Le diable s'habille en Prada [Livre II

Roxane avait confié la tâche de garder discrètement un oeil sur Charlie à un métamorphe de la Meute en qui elle avait confiance. Pas celui en qui elle avait le plus confiance, bien évidemment. Alexis était trop jeune pour une mission de ce genre, et elle était trop attachée à Charlie pour réussir cette mission sans se trahir. Ce que lui avait rapporté son espion ne lui avait pas plu. La louve avait déménagé, ce qui était prévisible. La PES avait pris tout ce qu’elle possédait. Mais le problème était qu’elle n’avait pas déménagé dans un foyer pour pauvres, ou dans un squat, ce à quoi on se serait attendu. Non, au lieu de ça, la louve s’était installé au dernier étage d’un immeuble luxueux. Et Roxane n’aimait pas ça du tout.

Elle avait noté mentalement l’adresse, et avait accompagné Alexis au lycée avant de prendre le train pour Edimbourg, ou s’était installée Charlie. Elle avait dit à Alexis qu’elle passait la journée en ville. Elle n’avait pas précisé quelle ville après tout, ce n’était pas vraiment un mensonge. Pourtant elle se sentait un peu coupable de ne pas lui dire qu’elle allait chez Charlie. Lorsque la situation de la Louve serait clarifiée, elle lui en parlerait, et elle lui laisserait peut-être la voir. Mais pour le moment elle avait besoin de comprendre ce que trafiquait Charlie.

La métamorphe ne connaissait pas le code à l’entrée, et elle n’avait pas le temps de le trouver. Elle fait le tour du bâtiment et trouve le local à poubelles. Elle y dépose ses vêtements et les plie soigneusement pour les dissimuler entre deux poubelles, avant de changer de forme pour prendre celle d’un papillon de nuit. Il ne fait pas nuit, ce qui rend sa concentration d’autant plus difficile car son esprit l’attire vers les zones d’ombre pour s’y poser. Mais elle tente de rester concentrée, et atteint le dernier étage où elle finit par trouver une fenêtre entrouverte par laquelle elle entre dans l’appartement.

Elle fait un tour rapide dans l’appartement pour s’assurer qu’il est vide puis reprend forme humaine. Il lui est bien plus facile sous cette forme de réfléchir et d’observer. Et ce qu’elle voit ne lui plaît pas. Elle aimerait croire qu’elle s’est trompée d’immeuble, et que cet appartement n’est pas celui de Charlie, mais l’odeur ne trompe pas. Elle connaît suffisamment la louve pour la reconnaître. Le luxe transpire partout autour d’elle, et chaque détail sur lequel se posent ses yeux irrite la Jolfr. Comment finance-t-elle cela ? Roxane fait le tour des pièces à pas énervés, puis elle se décide à attendre que Charlie rentre chez elle. Elle ouvre le dressing pour y prendre une tenue puant l’argent. Elle va sans doute l’agrandir, étant légèrement plus grande que l’asiatique, mais elle n’en a absolument rien à faire. Apparemment elle peut se permettre d’en racheter. Elle retourne dans le salon, et s’installe sur le fauteuil, en ruminant son énervement. Elle a intérêt à rentrer rapidement, parce que plus la métamorphe attendra, plus elle devra subir son humeur.

Le diable s'habille en Prada

?? Janvier 2018

« Comment ça vous avez plus de petites tailles ? J'ai appelé hier on m'a dit qu'il en restait un en taille 2 et qu'on me le mettait de côté. »

Je fronce les sourcils en essayant de garder mon calme pour éviter d'arracher la tête de la vendeuse qui semble terrifiée. Mais en même temps voilà quoi. Je fais le nécessaire pour avoir mon précieux sésame et cette empotée me dit qu'ils n'ont pas été fichu de faire ce qu'ils s'étaient engagés à faire. Elle bafouille qu'elle va chercher un responsable, je lui lance un regard noir avant de croiser les bras. Ces derniers jours j'avais surtout été occupée par le shopping, je devais absolument regarnir tout ça avant que Scylla ne me donne une première mission. J'avais donc prévu toutes les occasion possibles mais là aujourd'hui c'était surtout un gros coup de cœur personnel.

J'attendais sagement en pianotant sur le comptoir de la caisse lorsque la responsable fit son entrée. Armée d'un sourire elle commença son petit baratin.

« Je suis navrée Miss McAllister, l'étiquette du produit qui a été mis de côté était en réalité une taille 4. Mais je viens de passer commande, la semaine prochaine on devrait recevoir le trench en question. »

De toute façon ça ne servirait à rien de faire une scène il y en avait pas et la responsable commençait à me connaître elle savait que je dépensais pas mal donc elle n'avait aucun intérêt à me mentir. J'avouais ma défaite avec une petite moue déçue.

« Je vous appellerai quand on le recevra comme ça vous n'aurez pas à faire le déplacement. » ajouta-t-elle.

Je hochais simplement la tête avant de quitter les lieux. J'avais de quoi me consoler, ce trench n'était que partie remise. Aujourd'hui j'avais déjà acheté deux paires de chaussures, deux robes, une combinaison... Bref, j'avais les bras déjà chargés et au moins je n'aurais pas à faire tout un numéro devant le digicode pour ne rien lâcher tout en tapant les quatre chiffres ouvrant la porte. Je devais rentrer d'ailleurs, heureusement que la boutique Burberry n'était pas loin, à deux rues de mon nouvel appartement. J'étais dans l'ascenseur quand je me mis à penser à tout ce changement. Il y a quelques temps j'aurais été heureuse et c'est tout de mes achats, là pour une raison obscure il y avait un goût amer derrière toute cette luxure. * Parce que c'est une vampire qui paye ? * souffla une petite voix. Elle avait raison, depuis des jours je me montais tout un raisonnement disant que je n'avais pas le choix, que c'était le meilleur choix à faire... Mais dans le fond ce n'était que des mensonges, je me sentais toujours aussi mal d'avoir vendu mon âme.

Les portes finirent par s'ouvrir une fois au bon étage et c'est à cet instant précis que je sentis l'odeur. Ça aurait pu être pire, une odeur de métamorphe, mais là il s'agissait de quelqu'un que je reconnaissais grâce à son odeur et qui allait sans doute se montrer mécontente de mon nouveau choix de vie. Je posais tranquillement les sacs devant l'entrée et fit le tour de la cage d'ascenseur pour suivre l'odeur et trouver Roxane. Parce que c'est d'elle qu'il s'agissait, la nouvelle Jolfr, tranquillement installée dans mon canapé avec mes fringues sur le dos... Wait, c'était quand même pas la robe Chanel que je prévoyais pour le premier jour de beau temps ? * Je vais la tuer *

« Tu sais les gens normaux téléphonent avant de passer ou ils attendent d'être invités à entrer. » dis-je en haussant un sourcil.

Elle avait l'air énervée, ça ne devait pas lui faire plaisir de constater que je n'avais pas touché le fond comme ils s'y attendaient tous. Ils avaient réussi à me ruiner partiellement en laissant la PES saisir mes appartements et le contenu de mes comptes en banque. Mais comme tout asiatique j'avais toujours un stock de secours en argent cash. J'avais aussi réussi à trouver un moyen de ne pas avoir à subir la vie d'une personne moyenne. Mais je n'avais pas l'intention de m'en excuser. Si c'était ça qu'ils attendaient : que je me ramasse comme une merd* c'est que ce n'était définitivement pas une famille.

« Que me vaut l'honneur de ta visite ? On ne m'avait pas parlé de devoir subir la visite d'un contrôleur judiciaire. Tu veux quelque chose à boire ? » demandais-je alors que je sortais une bouteille de jus de fruit pour moi-même.

Mon ton était neutre, pas d'excès de colère, de suffisance, pas de petit sourire en coin pour montrer que leur punition ne m'avait pas autant atteinte que ce qu'ils pouvaient penser. Non je savais que Roxane était énervée de base de constater le résultat de ma nouvelle vie, je ne savais pas ce qu'elle savait exactement, elle venait de perdre comme toute la Meute une Lupa et si mes souvenirs étaient exacts elles étaient très proches. Donc je ne devais pas la pousser si je ne voulais pas me prendre la soufflante du siècle.

« Plus sérieusement... T'as mieux à faire dernièrement que venir massacrer mes robes et fliquer ce que je fais, non ? Sauf si vous pensez que je peux vouloir me venger... Après tout pourquoi je voudrais me venger ? » demandais-je de manière purement rhétorique.

[HRP : On avait dit que ça se passait quand exactement?]

Les bruits de portes et de l’ascenseur avertissent la métamorphe de l’arrivée de Charlie, avant qu’une odeur lupine ne vienne définitivement confirmer que c’est bien elle. Roxane reste calme, immobile. Bouillonnant à l’intérieur, et travaillant sur elle-même pour éviter d’exploser. Son estime pour la louve lui donne envie de lui laisser le temps de s’expliquer. Même si elle ne voit pas d’explication qui la satisferait. Elle craint le pire. Tout cet argent ne peut être que la preuve que la louve a trahi la Meute contre de l’argent. A qui ? Les vampires ? Ceux-là même qui ont assassiné leur Lupa ? Elle a du mal à le croire. Elle préfèrerait avoir tord.

En silence, elle la regarde s’approcher, perchée sur de hauts talons probablement aussi hors de prix que tout ce qui se trouve dans cet appartement. La remarque cinglante de Charlie ne l’étonne pas. Elle ne doit pas apprécier de trouver la Jolfr ici, sans avoir été prévenue. Roxane ne cherche pas spécialement à la provoquer, mais elle a du mal à se retenir.

« Je n’avais pas mon téléphone avec moi. »

Elle n’a pas envie ni besoin de se justifier. La louve ne la provoque pas. Elle garde un ton neutre, dénué de toute émotion. Elles vont peut-être réussir à avoir une discussion efficace si elles parviennent à garder leur sang-froid et à ne pas s’énerver.

« Je veux bien un café puisque c’est si gentiment proposé. Si tu as. Sinon du jus de fruit ira très bien. Je ne voudrai pas abuser de ton hospitalité que j’ai quelque peu forcée. »

La Jolfr s’installe un peu plus confortablement dans le fauteuil.

« Je ne suis pas contrôleur judiciaire. J’ai gardé un œil sur toi, pour m’assurer que tu t’en sortais bien. Mais je dois avouer que tu t’en sors un peu trop bien pour que je sois rassurée. D’où ma visite. »

Elle laisse son regard faire de nouveau le tour de la pièce.

« J’espère que tu n’as pas de raison de vouloir te venger. »

La question n’en étais pas une, mais Roxane y répond malgré tout.

« La Meute a fait ce qu’elle devait faire. Et tu sais que cette situation n’est que provisoire. Tu peux encore rattraper les choses. Nous prouver que tu es digne de cette Meute. »

La métamorphe réfléchit quelques secondes, puis décide de ne pas tourner autour du pot. Elle veut des réponses.

« D’où vient tout cet argent ? »

HRP:

Le diable s'habille en Prada

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Je ne dis rien à l'explication de Roxane, je ravale ma remarque cinglante sur le fait que ouais ça doit être compliqué de se balader avec un téléphone quand on n'a pas de vêtements. Pour le moment ni l'une ni l'autre n'avons dépassé les bornes des limites donc autant essayer de continuer ainsi. Le but étant de la foutre dehors au plus vite pour que je puisse enchaîner sur la suite de ma journée. Un café ? Je m'approchais de la machine pour glisser une capsule à l'intérieur et met en route le tout. Le temps que l'eau chauffe je sors une petite tasse pour la mettre en place et un verre pour me verser un jus d'orange. Je récupère la tasse pleine pour la poser sur la table basse devant Roxane avant de m'installer moi-même sur un petit pouf qui fait face à la Jolfr.

Comment en est-on arrivé là ? Roxane était mon amie et pourtant là on se regarde comme des animaux sur le point de passer à l'offensive.

* T'es devenue une sous-merd* en trahissant la Meute * m'explique ma conscience.

Merci j'avais oublié ce détail. Enfin pas vraiment mais j'essayais. Jusqu'à ce que Roxane enchaîne en m'expliquant ce qu'elle faisait. Je m'en sors trop bien ?! Je sens la louve se dresser face à cette femme qui n'a pas le droit de me juger. Je commence à sentir la colère se déverser dans mon esprit et doucement réveiller mes instincts les plus primitifs. Mais c'est finalement un sourire éclatant qui se dessine sur mes lèvres et qui voulait clairement dire « Je t'emmerde ».

« Excuse-moi d'avoir trouvé une bonne situation. Mais j'ai trouvé que c'était mieux ça plutôt que de dormir sous les ponts. » dis-je en lui désignant l'appartement qu'elle semblait étudier avec un certain... Dégoût ? Dédain ?

Mais je dois rester calme, ne pas la provoquer plus. Une raison de me venger ? Me venger de quoi ? D'avoir retrouvé ma liberté ? D'être enfin libre de dire merd* à qui je l'entends ? Aujourd'hui je leur dirais bien merci. Je ne dis rien cependant, j'espère encore que mon petit coup d'éclat va être passé sous silence. Mais c'est sans compter la suite qui va sans doute réveiller toute la colère que je tente de refouler. Me montrer digne de la Meute ? Je reste choquée quelques instants. Donc ils sont réellement partis dans l'idée que cette histoire serait temporaire ? J'ai presque envie de me foutre de sa tronche mais la question fuse : d'où sort l'argent ? Je prends mon verre et boit une gorgée tranquillement avant d'envisager une réponse. Lui dire la p*tain de vérité et engager le combat contre elle et la Meute toute entière ? Ou une vérité arrangée ?

« L'argent ? Une partie m'appartient. J'ai vidé pas mal de comptes avant qu'on me laisse sans argent et sans logement. Le reste vient de mon nouvel employeur qui a besoin que je corresponde aux critères de notre clientèle. »

Je me sens faible de ne pas lui avoir dit la vérité franche et dure. Mais cette histoire de devoir me montrer digne me trotte dans la tête tel un reproche. Je ne peux pas me retenir, la traiter de tous les noms je peux l'éviter au nom de notre amitié passée, mais le reste c'est trop.

« On a été amies, non ? » Je repose mon verre avant de passer mes nerfs dessus. « Alors au nom de quoi te permets-tu de venir m'insulter chez moi sans même que je ne t'ai invitée ? Me montrer digne de la Meute ?! Sérieusement... » Je ricane. « Et si le problème était simplement que la Meute n'est pas digne de moi ?! »

J'aurais pas du dire ça. Mais c'est trop tard les mots sont lâchés et le pire c'est que je les pense plus ou moins. Je pense surtout que les deux sont simplement incompatibles. Je ne retournerai jamais là-bas. Parce que peu importe ce que je fais pour me racheter, personne ne me traitera comme avant, déjà que pour certains ce n'était pas bien brillant. Et puis de toute façon j'ai déjà dit oui à Scylla, si je retourne ma veste maintenant... Je n'ose pas imaginer ce qui adviendra de moi.

« Maintenant, fais-moi plaisir et épargne-toi de l'énergie. Laisse tomber. Vous avez fait ce que vous aviez à faire comme tu dis. Je n'ai donc pas de compte à vous rendre. »

Je me lève et vais tranquillement me poser devant la fenêtre ronde qui sert de cadran à une horloge. J'ai fait ce que j'ai fait pour assurer ma survie. Ils auraient préféré que je finisse au fond du gouffre simplement pour me dire que la Meute était ce que je pouvais avoir de mieux. Mais là, ils perdaient tout ces arguments. C'est ça qui les mettait en boule ? Je m'en fichais, à peu de choses près j'avais gardé mes distances avec la Meute et ses Loups alors qu'ils en fassent de même.

La réponse de la louve blesse Roxane. Elle déteste cette situation. Pourquoi Charlie a-t-elle fait ce qu’elle a fait ? Pourquoi ne pouvait-elle pas rester dans les rangs ? Ravaler sa fierté. Ne pas faire cavalier seul et penser aux autres, à la Meute, avant de penser à elle-même. Roxane avait de l’estime pour elle, et elle en a encore. Elle radoucit un peu son ton, essayant de calmer sa colère contre elle. Après tout sa situation n’a rien d’enviable. Roxane est bien placée pour savoir que l’argent ne fait pas tout, et que la louve doit se sentir bien seule depuis que les siens l’ont mise à l’écart. Elle-même s’est sentie seule bien longtemps avant de trouver sa famille. Famille qui venait de rejeter l’une des siens.

« Tu sais bien que je ne te souhaite pas de dormir sous les ponts. Ce n’est pas ce que j’ai dit.»

Après avoir jeté un oeil à l’appartement qu’elle trouvait décidément bien trop classe à son goût, elle ajoute, avec un peu de déception dans la voix.

« Il y a un juste milieu entre un pont et... ça... On est en droit de se poser la question de comment tu finances tout ça, tu ne crois pas ? Si jamais tu mets la Meute en danger pour mener ce train de vie, ça nous regarde.»

L’idée qu’elle puisse trahir la Meute lui est difficilement supportable. Elle n’a pas envie de se rendre compte qu’elle a eu tort d’en faire une amie, de lui faire confiance. Elle préférerait mille fois se tromper. Ou fermer les yeux. Si seulement elle avait pu repartir avec ses questions, ne pas l’attendre. Pourtant les réponses de Charlie ne la rassurent pas. Son nouvel employeur ? De qui parlait-elle ? Et quels étaient les critères de cette «clientèle» ? Elle n’aimait pas ça. Du tout. Elle garde le silence pour l’instant. Rangeant ces maigres informations dans un coin. Elle y reviendrait plus tard.

La métamorphe prend quelques gorgées de café, réfléchissant à tout ça. Aux possibilités. Elle ne pensait pas Charlie capable de vendre la Meute à ses ennemis, et pourtant elle ne voulait pas laisser ses sentiments amicaux envers elle ignorer cette éventualité. Si la louve les avait exposés, ou mis en danger de quelque manière que ce soit, il fallait le savoir le plus vite possible. Avant qu’il ne soit trop tard.

« C’est vraiment ce que tu penses ?»

Roxane est déçue. Déçue de l’attitude de Charlie, de sa fierté. Pourtant elle a toujours été comme ça. Fière, indépendante. Mais son bannissement a exacerbé les pires côté de Charlie, effaçant ses autres qualités derrière une rancoeur et un égoïsme peu reluisants. Elle s’en sortait sans la Meute ? Tant mieux pour elle. La Meute survivrait sans elle. Mais qu’elle ne s’imagine pas qu’elle peut vendre son espèce aux vampires sans être inquiétée.

« Si tu souhaites vivre ta vie sans nous, on ne t’en empêchera pas Charlie. Tu manqueras à certains mais ils s’en remettront. Mais si tu nous mets en danger, on ne peut pas te laisser agir sans rien faire sous prétexte que tu as été l’une des nôtres. Je pense que tu comprends parfaitement pourquoi je m’inquiète de te voir obtenir tant de luxe en si peu de temps. Alors ne me fais pas ton petit numéro d’innocente indignée. Ce nouveau boulot, est-ce qu’il peut nous nuire ? Oui ou non ?»

Roxane s’était levée elle aussi. Elle regardait droit dans les yeux de Charlie, cherchant la réponse à sa question. Si la louve était capable de lui assurer que la Meute ne risquait rien, elle la laisserait tranquille, puisque c’était apparemment ce qu’elle souhaitait. Elle n’interviendrait pas. Mais elle garderait un oeil de loin. Discrètement. Si elle doutait de sa réponse, elle irait fouiller de près dans la nouvelle vie de Charlie. Et si elle découvre qu’elle lui a menti, elle ne lui pardonnera pas. Et si elle répondait oui ? Roxane ne savait pas quelle serait sa réaction. Il faudrait en savoir plus, c’était sûr. Mais en ne cachant pas la vérité, elle aurait en quelque sorte fait une bonne chose. Rattrapé un peu sa connerie. Elle avait épuisé sa dernière chance en se faisant bannir. Elle n’avait plus le droit à l’erreur, pourtant Roxane avait envie de lui laisser ce droit une dernière fois. Au nom de leur amitié, et pour Alexis, qui ne pardonnerait jamais à Roxane si elle devait la tuer.

Le diable s'habille en Prada

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J'ai du mal à croire ce que j'entends pourtant je le sais qu'ils ne souhaitent pas me voir dépérir sur un bout de trottoir mais tout ce qu'ils font est tellement contradictoire. Ils m'aiment selon eux mais me foutent à la porte, ne veulent pas que je meurs mais me prive de toute protection et quand j'essaye de m'en sortir c'est trop bien. Je soupire alors qu'elle m'explique qu'ils voulaient que je réussisse mais pas trop. Aucun doute que ça devait leur foutre les glandes que je ne sois pas en train de pleurer parce que je suis obligée de vendre mes paires de chaussures pour pouvoir me payer à manger. Et puis ça n'a pas le goût d'une punition à leurs yeux. Ça ne doit pas faire assez mal selon eux mais qu'est-ce qu'ils en savent de comment je vis cet exil ? Tu parles d'une famille...

Je redresse la tête alors qu'elle me demande si je mets la Meute en danger. Je fronce les sourcils en réfléchissant à comment lui répondre sans céder à la tentation de me jeter à sa gorge. Je dois bien me tenir, Roxane est un membre important de la Meute et c'est la seule à part Cian que j'ai croisé depuis que tout cela est arrivé. C'est elle qui rapportera aux têtes pensantes son avis sur ma nouvelle condition. C'est elle qui peut indirectement aggraver ma situation.

« Non je ne mets pas en danger la Meute. C'était une des conditions pour que j'accepte ce boulot qui m'a permis d'avoir tout ça : aucun lien avec la Meute, jamais ! J'ai jamais mis la Meute en danger. C'était peut-être pas joli mais jamais la Meute n'a été impliquée et ne l'aurait été. »

J'essaye de rester calme mais la colère se sent derrière mes propos. J'évite de regarder Roxane pour qu'elle y voit le reflet de cette même fureur qu'elle a réveillé. Je m’abîme dans la contemplation du paysage de mon nouvel appartement. Je ne le dirais jamais à voix haute mais mon ancien appartement me manque avec mes graffitis et le petit espace débordant de bordel. Ici j'ai tout le confort que je veux mais à quel prix ? Je laisse mon regard glisser jusqu'à Roxane alors qu'elle se lève tout en déclarant que je ne peux pas mener ma vie comme je l'entends quand bien même je ne fais plus partie de la Meute. Je soupire.

« Non... J'ai mes défauts... Un paquet même mais la vraie trahison n'en fait pas partie. Je ne reviendrais pas Roxane, pour les mêmes raisons que certains métamorphes refusent d'intégrer cette Meute. J'aurais beau sauver la vie de toute la Meute, Ulfric et... le reste compris je serais toujours ce que je suis pour les autres loups : une traître. Pendant des années j'ai prouvé que j'étais une Louve respectable, j'ai pas fait de vagues ou le moins possible. Tout ce qu'on me reproche c'est d'avoir réussi à « m'entendre » avec un vampire. »

Ce n'est même plus agressif juste un aveu. J'espérais sincèrement avoir raison de croire Scylla quand elle m'avait affirmé que la Meute ne serait pas liée à ses activités, qu'il s'agissait uniquement de business. Je savais pourtant d'avance que la Meute ne ferait aucune distinction mais je préférais ne pas le dire pour le moment. Les événements étaient encore tout chauds et le jugement serait sans appel. Je me détourne de Roxane pour retourner à ma contemplation. Ce luxe comme elle disait n'était qu'une jolie façade pour toute la peine et la colère que j'essayais d'éliminer. Comment pouvaient-ils croire qu'une vie loin de la Meute était possible ? Que cela me remettrait sur le droit chemin ? Je pince les lèvres pour étouffer les hurlements de ma Louve qui m'en veut. Juste quand je recommençais à retrouver un équilibre entre ses deux parties de moi-même voilà que je repars de zéro. Mais cette fois je sais que la Louve ne laissera pas les choses passer. Il ne s'agit plus de naïveté d'une adolescente perdue. Pour elle j'aurais du garder le silence, ne rien dire à Cian.

« Je suis navrée que tu te retrouves dans cette situation, Rox... Je veux pas de deuxième chance de revenir, je suis fatiguée d'essayer d'être quelqu'un d'autre juste pour plaire. Je suis désolée pour Lex mais c'est mieux comme ça. »

J'ai la gorge serrée de penser à toutes ces personnes que j'aime mais de toute évidence il y a un truc qui cloche chez moi. J'ai réussi à me faire virer de deux familles qui prônent les liens entre ses membres. Ça ne peut que venir de moi, mes idées tordues et mon talent pour me fourrer dans des situations dangereuses. Alexis n'a pas besoin de ce genre d'influence. Elle doit se concentrer sur son diplôme et trouver autre chose à faire pour l'avenir, s'adapter à la Meute, trouver une solution pour que Constance ne soit plus à ses trousses... Beaucoup de choses et je ne suis pas sûre de réussir à lui simplifier la tâche sauf si je parviens un jour à tuer Constance ou à lui faire oublier l'idée de vouloir se l'approprier. Mais ça ça coule de source parce que c'est de ma faute si elle se retrouve dans une situation pareille.

Charlie est sincère, Roxane le lit dans ses yeux. Mais elle insiste encore un peu. Elle veut un aveu direct, pas de sous-entendus soumis à interprétation. Elle sait que Charlie cache quelque chose. Sinon pourquoi taire en quoi consiste ce boulot, et qui est son employeur ? Mais elle ne la poussera pas à en parler alors qu’elle n’en a clairement pas l’envie. Elle finit son café pendant que Charlie lui explique pourquoi elle ne reviendra pas. Elle garde le silence quelques instants.

« Je comprends très bien, Charlie. Et je ne te forcerai pas à revenir si tu n’en as pas envie. Je dois juste te rappeler ce que veut dire avoir fait partie de la Meute. Parce que je ne veux pas que tu l’oublies, et que ça se retourne contre toi. »

Le ton de la Louve s’est clairement radouci, et celui de Roxane également. C’est une conversation d’adulte à adulte, plus une bataille rangée où chacune a les griffes sorties et est prête à bondir à la gorge de l’autre. C’est presque une conversation d’amie à amie.

« Tu lui manques. Mais c’est mieux qu’il y ait un peu de distance pour le moment. Tu veux que je lui dise quelque chose de ta part ? »

La Jolfr repose sa tasse vide sur la table du salon.

« Je vais te laisser, je pense que je n’ai plus rien à faire ici. Je suis désolée d’avoir débarqué sans prévenir. Bonne chance avec ce nouveau boulot. »

Roxane retire la robe et la dépose sur le canapé. La nudité ne la gêne pas. Elle y est habituée, et elle sait que ça ne dérangera pas Charlie.

« J’espère que je ne te l’ai pas trop abimée. »

Elle reprend la forme par laquelle elle est arrivée, et repart par le même chemin pour rejoindre ses vêtements, laissant la Louve seule dans son appartement.

Le diable s'habille en Prada

?? Janvier 2018

Ce que j'entends ne me comble pas nécessairement de joie mais je me dis que tout problème que pourrait présenter mon nouveau job est remis à plus tard. Je sais très bien que pour eux il ne correspondra pas à ce qu'ils attendent de moi mais je n'ai pas le choix. J'ai du trouver une solution pour me mettre à l'abri des vampires, de la PES et de tout le reste.

Non, je ne reviendrai pas tout comme je ne suis pas réellement retournée dans ma famille humaine après ce qu'ils ont fait. J'ai beau aimer mes frères il y a une certaine distance entre nous que le temps ne brisera jamais. Si seulement Roxane savait combien de personnes donneraient pour obtenir le peu que je sais de la meute... Elle comprendrait que j'ai limité les dégâts, je ne parlerais de rien à personne. Je ne communiquerais pas sur les secrets de nos rituels, je n'évoquerais pas les métamorphes à qui que ce soit. Non, je leur resterai loyale à ma manière comme je l'ai toujours fait. Je sais que nos deux visions des choses divergent sur ce point et qu'un beau jour je payerais le prix fort pour ne pas avoir su rentrer dans le moule mais qu'importe. C'est ça être un artiste, suivre sa façon de faire contre vents et marées et je ne sais pas faire autrement.

Le sujet d'Alexis me meurtri le cœur. J'ai refusé les appels, j'ai effacé les messages sans les lire. Je lui ai juste envoyé un message pour lui dire que je ne partais finalement pas et qu'elle devait cesser d'appeler. J'ai lu ce message des heures durant avant de l'envoyer parce que je ne pouvais me résoudre à la rejeter mais c'était le mieux que je pouvais faire dans ma situation.

« Dis lui... Dis lui que je suis désolée pour tout... Mais oui c'est mieux qu'elle reste loin de moi. »

Désolée de ne pas répondre à ses appels, de l'abandonner après lui avoir promis que je serais toujours là, de l'avoir mise dans la merd* avec Constance... Il y a tellement de choses que je devrais me faire pardonner auprès d'elle et pourtant c'est l'une des rares qui ne me fait pas de procès et la seule à qui je n'en voudrais pas si elle le faisait. Je ne lui avais rien apporté de bon alors que c'était la seule chose que je désirais au monde.

La conversation finit par arriver à sa fin. J'étais surprise de voir que nous étions parvenues à contenir nos caractères plutôt sauvages pour nous et échanger comme des adultes. Enfin je pense que si je n'avais pas essayé de faire la forte tête ça se serait passé ainsi depuis le début. Je jette un coup d’œil à la robe qu'elle retire. J'ai fait mon deuil, je devrais survivre et surtout j'irais en racheter une nouvelle.

Parce que oui c'est ça qui me travaille le plus à l'heure actuelle que sa nudité soudaine. C'est pas comme si c'était la première fois que ça arrivait. Je hausse simplement les épaules quand elle parle de la robe. Sous mes yeux je la vois se transformer.

« Prends soin d'eux Roxane... » dis-je dans un souffle.

J'ignore si je pensais à la Meute toute entière ou simplement aux personnes qui m'importaient comme Alexis ou Mike et que je ne pouvais pas contacter.

Lorsque le papillon finit par quitter les lieux je me mis à fixer quelques secondes ce grand espace vide qu'était mon salon. Je pris la tasse et la déposais dans le lave-vaisselle. Ce n'est que lorsque je repris la robe utilisée par Roxane que je sentis la réelle solitude. Je ne m'étais pas rendue compte que la présence de Roxane avait pallié au vide qui commençait doucement à m'étouffer.

[RP TERMINE]

» Rien n’est plus beau que des retrouvailles avec le diable ! Non ? – Mia Mc Lasha [Livre III - terminé]
» L'honnête homme habite une cabane : le diable occupe les palais. [Livre II - Terminé]
» L'histoire du livre perché. [Livre III - Terminé]
» Somebody that I used to know [Livre II - Terminé]
» Qui es-tu ? | [Livre II - Terminé]