Allez savoir pourquoi une soudaine envie de retourner à Glasgow l’eût prise. Certes, hier, elle avait eu rendez-vous avec ce William au Crazy Fish. Un vampire. Mais elle aurait pu se contenter de ne passer qu’une seule nuit dans les environs. De jouer la carte de la sureté. Pourtant voilà qu’elle poussait la porte d’un petit hôtel deux étoiles dans le centre-ville. Brièvement, elle se demanda si d’ici elle pourrait apercevoir son appartement qui se trouvait non loin. Non pas qu’elle fut prise de nostalgie et que son studio lui manquât. Simplement elle aurait la possibilité d’observer une éventuelle en son intérieur. Essayer de savoir si oui ou non elle était toujours traquée par les forces de l’ordre. En payant l’acompte de sa chambre en cash, Maryana se rendit compte qu’elle était bientôt à court d’argent. Qu’il était temps de se remettre aux affaires et correctement. Elle savait d’ores et déjà où est ce qu’elle allait se rendre cette nuit et pratiquer son nouveau gagne-pain.
En poussant un soupir, elle ôta la perruque blonde qui recouvrait sa chevelure et retira ses lunettes de soleil. Elle haïssait se déplacer de jour et devoir faire preuve d’inventivité dans ses camouflages. L’avantage de passer de nuit était que les employés se méfiaient moins d’une femme seule et sobre et qu’elle pouvait passer inaperçu au milieu des ivrognes qui souhaitaient dormir dans les lieux d’hébergement s’ayant vu faire confisquer les clés de leurs véhicules. Elle s’assit sur son lit, prenant son appareil dans ses mains et vérifiant qu’il fonctionnait à merveille de manière consciencieuse. Elle n’avait de toute façon pas l’intention de quitter la pièce avant la nuit tombée.

Cheveux attachés en un chignon haut placé, une fois de plus la semi-démone se vêtit de noir et se maquilla de manière sombre. C’est ce qu’il fallait afin de pouvoir se mêler à la foule et pénétrer dans ce genre d’endroit de débauche immonde. Stupides humains qui se laissaient berner par plus forts qu’eux et qui étaient manipulés comme de vulgaires pantins. Ils ne lui inspiraient que du mépris, du dégoût. Mais elle n’avait d’autre choix que de les côtoyer depuis qu’ils lui permettaient de se trouver des toits provisoires et de quoi se remplir suffisamment l‘estomac. Arrivant devant les Danses Enflammées, Maryana jeta à nouveau un coup d’œil à son polaroïd, plus par réflexe que par nécessité et examina la foule par la suite. Elle répara quelques appareils numériques et lisait sur le visage des touristes des sourires excités. Certains allaient certainement voir des bêtes à crocs pour la première fois de leur existence. Notamment le groupe situé juste devant elle. Ils se mitraillaient, probablement d’ores et déjà sous l’influence d’une quelconque drogue. Son passé professionnel de photographe se trouva exaspéré et elle n’hésita ni une ni deux. Alors qu’ils passaient sous une gouttière elle dirigea quelques filets d’eau sur leurs machines d’amateur. Voyant leurs visages dépités, elle proposa directement ses services. Une photo souvenir sans vampire, cinq livres. Avec un vampire dix livres. Supplément de quatre dollars par vampire apparaissant sur la photographie. Le quatrième est offert. Alors qu’ils lui donnaient un billet, elle sentit un bras la saisir et la trainer hors de la file.

Grâce aux exercices qu’elles avaient effectué ces trois derniers mois, elle sut ne pas lâcher la bride à son pouvoir et à garder son agacement enfoui en elle. S’ensuivit une dispute avec le videur de la discothèque. Des éclats de voix qui s’élèvent. Chacun campé sur ses positions. Non elle ne voyait pas ce qu’il y avait de mal à échanger des services légaux contre de l’argent et ne voyait pas en quoi cela pouvait déranger qui que ce soit. Ils allaient de toute manière importuner les habitués. Que ce soit elle qui s’en charge ne ferait que rendre le cliché bien meilleur. Elle n’avait jamais connu ce genre de soucis jusqu’à présent et avait toujours réussi à trouver un arrangement avec les patrons. Un pourcentage. Mais apparemment celui-ci était buté. Elle se surprit à vouloir faire bouillir son sang et le laisser souffrir mille maux pour s’être dressé sur son chemin. Fort heureusement pour cet humain arrogant, un médiateur vint les interrompre.

Elle le savait, elle allait devoir mettre toute sa rancœur et sa haine de côté. Quand bien même cet homme ne lui inspirait pas confiance, quand bien même elle le trouvait rustre, quand bien même elle avait détesté le terme qu’il avait employé. « Brunette ». Elle se voyait renvoyé en enfance. Comme une gamine qui ferait un caprice. Avec le développement de son don, Maryana Watheerey se découvrait de nouveaux traits de caractère. Un orgueil qu’elle n’avait auparavant jamais ressenti pointait le bout de son nez. Fort heureusement elle était maîtresse d’elle-même et résista à la tentation de lui toucher l’épaule afin de lui faire ravaler ses mots. C’est en l’observant se mouvoir que le cheminement se fit dans son esprit. Cette démarche un peu trop fluide, ces pas calés sur une cadence un peu plus élevée que la normale qui pourtant ne le rendait pas essoufflé. Elle avait affaire à un vampire. Cela n’aurait pas dû l’étonner. Après tout elle était dans une discothèque pour les êtres de la nuit. Il était donc des plus logiques que le personnel et même la direction soient fait d’un melting-pot. Pourtant elle regretta amèrement de se retrouver dans cette situation. Non pas qu’elle eût craint quoi que ce soit de la part de cet… être, mais elle n’arrivait pas à les considérer comme des interlocuteurs doués de quoi que ce soit. Si ce n’est une aptitude à mentir et se jouer des humains. Qu’il essaie quoi que ce soit et il serait servi. Elle se défendrait. Paranoïaque ? Non. Simplement prudente et avisée.

Il suffisait de regarder en profondeur ce qu’il se passait dans ces lieux pour comprendre de quoi étaient capable les êtres dans son genre. Son don en éveil, la semi-démone balaya la salle, s’arrêtant sur chaque individu. Et elle ressentait en elle tout ce qu’il pouvait se passer. L’alcool glissant dans la gorge, les pulsations accélérées par les danses effrénées, la sueur dégoulinante à force de se tortiller dans tous les sens dans le but d’attirer un mâle. Et plus loin, dans les recoins, les sécrétions montrant l’apparition d’un désir intense, de l’hémoglobine qui s’échappe d’un corps pour en rejoindre un autre. Maryana se retrouva à la fois dégoûtée et fascinée. Sous ses pieds, elle sentait les basses de la musique faire trembler le sol, ce qui mélanger à tout ce qu’elle pouvait ressentir créait d’étranges sensations. Comme si… elle était avec eux. Comme si elle désirait rejoindre la piste et se mêler à la foule agglutinée au centre de la discothèque. Ou se rendre plus loin pour voir de ses yeux ce qu’il se passait sur cette banquette.
Jamais auparavant elle n’avait ressenti de telles pulsions. Pas de la sorte du moins et c’était tout aussi excitant qu’effrayant. Elle tourna son regard et le figea sur le dos de celui qui dirigeait apparemment les lieux. Tentant de se recentrer. Enfin ils quittèrent la discothèque. Probablement une sortie de secours. Ce qui lui fit le plus grand bien et permit à son esprit d’oublier tout ce qu’il avait pu ressentir en traversant la boîte de nuit. Elle franchit la porte quelques secondes après lui. Si bien qu’il était d’ores et déjà installé et silencieux. Attendant probablement qu’elle parle. Sans aucune hésitation, elle se planta devant lui, posa son coude sur la rambarde. Méfiante toujours, elle ne laisserait rien passer.

Si je puis me permettre, votre videur n’a pas une once de tolérance et de patience dans ses veines. Enfin, je suis photographe amatrice et me sert de cet hobby pour me sustenter en ce moment. Un marché très florissant. Les touristes adorent se faire capturer avec des vampires. Je propose mes services. A coup élevé certes, mais toujours de qualité. Si jamais votre gorille m’en avait laissé le temps je lui aurais expliqué que je souhaitais vous rencontrer pour que l’on trouve un arrangement. Est-ce que 20% de mes recettes totales vous irait ?

Ses doigts tripotaient son polaroïd, non sans lâcher le vampire des yeux. Peut-être allait-il agir comme le plus commun des humains en fin de compte.

Légèrement agacée, la semi-démone ne laissa rien transparaître. S’il y avait une chose pour laquelle elle possédait un véritable talent, il s’agissait bien de garder un masque froid et dénué d’émotions. Quelles que soient les circonstances. Qu’il s’agisse d’ôter la vie d’un pauvre humain ou d’une banale transaction elle était la même. Une posture droite, un regard perçant. Quelque chose de… professionnel pouvons-nous dire. Qui lui donnait un aspect intransigeant. Dans le cas présent, elle venait de faire une offre et s’y tiendrait. D’une parce qu’elle ne pouvait se permettre de laisser d’avantage si elle souhaitait pouvoir se loger le lendemain, de deux parce qu’elle avait appris à ne pas lâcher prise sur quelque chose qu’elle désirait. Qui pouvait le lui en empêcher en soi ? D’un simple claquement de doigts elle pouvait faire souffrir de mille maux quiconque l’importunait. Vivant ou mort. Se savoir si puissante et si supérieure l’aidait à légitimer cette attitude légèrement hautaine et cette franchise peut-être légèrement troublante. A imposer ses exigences. Ses yeux étaient toujours plantés sur le vampire, attendant qu’il accepte ou décline son offre. Doublement méfiante à cause de son statut de mort-vivant.
Elle esquissa un léger sourire lorsqu’il lui parla de son régime. D’une parce qu’elle n’accordait aucun crédit à ses paroles. Quel buveur de sang serait assez stupide pour avouer qu’il se nourrit d’autres êtres vivants au lieu de leur substitut synthétique ? De deux parce qu’elle ne saisissait pas l’intérêt qu’il avait à le lui raconter. Cependant il fallait admettre une chose à son interlocuteur, il faisait à son tour preuve d’une franchise qu’elle trouva… sympathique. Bien qu’elle n’ait absolument rien mentionné, elle apprécia le fait qu’il lui évoque sa nature. Comme si cela les mettait désormais sur un pied d’égalité. Si seulement… Il ne pouvait avoir plus faux. La semi-démone décida de garder le silence, attendant toujours sa réponse.

Elle manqua cependant de lâcher son appareil lorsqu’il évoqua une Makayla. Photographe. Ce prénom la ramenait des mois en arrière. Lorsque tout ceci avait commencé, une vie qui ne semblait plus être la sienne. Celle où elle était une pauvre ignorante, ne se doutait pas de ses capacités et de sa destinée. Il devait probablement s’agir de la même personne. Si une partie d’elle-même la poussait à répondre par l’affirmative afin de savoir ce qu’il advenait de son ancienne amie, de celle avec qui elle avait partagé sa passion et qui l’avait hébergé lors de son arrivée à Glasgow elle n’en fit pourtant rien.

Non désolée. Ça ne me dit absolument rien. Exerce-t-elle dans la région ?

Il aurait été stupide de laisser apparaître une partie de sa vie, de prendre le risque que l’on ne remonte jusqu’à elle et sa véritable identité. Surtout ici, si proche du début de sa fuite. Faire preuve de prudence en toutes circonstances était toujours son leitmotiv et elle ne le briserait pour aucun cas. Surtout pas pour de stupides raisons soit disant émotionnelles. Désormais elle était au-dessus de tout ceci, et seule comptait sa survie. Au jour le jour.
Elle délaissa son appareil, le laissant pendre à son cou, et invita le vampire à continuer sur sa lancée. Les minutes s’écoulaient rapidement et si elle devait se rendre à un autre endroit, elle souhaitait le savoir le plus tôt possible. Le temps était définitivement de l’argent et elle ne pouvait vraiment pas le laisser filer aussi facilement. Et aux premiers abords, il était en train de le lui gaspiller. Maryana envisagea rapidement tourner les talons alors qu’il lui lançait indirectement un compliment, cependant elle changea rapidement d’avis comprenant ce qu’il se jouait. Il était désormais temps pour elle de savoir si elle était capable de surmonter ses aversions humaines. Depuis son ancien compagnon, elle avait toujours répugné à toucher d’autres personnes. Dégoûtée par eux, probablement blessée, ce qui l’avait rendue psychorigide. Mais aujourd’hui, elle en avait conscience, ce n’était que superficiel. Quand bien même elle répugnait toujours les êtres grouillant sur cette t Terre, seule son enveloppe physique serait touchée. Jamais elle ne serait, elle, atteinte par leur souillure.

Alors qu’il terminait son discours, elle laissa son don pénétrer en elle et rejoindre ces hommes et femmes immondes à l’intérieur du bar. Elle chercha à nouveau à s’imprégner de l’ambiance sensuelle et charnelle qui régnait dans les lieux. Doucement, elle s’avança vers son interlocuteur et ôta l’appareil de son cou afin de le lui tendre. Lorsqu’il s’en saisit, elle s’assit à ses côtés et accompagna ses gestes de ses paroles.

Vous avez tout juste. Il s’agit d’un The Reporter pack 100, on me l’a offert il y a quelques années de cela et j’en suis tout à fait heureuse. D’autant plus qu’il me permet de me nourrir et de me loger en ce moment. Vous voyez l’obturateur ? Il est électronique avec une cellule. Il a trois lentilles de 114 millimètres et… pardon, j’ai tendance à m’emporter lorsque je me mets à évoquer la photographie.

Délibérément, elle posa la main sur l’épaule du vampire et lui sourit. Commençant un numéro de charme qu’elle n’avait plus effectué depuis des années. Bien que cela lui sembla étrange aux premiers abords, rapidement elle se laissa emporter par ce que son corps ressentait, par ce qu’il se passait à quelques pas de là. Elle pouvait imaginer les corps presque imbriqués l’un dans l’autre. Devinait l’excitation ambiante qui régnait. A laquelle son corps humain souhaitait goûter. Elle laissa traîner ses doigts sur le bras qui lui était offert.

Je suis tout à fait honorée que vous me jugiez digne d’intérêt, et soyez prêt à manipuler votre supérieur afin de m’aider à gagner mon pain. Pensez-vous qu’il serait intéressé par contrat temporaire ? Disons… deux mois ? Je suis certaine de pouvoir me montrer persuasive. Je pourrais prendre des clichés ce soir, ramener toutes mes recettes demain lors de votre ouverture afin d’en discuter avec lui et voir quel arrangement nous pouvons trouver. J’ose avouer que je suis lasse de passer de bar en bar et de villes en villes et qu’un peu de stabilité me ferait le plus grand bien… Puis-je ?

Maryana tendit les bras afin de récupérer son appareil et le passer autour de son cou, cambra légèrement le dos afin de rendre un aspect plus avantageux de son physique.

Vous savez quoi William ? Si vous n’êtes pas trop occupé ce soir, vous pourriez me servir de modèle. Je suis certaine que les touristes se bousculeront par dizaine pour avoir une photo à vos côtés. Je ne crois pas que le nom de la photographe les intéresserait. Je suis Marietta McGhee.

Bien que présente physiquement auprès du vampire, désormais tous les sens de Maryana se dirigeaient vers l’intérieur de la discothèque. Son corps la suppliait de s’y rendre afin d’assouvir des besoins humains qu’elle n’avait pas pris en considération depuis bien des mois. C’est avec difficulté qu’elle parvint à se remémorer de la dernière fois qu’elle avait été intime avec qui que ce soit. Pourtant elle parvint à remettre un visage, un intérêt. Si désormais son nom lui échappait, elle se souvenait de ce saigneur, du plaisir qu’elle avait pu éprouver bien malgré elle. Le mélange du dégoût et de la jouissance. Et c’était exactement ce qu’elle réclamait physiquement. Ce pourquoi elle était d’une sensibilité extrême face à ce qu’il pouvait se passer à seulement quelques pas de là. Jamais elle n’aurait cru pouvoir à nouveau ressentir le besoin d’assouvir ces primaires besoins. Mais le fait était là, après des nuits et des nuits en hibernation, tout s’éveillait en elle. Etait-ce donc cela d’embrasser à la fois son essence démoniaque et ses faiblesses humaines ? Trouver un moyen de les contenter toutes les deux ? Car si le contenant était visiblement réceptif aux images qui se créaient dans son esprit, ces fantasmes n’étaient délivrés autrement que par son don. Analyse des réactions corporelles qu’elle s’amusait à pousser encore et toujours plus loin. La semi-démone avait comme la sensation d’être une voyeuse perverse qui se délectait de ce que certains misérables faisaient au sein du lieu clôt. Son attention était particulièrement rivée sur un couple. Une goutte de sueur qui glissait, et glissait lentement. Qui devait probablement épouser la silhouette de son ou sa propriétaire. Perdue dans son délire pseudo vicieux, elle n’écouta que d’une oreille distraite le vampire lui confirmer son raisonnement. Cependant la majorité de son attention lui revint lorsqu’il se mit à évoquer le reste de la nuit et ses possibles débouchés. Sa perception se détacha quelques peu du couple alors que tout son corps semblait crier l’acceptation immédiate. De savoir qu’elle pouvait passer outre, se faire languir l’amusa. Elle sourit.

Nous en sommes donc passé au tutoiement ? Soit ! Tu veux de la franchise, en voilà. Histoire compliquée, depuis quelques mois je n’ai pas de logement fixe, et j’ose avouer que j’ai joué la carte de la séduction pensant que je pourrais trouver un endroit où m’installer quelques temps. Pour atteindre le grand patron, commencer par le bas de l’échelle m’a semblé intéressant. J’ai l’esprit très pratique certaines fois.

Oui, elle avait parfaitement conscience de ces mots, presque dénigrants et humiliants, mais elle ne comptait pas s’arrêter là. Elle partait simplement à la recherche de sa source d’inspiration. Retrouver ces fameux corps qui avaient éveillé tant de tempête et de désir en elle. Tel qu’elle n’aurait su l’imaginer. Il ne lui fallut que quelques secondes pour les retrouver, un sang qui pulsait à une vitesse démesurée détectable entre tous. Presque automatiquement son propre rythme cardiaque se cala à l’unisson. Les organes génitaux qui se mettaient à sécréter éveillés par un désir dangereux et honteux. Mais pourtant si agréable.
La semi-démone se leva et se posta devant son interlocuteur se baissant pour lui parler au creux de l’oreille, sa main posée sur la marche situé derrière la tête du vampire. Elle s’arrêta quelques secondes, imaginant ce qui a pu déclencher tant de réaction intimiste chez son sujet d’étude. Une main trop baladeuse, l’avilissant et la rendant fébrile au beau milieu de la piste. Celui ou celle responsable de tant de réactions devait se sentir bien triomphant(e) et supérieur(e). Qu’il s’amuse son tour arrive dans quelques secondes.

J’ose avouer cependant que ta proposition est des plus tentantes. Peut-être trouverons-nous du temps pour nous lancer à cœur joie dans des ébats affriolant.

C’est avec une réelle volonté que Maryana avait employé des termes si imagés et auxquels on pouvait donner un certain degré de pureté. Concentrée, elle avait décalé son attention de quelques centimètres. S’amusant à gonfler le plaisir du partenaire qu’elle imaginait orgeuilleux. Plus elle y songeait, plus elle se concentrait, plus elle sentait son propre corps réagir et désirer lui-même ressentir cette légère extase qu’elle conférait à distance. Elle laissa sa main quitter la marche et glisser le long de la joue de son interlocuteur, peu consciente de ses gestes, son esprit rivé à l’intérieur. Et enfin, enfin… elle eut le dernier mot. Un nouveau sourire se dessina sur ses lèvres désormais proches de celle du barman. Elle se recula et se dirigea vers la porte qui les avait conduits dehors. Posa ses doigts sur la poignée et l’enserra.

Plus tard probablement, j’ai quelques photos à faire et tu as une équipe à surveiller. N’hésites pas à me retrouver dès que les choses se calment derrière le comptoir.

Qu’il était bon de découvrir tant de choses, d’apprendre qu’elle pouvait ressentir autant de puissance et de supériorité sans avoir à égorger quelqu’un. Qu’il était bon d’embrasser enfin sa véritable nature et se délecter de chaque petit instant immoral, de le transformer et de l’amplifier. Alors qu’elle commençait à abaisser la poignée, Maryana comprit qu’elle avait la ferme intention de répandre un vent de débauche comme les Danses Enflammées n’en auraient peut-être jamais connues.

Pourquoi pas, le vouvoiement c'est un truc de bourgeois, les vrais se tutoient... Je t'aurai bien proposé de venir habiter chez moi, mais c'est spartiate et en plus tu pourrais même pas ranger tes vêtements car le placard se trouve être mon lit. Et ne t’inquiète pas pour le grand patron avec tes arguments il y a peu de chance qu'il te refuse quoi que ce soit, au pire ce décolleté tu l'agrandis un peu et hop il tombera sous ton charme !

Si ça te dit ce soir exceptionnellement tu travailles pour nous, mais ne dit rien au patron. Si jamais tu veux un verre vient au bar !

Tu veux ressentir les joies d'une bonne soirée de pirate, tire sur cette roulée magique et tu verras des choses que tu n'as jamais vu. D'ailleurs je trouve qu'il tape un peu sur le système...

Etrangement, la semi-démone se sentait comme une enfant au départ d’une course. Son cœur battait la chamade, pressé par le stress et l’excitation de ce qui s’annonçait. Un sourire était figé sur ses lèvres comme si elle allait pratiquer la chose qu’elle préférait au monde et ses muscles fourmillaient à l’idée de ressentir cette extase future, celle qui naissait à la fin d’un exercice intense. Réactions humaines, faibles mais curieusement délectables. Ses yeux étaient à mis-clôt alors qu’elle essayait de s’imprégner de l’ambiance générale régnant dans la discothèque. Tout son corps était tendu, attendait qu’elle donne le signal afin de s’engouffrer dans ce lieu suintant la sensualité et doté d’un érotisme dérangeant. Elle fut néanmoins interrompue dans son processus alors que son interlocuteur lui tendait de la drogue. Ses doigts s’en saisirent, mais elle savait d’ores et déjà qu’elle refuserait de consommer. Elle ne l’avait jamais fait étant humaine et elle n’en avait désormais plus l’utilité, ayant trouvé par elle-même un moyen d’atteindre cet état de béatitude et de joie éphémère. Cette chose dont elle ne pouvait plus se passer et qui lui était devenu indispensable. Le sang, le meurtre, la manipulation, le glauque. Le chaos. Désormais impatiente à l’idée de ce qui l’attendait, elle laissa tomber négligemment son présent et emboîta le pas du vampire.

Rapidement, elle oublia les quelques soucis qu’elle avait connu en début de soirée. Le garde était une histoire bien ancienne et ses poches s’emplissaient aisément de billets. Maryana s’amusait à frôler de ses doigts quelques clients et à remuer de façon purement physique leur libido. A les saisir dans l’instant et créer des clichés que seules les personnes ivres ou bien droguées souhaitaient s’offrir. Ce qui arrangeait bien ses affaires, la discothèque ne semblant être composée que de ces faibles êtres. Soumis à leurs instincts primaires, sautant sur la première occasion qu’ils avaient de les assouvir. Qu’ils soient humains ou vampires. Rapidement, elle effleura une taille fine qui était à portée de mains, laissa sa main glisser sur une cuisse musclée, libéra son don une nouvelle fois. Bien entendu, le contact était superficiel, mais il était si bon de ressentir presque immédiatement les effets de sa cure qu’elle ne pouvait désormais s’en passer. Alors que les deux êtres se jetèrent littéralement l’un sur l’autre elle se mit à laisser un léger rire s’échapper de ses lèvres.
Depuis quand n’avait-elle pas émis ce son ? Elle ignorait en être encore capable. Mais en cette nuit tout semblait se montrer sous un nouveau jour. Enfin elle se mettait à apprécier ce qu’elle était, ce qu’elle pouvait faire. A voir les multitudes de possibilités qui lui étaient offertes. Qu’il était bon de se sentir si supérieure, si puissante. D’être l’origine de cet océan de débauche qui paraissait régner dans les Danses Enflammées. Et elle était certaine de pouvoir faire bien mieux. Bien plus. Certes, petit à petit elle laissait d’avantage sa nature s’exprimer, mais elle avait comme la sensation qu’elle avait cette réserve, qui ne demandait qu’à exploser et plonger réellement la discothèque dans une ambiance bestiale et chaotique. Sans réellement en prendre conscience, elle prit la direction du comptoir et une fois qu’elle fut installée, elle observa sa nouvelle connaissance active et particulièrement occupée à naviguer d’un client à l’autre. Toutes ces personnes souhaitant s’enivrer ou abuser de leur rencontre nocturne… La semi-démone se découvrit à la fois dégoutée par le genre humain et fascinée parce ce qu’ils se passaient en eux. Le fait qu’elle avait la capacité de tout changer. Grisée, elle était grisée par sa sensation de pouvoir. Enfin, lorsqu’il tourna la tête vers elle, elle leva sa main, un sourire sur les lèvres. Volontairement, elle ne força pas la voix ayant eu vent de certaines capacités dont les vampires étaient dotés.

Je crois bien que je n’aurais pas la chance de pouvoir te tirer le portrait ce soir. Est-ce que les clients sont toujours aussi avides ici ? Je crois bien que mes affaires n’ont jamais aussi bien marché. Pour la peine, je vais prendre une vodka tonique.

Elle plongea la main dans sa sacoche, en tira un billet de vingt pounds et se saisit du bras qui lui tendait son verre, essayant de lire les sentiments trahis par son afflux sanguin, ou tout autre liquide présent dans le corps du barman. Une pensée lui traversa le crâne alors qu’elle se laissait bercer par l’ambiance charnelle qui régnait aux alentours, est-ce qu’il allait fonctionner comme un être vivant ? Qu’est-ce qu’il pouvait bien changer ? Jamais elle n’avait pris la peine de s’intéresser à eux. Décidément cette nuit-là, il était bien questions de premières. Elle posa le billet dans le creux de sa main et se hissa afin de poser ses lèvres sur l’oreille de son interlocuteur.

Tu peux garder le tout, tu me rendras la monnaie de ma pièce plus tard.

D’où lui venait cet esprit entrepreneur, cette envie de jouer avec le feu, elle n’en avait aucune idée, mais elle aimait cela, et elle n’était pas prête de laisser toute cette sensation de pouvoir et de supériorité lui échapper si facilement.

C’est le paradis du vice et de l’alcool, sans moi la plupart des clients seraient rien, aussi bien humains que vampires… Les premiers se bourrent la tronche ici même pendant que les seconds attendent le bons moment avant de boire le sang de leur proie, c’est un jeu à la fois marrant et répugnant, personnellement je ne comprends rien à tout ses jeunes vampires, le True Blood est la solution à tout !

Tu viens ici pour quémander un job et après tu veux me donner un pourboire d’une dizaine de livres, tu peux garder ton billet je t’offre ce verre à nos retrouvailles !

Tu t’es bien amusée j’espère ? Revient dans quelques jours si tu veux avoir des nouvelles concernant ce job. En tout cas j’aurai bien aimé rester avec toi le reste de la soirée, mais vois tu il faut bien quelqu’un pour nettoyer cette boîte.

Spoiler:

Etrange comme quelques minutes ou heures pouvaient changer bien des choses. Main sur le bras du barman, concentrée sur son don, Maryana se rendit bien compte d’une chose. Cette espèce d’alchimie qui avait éveillé son instinct démoniaque n’était plus. D’où cela venait, elle n’en avait aucune idée, mais rien ne répondait. Pas un sifflement, pas un rythme, pas un mouvement. Le métabolisme de cet homme, était comme muet et froid. Le métabolisme de ce vampire. Cela était-il dû à sa nature ? Elle n’en avait pas la moindre idée, mais rapidement elle retira sa main. Ne l’écouta que d’une oreille. Elle ne chercha pas à comprendre la logique qu’était la sienne. Après tout… s’il se montrait d’une générosité débordante, en quoi cela devait-il la déranger ?

Lorsque le verre se trouva dans sa main, la semi-démone se mit quelques temps à le juger. Voilà des mois qu’elle n’avait pas bu et elle devinait que cette ambiance sulfureuse qui régnait dans le bar lui embrouillait les idées, lui donnait des envies humaines et faibles. Comme celle d’avaler ce verre d’alcool. Prenant conscience de son impolitesse elle fit part de ses pensées au vampire. Elle qui s’était jurée d’être sobre, pouvait-elle succomber simplement à cause d’une musique envoûtante et cette chaleur environnante ? Non pas que sa réponse l’eût réellement intéressée, mais elle ne souhaitait pas montrer son visage d’opportuniste. Après quelques brèves réflexions, avoir un travail fixe sous une nouvelle identité pourrait lui être bien utile et elle ne souhaitait pas perdre cette occasion en or. Quelques bavardages rapidement écourtés par les commandes affluant.
Maryana se tourna et croisa ses jambes, rangeant son billet dans sa besace et se saisit de son verre. Y trempa les lèvres avant de le laisser sur le comptoir. A quoi bon… elle n’en avait pas besoin. Elle trouvait naturellement un état d’ébriété au contact de la foule.

Sans qu’elle n’en prenne conscience, la salle commençait petit à petit à se vider. La nuit était désormais bien avancée et peut-être que l’aurore ne tarderait pas à poindre. Secouant d’une main habile le papier photo, elle montra le cliché au couple plus si atypique qui se dressait devant elle. Au cours de la nuit elle avait pu observer les diverses relations que les humains et les bêtes à crocs pouvaient entretenir. Elle avait pu le sentir à maintes reprises. Cette naissance de plaisir alors que du sang leur échappait. Il ne fallait pas être télépathe pour savoir ce qu’il se passait dans certains coins du bar. Aussi étrange que cela puisse paraître elle n’y trouva aucun dégoût. Non, elle se réjouissait de sentir ces humains tombés dans la déchéance et la dépendance. Elle s’imaginait ce que serait de goûter à leurs âmes perverties. Bientôt, bientôt elle en ferait l’expérience. Et si tout fonctionnait pour elle, elle aurait son distributeur juste sous la main. Grisée à l’idée, elle se dirigea vers la sortie un sourire sur les lèvres. Tomba à nouveau sur le pseudo-responsable qui avait pris soin d’elle en début de soirée. Alors qu’il lui tournait le dos, elle posa la main sur son épaule et pris une photo de lui. Une fois le papier sec, elle y inscrit le prénom de Marietta McGhee ainsi que son numéro de téléphone. Celui du prépayé qu’elle s’était procuré durant sa fuite.

Pour ton patron. Ainsi il aura un avant-goût de mon travail et pourra me contacter. Bon courage pour le rangement.

Ou l’art d’avoir réussi à rebondir sur ses pieds.