Hole in the Wall [Livre 1 - Terminé]

A peine eut-il indiqué le chemin qu’ils l’empruntaient déjà sans ajouter un mot. Le voleur profita du voyage pour chercher à détecter la source de cette affreuse odeur qui lui opprimait étrangement la cage thoracique. Malheureusement, vu le peu de mètres à parcourir et la proximité de la salle, il ne put rien discerner de plus. Ils s’engouffrèrent dans la pièce et le jeune homme hésita un instant avant de refermer derrière eux. Il n’aimait pas trop l’idée de s’enfermer ainsi dans une sorte d’intimité mais elle en avait peut-être besoin, si jamais elle devait vraiment trop malade. En même temps, ce retrait soupçonneux les ferait sûrement passer pour des conspirateurs auprès de leur hôte. Tant pis. La jeune femme se jeta sur l’évier tandis qu’il s’adossait au mur proche de l’issue. Il croisa les bras sur sa poitrine et l’observa s’asperger d’eau. Allait-elle vraiment tenir le coup ? Son teint avait viré du blanc au vert, le pire restait à craindre. Il lui serait néanmoins reconnaissant de ne pas vomir. Elle s’abreuva intelligemment à la suite tandis que le corbeau cherchait à remettre un peu d’ordre dans ses pensées. Ce qui fonctionna moyennement, il fût interrompu au milieu d’un de ses cheminements par la voix de sa voisine. Avant qu’il réalise ce qu’elle projetait dans l’air, elle avait déjà terminé son petit discours. Il se figea sous l’effroi – exagération ? Un peu. Cependant, il ne fût pas très rassuré. Il posa son index sur sa bouche pour intimer le silence à son interlocutrice et fit quelques enjambées vers la baignoire, il actionna ce robinet à son maximum ainsi que celui de l’évier qu’elle venait de couper. Après avoir fréquenté des vampires, c’est le genre de détails qu’on ne peut pas oublier. Il possédait lui-même une oreille plus affûtée que les mortels, même si la portée de son audition ne pouvait rivaliser avec celle des nocturnes, elle restait tout de même hors norme. Techniquement, avec le boucan que l’eau produisait, le shérif ne devrait pas entendre la suite de la discussion. Ou du moins, il serait moins aisé pour lui de les comprendre. Était-ce un bon choix stratégique ? Il aurait peut-être mieux fallu de laisser ouverte la discussion pour prouver à ce gars qu’ils n’avaient rien de si extraordinaire à cacher. Le riche héritier aurait pu feindre l’ignorance mais il serait peut-être un mauvais acteur et puis pas sûr que la brunette comprenne le revirement. Y avait-il alors de bonnes solutions ? Aucune idée. Il avait agi par instinct dans l’urgence, maintenant c’était fait. Quelles conclusions allaient en tirer le buveur de sang ? Nous verrons. On ne savait pas ce qui pouvait trotter dans la tête de pareil personnage, aussi le métamorphe ne s’attarda pas là-dessus. Il fixa ses prunelles sur les traits déconfits de sa compagne d’infortune tout en s'asseyant lentement sur le rebord de la baignoire en prenant de soin à ne pas mouiller ses vêtements. Il revint alors sur les paroles de l’humaine et commença sérieusement à s’inquiéter pour leur survie commune. Rien dans tout ce qu’il avait vu et entendu ne présageait quelque chose de positif. Il s’était raccroché à la confiance que lui portait Hannah mais si elle-même l’affirmait dangereux… Bien, maintenant, il savait à quoi s’en tenir. Comme d’habitude, quand le présent s’alliait au concept de danger, son esprit fonctionnait à vitesse surprenante.

« Dangereux ? Dans quelle mesure ? »

Il ne mentionnait pas son petit stratagème dans un besoin de gain de temps. De toute façon, il lui semblait assez clair qu’il avait pris ses dispositions dans le but de ne pas être entendu. Ils chuchotaient à peine, ils pourraient être couverts par le brouhaha de la tuyauterie. Il fallait l’espérer.

« Je n’ai pas d’idées brillantes pour nous extirper de là. Je doute que partir en trombe soit une bonne idée. Je propose qu’on continue la discussion et qu’on prenne congés en prétextant la fatigue dès que possible. Si tu peux jouer la carte de la cuite, pourquoi pas. Mais je doute qu’il nous laisse sortir d’ici aussi facilement.»

Franchement, s’il était fidèle au portrait qu’il s’en dressait ce vampire ne les relâcherait pas de sitôt. Surtout s’il avait entendu ce que l’humaine avait dit. Hé merde. Ils allaient devoir s’expliquer enfin ça risquait même d’être pire. Il pourrait toujours invoquer la Reine mais décidément, cette idée ne lui plaisait pas le moins du monde. Non, il ne dirait rien. Dans quel pétrin s’était-il fourré vraiment ? Une soudaine envie de rire lui arracha un sourire. La situation paraissait tellement grotesque. Enfermé dans les toilettes avec une brunette à peine connue à discuter d’une évasion alors que proche, un vampire rôdait à l’affût de la moindre information. Enfin en même temps, s’il avait voulu un peu de normalité il n’aurait pas été s’aventurer au Damned Angel n’est-ce pas ?

« On ne devrait pas trop traîner si tu veux mon avis. »

Chaque seconde semblait bien trop précieuse, une seconde de trop pour le nocturne rouge et sa patience. Le français aurait tué pour une cigarette en cet instant précis mais ça n’était pas envisageable. Il se contenta de respirer pesamment l’air environnant toujours intrigué par cette fragrance étrange. Elle lui semblait un peu plus suspecte maintenant qu’il savait que ce shérif était réputé pour être apparemment « dangereux ». Même avec ses appréhensions au creux de la poitrine, sa curiosité ne cessait de le titiller. Ca finirait un jour par le tuer. D’un bond, il se releva et s’approcha de sa nouvelle amie.

« Tu es sûre que ça va aller ? »

Elle avait beau avoir prétendu feindre en partie son malaise, il ne le croyait pas. Il s’attendait toujours à la voir se jeter sur les toilettes. Combien de verres avait-elle seulement englouti ce soir ? Il n’aurait su le dire mais de toute évidence, déjà bien trop. Cela le confortait seulement dans son choix de ne pas boire le whisky offert. Il ne pouvait pas se permettre de perdre ne fusse qu’un centième de sa lucidité.

Malgré la porte close de la salle de bain je pu entendre les paroles chuchotées de la jeune femme et gardant les yeux fermés, j'affichai un sourire amusé seul dans mon fauteuil. Apparemment elle semblait penser qu'une simple porte pourrait m'empêcher d'entendre ses mots, quelle naïve. Bien que j'espérais que son compagnon de soirée puisse commettre la même bêtise, je souris lorsque j'entendis le bruit de l'eau submerger le son de leur voix. Ainsi lui avait plus de jugeote que la jeune femme, mais au lieu de me contrarier, cela m'amusa. Ainsi donc ils avaient à s'entretenir d'un sujet qu'ils ne voulaient pas que j'entende. Se mettaient-ils d'accord à propos d'une stratégie à adopter? D'une ligne de conduite à tenir? Tout ceci me conforta dans l'idée que tous deux à leur manière tentaient de me dissimuler quelque chose, et cela n'eut d'autres effets que d'attiser de plus belle ma curiosité. Et si je les empêchais de se mettre au point, au du moins si je les faisais stresser un peu? C'est donc en souriant que je me levai en faisant tinter mon verre et celui de la jeune femme en les prenant puis en les déposant dans l'évier de ma cuisine américaine qui donnait sur le salon.

Peut-être allait-il prendre cela comme de l'impatience de ma part? Tant mieux si tel était le cas. Après avoir fait un ou deux bruits de placards, je quittai la pièce pour passer devant la porte de la salle de bain et m'arrêtai au pied de l'escalier qui menait à l'étage. Je reniflai un instant l'air ambiant pour sentir un parfum particulier : une légère émanation d'ail. Il s'agissait en fait de l'odeur de souffre remontant de ma cave, dû à mon utilisation récente d'acide sulfurique pour me débarrasser du cadavre de ma dernière victime humaine ramenée chez moi. Et si je me servais de cela? J'ouvris donc la porte de la cave une seconde et la refermai aussitôt sans bruis. Bien que peu gênant, l'odeur était tout de même dans le fond de l'air et ils ne manqueraient probablement pas de m'en demander l'origine. Satisfait je tendis l'oreille en direction de la salle de bain, puis le son de l'eau se faisant toujours entendre je montai à l'étage en sachant pertinemment que le son de mes pas se ferait entendre dans la salle d'eau. J'entrai ensuite dans ma chambre qui se situait juste au dessus de la pièce où se trouvaient mes deux visiteurs, ouvris un placard pour en sortir une veste et fermait la porte de celle-ci en refaisant quelques pas sonores dans la pièce. Cette demeure étant mienne depuis plusieurs années je savais comment m'y déplacer sans faire tout ce raffut, et c'est donc en silence que je descendis au rez-de-chaussé, me servant un verre de sang sans un bruit et me plaçant dans ma cuisine de manière à n'être visible qu'une fois qu'ils auraient rejoins leur fauteuil.

Si je me donnais autant de peine, c'était parce que je comptais sur le fait que trompés par le bruit de mes pas à l'étage et ne m'ayant pas entendu redescendre, ils me pensent encore là-haut et qu'ils soient surpris, voir un poil effrayés par le fait de me trouver en bas. Tout ce petit manège n'avait pas pour simple but de me divertir, mais aussi de chambouler un peu leur souhait de tranquillité. Je tendis donc l'oreille en les attendant, buvant un peu de sang dans mon verre et souriant d'avance à propos de la suite des évènements.

Après tout, j'étais peut être naïve, pas très discrète, un peu perturbée, mal à l'aise... bref ! Je n'avais pas une seule seconde pensé à la possibilité que Julien nous ait écoutés à travers la porte. Que son ouïe fine de vampire ait pu s'insinuer sous le linteau de la porte, et couler doucement vers ma bouche. J'étais une pomme de sang pourtant, une servante même, je savais pertinemment et mieux que personne les dangers d'un vampire en éveil ! Quelle excuse pourrais-je invoquer si cette escapade parvenait aux oreilles du Roi, de William, de Jana, qui sais-je ? La boisson ? Maigre réponse. Si je savais me contrôler et maîtriser mes envies, je n'en serais pas là. J'avais perdu tout sens commun. Levant les yeux vers Camille, croisant son regard, je me disais que je devais lui paraître bien bête, et inutile. Je sentais l'émotion, les pleurs, arriver tout près de mes pupilles. Ah non ! Ce n'était pas le moment !

Ca n'était jamais le moment. Quand pourrais-je enfin me reposer, laisser tomber cette couverture qui me protégeait de la vérité, de la réalité ? J'avais trahi mon maître. Je l'avais blessé. Je m'étais perdue dans un repaire de vices.

Camille ouvrit à fond les robinets, dès que j'eus fini de le mettre en garde. C'est à cet instant-là que je me rendis compte de ma bêtise. Mais il était trop tard. Julien nous avait sûrement entendus. Je ravalais un "Désolée..." larmoyant. Il m'avait coupé la parole et je lui en savais gré. Si seulement je pouvais me taire... Mais les mots se précipitaient dans ma bouche. J'avais besoin de m'épancher, qu'on m'écoute, qu'on me soutienne et qu'on me rassure pour que je puisse pleurer tout mon saoul. Les larmes revinrent encore. Non ! Impossible de les faire partir.

A présent, Camille s'était tu après avoir exposé son plan... bancal. C'était mieux que rien. Il me regardait, découvrait mes larmes ; ma tristesse s'égrenait au rythme des flots. Nous entendions seulement le glouglou régulier du robinet. Quand soudain, insidieusement, peu à peu, nous perçûmes des pas. Nous savions qui était leur propriétaire. Mais cette connaissance ne me rassura pas. Que faisait-il ? Venait-il vers nous ?

Prise d'un début de panique, je me ruai sur une serviette pour essuyer mes yeux. Me figeant tout de suite après. Une porte s'ouvrit et se referma. Un frisson glacé me parcourut. Ce n'était pas la nôtre. Soulagement et battements de coeur mêlés. Nous l'entendîmes monter pesamment les escaliers. Pourquoi tout ce remue ménage ? J'allais parler, demander à Camille ce qu'il faisait, mais je me tus. Quelque chose claqua au dessus de nos têtes, et puis... plus rien. Le silence complet. S'était-il arrêté ? Ou assis sur un fauteuil ? Ou peut être sur son lit ? Pourquoi ? Avait-il disparu ? Oui ça peut paraître bête, mais les passages secrets existent dans les maisons de vampires. Oui, j'en sais quelque chose, je vivais chez William Raybrandt.

Camille s'approcha de moi ; je ne pus résister. Tant pis ! J'avais besoin de réconfort. Je l'enlaçais avec force et après quelques instants collés, je lui chuchotais à l'oreille :

"J'ai juste besoin de courage. Quand j'en manque, j'ai le sang de ... le sang de Will pour m'aider. Je sais, c'est pathétique, mais cela m'aide."
La chaleur émanant de lui me réconforta, tout comme le fait de savoir que c'était un gars bien. Enfin, à ce qu'il me semblait. Il travaillait peut être pour Krystel ; il avait l'air d'être un chic type. Et mignon en plus... Une autre idée me monta au cerveau, et saoule, je lui soufflai:

"Si on reste collés assez longtemps, il comprendra que nous avons des choses à faire chez toi ou chez moi."
Oui être collée à lui me donnait des idées, mais je n'étais pas capable d'éprouver du désir. Pas maintenant. Même si la peur était souvent un bon stimulant. J'avais dit ça comme ça, j'étais spécialisée pour les plans foireux. Et puis, peut-être que celui=là Julien ne pourra pas le prévoir ?

Les sanglots d’Hannah se heurtaient aux cloisons rendant l’endroit un peu plus sinistre et surtout plus accablant. Camille ne supportait pas de voir les gens pleurer – ça n’était pas une question de sensiblerie, il ne savait pas comment réagir et finissait toujours par être maladroit. Puis, en règle générale, il se sentait impuissant ce qu’il ne pouvait encaisser. Il observa les larmes roulaient sur les pommettes de sa voisine tandis que de l’autre côté de la porte, leur hôte s’affairait à créer le trouble. Cette distraction auditive eut au moins le don de le détourner de sa détresse écrasante, ce qui fût salutaire. Enfin, pas vraiment. Que fichait le vampire ? Le voleur n’aurait pu le dire. Ce drôle de gars restait un mystère entier pour lui. La plupart des buveurs de sang le sont par définition mais celui-ci, en plus, semblait particulièrement indéchiffrable. L’histoire de l’eau avait dû le mettre en colère, sûrement. Il canalisait cette rage d’une façon ou d’une autre et ce boucan n’annonçait rien de bon. Le jeune homme se rapprocha lentement de la porte, prêt à réagir si le shérif pénétrait soudainement. Sa main se porta sur le verrou et durant, un instant, il hésita avant de laisser retomber tout simplement sa paume. S’enfermer ne résoudrait rien. Dans le cas où il chercherait vraiment à les atteindre, il lui suffirait d’enfoncer l’issue tout simplement. De plus, ce détail pourrait seulement l’irriter ou l’intriguer. Ils avaient semé assez de doutes pour la soirée. Le riche héritier revint près de sa compagne d’infortune tandis qu’elle enfonçait son visage dans une serviette. De toute façon, même si il décidait de les prendre à revers dans la salle de bain, il ne pourrait pas faire grand-chose. Se transformer pour protéger l’humaine ? Pas envisageable. De plus, les formes imposantes, les animaux réellement dangereux restaient un rayon qu’il ne maîtrisait que très peu. Il ne s’y était pas beaucoup risqué. Quelques fois seulement et il y avait eu des ratés donc… Mieux valait s’en abstenir. Il improviserait en temps voulu. Alors qu’il méditait toujours sur un plan quelconque afin de s’extirper de ce pétrin, les bras de sa nouvelle amie se refermèrent autour de lui, le maintenant captif d’une étreinte soudaine. Surpris, il ne bougea pas dans l’immédiat et l’écouta docilement. Sa peine creusait sa voix et même s’il n’avait pas désiré ce rapprochement précipité, il se voyait mal la repousser. Pourtant, ça n’était franchement pas le moment de s’enlacer mais que pouvait-il faire ? Il n’allait pas la malmener alors qu’elle était aussi démunie et désorientée. Si ce contact lui permettait de reprendre pieds, qu’il en soit ainsi. Le français ramena son bras autour des épaules de la brunette et laissa l’autre contre son flanc. Il fallait bien qu’il lui reste un semblant de liberté de mouvement.

« Ca va aller, on va réussir à se tirer d’ici, ne t’inquiètes pas. »

Les paroles réconfortantes, ça n’était pas spécialement son domaine. Il avait l’impression de simplement taper à côté de ses vraies préoccupations. Il lui avait semblé qu’elle ne mentionnait pas la situation actuelle mais une autre. Il n’avait rien de mieux à lui proposer que ces mots creux et presque vide de sens sachant que sa promesse avait bien plus de chance de ne pas aboutir que l’inverse. A propos d’évasion, elle lui glissa un autre plan à l’oreille. Camille y réfléchit sérieusement mais en vint rapidement à la conclusion que cette voie ne les mènerait nulle part. D’une part, il se mettrait dans une position fâcheuse si jamais Julien finissait par divulguer cette supercherie à Krystel – oui, bon il ne voulait pas qu’elle pense qu’il continuait de coucher à gauche et à droite alors que ça n’était pas le cas. Ensuite, le coup des amants soudain, ne fonctionnerait pas. Le vampire avait déjà détecté les brèches dans leur comédie un peu plus tôt. Ce mensonge serait d’autant plus gros. Rien ne coïnciderait et ils finiraient par se ridiculiser, perdre un peu plus de crédits. Avait-il pensé à l’éventualité d’un jeu de séduction de la part de la mortelle ? Non, pas dans ses circonstances, il n’y faisait même pas attention pour tout dire. Son esprit ne se focalisait que sur les faits et sur l’urgence.

« Non, il n’y goberait pas. Il a déjà repéré que nous n’étions pas assez proche et ça ne colle pas avec ton malaise. Je pense qu’on ne peut plus employer la ruse avec lui, il est trop perspicace. »

En même temps, comment tromper un buveur de sang, dites le moi ? Le métamorphe se détacha lentement d’Hannah tout en gardant une main sur son épaule. Il planta ses yeux dans les siens alors. Les traces de ses sanglots marquaient toujours son épiderme, des rougeurs pointaient sous ses prunelles. Sa vulnérabilité rendait le changelin un peu plus convaincu d’opter pour sa seule solution en cas de grabuges.

« Si jamais ça devient dangereux, je veux que tu cours jusqu’à la porte d’entrée et que tu t’enfuis le plus vite possible. »

Devraient-ils recourir à une telle extrémité ? Il fallait espérer que non mais il préférait se préparer au pire. Il se transformerait pour ralentir le shérif s’il fallait. Il pourrait toujours lui crever les yeux une fois devenu corbeau. Cette idée ne lui plaisait pas, devenir offensif ne faisait pas parti de son caractère et encore moins de ses projets. Mais s’il devait protéger cette humaine, il devrait en passer par là. Se fâcher avec ce type lui semblait être une très mauvaise alternative, de plus, il n’éprouvait pas un sentiment néfaste à son égard. Il craignait juste pour sa vie et celle de son amie. Il préférait lier avec lui plutôt qu’autre chose.

« J’aimerais que nous restions en bon terme avec notre hôte. Alors en attendant, on continue sur ce qu’on avait initialement prévu. On est des amis, perdus de vue. Tu es bourrée, malade. »

A la suite de ces paroles, il la lâcha pour de bon avant d’éteindre les deux robinets. Il ne fallait plus faire durer cette discussion, l’impatience du propriétaire pourrait leur être fatal. Le volatile se posta face à son interlocutrice et lui accorda un hochement de tête signifiant qu’il était temps d’y retourner. Ils ne seraient jamais prêts de toute manière, ça ne servait plus à rien de rester là.

Je ne savais ce qu'ils se disaient dans ma salle de bain du rez-de-chaussé mais ils prenaient leur temps en tout cas. Toujours est-il que pour ma part je commençais à trouver le temps un peu long dans ma cuisine, nul doute qu'ils devaient sérieusement être conscient de la précarité de leur situation. Bien que cette idée me fit sourire je demeurai silencieux afin que l'effet de surprise demeure lorsqu'ils reviendraient dans le salon. Si je m'étais appliqué ils me penseraient encore à l'étage, d'autant que l'odeur de souffre était prédominante dans la pièce et donc en plus d'ajouter à leur interrogation, le doux parfum de l'acide pourrait sans problème masquer mon odeur si l'un d'eux avait un bon sens de l'odorat.

En parlant du sens olfactif des deux humains, un détail me revint à l'esprit et étant encore seul dans la pièce je me permis d'y réfléchir un instant. Je me souvins donc avoir senti une odeur familière lorsque le mâle fut entré dans ma demeure. Où avais-je déjà senti pareille odeur? Pas auprès de lui étant donné que ce soir était notre première rencontre, mais où alors? Etait-il lié à une de mes nombreuses victimes? Où avais-je déjà senti ce fumet animal? C'est alors qu'une hypothèse me vint à l'esprit et me fit l'effet d'une claque. Serait-il possible... Non, ce serait une incroyable coïncidence ! Comment pourrais-je vérifier cela? Je n'allais pas pouvoir lui sauter dessus et le forcer à se dévoiler aussi j'allais me contenter d'observer tout en poursuivant mon jeu actuel. Je devais agir avec méthode et prudence afin de ne dévoiler aucune information quant à ma réflexion. Tendant une oreille en direction de la salle d'eau je m'assurai d'entendre encore les robinets déverser leur liquide pour prendre quelques instants pour évacuer l’excitation qui était mienne. Je fermai les yeux, bloquai mon ouïe et pris une grande inspiration avant d'expirer doucement et en silence. Je fis cela deux fois avant d'ouvrir à nouveau mes sens à mes "invités" si je puis dire. Je bus une nouvelle gorgée de sang pour finir de reprendre totalement le contrôle de mon masque ainsi que de mes émotions et patientai encore en attendant leur sortie.

Heureusement que je n'étais pas comme certains vampires dirigeants et que j'étais plus réfléchi et posé. D'aucun aurait déjà enfoncé la porte pour les faire sortir par la peau du cou agacé par cette attente mais moi je voyais plus loin. D'ailleurs je tentais toujours de porter mon regard aussi loin que possible dans le temps afin de prévoir un maximum de coups ainsi que plusieurs réactions possibles de mes adversaires, tel un joueur d'échec. Et puis j'avais d'autant plus intérêt à mener mes plans avec tout le tact et le doigté requis étant donné ce qui se jouait ces derniers temps au sein de notre espèce. Tant de choses se mettaient en place, mieux valait être prudent pour la suite. Je me redressai sans bruit lorsque j'entendis l'eau cesser de couler dans la salle de bain, prêt pour la suite de cette soirée follement divertissante. Heureusement toutefois que je n’accueillais pas souvent de tels visiteurs, sinon j'aurai une facture d'eau monumentale. Bref, j'entendis la porte s'ouvrir et les deux humains sortir de la pièce, qu'elle allait être leur réaction à me découvrir en bas alors qu'ils s'attendraient probablement à me croire en haut?

Bien entendu, Camille déclara que notre soudain rapprochement ne marcherait pas. Julien aurait tôt fait de déceler la supercherie et de nous confondre encore une fois. Je soupirai intérieurement. Non pas que j'ai vraiment cru que cela fonctionnerait, mais j'en avais assez des plans foireux. Celui-là en était certainement un ; cela se sentait à dix mètres. Tant pis ! Son étreinte était plutôt réconfortante : espérons qu'elle me donne le courage de retourner voir Julien et tenter de converser avec lui, comme de parfaits gentilshommes et gentes dames !

Camille s'écarta et essaya de me réconforter, une main sur l'épaule, tout en me regardant avec des yeux emplis de compassion. Je savais que Julien verrait les larmes. Il en déduirait... quoi ? Que non contente d'avoir vomi, j'avais pleuré sur mon triste sort ? Allez, un peu de nerf, Hannah, ne baisse pas les bras ! Voilà ce que tentait de me communiquer Camille. Il fallait que je suive ses conseils.

Je hochai la tête vigoureusement quand il me recommanda de fuir s'il le fallait, puis de rester en bons termes avec Julien. Je n'osai plus parler de peur de dire encore des bêtises. Mieux valait que je me taise le plus possible. En plus, il venait de couper les robinets. C'était bizarre de les avoir ouverts et nous risquions certainement de récolter une remarque à ce sujet.

Nous sortîmes donc, sur la pointe des pieds car nous pensions, à juste titre, que Julien, pour une raison inconnue, était resté en haut. En tout cas, moi je le pensais, et vu la démarche furtive de Camille, j'avais de bonnes raisons d'y croire. Muette et attentive aux moindres détails, il fut plus facile pour moi de détecter ce qui avait changé dans le salon. Nos deux verres y étaient toujours mais quelque chose dans l'air m'incita à redoubler de prudence. Je lançai un regard vers Camille et m'approchai de mon verre. Debout à côté, je me retournai et mon coeur rata un batement en découvrant Julien accoudé nonchalamment au bar, dans sa cuisine de style américaine :

"Monsieur Guillemaud ! ... "
Depuis combien de temps nous observait-il ?
"Merci de m'avoir laissée utiliser vos toilettes. Ca va bien mieux maintenant." Je souris puis après l'avoir regardé un petit moment, je m'assis sur le siège et pris mon verre entre mes mains. Et s'il en avait profité pour glisser une substance illicite dedans ?

"Si cela ne vous dérange pas, je préfèrerais boire quelque chose de non alcoolisé. Un jus d'orange peut être ? Ou même de l'eau ?"
Je tâchai de ne pas regarder Camille. J'ignorai ce qu'il comptait faire, s'asseoir et boire, ou discuter franchement avec Julien. Je restai dans l'expectative, sur mes gardes.

Lentement mais sûrement, Camille franchit le seuil de la porte, Hannah sur ses talons. De son pas feutré, il évoluait dans le hall. Leur hôte devait s’être isolé à l’étage mais il n’avait pas dû louper leur départ de la salle de bain – entre les robinets coupés et le bruit de la poignée. Pourquoi s’armer d’autant de prudence ? En fait, il n’y avait pas vraiment de raisons, juste une vieille habitude. En même temps, peut être que l’absence du vampire pourrait lui laisser un peu de temps pour détecter la source de cette odeur infecte qui plus que jamais emplissait le lieu. Qu’avait-il mijoté durant leur isolement ? La curiosité du corbeau s’emparait déjà de ses appréhensions – risqué ce pari pourtant, le buveur de sang pouvait réappaître instantanément. Le riche héritier fit en sorte d’avoir toujours la jeune femme dans son champ de vision, au cas où mais resta un peu en retrait de sorte à pouvoir pister un peu mieux l’odeur nauséabonde. Maintenant qu’elle s’était infiltrée allégrement dans leur air, il pouvait mieux cerner les endroits où elle se faisait plus féroce, il était plus aisé de remonter à son origine. Elle se situait un peu plus loin, juste un peu plus loin, il pouvait voir l’issue de là où il était. Il aurait suffi de… Seulement, la brunette sursauta et le ramena à la raison juste à temps. Alors qu’elle fit un bond, le français s’ajusta à sa surprise en la rejoignant très vite. Il était donc là, le shérif. Se délectait-il de sa plaisanterie ? C’est l’impression qu’il donnait. Alors que le volatile détaillait l’homme tout en ne sachant pas quel sentiment se bousculait dans sa poitrine, de la peur ? De l’amusement ? De la curiosité ? Aucune réponse entière, néanmoins, il fallait avouer qu’ils venaient tous deux de se faire avoir en beauté. Un test ? En tout cas, il avait manqué de peu d’y échouer. Comment se serait-il justifier ? Excusez-moi, cette odeur m’incommodait ? A qui comptait-il le faire gober franchement ? Pas à un vampire et sûrement pas celui-là. Il avait prouvé sa malice à plusieurs reprises déjà, son intelligence aussi car il avait amené ses conclusions avec subtilité. Dangereux, oui, il devait l’être. S’ils voulaient faire valoir leur grotesque comédie, autant agir en circonstances. Le changelin posa sa paume sur l’épaule de son amie et lui indiqua de son autre main le divan. Après tout, n’était-elle pas malade ?

« Tu devrais t’asseoir. »

Il la lâcha avant de remonter son regard vers leur hôte et d’esquisser un sourire un peu embarrassé.

« Excusez-nous pour ce crochet par la salle de bain, je pense que le whisky ne lui réussit pas. »

A quoi jouait-il ? S’il la croyait définitivement ivre, cela pourrait expliquer sa parano dans les toilettes. Et puis, un peu de politesse ne faisait pas de tort. Calmement, le français reprit sa place dans le fauteuil et s’empara du whisky. Oui, il avait établi un peu plus tôt qu’il ne se saoulerait pas et qu’il ne devrait pas y toucher. Seulement, vu la tournure des événements, jouer la prudence sous le nez de ce gars ne l’aiderait pas. S’il était sujet à des revirements inquiétants ? Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, non ? Très sérieusement, s’il continuait de faire comprendre à leur hôte à quel point ils étaient sur leur garde, ça ne les mènerait peut être pas très loin. Jouer le tout pour le tout voilà ce qu’il allait faire. De toute façon, ce n’est pas un verre de ce breuvage qui lui ferait perdre pieds et il mourrait de soif. Si on avait ajouté quelque chose là-dedans ? Il ne l’avait pas fait avant pourquoi le faire après ? Non, s’il voulait s’amuser avec eux, il ne chercherait pas à les tuer si rapidement, pas vrai ? Assez réfléchi. Le métamorphe but une grande gorgée et reposa le récipient sur la table. L’humaine jouait la carte de la sobriété de toute manière, au moins, ils se relayaient sur ce point.

« Vous avez une belle demeure en tout cas. De quand date sa construction ?»

L’alcool avait au moins le mérite de le détendre un peu. Finalement, ça n’était peut-être pas une si mauvaise idée. Un instant, il avait même songé glisser cette histoire d’odeur dans la conversation mais n’était-ce pas aller trop loin que de souligner ce détail ? Pour l’instant, oui. Nous verrions plus tard. Pour l’heure, il s’appliqua à être le plus décontracté possible. Advienne que pourra.

La surprise que je vis sur le visage des deux humains était des plus plaisante, malgré cela je me contentai de n'afficher qu'un léger sourire afin de ne pas non plus paraître arrogant face à eux. Ainsi donc mon petit stratagème basé sur leur perception auditive avait fonctionné à merveille, que ces humains étaient idiots. La jeune femme fut la première à prendre la parole en me remerciant de lui avoir permis d'utiliser ma salle de bain, suivit de son camarade.

Je n'aurai que de l'eau à vous proposer mademoiselle, vous saurez apprécié cette boisson? Dommage que l'établissement où nous nous sommes rencontrés plus tôt ne vous en ai proposé, cela vous aurait évité quelques ennuis à vous et à William, car il est clair que la Reine le lui reprochera prochainement. dis-je d'un ton légèrement sarcastique mais malgré tout poli en affichant toujours un petit sourire. Si je lui destinais ces mots ce n'était pas par hasard, mais pour lui signifier aussi que je n'approuvais pas son comportement et pour la faire culpabiliser un minimum. Oui je me faisais un autre petit plaisir en malmenant la jeune femme. C'était aussi une manière de lui montrer que si j'étais accueillant pour le moment, je pouvais tout aussi être plus cinglant. Je choisi de m'adresser ensuite à son compagnon de soirée pour répondre aussi à ses paroles quant au fait qu'elle ne supportait pas l'alcool et à sa question quant à ma demeure. Je décidai une nouvelle fois de jouer un peu avec eux et sûr de moi qu'au moins un des deux avait assurément senti l'odeur de souffre.

En effet il semblerait bien que l'alcool ne lui réussisse guère. Quant à ma demeure merci du compliment, elle a un peu plus de deux cent ans et a appartenu à un chirurgien à l'époque, il utilisait alors la cave comme laboratoire pour quelques sombres expériences. Pour ma part je m'en sers pour éliminer certains... déchets notamment avec de l'acide sulfurique, d'où cette légère odeur que vous avez sûrement senti. dis-je cette fois sans sourire bien qu'au fond de moi je jubilais tant cette soirée m'était divertissante. Si j'avais parlé de l'histoire du bâtiment c'était bien pour ajouter à leur malaise ce soir et à leur rappeler que malgré le fait que je les invite, je n'étais pas de ceux qui se laissent berner sans réagir. Il était temps pour moi de creuser davantage certains points aussi repris-je la parole.

Et vous monsieur Fontayn, que faites-vous dans la vie? Etes-vous aussi au service d'un de mes congénères? demandai-je simplement au jeune homme. J'en savais déjà suffisamment sur la servante de William, c'est pourquoi je m'étais permis de lui faire un léger reproche quant à son comportement au Damned. Par contre je devais en savoir davantage au sujet de son camarade, afin de savoir à qui j'avais à faire.

Enfin, nous étions sortis de la salle de bains. Une absence trop longue aurait paru suspecte. D'ailleurs, nous avions pris tout notre temps et Julien pouvait tout à fait nous le reprocher. Il était un vampire sans coeur - expression évidente ! - et était incapable de comprendre la souffrance, capacité humaine de ressentir tout en décuplé. Mais ce passage par la case "eau et discussions" m'avait fait du bien. J'avais pu respirer à peu à l'abri de son regard perçant, commencer à me faire pardonner ma conduite irresponsable par Camille... me refaire une beauté ? Euh non pas vraiment, disons me recomposer un masque de circonstance.

Même si Julien avait bien joué sur nos nerfs en se baladant au-dessus de nos têtes, je me sentais déjà mieux, assise sur le canapé, en demandant d'une voix calme à Julien de l'eau. Sa remarque sarcastique sur ma gestion de la boisson ne me fit presque rien, à part son dernier commentaire sur le mécontentement de Krystel sur ma conduite.
*Oh la barbe !* pensais-je en maudissant toutes ces contraintes qui emplissaient ma vie et m'empêchaient de faire ce que je voulais.
Je souris pourtant à Julien, comme s'il m'avait dit un compliment.

"Je suis certaine que Krystel trouvera une punition appropriée pour nous châtier. Elle est si... inventive." dis-je comme si je cherchais mes mots, tout en buvant une gorgée.

Non, ma vie n'était pas libre comme celle de.. Je fouillais ma mémoire parmi mes connaissances pour détecter quelqu'un de libre comme l'air, sans obligations aucunes... Mon regard tomba immédiatement sur Camille près de moi, mais encore une fois, je ne savais que peu de choses sur lui. Cette discussion prochaine avec Julien me permettrait de le cibler mieux. Mais j’avais de moins en moins d'a-priori son sujet. Quoiqu'il dise, je resterai de son côté. Sauf s'il avouait quelque chose de vraiment terrible comme coucher avec une vampire !

Je n'avais pas fait attention à l'odeur puisque je n'avais pas un odorat sur-développé comme notre "cher hôte" mais maintenant qu'il en parlait, je sentais une odeur désagréable. *Charmante attention envers les cadavres*, pensais-je en me disant que décidément Julien n'était pas un individu très recommandable. La signification du mot "déchets" ne m'avait pas échappée. J’avais l'habitude de l'entendre dans leur bouche. Je connaissais des vampires sympas, cela existait, mais lui appartenait à une race supérieure, les "futurs maîtres". Leur caractère implacable leur permettait de surpasser les autres vampires. J'écoutai leur dialogue tout en respirant et en me calmant. Je me sentais toujours "pompette" et n'avait aucune envie de replonger dans un délire !

La menace rôdait dans l’atmosphère, ils se tenaient tous sur un seul point en équilibre, instable. Les syllabes du buveur de sang restaient ce point d’ancrage, il pouvait très bien décider de tous les faire basculer. La situation pouvait tout à fait perdre son contrôle car il n’était plus entre les mains du voleur et encore moins dans celles d’Hannah. Bonne stratégie de la part de leur hôte, il détenait fermement les rennes de cette situation. Le riche héritier prenait toujours soin d’évaluer les distances entre sa position et tous les meubles de la pièce anticipant toute sorte de scénarios possibles et envisageables. Dans la moitié d’entre eux, il pouvait finir raide mort sur la carpette avant d’avoir eu le temps de cligner des yeux. La peur ? Presque envolée. Pourquoi ? Aucune idée. Le whisky possédait peut-être cette vertu ? Pas à cette quantité infime. Quelque chose devait le rassurer ? Ou peut-être se voyait-il déjà condamner ? Arrêtons-nous là dans toutes ses suppositions, le corbeau avait juste réussi à se raisonner. Il avait analysé tous les schémas, il n’y avait rien de plus à faire désormais. Si Camille ne réagit en rien quand le shérif mentionna la Reine, il en fût différent quand la brunette prononça son prénom. La loyauté – appelons ça plutôt de l’intoxication, avait de drôles de travers et il ne voulait pas en faire les frais ce soir. Le jeune homme fixait tranquillement son verre toujours rempli sur la table mais il releva sa nuque assez rapidement quand l’humaine évoqua sa maîtresse. Comme si juste en balançant son nom, elle l’invoquait dans la pièce. Stupide ? Est-ce qu’être sous son emprise le rendait stupide ? Sûrement. Le volatile médita sur les paroles de sa voisine. Il savait que la vampire n’avait rien d’une sainte et était plutôt une adepte de châtiment mais de là à l’entendre sortir de cette façon de la bouche d’une autre personne… Lui-même ne l’avait jamais expérimenté, ni vu en colère. Il fallait dire que jusqu’ici, il se débrouillait plutôt bien dans toutes les missions qu’elle lui avait assignées. Ferait-il un faux pas ? Devrait-il lui aussi goûter à ses méthodes inventives ? Il espérait que ce jour n’arriverait jamais. Ne fallait-il pas être un idiot fini pour se dire ça ? A cet instant précis, il ignorait qu’il devrait affronter ce type de situation plus tôt que prévu. Son masque d’indifférence ne s’effondrait pas cependant, il savait contrôler ses traits désormais car il était plus serein.

Sa sérénité fut néanmoins mise à rude épreuve quand le propriétaire des lieux fit l’historique de sa demeure. Un autre avertissement se hissait dans la pièce, une onde morbide planait entre eux et le vampire. Il cherchait donc bien à les effrayer. Les déchets ? Le français craignait d’en saisir la teneur. Ce type avait beau être sadique, il devait bluffer. Pourquoi dévoilait pareil secret devant deux êtres qui pourraient potentiellement aller redistribuer leurs connaissances à d’autres membres de son espèce. Le fumeur ne saisissait pas tout de la hiérarchie vampirique et de tout ce qui pouvait bien s’y passer mais il savait que les meurtres de tout type étaient condamnables. Ce gars devait soit se sentir hors d’atteinte, intouchable ou bien il mentait. Camille préférait croire à la deuxième option. Car si la première s’avérait exact, il pouvait aussi très bien les tuer pour ne pas qu’ils aillent rependre ses petits secrets… Néanmoins, l’odeur ne le trompait pas. Non, il ne pouvait pas éliminer Hannah. Il savait qu’il y aurait des représailles non ? Cessons là les doutes, sinon leur hôte aurait réellement gagné en cherchant à mettre le trouble dans leurs esprits respectifs. Il avait fait exprès pas vrai de les angoisser pour mieux obtenir des aveux à la suite. Il avait réussi finalement car le fumeur revoyait déjà ses vœux, devait-il vraiment garder pour lui son allégeance à Krystel ? Tranquillement, il reprit son breuvage et en bu une autre gorgée avant d’offrir un sourire avenant au shérif.

« Qu’est-ce qui vous fait penser que c’est le cas ? »

Il cherchait à gagner du temps, tout à fait. Il se mettait à peser le pour du contre de cette décision. Si seulement ils avaient établi une sorte de code de conduite avec la Reine, il aurait pu être plus confiant dans l’une ou l’autre option… Une part de lui craignait qu’il ne voie les cicatrices de morsures attestant de sa relation fréquente avec l’un des siens. Le métamorphe du se faire violence et ne pas chercher à remonter le col de sa chemise. Normalement, il ne verrait rien. Pas à cette distance et pas avec les mesures qu’il avait prise. Mais sa parano reprenait déjà du terrain. Jackpot.

La réaction de la jeune femme me fit sourire intérieurement tant elle semblait dérisoire. Si Hannah se permettait une telle remarque d'un air détaché, je ne lui en fis pas la remarque préférant patienter jusqu'au moment de sa punition. Car oui je prenais un certain plaisir à voir ces humains qui se trouvaient aux services de mes pairs, être punis lorsqu'ils outrepassaient leurs droits. La servante de Will' lui correspondait parfaitement au vue de la similitude de leur caractère respectif, toujours prompts à agir inconsciemment. Quoi qu'il en soit ce n'était pas à moi de la remettre à sa place, d'autant que je ne voulais pas prendre cette peine. A mes yeux elle n'était qu'une gamine capricieuse et qui ne réalise pas sa chance de servir un vampire ayant un certain statut au de sein de notre espèce. Je laissai donc l'humaine à ses stupides considérations et portait mon attention sur son compagnon. Bien que ne laissant transpirer aucun sentiment particulier, il ne semblait pas pour autant totalement tranquille au vu de son comportement à l'évocation de notre Reine, comme s'il tentait de dissimuler quelque chose à mes yeux. Cela avait-il un lien avec son odeur ou bien s'agissait-il d'autre chose encore? C'est ce que j'allai tenter de découvrir.

Plusieurs petites choses qui n'ont l'air de rien monsieur Fontayn, mais je perçois de subtils changements entre maintenant et le début de notre soirée en ma demeure. Et pas forcément que dans votre comportement ou celui de mademoiselle Badenov. dis-je en affichant un léger sourire, désireux de les voir s’angoisser de plus belle. En comparant certaines paroles et certains gestes, quelques questions me viennent à l'esprit mais je doute pouvoir vous les poser étant donné que nous ne nous connaissons quasiment pas. Je m'en voudrais de vous mettre mal à l'aise ou encore de vous vexer par des paroles blessantes aussi je préférerai ne pas manquer aux règles élémentaires de l'hospitalité.

Si je continuais à parler sans trop en dire c'était dans le but de les jauger davantage. S'ils ne se dévoilaient pas l'un ou l'autre, ce qui les trahissaient étaient en fait certaines attitudes. Je me posais d'autres questions qui pouvait être importantes ou au contraire n'avoir aucun intérêt à propos de certains détails. Par exemple pourquoi l'homme se mettait à boire alors qu'il avait refusé un verre au début de la soirée? Avait-il besoin de se rassurer en buvant de l'alcool, ou plutôt de se concentrer afin de ne pas faire de gaffe? L'humaine quant à elle ne me parut pas très inquiète quant à son sort, n'hésitant pas à ironiser quant à une éventuelle sanction à son égard ou à l'encontre de son maître de la part de la Reine. Connaissant ce dont Krystel pouvait être capable je décidai de tenter quelque chose sur cette voie aussi.

Quant à vous, je n'ai aucun conseil à vous donner mademoiselle Badenov, mais si vous avez un temps soit peu de considération pour mon ami William, j'aimerai que vous ne commettiez plus de folies comme ce soir car je serai fort peiné qu'il subisse les conséquences de tels frasques. Le Prince a déjà quelques soucis à gérer avec certains membres de son entourage, ne lui rajouter pas d'autres problèmes s'il vous plait. dis-je d'un air neutre à l'attention de la jeune femme.

Par l'entourage de William j'évoquai là celle qu'il m'avait présenté dans son projet de capturer Maryana, la fourbe Renard, nul doute que cette garce lui causerait quelques ennuis par la suite. En parlant ainsi je voulais voir quelle serait la réaction de la jeune femme si je l'accusais d'accabler davantage son maître. Oui j'avais envie de la faire culpabiliser ou de la troubler pour la pousser à la faute, mais je n'étais pas assuré d'y parvenir.

HJ: Hannah m'a dit qu'elle voulait passer son tour ;)

Évidemment, sa vivacité d’esprit les incarcérait dans leurs vérités dérangeantes et dans un danger permanent. Ce terrain glissant aurait tôt fait de les plonger entre les griffes de cet étrange personnage – enfin plutôt dans cette fichue cave, fictive ou non. Le whisky s’épanchait toujours contre son palais quand il écoutait les avertissements sous-jacents que leur hôte donnait à l’humaine. Le lien entre William, ce type & Hannah ? Aucune foutue idée. Trop de choses continuaient de lui échapper dans ce milieu vampirique. Avec qui pouvait-il bien en parler ? Pas avec la Reine. Il n’y avait jamais eu de place pour une conversation – de toute façon, il ne parvenait pas à construire sa pensée en sa présence. Aussi honteux fût-il de le reconnaître, il avait conscience de ne pas être apte à réfléchir correctement quand Krystel se trouvait à portée de mains. Enfin, gardons ce brouillard mental pour sa maîtresse. Pour l’heure, il fallait se concentrer sur la discussion et les actions menées de tout côté. Le corbeau fit le point sur le monologue de son interlocuteur, méditant sur sa position. Il réfléchissait à ce qu’il perdait en s’arrachant un morceau de couverture mais aussi, à ce qu’il pouvait peut-être y gagner. Finalement, peu à peu, les nocturnes finissaient par l’apercevoir malgré sa discrétion. De plus, la Reine n’avait jamais fait mention d’un secret entre eux. Il se doutait qu’elle préférerait qu’il ne fasse pas courir sur tous les toits son existence. Mais c’était lui également qui tenait à conserver son anonymat pour plusieurs raisons évidentes. Il ne s’agissait pas de lui révéler sa nature, ni ces activités et peut-être pas même le prénom de celle qu’il servait. Oui, cela paraissait … sain comme raisonnement dans la limite du possible. Il avait la sensation que s’il ne lâchait pas une seule parcelle de vérité, ce buveur de sang ne les laisserait pas quitter sa demeure. Pas sans des dégâts collatéraux. Pourquoi retarder les échéances ? Il ne voyait plus d’autres alternatives. A part briser une vitre, jeter la brunette dehors et le divertir en se changeant en animal. Ce plan grotesque pourrait être fatal pour eux deux, Hannah pouvait se blesser, il devrait divulguer sa particularité et il finirait par mourir car on n’échappe pas à un nocturne rouge aussi aisément. Bref, cette option n’était qu’une grosse comédie destinée à repousser un peu plus l’annonce qu’il s’apprêtait à formuler. Il fit tourner lentement son verre entre ses doigts alors que son regard vint à nouveau percuter les yeux du shérif. La sincérité fut sa seule arme car pour la première fois, il ne cherchait plus à contourner les évidences.

« Je m’excuse de vous avoir paru grossier. J’avoue être très mal à l’aise par rapport à cette situation. Je sers bien l’un des vôtres. Mais j’ignore ce que je suis autorisé à divulguer à ce propos. Aussi, j’aimerais ne pas m’étendre sur le sujet, je crains déjà d’en avoir dit de trop. »

Au moins, il ne pouvait pas être plus honnête que ça. Était-ce stupide comme démarche ? Il l’ignorait mais pour l’instant, il n’avait pas vu d’autres échappatoires. Il en parlerait à Krystel – si il parvenait à s’en remémorer. Comment allait réagir le propriétaire ? Cette question consumait littéralement le français qui reprenait à la suite de ses révélations un peu de son alcool. Son regard s’attarda alors sur sa voisine. Était-elle en train de s’assoupir ou digérait-elle les paroles du porteur de crocs ? Camille s’autorisa un contact pour s’assurer de son état, il passa furtivement sa paume sur son épaule afin de capter ses yeux. Un « ça va » silencieux qui ne manquerait pas d’être saisi par leur hôte mais peu importait à présent. Il avait encore le droit de s’en faire pour l’humaine. Après tout, elle avait été drôlement secouée aujourd’hui, ne l’oublions pas. Elle venait de se faire remettre à sa place par le shérif . Il y avait de quoi péter un plomb et l’oiseau ne voulait pas spécialement la voir virer dans une rage sourde et sans limites. C’était ce dont ils avaient le moins besoin – d’un pétage de plombs. Ce geste anodin se voulait être une sorte de retour à la réalité et une main secourable. Il ne fallait pas qu’elle finisse par basculer dans la haine. Le riche héritier était certain de ne pas pouvoir gérer la situation si elle virait de ce côté. Depuis quand prenait-il des airs de médiateur d’ailleurs ? Le Monde ne tournait décidément plus rond depuis un moment. Un peu plus de Whisky dans le sang n’était pas un tort – ça lui évitait de trop s’interroger. Il ne faisait que ça, certes. Mais cessons de déborder. Etait-il trop tôt pour demander à écourter cette soirée ? Sûrement. Aussi, il s'en tint à un sourire poli et attendit une réaction de la part des deux autres participants tout en faisant rouler nerveusement son récipient entre ses mains.. Incontestablement, la patience ne serait jamais son fort.

Lorsque l'homme prit à nouveau la parole pour répondre à mes mots, j'affichai un sourire satisfait même si sa réponse me surprit un peu. Ainsi donc il servait un de mes semblables, ou du moins c'est ce qu'il prétendit à cet instant, peut-être espérant que cela suffirait à assurer sa sécurité mais sans vouloir m'en révéler l'identité. Si tel était son objectif en faisant cette révélation, ce dernier n'était pas encore atteint car prétendre servir un vampire est facile mais peut s'avérer lourd de conséquence s'il s'agit alors d'un mensonge. Soucieux d'en apprendre davantage je réfléchis un instant afin d'approfondir cette nouvelle voie. Par ses mots il disait servir un nocturne sans pour autant préciser son statut auprès de celui-ci alors que cela pourrait d'autant plus le protéger. A ce que j'avais pu voir au cour de la soirée, il ne renvoyait pas l'image d'un humain servant d'un de mes pairs aussi l'estimai-je plutôt comme une Pomme probable. C'est donc dans cette idée que je pris à nouveau la parole et décidai de lancer une tentative, comme au poker.

Soyez rassuré jeune homme, vous n'avez pas à être mal à l'aise en ma présence. D'autant que votre statut de Pomme de sang vous protège de toute attaque possible à votre encontre de la part d'un vampire. dis-je en souriant, guettant la moindre réaction que pourrait trahir son corps. Je ne savais pas quel était son statut vis à vis de son vampire mais j'escomptais bien qu'il m'en dévoile davantage, sans pour autant être assuré d'un résultat.

Malgré cette observation de ma part, et en attendant qu'il ne réponde, je poursuivis ma réflexion. Rare étaient les vampires qui cachaient leur Pomme étant donné qu'en posséder une était comme exhiber une montre en or pour un humain. Cette révélation de sa part fit naître foule de questions dans ma tête mais je décidai d'y faire le tri et de peser mes mots avant de les laisser sortir de ma bouche.

Je ne peux que m'interroger quant aux raisons qui pourraient pousser votre vampire à vous imposer le secret de son identité. Soit il occupe une position délicate qui nécessiterai de dissimuler votre lien aux yeux de tous, soit il s'agit plutôt de vous. Auriez-vous quelques aptitudes qui nécessiteraient de vous mettre au secret monsieur Fontayn? Peut-être votre odeur si particulière par exemple, non pas qu'elle soit malodorante mais plutôt qu'elle soit... familière. dis-je simplement, tentant réellement par contre de me remémorer où j'avais déjà senti ce type d'effluve animale. Par ces paroles j'ouvrai différentes portes et voulais voir quels chemins pourraient alors s'ouvrir à moi. A cet instant je ne portai plus mon attention sur la jeune femme qui semblait somnoler dans son fauteuil, insignifiante humaine.

Ses dernières paroles flottèrent un instant dans l'air, créant un silence de la part des deux autres "hommes". Hannah se demanda ce qu'elle faisait là. Pourquoi avait-elle accepté cette offre de la part de Julien ? Pourquoi se précipiter dans cette folie avec un homme qu'elle ne connaissait pas ? Pourquoi lui avoir menti en prétendant qu'ils étaient de vieux amis ? Face à un inconnu dangereux, la meilleure parade n'était-elle pas la vérité ? De plus, Hannah n'avait pas grand chose à craindre de Julien. Il n'était que Shérif, pas grand maître ; il n'avait aucun pouvoir sur elle, bien qu'il prenne un malin plaisir à la sermonner sans cesse. Il le faisait car il savait qu'elle était en mauvaise posture, et pas dut tout dans une position où elle pourrait répliquer. Lui répondre de se mêler de ses affaires ? Il risquait de lui rétorquer qu'étant le serviteur du roi, il devait surveiller les loyaux sujets de ce dernier !

Hannah décida de ne rien répondre aux conseils moralisateurs de Julien. Elle eut envie de lui dire qu'elle ne parlait pas aux sous-fifres du roi et de la reine, et que oui, eux sauraient quoi faire de son cas. Ils sauraient trouver une autre punition adéquate. Pas Julien. Lui n'aurait pas son mot à dire, il ne pourra pas regarder, il n'entendra que des bribes. Elle était passée sous la main de fer d'Augustus, et elle était vivante ! Elle s'était comportée étrangement, déraisonnablement à ses yeux, et il devait se demander si une autre punition permettrait aux monarques de la dompter enfin ! Hannah était fière de sa résistance. Rien qu'en pensant, les yeux posés sur Julien, un sourire aux lèvres, elle le trompait. Il pensait sûrement que l'alcool la rendait amorphe. Pas encore. Elle sentait clairement le pouvoir de Julien sur elle s'amenuiser : elle se forgeait petit à petit une muraille pour résister à ces "attaques" verbales.

Bien qu'elle sache déjà que Camille travaillait pour Krystel, elle fut surprise de la question de Julien: celui-ci pensait apparemment que Camille était une pomme de sang. Après tout: pourquoi pas ? Hannah ignorait presque tout de lui : elle n'avait pas imaginé qu'il puisse raffoler des morsures. *Allons, Hannah, ne sois pas naïve : tu n'es pas la seule à adorer les nocturnes.*
C'est juste que... il ne lui avait pas semblé de la même nature qu'elle et Cora : un peu désespérées, passionnées, présentant des morsures au cou et aux bras, une lueur particulière au coin des yeux... Hannah ne savait pas s'il existait des signes distinctifs aux pomme de sang et servants humains. Auquel cas, Camille avait été pour elle un écran noir. Une surface opaque. Sinon, elle se faisait des idées. La différence entre Camille et elle était simple et n'avait rien à voir avec les vampires : lui savait se tenir et cacher son jeu, et elle non ! Simple et net.
Le comble arriva quand Julien déclara à Camille qu'il possédait une odeur particulière bizarre. *Dis tout de suite qu'il pue aussi ! Non mais ! Et l'odeur de soufre de ta maison, ça te dérange pas ? Ah lala...*
C'était encore une assurance de vampire, une capacité sur développée qu'il leur permettait de percevoir des odeurs là où il n'y aurait pas du en avoir. Hannah ne jeta pas de coup d'oeil à Camille : même si cette histoire d'odeur était fondée, elle était censée être au courant puisqu'ils étaient de vieux amis. Idem pour son statut de pomme de sang. Hannah avait terminé son verre d'eau ; elle loucha en direction de la cuisine. Elle commençait à avoir faim mais ne voulut pas rompre la tension de la conversation.

Pomme de sang ? Camille fronça les sourcils durant quelques secondes. Ce terme le perturbait ? Plus que de raisons. Il n’était pas sans significations pour le volatile, bien sûr. Après avoir écumé des bars qui mêlaient les deux races, il avait fini par se familiariser avec cette appellation. Mais est-ce qu’il était en une lui aussi ? A vrai dire, il ne s’était jamais penché sur la question, il n’en avait jamais ressenti le besoin. Pourquoi qualifier cette relation, trouver des adjectifs ? Ce qu’il le rattachait à la Reine restait incertain, fragile et incompréhensible pour le corbeau. Bien sûr, cette instabilité lui plaisait sinon il n’aurait pas cherché à se prêter au jeu. Ne continuons pas cette divagation, elle ne l’aidera sûrement pas à centraliser ses songes sur l’instant présent- que du contraire. Le voleur analysa la définition approximative qu’il se faisait du statut énoncé par le shérif et se rendit compte qu’effectivement, il était applicable à son cas. Cette … révélation aurait dû le dérouter, non ? Pourquoi ne se sentait-il pas plus troublé que ça ? Il venait de se trouver rangé dans une catégorie qu’il avait crue réservée à une certaine tranche de personnes plus ou moins désespérées. Généralité ? Si vous aviez vous aussi côtoyer ce genre d’adorateurs dans divers établissements insolites, peut être que vous comprendrez ce type de cheminement. Il demeurait un peu trop simpliste- certes, la preuve. Bref, donc, il était devenu une pomme de sang – il se pencherait là-dessus plus tard à un moment plus approprié, et ce type avait soit un esprit de déduction hors du commun, ce qui n’aurait rien d’étonnant, soit il cherchait à lui dérober des informations. Dans le doute, il ne confirma pas sa théorie mais ne la réfuta pas non plus. Feindre l’ignorance ne lui serait pas non plus d’une grande aide, aussi, il favorisa le silence. De toute manière, ce dernier ne dura pas longtemps car le vampire embrayait déjà sur la suite. Le riche héritier ne put s’empêcher de sourire aux remarques de son hôte, une première réaction qui pourrait s’avérer profitable. Pourquoi ce rictus ? De la nervosité ? Oui et non. Est-ce qu’il était fichu ? Non, ce gars avait peut-être des doutes mais de là à ce qu’ils soient comblés… Familier ? Ce mot ne dérangeait pas le français. Il se savait seul, du moins, jusqu’ici, il pensait être unique. Le buveur de sang devait employer cette expression afin de brouiller les pistes, une autre manœuvre dans ce duel, incitant à la confession. Mais il en fallait plus pour le berner.

« Vous possédez une imagination sans failles, je dois l’admettre. Je n’ose rien vous révéler pour diverses raisons mais surtout parce que je n’ai jamais abordé ce sujet avec la personne concernée. Peut-être qu’elle consentira à ce que je partage son identité mais je ne veux pas prendre le risque, j’espère que vous comprenez. Je ne voudrais pas qu’elle doute de ma loyauté. Je dois avouer que c’est la première fois que je tiens ce genre de conversation avec l’un des vôtres. Et en ce qui concerne mon odeur, vous m’envoyez surpris…»

Il renifla alors sa veste avant de se remettre à fixer le nocturne et de partir sur un rire bref. Tous les nocturnes ne se fascinaient pas pour sa fragrance, certains ne détectaient pas forcément l’anormalité présente. Malheureusement pour lui, Mr Guillemaud le percevait très bien. Ce qui n’annonçait rien de bon. Mentir ? Technique qui n’avait jamais fait ses preuves jusqu’ici. Diversion ? Contournement, voilà qui semblait plus sain.

« Tant qu’elle ne vous incommode pas. »

Il haussa les épaules en guise de finalité et finit une bonne fois pour toute, son verre avant de couler un regard en direction d’Hannah. Elle n’avait pas vraiment réagi à sa tentative de communication muette, l'ignorait-elle? Après tout, elle détenait une bonne partie de son mystère. Il espérait qu’elle ne finirait pas par s’endormir là. Quoique, ça pourrait être une bonne excuse pour prendre congés, non ? Cette entrevue ne semblait pas prête de s’apaiser. Au contraire, graduellement, elle atteignait son apogée. Jusqu’où le fumeur pourrait-il dévier les projectiles voisins ? Comment pouvait-il satisfaire la curiosité de cet homme en parvenant à ne pas se compromettre ? Peut-être qu’il était trop tard pour ça mais s’il pouvait sauver des meubles, il n’allait pas se gêner.

Décidément cet humain se révélait de plus en plus intéressant au fur et à mesure de la conversation, malgré le fait que j'ignorais toujours l'identité de son Maître. Bien que je tentais de lui extorquer davantage d'indices quant à celui qu'il servait, il parvenait à me mettre en échec malgré mes tentatives diverses. Malgré le défi que cela représentait pour moi, il ne m'était pas primordial de découvrir cela ce soir, et encore moins grave si je n'y parvenais pas au cours de la soirée. Je pourrai toujours me renseigner auprès d'autres personnes pour essayer d'en apprendre davantage. Toujours est-il que j'étais tout de même surpris de trouver son odeur familière.

J'étais certain de ne jamais l'avoir rencontré avant ce soir et cherchais l'origine de cette impression. Son nom ne me disait rien, son visage non plus, il n'y avait que ce fumet animal léger. D'ailleurs en y repensant j'étais certain d'avoir eu cette étrange sensation dernièrement. C'est alors que surgit dans ma tête ma rencontre avec cette humaine qui travaillait pour un cabinet d'architecte. Oui... Elle aussi dégageait cette odeur, ce parfum bestial fort mais en même temps si léger dans l'air. Pouvait-il y avoir un lien entre les deux humains? Je n'avais aucun fait tangible pouvant me permettre de faire un rapprochement entre eux, mais la s'ouvrait une nouvelle porte devant moi. J'avais une nouvelle piste à explorer désormais et allais m'y employer dans les prochains temps, conservant cette réflexion dans un coin de mon esprit. Reportant mon attention sur mon interlocuteur, je l'écoutai justement me parler de son odeur et prit la parole après lui pour lui répondre et poursuivre ma manœuvre.

Bien au contraire jeune homme, je la trouve... dès plus intéressante à vrai dire. Elle me fait d'ailleurs penser à une autre personne, à l'odeur assez similaire, qu'il m'a été donné de rencontrer récemment. dis-je innocemment. Auriez-vous de la famille dans la région? Je voulais voir si mes paroles allaient faire réagir l'humain, mais ayant découvert chez lui une certaine aptitude à se contrôler je ne m'attendais pas trop à une réaction significative. Allai-je susciter sa curiosité ou au contraire étais-je dans l'erreur? Quelle que soit la réponse à cette question je voulais rester maître de la situation, aussi décidai-je de mettre fin à cette rencontre.

Cela pourrait sembler contradictoire avec ma dernière tentative, mais au contraire il y avait un but dans tout cela. S'il existait bien un lien entre lui et l'architecte je saurai le trouver par d'autres moyens et susciter la curiosité chez l'un d'entre eux. Si au contraire il n'y en avait aucun, je ne perdrai donc pas mon temps ce soir. N'ayant plus entendu parler l'humaine, je posai mon regard sur elle avant de m'adressez à eux deux après avoir fait mine de regarder l'heure sur ma montre.

Vu l'avancée de la nuit je vais devoir mettre fin à cette entrevue des plus intéressante si vous le voulez bien. J'ai certaines obligations qui m'imposent de clore cette soirée riches en émotions, et je ne doute pas que vous serez soulagés de quitter cette demeure. D'autant que l'odeur de souffre dans le fond de l'air peut en incommoder plus d'un. dis-je en souriant, indiquant sans le dire que j'étais conscient que ce parfum aillé n'était pas passé inaperçu. Je continuai à parler à chacun d'eux tout en me levant.

Demandez à votre maître s'il vous autorise à me dévoiler son identité monsieur Fontayn, auquel cas vous pourrez l'en remercier de ma part.

Quant à vous mademoiselle Badenov, faites attention à vous, je ne voudrais pas que mon ami soit attristé s'il vous arrivait quelque chose. Je fis une très courte pause avant de poursuivre en m'adressant aux deux humains simultanément.

Je vous remercie pour cette soirée et serai ravi de discuter avec vous si d'aventure nos chemins sont amener à se croiser à nouveau.

Hannah comprenait aisément pourquoi Camille tenait tant à protéger l'identité de Krystel. C'était une information précieuse, qui valait de l'or. Camille ignorait des intentions réelles et futures de Julien à son égard. Bien que le shérif soit un proche du roi et donc par conséquent de la reine, mieux valait garder cette information pour lui. Hannah aurait bien aimé que sa vie à elle aussi soit plus discrète. Tout le monde savait pour elle et le Roi. Personne ne se doutait encore que Leslie aussi avait goûté à son sang, mais cela ne saurait tarder. Ce poltron était bien capable de le dire au Roi, à la Reine, à Julien, à qui sait d'autre ! Hannah ressentait une aversion indélébile envers le vampire : rien de ce qu'il pourrait dire ou faire ne le rachèterait à ses yeux. Elle le classait volontiers dans ses "ennemis". Pour Julien, c'était autre chose. Il était indéniablement d'une intelligence rare et d'une perspicacité sans failles. *Deviner nos intentions a été pour lui un jeu d'enfant, vu mon alcoolémie élevée !*

Elle garderait de cette soirée un mauvais souvenir et ne reverrait Julien qu'avec précaution. Son comportement ivre ne manquerait pas de remonter aux oreilles de la royauté : en bon serviteur, Julin irait les prévenir du danger d'une servante irresponsable ! *Qu'il se mêle donc de ses affaires !* Mais malheureusement, en tant qu'ami de William, Julien se devait justement de rapporter tous les faits et gestes de sa servante !

L'intérêt de Julien pour Camille lui parut presque malsain. Pourquoi insister lourdement sur une odeur ? Hannah ne comprenait vraiment rien à ce charabia. Mais ce n'était pas le moment de s'insurger haut et fort devant ce manque de politesse et de finesse. Cela ne ressemblait pas au style du shérif, c'est vrai, mais mieux valait pour elle se taire... et cesser de zieuter le frigo ! *Ce que tu peux être bête ! Qu'y a t-il dans le frigo d'un vampire ? A part du sang hein ?* La soudaine faim devait lui faire perdre la tête.

Les paroles suivantes de Julien lui firent l'effet d'un électrochoc. Elle faillit se lever d'elle-même pour se précipiter vers la sortie. Il les congédiait ? Une sensation de bien être l'envahit: était-ce vrai ? Oui, cela se confirmait dans ses mots envers Camille et envers elle. Des mots tout sauf sincères et dépourvus d'intérêt. Elle pensait qu'il se fichait bien de leur sort à tous les deux !

'Merci pour votre accueil, Monsieur Guillemaud. Vous avez une demeure agréable : sans cette odeur persistante de soufre, je me serai sentie parfaitement bien." Un trait d'humour. Cela lui faisait du bien. C'était aussi de l'ironie. Elle ne s'était jamais sentie à son aise depuis le début de la nuit.

Son regard acéré par tant de détermination semblait vouloir éplucher chaque couche composant le masque du voleur. Il cherchait avidement, la pression exercée par ses yeux était plutôt significative et ses paroles l’étaient tout autant d’ailleurs. Il voulait le déstabiliser, jauger ses réactions. Un vrai jeu mené par ce buveur de sang. A côté de lui, il semblait qu’Hannah perdait peu à peu patience. Son silence en disait assez long et le corbeau ne savait quoi faire pour elle. Après tout, il s’était engagé dans une drôle de lutte muette avec leur hôte. La curiosité de ce dernier devenait réellement embarrassante et Camille ignorait pour lequel d’entre eux, elle s’avérerait plus fatal. Sûrement pour lui-même plus que pour le shérif – il avait un grade tout de même. Enfin peu importait pour les foudres, il ne comptait pas aider l’orage à se propager ce soir. Il offrit un sourire tout à fait franc au vampire tout en haussant les épaules. De quoi parlait-il seulement ? Pour le coup le français n’en savait rien et c’était réellement sincère. Il avait dû confondre peut être avec cette créature à l’odeur étrange qu’il avait croisé au bal ? Cela semblait tout à coup bien plausible mais il se garda de le dire – évidemment. De toute manière, il ignorait tout de cette jeune femme et malgré diverses fouilles, il ne s’était butté qu’à du néant. Frustrant à souhait, un sujet à éviter dans l’absolu.

« Pas à ma connaissance. Je ne suis pas du coin pour tout dire, donc cela m’étonnerait fortement que vous ayez croisé quelqu’un de ma lignée.»

Ne l’entendait-il pas à son accent qu’il n’avait rien d’anglais ? Franchement, certain parvenait à le discerner assez aisément. Il ne pouvait pas tout à fait cacher ses origines françaises même avec toute la volonté du monde. Il ne savait ce qu’avait cherché la sangsue mais de toute évidence, elle ne la trouva pas car le riche héritier n’avait déclamé que la stricte vérité. Est-ce ça qui fut le déclencheur de leur libération ? Si c’était le cas, hé bien, tant mieux ! Le jeune homme fût heureux de quitter les lieux et d’arrêter ce combat mental. Il avait eu l’impression de jouer aux échecs durant la dernière heure, ne sachant pas quel mouvement faire afin d’esquiver l’interrogatoire du mort vivant. Il en avait presque la migraine. Le propriétaire de l’endroit se remit à glisser le souffre dans la discussion ce qui chiffonnait le volatile au plus haut point. Pourquoi n’arrêtait-il pas de souligner l’évidence ? Afin qu’on s’en intéresse ou justement désintéresse vu qu’il faisait celui qui n’avait rien à cacher ? Tant pis, ça n’avait plus d’importance pour l’instant, tant qu’ils pouvaient partir. Il se délectait juste de son petit manège visant à leur inspirer la terreur et la crainte. L’oiseau hocha de la tête sans se départir de son rictus. Pour sûr qu’il allait en discuter avec sa maîtresse, il n’aimerait pas ne pas savoir comment agir la prochaine fois qu’il reverrait ce gars.

« Je n’y manquerais. Merci à vous de nous avoir reçu. Au plaisir de vous revoir. »

Sur ces mots, le métamorphe avança une dernière fois sa main vers leur hôte – histoire d’être poli puis prit le bras de son amie et fila vers la porte sans autres déclarations qu’un autre aurevoir une fois qu’ils eurent franchi le seuil. Il n’aurait pas voulu que le buveur de sang ne se fâche aux derniers mots prononcés par l’humaine – elle était trop irritée pour mesurer ses dires. Une fois qu’ils furent assez loin de son quartier, au milieu de l’agitation, là où les oreilles vampiriques ne pourraient plus traîner, le changelin s’arrêta au milieu d’un trottoir et fit face à la brunette.

« On a eu de la chance sur ce coup ! J’ai cru qu’il n’allait jamais vouloir nous relâcher. C’est un drôle de personnage ! Merci de ne rien avoir dit au sujet de la Reine, je t’en suis redevable. »

Il analysa sommairement les traits de la mortelle et s’inquiéta de son état. Elle était passée par toute sorte d’humeur ce soir et son instabilité avait beaucoup alerté le fumeur cette nuit. Il se voyait mal la planter là. Il serait plus rassuré à l’idée de la ramener chez elle déjà.

« Est-ce que ça va ? »

Il se mit sur le côté, histoire que les gens puissent passer sur leur pan de bitume et attendit sagement sa réponse en fonction, ils choisiraient leur destination. Mais il n’était pas question de retourner dans un bar, ça c’était clair.

*Enfin*.
Ce fut la seule pensée d'Hannah quand elle sortit de chez Julien.
*Enfin.*
Un sourire de façade quand elle se glissa par la porte, suivi de Camille, qui prenait congé lui aussi de leur hôte. Un sourire qu'elle garda tout le long, jusqu'à ce que la maison ne soit plus qu'un point dans le lointain. Elle se souvenait que des vampires pouvaient les épier pour le compte de Julien, ou de Krystel. Et qu'elle devait garder un masque de circonstance, comme si leur rencontre chez ce vampire s'était déroulée aimablement, avec les meilleures intentions du monde ! Au départ, Hannah pensait vraiment que leur sauf conduit se trouvait être le shérif Julien Guillemaud. Mais très vite, ses questions persistantes et ses soupçons avaient porté ses nerfs à vif. Elle ne se sentait pas très à l'aise déjà, elle avait trop bu et avait perdu la tête. Elle avait plus envie qu'on la laisse tranquille qu'on la cuisine !

On a eu de la chance sur ce coup ! J’ai cru qu’il n’allait jamais vouloir nous relâcher. C’est un drôle de personnage ! Merci de ne rien avoir dit au sujet de la Reine, je t’en suis redevable.

Hannah esquissa un deuxième sourire, mais celui là n'était plus de façade. Elle contempla avec son petit sourire Camille, comme si elle le découvrait pour la première fois. Elle ne savait pas par où commencer pour lui faire comprendre à quel point elle lui était redevable de son ingéniosité. A quel point elle avait été bête sur "ce coup-là" comme il disait ! Au lieu de cela, elle répondit simplement :

"Tu as été très adroit. Merci, Camille, merci de m'avoir sortie de ce pétrin."

Un drôle de personnage ?? Hannah ne l'aurait pas qualifié ainsi, mais elle se garda de s'exclamer tout haut ce qu'elle pensait de Julien. Ce vampire lui faisait froid dans le dos, avec sa baignoire de soufre et son regard pénétrant, sa voix doucereuse qui vous paraissait amicale, mais en fait, cachait un esprit affûté et très intelligent.

"C'est ton histoire à toi, ton secret. Je ne voulais pas dévoiler cette faiblesse devant lui."
*Je peux être intelligente moi aussi des fois* pensa t-elle amèrement. Etre aussi proche de la Reine pouvait être une faiblesse, en tout cas, si Augustus ignorait que sno épouse avait des amants. Le connaissant, il devait être au courant. Mais Hannah n'ajouta rien.

"Fais attention à lui car pour l’instant, il ne sait rien, mais il est assez débrouillard pour découvrir la vérité tout seul ! Moi j'ai la "chance" que tout le monde sache déjà avec qui je couche" ajouta t-elle, ironique sur le mot "chance".

Ayant dit cela, elle se souvint avec effarement de sa situation actuelle, peu brillante. William lui avait envoyé un message sur son portable, lui demandant de venir le retrouver à la Pomme du Diable. Elle avait peur des paroles de son maître, blessantes, cruelles peut être, peur de lire dans ses yeux la souffrance qu'elle lui avait causée. En même temps, elle voulait se réconcilier avec lui, s'il voulait bien d'elle. Elle avait besoin de lui, mais elle était sa faiblesse.

Est-ce que ça va ?
Camille avait vu son visage, et même s'il ne comprenait pas tout, il savait qu'elle n'était pas dans son assiette. Il avait partagé avec elle des moments plutôt difficiles.
"Je ne t'en voudrais pas si tu préfères m'éviter à l'avenir. Je ne porte pas bonheur, on dirait. Si tu m'as vue dans cet état dans ce bar, c'est que je cherchais à oublier. J'ai trahi William mon maître, et comme punition, je suis passée dans les bras, dans les griffes d'Augustus. Je t'épargne les détails. Je ne suis pas une servante de confiance."

Oh non ! Elle n'aurait pas du dire cela ! Elle s'écria :
"Non, oublie ce que je viens de dire ! Ou jure-moi de ne le dire à personne ! Surtout pas à Krystel. Elle me déteste et ferai tout pour que je tombe."
Elle se détourna de lui, bouleversée. Elle avait encore parlé trop vite ! Hannah leva vers Camille des yeux implorants. *S'il vous plaît, faites qu'il promette et tienne parole !*

Les remerciements d’Hannah avaient quelque chose de déstabilisant. Elle faisait planer cette menace lui laissant la désagréable impression de ne pas être sorti totalement de cette affaire. D’ailleurs pourquoi en serait-il autrement ? Ils avaient réussi à franchir le seuil mais rien n’avait pu satisfaire les vices de leur hôte. Les vampires étaient des êtres plutôt têtus. Plus leur frustration serait grande, pire serait la suite. Cet interlude n’était qu’une préface, voilà ce que la brunette cherchait à lui faire comprendre. Garder son secret serait rude, il n’en doutait pas. Est-ce qu’un jour sa maîtresse le sortirait de sa manche tel un atout ? Serait-il présenté à la communauté ? Le souhaitait-il vraiment ? Tant de questions qui lui retournaient autant l’estomac que les méninges. Il n’était pas prêt à affronter ce type de raisonnement. Et pourtant, il faudrait trouver une solution concernant ce shérif. En temps voulu, oui, en temps voulu. Il se reconcentra sur son interlocutrice qui en avait bien plus dévoilé en quelques secondes qu’en plusieurs heures. Une histoire de sexe donc qui avait causé ce chagrin. Le monde vampirique regorgeait de potins sur ce thème mais cela n’avait rien d’étonnant. Les buveurs de sang englobaient à eux seuls le concept de la luxure et ça ne serait sûrement pas Camille qui pourrait contredire ce fait – sûrement pas lui ou alors il ferait preuve d’une hypocrisie sans pareille. L’oiseau ne voulait pas embrayer sur le sujet pour autant, trop houleux et intime. N’oublions pas qu’il ne s’agissait pas de ses oignons et ce, depuis le départ. Regardez à quoi ça finissait par rimer de se mêler de la vie d’autrui. Enfin, il ne regrettait pas. L’humaine avait besoin de compagnie ce soir. Alors qu’il méditait là-dessus, elle partait de son côté dans un délire qu’il ne put complètement suivre. Finalement, il en apprit plus sur ce qu’il voulait éviter. Un schéma se dessina déjà dans son crâne alors qu’il tentait déjà de placer des visages sur les noms. Bien sûr, sur le Roi, il n’y mit qu’une ombre, une ombre très menaçante. Mais s’il allait de surprise en surprise, la fin vint conclure cet enchaînement avec brio, l’apothéose des révélations. Présenter Krystel comme une créature haineuse et insensible, voilà qui ne coïncidait pas avec sa vision des faits. Bien sûr, il savait qu’il fallait la craindre et que comme ses congénères, sa Majesté partageait des penchants pour le sadisme mais de là à la considérer comme tel. Tout s’embrouillait dans l’esprit du voleur car elle venait en l’espace d’une minute envoyer des informations qui partaient en tous sens. Trop à assimiler en si peu de temps. Le premier réflexe du métamorphe fut de la retenir à l’épaule au cas où elle déciderait de s’enfuir. Il garda sa paume sur son épaule le temps de parler.

« Hey ! Tout va bien, ne panique pas. Je ne dirais rien, je te le promets. »

Il lui sembla alors soudainement devenir un confident potentiellement en danger – enfin c’était stupide de penser de la sorte, il n’avait pas appris quelque chose qui le menacerait directement. N’est-ce pas ? Non mais si tout un bar était déjà au courant de ces ragots… Il n’en fit pas mention à la mortelle cependant. Elle pouvait compter sur son silence. Était-il un bon gardien ? Franchement, il n’en savait rien.

« Je ne sais pas ce qu’il t’est arrivé mais je doute que tu portes malheur. »

Lentement, il ôta ses doigts de l’épiderme de la jeune femme puis il lui désigna d’un coup de tête l’allée qui s’entendait face à eux. D’un sourire, il l’invita à le suivre. Trouver les mots et chercher à la réconforter, pas son fort. Autant combler les brèches avec une activité et elle ne fut pas dur à trouver, son estomac se contractait sous l’appétit.

«Je ne sais pas toi mais moi, après toute cette histoire, je crève de faim. Allez, viens, je t’invite. »

Sans ajouter quoique ce soit, il la prit par le bras pour la seconde fois de la nuit et l’emmena jusqu’à un restaurant sans prétention qui faisait plus dans la petite restauration. Il ne restait plus beaucoup de clients à cette heure-ci et le riche héritier se demanda même durant un instant s’ils n’allaient pas tout simplement se faire jeter – apparemment non d’après les horaires indiqués sur la porte. Il franchit la porte avec elle et choisit une table un peu plus en retrait. A la suite, il s’empara d’une carte proche et la tendit à sa comparse. Il ôta son blouson le temps qu’elle plonge son nez dans le menu et en profita pour jeter un œil sur son portable. Pas de messages et comme disait l’adage : pas de nouvelles, bonne nouvelle ! Et franchement, après tout cet amalgame étrange, un peu de sérénité ne pouvait pas faire de tort. Oh ça, non.

Après que les deux humains aient quitté ma demeure, je refermai la porte sur leurs pas et me dirigeai vers ma salle de bain du rez-de-chaussée. Une fois dans la pièce je reniflai l’air ambiant, m’imprégnant de l’odeur de l’humain. J’étais certain d’en avoir déjà senti une similaire par la passé, sans pour autant parvenir à identifier cette dernière. Malgré cela je posai à présent mon regard sur l’ensemble de la pièce à la recherche d’un détail particulier à exploiter pour en apprendre davantage sur au moins l’un de mes deux invités de la soirée. La seule chose que je trouvai était au final un cheveu. Je souhaitai qu’il appartienne au mâle mais en l’observant un peu plus j’en déduisis qu’il venait en réalité du crâne de la servante de William. Pensant ne rien trouver ayant un véritable intérêt je décidai d’ouvrir la fenêtre afin d’aérer un peu et de débarrasser la salle d’eau de l’odeur des deux humains. J’ai beau aimer malmener la vermine, quitte à en amener quelques spécimens chez moi, je suis tout de même assez soucieux de la propreté de mon logis.

J’allai ensuite dans ma cuisine afin de prendre deux poches de sang pour en vider une de suite pour étancher ma soif immédiate, et attendis d’être assis dans mon fauteuil du salon pour entamer la seconde. Que pouvais-je tirer de cette soirée ? En définitive pas grand-chose sinon le plaisir d’avoir joué avec deux humains. La servante de William continuera à se comporter comme… une humaine. Je ne comprenais pas son comportement, encore moins son raisonnement. Moi aussi j’avais commis une faute par le passé et aussi dure fut la sanction, je me suis servis de cela pour réagir au lieu de me servir de celle-ci comme un prétexte pour faire n’importe quoi. Néanmoins si d’ordinaire j’aurai parlé à William du comportement de son humaine, il en était tout autrement maintenant. Depuis qu’il m’avait montré qu’il collaborait avec la fourbe Renard, je prenais un peu mes distances avec lui, du moins pas officiellement car aux yeux de tous rien n’avais changé dans mon comportement. William prenait-il le chemin de la trahison ? Quant à l’autre invité, ce Camille Fontayn, j’étais curieux de connaître l’identité de son maître, si tant est qu’il en ait réellement un car pour le moment je n’en avais pas la preuve. Malgré ce doute je décidai d’enquêter prochainement sur ce point et aussi sur son odeur. Il me fallait savoir où j’en avais déjà senti une de ce type. Jetant un œil à mon téléphone afin de voir l’heure qu’il était, je vis qu’il était temps pour moi de partir. J’avais un rendez-vous et n’avais que deux heures avant que le soleil ne se lève, je ne devais pas traîner.

*Allons, reprends tes esprits, tout va bien*.
Et puis, comme Camille aussi lui assurait que tout irait bien, qu'il ne trahirait pas son secret, elle s'accorda une respiration profonde.
*Ressaisis-toi, Hannah. Vous êtes sortis, c'est fini. Tu as dit des bêtises, tu en as fait aussi, mais quoi, tu es jeune, et vivre auprès des vampires ne t'a pas tellement appris la vie que ça ! Tu as encore beaucoup de choses à apprendre. Accepte-le, n'en fais pas une fatalité.*
Son silence dut inquiéter son compagnon, car il ajouta :
"Je ne sais pas ce qu’il t’est arrivé mais je doute que tu portes malheur. »

Elle lui accorda un sourire plus franc, et résolue à laisser cet épisode fâcheux de côté, elle se laissa conduire vers un petit restaurant.
"Moi aussi j'ai très faim. C'est l'adrénaline qui veut ça !"

Une fois attablés, Hannah se perdit un peu dans la contemplation de son menu. Mais comme son ventre gargouillait fort - au risque de faire fuir les rares clients à cette heure tardive !, elle choisit vite son plat, carré d'agneau, pommes de terre au four et épinards. Reposant son menu, elle sourit encore à Camille. Oui, sans raison. Oui, elle l'avait déjà remercié et il avait paru étonné et presque mal à l'aise de cette effusion. Alors, elle en avait conclu qu'il n'avait pas l'habitude. Aussi restait-elle muette, au moins concernant les éventuels re-remerciements. Et puis leur conversation allait sûrement tourner en rond s'ils en restaieent sur les "mercis" et "de rien" !

Alors Hannah repensa à ce qu'elle savait sur Camille avant de le rencontrer et sur ce qu'elle avait appris entre temps.
"Tu sais, avoua t-elle après quelques temps, je n'avais pas une bonne opinion de toi avant. Comme tu est très lié à... tu sais qui, et que je n'aime pas non plus cette personne, j'ai pensé que tu pourrais être un ennemi. Mais j'ai changé d'avis. Tu es tout sauf mauvais.
On leur apporta leur boisson, une eau pétillante pour Hannah.
Elle s'interrompit et étudia sa réaction de l'autre côté de la table. Ce garçon était étrange et étonnant. Elle repensa aux paroles de Guillemaud sur l'odeur de Camille. Mais elle n'allait pas lui poser de questions sur ce sujet. Elle se doutait bien qu'il ne voudrait pas lui en parler. Un jour, peut-être comprendrait-elle ce que ça voulait dire.

Le voleur analysa nonchalemment les environs tandis que sa voisine de table scrutait avec attention le menu. Il ne restait vraiment pas grand monde à cette heure tardive, un couple, une femme et deux hommes. Aucune agitation juste quelques discussions posées, rythmée par un fond sonore léger, tranquille. L’atmosphère générale respirait la sérénité, voilà qui était profitable pour les deux rescapés. Camille se sentait enfin détendu et ne rêvait déjà plus que d’avaler quelque chose. Sa pensée fut rejointe par l’estomac criant famine de la brunette, ce qui eut le don de lui arracher un sourire amusé. Il avait donc visé juste concernant cette petite halte gastronomique, tant mieux. Au moins, elle repartirait dans de meilleures dispositions et lui aussi d’ailleurs. Etre ici et partager un repas l’empêcheraient de cogiter seul dans son appartement. Le ventre plein, il avait toujours moins de difficultés à sombrer dans le sommeil – allez savoir pourquoi ! Alors qu’Hannah reposait la carte, un serveur fit son apparition. Il la laissa commander en premier – il n’avait même pas jeté un œil sur les plats, et demanda la même chose. Le type les fixa durant un long moment avant d’hausser les épaules et prendre la commande. De toute évidence, manger à cette heure ne semblait pas courant. Heureusement, le cuistot n’avait pas encore déserté le lieu. Le métamorphe posa ses bras sur la table et croisa ses doigts. Il offrit un autre rictus à la jeune femme qui se changea très rapidement en grimace tordue quand elle évoqua Krystel. Voilà qu’elle le ramenait à un thème plutôt épineux – pour sa conscience tout du moins. Il ne voyait pas sa maîtresse comme quelqu’un de forcément aimable mais jamais, il ne l’aurait envisagé comme un ennemi public, quelqu’un de détestable. Disons qu’il n’avait rien vécu jusqu’ici de situations qui allaient en ce sens. Il se doutait que la vampire était redoutable et sûrement cruelle à ses heures. Mais de là à partir dans un extrême démoniaque… Il ne voulait pas vraiment y penser car il se refusait à remettre en question son affiliation. Il y trouvait son compte dans leur petit marché et la présence de la Reine n’avait que des avantages pour le corbeau. A tout point de vue. Pourquoi le cacher alors ? Oh, il y avait l’explication la plus simple, la plus facile. Elle ne voulait pas forcément révéler toutes ses cartes et puis, il tenait à son anonymat vis-à-vis de sa famille, de la réputation de celle-ci. Rien n’à voir avec une quelconque honte alors ? Ah, ça, c’était une autre histoire et vu que sa lâcheté le poursuivait toujours telle une ombre, il n’en dirait rien. Tranquillement, il réceptionna son verre d’eau plate et en but une petite gorgée. De l’eau, oui, il avait l’impression que le whisky lui avait râpé la gorge, la langue. Ce breuvage était parfaitement adapté à une réhydratation apaisante. Une fois, qu’il eut avalé un peu de son verre, il le reposa sur la surface lisse devant lui puis replaça ses yeux dans ceux de son interlocutrice.

« C’est un concours de circonstances qui m’a amené jusqu’à elle. »

Était-il en train de se justifier ? Oui, non, peut-être, allez savoir ! En tout cas, il ne voulait pas s’attarder là-dessus, ça ne la regardait pas.

« Mais tu m’envoies ravi si j’ai réussi à te faire changer d’opinions ! »

Il ne savait pas trop quoi en penser de tout ça. Peu importait. Comme toujours, il eut besoin de s’occuper les mains durant l’attente. Son récipient trouva sa place toute indiquée entre ses doigts et il s’amusa à le faire rouler d’une paume à l’autre. Il observa son invitée et réalisa qu’il ne savait quasiment rien sur elle. Était-il déplacé de lui poser quelques questions, de vouloir la connaître alors qu’ils venaient de vivre un moment pour le moins flippant. Sa curiosité, un jour, le perdrait – ça c’était un fait inéluctable. Mais à vrai dire, elle l’avait déjà perdue – enfin ça dépendait du point de vue. Il ignorait s’il s’aventurait ou non sur un terrain vaseux, si ses interrogations n’étaient pas stupides mais tant pis. Il ne pouvait pas le savoir sans tenter d’en parler.

« Tu fais quoi dans la vie ? »

Il risquait de devoir répondre également à celle-ci mais elle savait déjà une bonne partie de ses secrets donc. Oh, il n’allait pas lu répondre l’entière vérité mais au moins, il ne devrait pas totalement mentir. A ce jeu, il devenait plutôt fort.

Camille aussi commanda un verre d'eau. Souci de l'imiter ou envie d'une boisson fraîche, non alcoolisée ? Hannah but une petite gorgée, essayant de ne pas se jeter telle une enfant sur son verre. Elle surprit le regard étonné du serveur et comprit qu'il ne s'attendait pas à voir surgir deux clients à cette heure. *Et les vampires alors ? Vous devez être habitué à les voir dans votre restau. Même s'ils ne mangent pas.*
Hannah avait aussi très faim : après avoir bu autant, elle se sentait légèrement nauséeuse et attendait avec impatience le retour du serveur.
Peut-être à cause de son état, ou à cause de son manque de tact, elle se confia sans ambages à Camille, sur l'idée qu'elle avait de lui au départ, et le changement d'opinion qui s'était opéré durant leur "soirée" ensemble.

Elle vit son expression changer brièvement. Que pensait-il de Krystel ? S'il travaillait pour elle - et plus si affinités peut être car il était beau garçon - il devait la connaître et se douter de ces penchants, et de ces traits les plus sombres. Au tout début, Hannah voyait les vampires comme des êtres supérieurs, auxquels on devait apporter le respect en toutes choses, mais à présent, elle se sentait de plus en plus éloignée de ce monde de sang et de domination. Le souvenir d'Augustus l'avait marquée au fer rouge. C'était une expérience désagréable où son côté noir avait surgi. Elle n'aimait pas s'en rappeler.
La réponse laconique de Camille indiquait que lui non plus ne voulait pas en parler. Soit ! Elle ne saurait pas le fin mot de l'histoire et finalement ce n'était pas plus mal. Aucune envie de comprendre le lien sûrement complexe entre la Reine et lui.

Un silence gêné s'installa ; il tournait son verre entre ses doigts, cherchant quelque chose à lui dire. Patiente, Hannah regardait le serveur et lui fit le signe de venir. A ce moment-là, Camille combla le vide en lui demandant son métier.

"Un steak bien saignant avec des frites s'il vous plaît."
*Me faire plaisir cette nuit, enfin !*
"J'aime le sang, c'est plus fort que moi !" s'exclama t-elle en riant, mais devant l'expression indéchiffrable de Camille, elle s'arrêta net et continua :
"Euh... je suis serveuse en fait, à la Pomme du Diable. William Raybrandt en est le propriétaire. Et toi ?"

Le jeune homme fit passer ses yeux de son verre à la jeune femme sans se départir de son sourire. La fameuse question qui revenait sans arrêt à juste titre et qui restait un peu délicate toutefois. Mentir à ses parents était une chose, devoir constamment jouer la comédie au reste du Monde en était une autre. L’oiseau trouvait ça plutôt éreintant de devoir revêtir un rôle avec quasiment toute la population. Le fait de partager tous ses secrets avec la vampire avait sûrement entraîné cette dépendance. Krystel avait été la première à connaître sa nature, à savoir à quoi il occupait ses nuits, il ne devait pas faire semblant avec elle. Il pouvait être entier et c’est en partie pour ça que sa présence lui semblait si bénéfique. Finalement, il n’était en rien différent des autres humains, il aurait aimé se faire accepter pour ce qu’il était. Bien sûr, il ne voulait pas se plaindre car sa condition lui plaisait également. Il en retirait une certaine liberté, de l’amusement et une grande satisfaction. Complètement contradictoire, il fallait l’avouer. Enfin. L’un dans l’autre, il n’aimait pas vraiment répondre à cette interrogation. Au moins, la brunette savait qu’il servait la Reine, c’était toujours ça de pris.

« Je suis étudiant. »

Il ne voulait pas s’étendre là-dessus et chercha très vite une façon de détourner la discussion. Son regard balaya à nouveau la pièce en quête de diversion mais il dû se résoudre à revenir se poser sur son interlocutrice et enchainer sur ce qu’elle avait elle-même révéler. Tranquillement, il rebut une gorgée de son breuvage avant de poser dans l’air la suite de leur conversation.

« J’ignorais que tu bossais là-bas ! J’y suis déjà passé. Je ferais plus attention la prochaine fois que j’y remettrais les pieds. »

Il offrit un autre rictus puis laissa le serveur poser les assiettes sous leurs yeux. Le steak était en effet bien saignant ce qui lui rappela la réplique antérieure de la jeune femme. Cela l’avait déstabilisé ? Pas vraiment. Il n’allait pas jouer l’innocent qui s’offusque pour si peu. Quelqu’un qui porte régulièrement des marques de crocs sur son corps ne devait pas se prendre pour un saint. La nuance était qu’il n’était pas accro au sang de vampires, pour la simple et bonne raison que sa maîtresse n’avait cherché à l’abreuver et que lui ne le désirait de toute façon pas. Il savait les ravages que cet hémoglobine pourrait provoquer à son organisme. Il semblait déjà bien trop drogué par la présence unique de Krystel pour en rajouter à cet état avec un peu de son essence vitale. Il fallait un équilibre dans toute cette démence sinon la situation pourrait définitivement basculer et se retourner contre lui. Peut-être que c’était un peu trop utopique de croire qu’il maîtrisait les composantes de cette relation… En fait, il ne faisait que limiter la casse mais il aimait se voiler la face. Docilement, il porta ses couverts à la nourriture puis à sa bouche. Durant l’opération, il se tut. Il avait réellement faim et s’empressa de dévorer le contenu de son assiette tout en espaçant cependant chaque bouchée d’un peu d’eau. Il en était à la moitié de sa dégustation quand il releva ses yeux vers sa voisine de table. Il avala doucement ce qu’il avait placé dans sa cavité buccale puis s’adressa à l’humaine.

« Pas trop mauvais, qu’en dis-tu ? »

Il sourit avant de finir son repas et de terminer également sur la même foulée son verre. Il se sentait bien mieux le ventre rempli quoiqu’un peu somnolent désormais. Il n’enchaînait jamais de réelle nuit de sommeil. Ça lui jouerait un tour un jour ou l’autre. Sagement, il attendit que son invitée achève son dîner après il demanderait l’addition et il finirait surement par rentrer chez lui retrouver son lit confortable. De sa chaise, il pouvait presque entendre son oreiller l’appeler.

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