mais elle ne pouvait pas être totalement surprise de cela. Jonathan était un homme puissant, un loup qui ne rêvait que de pouvoirs. Quoi de plus logique qu'il cherche à dominer totalement la meute entière ? Oui mais de là à trahir sa race et à se compromettre avec les suçeurs de sang ?! Elle ne pouvait faire confiance à ces informations. Elle était résolue à mener sa propre enquête interne. Mais à n'en souffler mot à quiconque dans la Meute. Ils devaient rester unis, c'était un fait. Les siens seraient trop vulnérables sans leader. Et c'était ce que les vampires souhaitaient, pas besoin d'être grand clerc pour le deviner.

Tu souhaites le voir perdre ? Tu veux dire la Reine souhaite le voir perdre. Je suppose par pur altruisme à mon égard ?

Mary sourit mais la suite des paroles de Torben fait vite disparaître ce sourire sur ses lèvres. Il la connaît bien, il sait pertinemment que ce surnom ne peut que la provoquer. Mais la Lupa reste de marbre. Elle suit l'humain du regard alors que ce dernier fait le tour de la pièce et va s'installer dans son fauteuil. Il prend alors un papier et un crayon, écrit une liste de noms sur la feuille avant de reposer le tout. Mary se rapproche et s'assoit sur le bureau, proche de Torben, observant la feuille et les noms inscrits. Il l'assure que ce sont les seuls noms qu'il connaît. Et qu'elle devra retrouver les autres traîtres par elle-même. Mary reste immobile, contemplant la feuille avant de la plier et de la mettre dans sa poche. Bien installé dans son fauteuil, il pense peut-être qu'il peut lui dire ce qu'elle doit faire ? Elle a un sourire amusé et se rapproche lentement de Torben, ses lèvres effleurant à nouveau les siennes. Il se doute bien qu'elle n'a qu'une envie en tête. Et il a parfaitement tort. Soudain, avec une violence et une sauvagerie digne de son émotion depuis longtemps réprimée, elle attrape le stylo avec lequel il vient d'écrire et le plante férocement dans la chair de l'être haï, visant le cou.

Retourne ramper dans ton trou à rat avant que je ne te vide les tripes!!!

La colère la submerge. Sa louve tempête et est à deux doigts de jaillir.

Mary n'avait qu'une envie. Celle de le tuer. Lentement, à petits feux. De voir sa souffrance et de s'en délecter. Mais elle n'était pas idiote au point de sous-estimer son adversaire. Torben avait toujours une carte dans sa manche et penser qu'il avait été assez bête pour venir seul aurait été stupide. Mary avait parfaitement conscience que la manipulation était une seconde nature chez lui. Comme chez la Reine. Et elle ne lui faisait absolument plus confiance. Cet homme était un poison, une ordure de première qu'elle rêvait de détruire. Mais si elle avait appris une chose des Années Sanglantes, c'était que la force ne faisait pas tout. La patience, toute impulsive qu'elle était, méritait qu'on la considère. La Lupa réfléchissait intensément. Elle savait que Jonathan était une menace pour les Vampires. Mais s'il en devenait une pour la Meute ? Elle avait un devoir, celui de protéger les siens. Cela comptait bien plus que sa propre vie. Elle devait prendre la décision la plus conforme aux intérêts de la Meute. Mais y en avait-il une ? A qui pouvait-elle se confier ? A personne, elle le savait. Roxanne ne devait pas être mêlée à ça. Quant aux autres loups, la méfiance lui commandait de ne pas révéler cet élément avant d'avoir des preuves. Les exécuteurs étaient-ils au courant de cette trahison ? Elle devrait mener son enquête, et vite. Le regard de Torben est braqué sur le sien et semble las. La discussion semble le fatiguer mais la Lupa s'en fiche éperdument. S'il pense qu'elle va montrer la moindre faiblesse, il se trompe lourdement. Les paroles de l'humain font sourire ironiquement la louve. Pour qui il se prend ? Pense-t-il avoir eu un impact à ce point important dans sa vie ? Il n'est qu'un misérable ver de terre qu'elle s'empressera d'écraser dès que possible. Elle sourit avant de répondre d'une voix froide :

Tu vas me faire croire que tu es libre et autonome, épanoui et indépendant. C'est tellement beau. Tellement que je n'en crois pas un mot. Quant au reste, ne te fais pas d'illusion. Et ne me prends pas pour une idiote. Je n'ai jamais pensé une seule seconde que tu pourrais m'aimer. Et ça ne m'intéresse pas outre mesure.

Mary avait déjà une idée en tête. Elle savait que Torben devait être éliminé. Mais elle avait également conscience que ce ne serait pas le lieu ni l'heure. Sa colère était montée progressivement au cours de l'entretien. Et elle savait qu'elle ne pourrait se contrôler longtemps. Torben avait noté sur une feuille les noms des conjurés et la Lupa se contenta de prendre le papier et de le mettre dans sa poche, sans même chercher à le lire en détail. Elle ne pouvait pas faire confiance aux informations que Torben lui donnait. Mais le doute s'était insinué dans son esprit et c'était certainement ce que l'humain désirait. Elle devait décider ce qu'elle ferait de ce qu'il lui avait dit. Pour l'instant, la colère avait fini de la consumer entièrement et en un geste violent et soudain, elle planta le stylo dans l'épaule de son interlocuteur. Il avait d'excellents réflexes et leur devait le fait de ne pas avoir à présent le stylo planté dans le cou. La colère faisait vibrer tout le corps de la Lupa. Torben l'avait repoussé férocement et elle était tombée en arrière, se réceptionnant sur ses quatre membres comme un chat avant de se relever, le regard farouche. La haine lui brûlait la gorge et elle aurait ardemment désiré sentir entre ses crocs la chair de l'humain se déchirer.

Te remercier, espèce de misérable vermine ! Tu ne mérites que la mort pour ta trahison envers moi. Et je suis encore trop bonne.

Elle ressentait un plaisir, une joie sauvage à l'avoir fait sortir de ses gonds. Enfin, il n'affichait plus ce masque souriant et moqueur. Il semblait autant en colère qu'elle et elle en était ravie. Elle ne le lâchait pas des yeux, observant le stylo retombé à terre après qu'il l'eut arraché de son épaule.

Je veux que tu dégages d'ici. Tout de suite.