Je reprends la forme d'un papillon pour tracer la route au devant de Gabriel en toute discrétion, mes ailes bleu iridescentes me portant à travers le dédale des couloirs. Je dois m'assurer que Roxane va bien avant toute chose. Il ne nous est pas permis de perdre la dernière Exécutrice de la Meute après les deux Alpha, et je préfère autant gérer ce cadavre qui nous reste sur les bras plutôt que le sien. J'aperçois avec soulagement l'éclair rouge de sa tignasse se diriger à son tour vers la sortie. Je ne vois pas grand-chose de plus sous cette forme, de par le manque de visibilité évidente. Mais de toute évidence, elle ne craignait rien d'autres que de faire chou blanc. Le danger étant provisoirement écarté, c'est la partie moins plaisante qui commence.

Je fais demi-tour pour chercher ce cadavre afin de le faire disparaître. Je pourrais le déchiqueter et le démembrer à tel point qu'il serait méconnaissable et que les circonstances de sa mort seraient floues... Je m'applique à ce travail de boucher quand l'envie m'en prend, mais c'est bien plus délicat avec toutes ces traces de sang, le sien et le nôtre. Je n'ai pas la force de le porter jusqu'à l'extérieur à cause de ma clavicule douloureuse et me retrouve à le traîner sur plusieurs mètres, ce qui est loin d'être conseillé pour éviter les traces... Mais peu importe, je vois déjà mille chandelles simplement en le tirant avec mon bras valide. Je me méfie à chaque intersection qu'un autre clébard ne me saute pas à la figure, ou un de ses collègues, ce qui serait encore pire. Je le dépose à l'entrée, le temps d'enfiler quelques vêtements et d'attraper mon portable. J'ai une grimace mauvaise alors que je tape ce numéro que je connais si bien, mais dans mon état, mes choix sont limités. Recevoir encore un appel à propos de la Meute et de certains de mes débordements ne va définitivement pas lui plaire, mais je sais que Nolan acceptera de me couvrir comme il l'a toujours fait jusqu'à présent. Il me faut uniquement des personnes pour faire le nettoyage... Et il en a un certain nombre à revendre, qui se débrouillent bien, par habitude de repasser derrière ses tueurs à gages, moi compris. Les bavures sont nombreuses dans le métier, le tout étant de parvenir à les couvrir... Faire disparaître proprement le corps, retirer toutes traces de conflit, ainsi que de s'assurer que la vidéosurveillance n'était pas opérante. Quoique... Dans cette pénombre sordide, je doute qu'ils puissent discerner quoi que ce soit en détail. Nous sommes des ombres, et les ténèbres sont nos alliés.

Je me tourne vers mes complices, me rapprochant d'elles après avoir raccroché. Je n'avais pas tellement envie qu'elles entendent cette conversation, préférant garder pour moi mes liens avec cette mafia que dirige mon père adoptif, même s'ils sont parfois utiles à la Meute.

- Vous feriez bien de tracer la route et vous faire oublier un temps. On se retrouvera plus tard, après avoir léché nos plaies, pour parler des indices qu'on aura glané... Je m'occupe du nettoyage, avant de disparaître à mon tour. Allez, dégagez, et débarrassez-vous de ces armes ou rendez-les moi.

Je garde une impression mitigée de cette escapade nocturne. Nous n'avons rien trouvé de probant à se mettre sous la dent. J'ai l'étrange sensation d'avoir gaspillé mon temps en plus de m'être pris une balle... J'espère que les filles auront eu plus de succès que moi. Il sera bien temps de songer plus tard à ce que nous pouvons en tirer. La nuit n'est pas finie, et j'ai encore beaucoup de travail.