Je fronce les sourcils quand il parle et j’essaie d’en savoir plus. Après, c’est peut-être simplement de la paranoia, sûrement même. Mais bon, ça a l’air de le travailler pas mal mine de rien. Et puis, ça me coute rien de l’écouter et d’en discuter avec lui pas vrai ?
Je grimace.

« Ouais bon, j’avoue, dit comme ça, ça sonne un peu creux…Ils t’auraient ris au nez ouais… » Je hausse les épaules. « Peut-être qu’elle n’avait pas tort tu sais. C’est triste, mais ce sont des choses qui arrivent… malheureusement… » Je le regarde. « Mais si tu en parles, c’est que ça te travaille encore non ? »

Genre il fait une belle fixette dessus oui… un peu comme moi avec Neal et Andrew. Mais moi ça avait été brutal. Y a de quoi rester bloquée dessus. Même si ça fait quelques années maintenant. Et puis, y avait toujours eu un truc qui me dérangeait dans cette histoire. Mais bref, on parlait de lui, pas de moi, j’aime autant. Et après, si les amis de son ex étaient effectivement morts dans des circonstances bizarres, je pouvais comprendre qu’il se pose des questions. Même si ça semblait stupide vu de l’extérieur.
Je hausse légèrement les sourcils.

« Ah, elle faisait partie d’un groupe ? Connu si elle faisait des concerts partout ? »

D’accord, je n’avais pas réfléchit avant de parler, ce n’était peut-être pas un bon plan de le questionner sur elle. Mais c’est lui qui m’a tendu la perche en même temps là.
Tout comme j’essaie de savoir, de tâter le terrain en parlant des photos. Et de ce léopard qu’il a vu dans le coin. Non pas que je sois suspicieuse de nature, mais je ne sais pas, il y a des trucs dans sa façon de le dire, dans ses phrases qui me… chiffonne.
Je le fixe et souris.

« Ah, je vois… Oui, ça reste toujours impressionnant. Ça reste des animaux sauvages après tout. »

Et peut-être que j’en dis trop. Sans doute. Mais, même si je joue à un jeu dangereux, j’aimerais bien savoir. Etre sûre. Je me débrouillerais bien quoiqu’il arrive et quoiqu’il dise de toute façon. Alors je continue à être un peu plus curieuse encore. Je ne dis rien alors qu’il regarde une nouvelle fois la photo. Je pourrais presque entendre ses méninges s’activer.

« Parti d’où il était venu ? Ils ne t’ont pas laissé le temps de te remettre de ta surprise ? »

Je souris, amusée. Pourquoi ne pas avoir laissé plus de temps s’il connaissait les gens ? Je hoche la tête alors qu’il parle d’Elecktra et de son amour pour les félins. Tout comme moi.
J’ai une seconde d’arrêt. Avant de regarder à nouveau la photo. Il me sort ça comme ça ou alors il teste tout comme moi ?

« Ce sont effectivement des tigres sauvages. Et non. Ils ont été un peu agressifs à mon arrivée… mais je… Je n’ai pas été bouffé. J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois. »

Et j’avais eu quelques jolies griffures ou morsures… Heureusement que je guéris rapidement, ça m’évites d’avoir trop de cicatrices ou blessures inexplicables.
Je hausse les épaules d’un air désinvolte, même si mon regard est un peu plus sérieux.
« Il y a bien des vampires et des loups garous… Pourquoi pas des tigres-garous après tout ? Ce ne serait pas si déconnant avec tout ce qui se passe tu sais… Après février, plus rien ne m’étonne personnellement… »

Oui. Bon… Je m’avance un peu. Oui, c’est un secret, je suis un secret à moi toute seule. Mais s’il veut jouer la plaisanterie, je le peux aussi. Et d’accord, déjà avant, il n’y avait pas grand-chose côté surnaturel qui m’étonnait. Mais bon, moi, j’avais un sacré avantage à ce niveau-là…
Je le regarde, la tête penchée sur le côté. Avant de rire un peu.

« Mais je n’en suis pas un. De tigre-garous. Ce serait plutôt cool non ? »

Non, je ne mens pas, moi, c’est bien plus cool que ça encore. Le tigre n’est qu’une des facettes que j’ai apprivoisé.

Spoiler:

Je comprends tout à fait. Plus le temps passe, plus tout devient abstrait et s’efface, qu’on le veuille ou non. Et peut-être que tant mieux oui, je ne sais pas trop.

« Oui, je vois. C’est de ma faute du coup, si on remet ça sur le tapis. » Je grimace. « Désolée. »
Je le regarde et esquisse un sourire. « Oui, les escapades, ça marche bien en général. »

Et perso, plus c’était loin, mieux ça marchait. Bon oui, effectivement, j’avais toujours aimé ça, et le fait est que c’était mon boulot. Les deux m’allaient très bien, c’était le principal.
Et bien que je ne souhaite pas revenir dessus, je l’interroge presque malgré moi sur Elektra donc, qui était, est chanteuse. Et avait apparemment fait une jolie carrière.

« Ah ouais, quand même… Pas le petit groupe quoi… » J’esquisse un sourire. « Après moi et la musique… »

Et même si y avait apparemment aucun rapport, mes photos nous ramènent à son ex. Ceux sur les félins plus précisément. Et je sais pas… y a un truc dans ce qu’il dit, dans la manière dont il le dit… Ou alors c’est juste moi qui m’imagine des trucs. Mais bon, tu ne regardes pas des photos comme ça en disant que ça te rappelle ta copine. Si ? Je ne sais pas. Et je ne suis pas franchement la mieux placée pour savoir quoi dire ou faire. Ça fait tellement longtemps que je n’ai plus réellement de relations sociales avec d’autres. Je comprends ce qu’il peut ressentir et ce que ça fait d’avoir tant de questions sans réponses. Et je ne sais pas si mes pensées sont parasitées par le fait que moi je sois une changeuse. Sans doute un peu, vu que je finis par avouer que non seulement les tigres sont bel et bien sauvages, mais que j’ai réussi à les approcher. Je suis grave quand même de balancer ça, ce n’est pas comme si c’était normal et comme si n’importe qui pouvait le faire tranquillement.
Je grimace et hausse les épaules.

« Oh, un ours, je tenterais pas non plus. » Je n’ai jamais essayé de me transformer en ours, ça ne m’a jamais trop tenté. « J’ai juste un bon feeling avec les tigres. »

Comment je m’enfonce. Je ferais peut-être mieux de me taire non ? Et ouais, bon, un bon feeling avec les félins en général. Mais je ne me tais pas et je continue même à sortir des conneries plus grosses que moi. Il répond à mon sourire, mais finit par poser l’appareil sur la table. Et je me force à conserver un léger sourire alors qu’il parle et acquiesce à ce que j’ai dit. Pourtant, encore une fois, bizarrement, il est trop précis, trop… pas curieux, mais interrogateur sans l’être vraiment. Je ne sais pas comment expliquer ça. Je ne réponds rien, me contentant de rire un peu en affirmant ne pas en être un, de tigre-garou. Il rit à son tour. Avant de reprendre plus sérieusement.

« Oui ? »

Et là, LA question. Je le dévisage, les yeux légèrement écarquillés. Il hésite, il ne sait pas trop. Mais il a demandé. Donc je n’imaginais pas. Tu ne demandes pas ça sans déjà savoir. Enfin, je pense. En toute logique, vu que personne ne sait pour les métamorphes normalement. Je dois faire quoi ? Rire et lui dire qu’il imagine trop de trucs ? Lui dire que j’aimerais bien, que peut-être que ouais, ça existe ? Ça craint si je balance non ? Mais…
Je réponds d’une voix douce, presque dans un murmure.

« Changeur. Nous, on s’appelle changeurs, Aaron. Mais… Métamorphe, ça marche aussi. » J’esquisse un sourire. « Elektra en était un… pas vrai ? Un léopard ? »

Je pose la question, mais je sais pourtant que j’ai raison. Sinon, je suis grave dans la merde en même temps.
Je détourne les yeux, me passant la langue sur les lèvres. Je fronce les sourcils, en me mordant les joues, me demandant si je fais pas une énorme boulette. Je désigne l’appareil et reprends dans un souffle.

« Il était sur trépied. Je suis sur la photo… »

J’esquisse un sourire en hochant la tête. Oui, il aurait pu esquiver c’est vrai. Mais bon, en général quand on t’interroge, tu réponds… Quoique non. Enfin, ça dépend qui. Moi, j’envoyais bouler plus ou moins gentiment selon la personne. Peut-être est-il plus zen que moi là-dessus… Et puis, techniquement, son ex n’est pas morte.
Mon sourire s’agrandit en réponse au sien.

« Ouais, je verrais ce que je peux faire. Et si je repars… quand je repartirais, je te ferais signe. Sait-on jamais, peut-être que tu pourras venir. »

Et même si je sais que ce n’est pas forcément évidement pour lui du coup, je pose quand même des questions. Après tout, il vient bien de dire qu’il ne répondrait pas s’il ne voulait pas non ? Mon sourire se fait plus amusé.

« Bah, après, tu ne choisis pas un métier comme celui de photographe si ce n’est pas le cas. En général, t’es plutôt seul et isolé, même si tu fais dans l’architecture… A la limite, pour les portraits, je ne dis pas. Mais c’est quand même un métier où tu es dans le calme… » Je hausse les épaules. « Tu dessines ? »

Et si la conversation n’était déjà pas super joyeuse, j’avoue que plus ça va, plus c’est n’importe quoi.
Des questions et sous-entendus. Ou j’imagine. Je n’en sais trop rien. Mais je me mets à parler des tigres et de mes photos. De mon approche d’eux et du fait qu’on soit super copains. Ouais, ça craint un peu je sais. Mais bon, oui, ce n’est pas comme s’il ne savait pas déjà. Enfin, pas vraiment. C’est vrai, quelqu’un qui ne sait pas pour les métas m’aurait juste regardais avec des yeux ronds en me demandant si j’étais folle ou si je me foutais de lui non ? Et s’il ne le fait pas, c’est qu’au fond, il sait déjà un peu non ?
Et ce n’est pas comme si je le disais à tous ceux que je croisais, fort heureusement. Il n’y a que Will qui sache, et encore, parce qu’il connaissait Neal depuis des années. Mais lui, Aaron, était déjà au courant. Trop de détails et de tournures de phrases. Ou ouais, comme dit, c’est simplement moi qui imagine. Mais pourtant non. Il finit par me poser ouvertement la question. Et après une légère phase poisson rouge, alors que je le regarde la bouche ouverte avant de la refermer, je finis par acquiescer. Et je ne sais pas trop s’il est soulagé ou pas. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors qu’il parle de son ex. Ah, oui, forcément…

« Je comprends mieux oui. Si elle ne t’avait rien dit de plus et qu’elle est juste apparue devant toi en léopard… ça doit faire un choc…
... Tu as pu en discuter avec elle ? »

Je ris un peu, comme pour alléger l’atmosphère, alors qu’il me regarde.

« Celui sur la gauche. Le plus chouette... Et le plus petit. Les femelles sont plus petites et comme j’en suis pas un vrai… »

Je cligne des yeux et le fixe à mon tour.

« Une vidéo ? » Qui aurait été assez stupide pour risquer de se faire filmer ? Et qui serait assez stupide pour ne pas refiler ce genre de vidéo à la télé ou autre ? Ouais, ce n’est pas super sympa, je sais.
« Une vidéo d’un changeur… qui se métamorphose en direct tu veux dire ? T’as eu ça comment ? Où ? Enfin je veux dire… c’est pas… »

Oui, questions cons, mais juste pour être sûre de comprendre.
On est plutôt du genre super discret. Contrairement aux Loups et aux vampires, de ce que je sais, aucun d’entre nous n’a l’intention de sortir véritablement de l’ombre. Et puis, ce n’est pas pareil, on n’a pas de leader à proprement parler, même si la Meute d’Ecosse nous a apparemment ouvert ses bras, mais du coup, on a personne qui décide pour tous. Tant mieux, ça me va très bien me direz-vous.
Et je sais mieux que quiconque qu’il suffit d’une seconde pour qu’une photo, une vidéo ou autre fasse le tour du monde. Mais… sans déconner, une vidéo d’un changeur ?

Je lui souris et acquiesce. Ça marche, j’y réfléchirais. Je sais pas si j’en serais capable, d’avoir de la compagnie quand je cherche justement à être seule. On verra bien.
Et c’est bien pour ça que j’aimais tant ce boulot. Bon, non, pas que pour la solitude, j’aimais cette sensation d’arrêt sur image, cet instant magique d’une fraction de seconde, ce sentiment de faire partie de quelque chose, cette impression de capturer un morceau d’éternité. Ouais, poète à mes heures perdues. Ou j’ai lu ça sur une tablette de chocolat, va savoir.
Je lui souris.

« Ah ouais, de l’aquarelle ? » Je secoue la tête. « Croquis ouais, et fusain surtout. Mettre en couleur, je suis nulle. Mais le reste je me débrouille un peu à force. »

Et le cheminement normal de la conversation, de la photographie à la métamorphose, était tout à fait logique… ouais, enfin non, carrément pas. Et si on me demandait, je serais incapable de dire comment on a pu en arriver là. Parce que bon, on dirait pas, mais je ne suis pas du genre à balancer ça à tout va, comme si non, ce n’était pas un secret et que je ne risquais pas de me faire tuer ou pire. oui, il y a pire que mourir pour un méta, allez donc en proposer un à un vampire et vous verrez.

« Rien de plus ? Elle t’a juste dit qu’elle était une méta, et c’est tout ? Elle ne t’a rien expliqué ?… Enfin, ce n’est pas un reproche ou autre, mais en général, quand t’es en couple et que c’est vraiment sérieux… »

Je me mords la lèvre. Oui, j’en avais parlé énormément avec Andrew. Mais bon, vu que lui et Elecktra, ça n’avait pas eu l’air de se terminer super bien, ce n’était, encore une fois, peut-être pas la chose la plus maligne que j’ai pu dire.

« Le tigre du Bengale étant le plus imposant qui existe, j’avoue que ça fait pas de moi un petit gabarit. Mais ils étaient plus gros… » Je grimace. « Je me contrôle bien en tigre, c’est un de ceux que je maîtrise le mieux… Mais vaut mieux éviter quand même les situations trop… périlleuses… ça reste un joli prédateur quoiqu’il en soit....
Je pourrais te montrer si tu veux... »

Même si j’avais eu plus de mal à contrôler le chat que le tigre. Non, la taille ne fait pas tout. Le chat est bizarrement plus sauvage, plus indépendant que le tigre. Et proportionnellement, je suis vachement meilleure chasseresse en chat qu’en tigre. Mais bref.
Et là, histoire de rajouter une couche à la conversation abracadabrante que nous avions, il me sort mine de rien qu’il a une vidéo d’un changeur. Je le regarde en clignant des yeux. Je hoche la tête alors qu’il reprend. Oui, j’en avais entendu parler, même au fin fond de l’Amérique. Tout le monde en avait entendu parler. Je ferme les yeux alors qu’il mentionne un changeur. Non mais sérieusement ? Un cheval en plus ? Genre il ne pouvait pas trouver plus discret ? Oui, maintenant qu’il en parlait, je me souviens que le cheval avait été mentionné aux infos, mais sans plus. Même si l’un dans l’autre, en additionnant les trucs, on arrivait vite à la conclusion.

« Oui, ça a fait la une des infos. Et ça avait secoué tout le monde ce truc. Je peux comprendre que le mec ait paniqué… mais un cheval ?? Au milieu des journalistes et des vampires ? Sérieusement, je ne sais même pas comment il a pu s’en sortir… »

Je secoue la tête et le regarde.

« Ouais, encore heureux que t’en ai parlé à personne… Heureusement pour lui que t’es pas mal intentionné ou que… »

Ou que t’es pas forcément sérieusement songé à la vendre cette vidéo, parce que le monde se battrait pour ça…et lui…

« Et tu l’as gardé ? La vidéo ? » Je me mords la lèvre. « Tu devrais pas. Je ne peux pas te forcer, mais... ce serait bien. C’est dangereux. Pour toi. Pour lui. Pour nous. »

Enfin, si je pourrais clairement le forcer. Mais bon, je ne voyais pas l’intérêt. Et il n’en avait parlé à personne jusqu’à présent, non, moi je ne comptais pas, donc pas de raison que ça change. Mais ça restait super dangereux…
Je le regarde.

« Ce que je te dis là, je ne devrais même pas Aaron. C’est juste… Je n’en sais rien. Mais Je n’aurais pas dû t’en parler sans être sûre que tu étais déjà au courant. Et personne ne sait pour nous. Ou très peu de gens. On est pas comme les Loups, on n’a pas de Meute… Si jamais notre existence venait à être connue… »

On serait pas dans la merde.

Saisissant la feuille qu’il me tend, je détaille le dessin un instant, avant d’esquisser un sourire.

« C’est vachement joli. T’as peut-être galéré, mais ça rend bien. Et tes parents habitent vraiment dans un coin paumé… Mais c’est cool, j’aime. » Je lui souris et hausse légèrement les épaules. « Si tu veux, je pourrais te montrer oui. Y a rien de transcendant, et je fais quasiment que des animaux… et quelques portraits quand ça me prend…
Tu pourrais en faire des cartes postales de tes dessins, ça se vendrait bien. »

Je souris amusée. Enfin, non, je suis sérieuse, je suis sûre que ça marcherait, les gens adorent ce genre de trucs en général. Mais bon bref.
Le sujet dérive rapidement sur moi, et ma nature de méta plus précisément. Et j’ai une légère et insistante alarme qui s’est réveillée en arrière-plan. Je parle trop, je m’en rends compte. Ce n’est pas comme si c’était un ami de longue date, enfin je veux dire, ça fait un moment qu’on ne s’était pas vu, et on n’avait jamais été plus proches que ça. Mais le fait est qu’étant donné qu’il était au courant de l’existence des Changeurs, je risquais déjà beaucoup moins à lui en parler. Je souris et hoche la tête.

« Ah ouais, c’est déjà plus logique. Je trouvais ça bizarre qu’elle te balance ça et te dise rien de plus.
Donc plus de questions ? T’as déjà toutes les réponses ? »

Je l’observe un instant. Un vampire… Peut-être lui en aurait-elle parlé sans cela. Un jour. Comme je l’avais fait avec Andrew. Même si j’avais été quelque peu forcé à force. Partir en reportage, c’est cool. Quand ça tombe lors de la pleine lune, ça l’est beaucoup moins.

« Ce n’est pas le genre de choses que tu avoues facilement. Même à quelqu’un que tu aimes…. Surtout à quelqu’un que tu aimes en vérité. De une, parce que c’est un secret, et qu’en général, les parents t’apprennent très rapidement à le garder pour toi. Et puis… c’est le genre de trucs qui peut facilement faire fuir n’importe qui. C’est assez flippant du coup d’en parler à quelqu’un que tu ne veux pas perdre. »

Qu’elle ne lui en ai pas parlé plus tôt ne m’étonnait même pas en vérité. J’avais envie de lui demander ce qu’il s’était passé avec ledit vampire, mais bon, ça ne me regardait pas et dans le fond, je me doutais bien du résultat. Vampires et Changeurs faisaient rarement bon ménage… Pour nous évidemment s’entend.
Et là, pouf, je lui propose tout naturellement de lui montrer un tigre. Normal. Je secoue légèrement la tête, avant de sourire devant son enthousiasme.

« Ça marche alors. Peut-être pas ce soir… si ? »

Non pas que ça change quoique ce soit en fait au final pour moi, que ce soit aujourd’hui ou pas.
Ce qui est nettement plus perturbant, c’est d’apprendre comme ça qu’il a carrément filmé la transformation d’un autre méta… bon, ok, depuis le temps, s’il avait voulu foutre la merde, il l’aurait fait. Mais quand même. Et si jamais ça venait à tomber entre les mains d’un mec beaucoup moins gentil ?

« Oui, non, certainement. Il a sans doute foutu assez la merde pour que les gens puissent suivre… Mais, ça reste tellement… »

Je secoue la tête. Tellement n’importe quoi. Et y en a plus d’un qui n’auraient pas hésité à lui foutre en l’air sa vie, au changeur, qu’il en ait sauvé d’autres ou pas. Mais bon, faut bien que je lui demande quand même, ce qu’il en a fait de cette vidéo. Et au final, mon inquiétude première reprend le dessus. Peut-être avais-je été trop bavarde. Même si Aaron semblait garder le secret depuis un moment, même si ce n’était certainement pas la seule personne au courant. Ça restait une mauvaise idée.
Je le regarde alors qu’il cherche visiblement à me rassurer. Et il l’a effacé. C’est déjà ça. Même si lui est au courant, c’est beaucoup moins ‘grave’ en soi.
Je secoue la tête en souriant.

« On en arrivera pas là, on va éviter de devoir choisir entre la mort et le secret tant qu’à faire… »

Je soupire, avant de hausser les épaules, souriant légèrement.

« Et oui, je me doute que depuis le temps, tu en aurais parlé. Et tant mieux, si la vidéo n’existe plus. Heureusement en vérité. Il ne manquerait plus que…

Je ne regrette pas, je te crois. C’est juste que… que oui, c’est important. Et je ne devrais pas… je n’aurais pas dû t’en parler, parce que je ne te connais pas assez pour ça.
Tu n’en parleras pas plus maintenant qu’avant, je sais bien… C’est juste… C’est difficile de faire confiance avec un truc de ce genre tu sais. Entre être considérée comme un monstre, être chassée, devenir cobaye ou repas, les possibilités que ça merde sont assez importantes, alors… c’est assez flippant.
Mais… disons que oui, oui, je te fais confiance. Je crois. »

Je souris. Un peu. Faut pas qu’il le prenne pour lui. Il a déjà de la chance que je lui fasse assez confiance pour lui en avoir parlé. Je l’aime bien, mais… Bah y a toujours un mais…

Les yeux posés sur l’aquarelle, je finis par le regarder à nouveau en hochant la tête.

« Je ne connais pas du tout, mais oui, ça me plairait sans aucun doute. J’aime les trucs paumés et inaccessibles. » Je souris, amusée. Parce que s’ils y allaient en famille, ça devait être plus praticable que ce dont j’avais l’habitude en général. Mais bon, c’était suffisamment au milieu de nulle part pour pouvoir effectivement me plaire. « Oui, effectivement, les touristes seront plus intéressés… Après, dans ta galerie, qui sait, ça pourrait assez bien se vendre aux amateurs d’art. Ça pourrait valoir le coup de tester aussi. »

Et de là, copine, transformation, métamorphes. Logique. Enfin, non, carrément pas, mais il y a eu un déroulement cohérent dans le discours, vraiment logique, promis. Des petits détails qui ont fait poser des questions, des bonnes questions, d’un côté comme de l’autre.
Mais d’un côté je suis rassurée de savoir qu’il était déjà au courant. Au moins, je n’ai pas vendue la mèche. Enfin pas pour l’existence des Changeurs en général. Juste pour moi. Donc ça va.
J’acquiesce en souriant. Oui, si des questions lui viennent, il sait à qui s’adresser maintenant…
J’essaie d’expliquer que ce n’est pas si évident de se confier ainsi, pour quelque chose de cette importance, pouvant avoir tant de répercussions. A nouveau, je hoche la tête.

« Oui, elle te l’aurait dit, la rencontre a dû effectivement l’obligé à le dire plus tôt que prévu.»

A un moment ou à un autre, elle aurait été obligée de toute façon. Surtout si c’était vraiment sérieux…
Et je vois presque les étoiles illuminer son regard quand je lui propose de me transformer, alors que son sourire s’agrandit jusqu’aux oreilles. Ouais, j’aurais dû m’en douter.

« Ouais, vaut mieux… » Je secoue la tête. « Je peux oui. Ça ne me prendra pas spécialement de temps et je le contrôle bien, donc… tu ne risques rien. »

Je souris. Oui, non, parce que sinon, c’est un peu dangereux sinon ces bestioles, et faut pas croire qu’un méta l’est moins. Enfin si, un peu quand même, mais quand il se maîtrise quoi. Mais j’oublie momentanément la proposition alors qu’on dérive sur la vidéo.

« J’allais dire suicidaire, mais risqué aussi oui. » Je souris et secoue la tête. « Peut-être oui. La peur a pu le faire trop flipper. Ou oui, il a été touché et ça… Oui, il n’a pas dû contrôler. Enfin, sinon, il ne l’aurait jamais fait sinon. »

On ne se compromettait pas ainsi. Jamais. Même si ce que je venais de faire, ou ce que je venais d’avouer du moins, n’était pas vraiment plus censé ou moins risqué en vérité. Tout reposait sur la confiance que j’avais en Aaron, et honnêtement, je ne le connaissais pas vraiment assez pour être sûre à 100%. Mais il savait pour son ex, et il n’avait visiblement rien dit, donc…
Je le fixe et lui souris. Je secoue la tête en riant quand il finit sur sa série de bouquins.

« Non, je ne connais pas. C’était bien comme bouquins ? » Je hausse les épaules. « J’ai des gens avec qui parler de ça, donc… C’est peut-être juste parce que j’avais des doutes sur ce que tu avais raconté. » Je souris. « Et c’est gentil. De me le dire. Que je ne suis pas un monstre anormal et horrible. Et ce n’est pas vraiment un don… C’est juste un ou deux gênes en plus. Ou différents, je ne sais pas trop… »

Je me tais quand son téléphone sonne, même s’il l’éteint.

« Je ne vais pas trop tarder va… Oh ! Le tigre ! Je te montrer et après, je rentre ! »

Je me lève en souriant et désigne une porte.

« La salle de bain, c’est là ? Je te laisse fermer les stores ? »

Je m’y rends et ferme la porte avant de me déshabiller rapidement. J’entrouvre la porte, histoire de pas être obligée de la bouffer pour sortir, et me change. Et dès que je pose les pattes à terre, j’ai envie de courir. Non, sage. Je pousse la porte du museau, avant d’avancer lentement. Parce que bon, il a beau savoir et être même impatient, avoir un tigre a quelques mètres de soi, c’est pas forcément rassurant.

Personnellement, j’ai toujours préféré courir. Mais bon, je me vois pas lui dire que je me débrouille super bien pour courir dans la neige, que j’adore ça et que techniquement, je pourrais aller parfois plus vite que ses moto-neige… parce que bon, ça le fait moyen. Je relève la tête, tendant l’oreille, comme si le tigre entendait aussi bien, et esquissant un sourire quand il parle de son chalet. Pas de sentiers, ça veut pas dire pas trop de passage d’humains, ça veut dire pas trop de bruits, ça veut dire pas mal de proies dans tous les coins. Et ça, c’est cool. Mais ça, je peux pas lui dire non plus, on est d’accord.
Alors je me contente d’acquiescer à nouveau et de lui sourire.

« Exactement ! Et qui sait, peut-être que tes visiteurs finiront par te donner des idées, ça fera boule de neige et hop, c’est gagné. »

Et l’un dans l’autre, au final, j’aurais pu lui parler de ma tigresse ou de ma panthère qui adorerait sans aucun doute le chalet de ses parents, ou du moins les alentours dudit chalet. Même si en soi, les steppes de Mongolie ou les déserts de la Russie leur convenaient tout aussi bien, et semblaient plus appropriés. Parce que non, vous n’avez jamais vu de tigres ou de panthère au Canada, du coup, non seulement ça fait louche, mais ça fait encore plus flipper les gens que dans leurs environnements naturels. Enfin, je m’égare là.
Toujours est-il qu’Aaron prenait ça plutôt calmement, et que ça aidait pour en discuter. J’avais toujours cette petite voix qui me traitait d’inconsciente, mais j’avais envie de me dire que non, tout le monde n’était pas cruel, que tout le monde ne sauterait pas sur l’occasion pour me transformer en bête de foire ou en bête de laboratoire, etc, etc…
Je lui souris, légèrement amusée, et je hoche la tête en le fixant.

« Oui, tu es un expert. T’en fais pas, je doute que quiconque d’autre aurait relevé ces détails… enfin autre qu’un changeur je veux dire. Et je regarderais les bouquins, je te dirais à quel point je les trouve amusant et loin de la vérité. »

Oui, ils pouvaient fort bien s’en approcher, on ne sait jamais. Je grimace légèrement.

« Si j’avais été un semi-démon, je ne serais certainement pas assise ici avec toi… Enfin, quoique je n’en sais rien, je n’en ai jamais rencontrés… »

Et je me tais. Parce que si. Enfin, je crois que c’était même pire en vérité qu’un simple semi-démon. Je frissonne malgré moi, et j’ai la chair de poule. Je secoue la tête, chassant images et souvenirs de ma tête.
Et je me lève, pour lui permettre de voir ce que je suis, qui je suis. Je me dirige vers la porte qu’il indique et m’y change rapidement, avant de revenir vers lui. Je stoppe et le laisse venir. Même si je ne suis pas spécialement ni grosse ni grande pour un tigre, ça n’en reste pas moins un animal sauvage de près de 180kg et quelques 2m50 de long… aussi silencieux qu’une ombre pourtant.
Je penche la tête sur le côté, allant l’appuyer contre sa main quand il la retire. Oui, c’est un prédateur. Mais comme tout mammifère, mine de rien, ma tigresse adore les câlins. Oui, ça peut paraître bizarre, mais j’ai depuis longtemps arrêté de me poser des questions à ce sujet. Je reste ainsi, assise, ronronnant presque sous ses caresses, avant de lentement me lever, le poussant doucement du museau, avant de retourner me changer et m’habiller dans la salle de bain.
J’en ressors quelques minutes à peine après, et je reviens vers lui, un léger sourire aux lèvres, attendant sa réaction.

« Pas de crise cardiaque, pas de morsure, tu vois tout c’est bien passé. »

Je lui souris plus franchement.

« Par contre, je vais vraiment y aller, il se fait tard… » Je le prends dans mes bras. « Mais merci pour tout Aaron. »

Je récupère mes affaires et me sauve, après lui avoir promis de lui donner des nouvelles rapidement.