Some reunions are made by blood, others of tears, and sometimes some gather both [Livre III

J’ouvre les yeux. Il fait nuit. Et si j’avais un cœur qui bat, il raterait un ou deux coups. Il bouge légèrement. Je sens un sourire idiot envahir mes lèvres. Il n’est pas mort. Enfin, je me comprends. Pas vraiment. J’ai réussi. Je vais sans doute me faire tuer par la suite par la Reine, mais… Merde, on verra plus tard. J’ai réussi. Je passe ma langue sur mes lèvres. Eux aussi sont là. Je les sens, je les entends.

Quand je me suis réveillée hier, je l’ai laissé seul, inerte, sans savoir si cela allait fonctionner. Avec l’état de la ville, j’ai cru… je ne sais pas. 5 jours. Je suis allée me changer. Avant même de me nourrir. La nervosité, la peur, la tension, c’était tellement palpable… Je suis restée 5 jours hors du temps et tout a changé. Oui, bon, ok, je sais, j’étais là, je sais ce qu’il s’est passé pour que la situation se détériore autant, j’y ai participé. Mais on est revenus dans un climat identique à celui des Années Sanglantes. La méfiance et la haine ont fait un tel retour. Je ne pouvais pas traîner avec une tenue déchirée et du sang me couvrant la moitié du corps… pourtant j’aurais pu sauter sur le premier quidam que j’ai croisé tellement j’avais faim. J’avais été salement amochée quand même. Je me mords la langue, mon sang envahit ma bouche. Alors j’ai fait vite. Je me suis douchée, j’ai mis une robe bleue, asymétrique, vaporeuse et légère, enfilant mon manteau rouge pétant par-dessus.

Et je me rends à la Pomme du Diable. Et c’est dingue comme cet endroit peut-être rempli malgré ce qu’il se passe dehors. Les regards se tournent vers moi alors que j’entre. J’avance, je souris, je parle, je séduis. Tout ça, je sais faire. Et il me laisse boire. Brave garçon. Et j’ai tellement faim. Ses mains s’aventurent, je le laisse faire. Je vais avoir besoin de lui. Encore. Et d’autres sans doute. Je ne sais pas. Je ne veux pas qu’il tue. Pas comme moi j’ai fait. Je risque de regretter énormément de choses d’ici peu. Il risque de me détester d’ici peu. Mais je ne le forcerais pas à tuer ce qu’il était il y a si peu de temps pour se nourrir. « Je vais avoir besoin de toi demain soir. » Je tourne la tête et vois 2 de ses amis qui nous regardent, avec envie, ma bouche dans son cou, ses mains sur mes fesses. Trois. Bien. Je le regarde. Il a tellement envie. Je n’aurais presque pas besoin de forcer… Bon, si, peut-être pour le lieu. Je lui donne l’adresse, appuyant juste un peu son envie. Il hoche la tête. Je dépose un baiser sur ses lèvres. Il sourit, ravi de me revoir demain. Je me détache, m’approche de ses amis, et recommence gentiment, toujours souriante. Ce n’est pas difficile de les convaincre. Je reste un peu, j’ai encore faim. Mais je ne tarde pas. J’ai peur de le laisser trop longtemps seul. Ils viendront.

Et ils sont là. Un peu apeurés. Un peu excités. Leur cœur bat un peu trop vite. Et il les sent aussi. Il bouge. Je place ma main sur son ventre pour éviter qu’il ne s’agite ou crie. Je lui parle doucement. Pourvu que ça marche. Tous les vampires obéissent à leur créateur. Il n’y a pas de raison, pas vrai ?

« Ne bouge pas. » Je me passe la langue sur les lèvres. « On va sortir. Il y a trois hommes dehors. Tu les sens, pas vrai ? Tu vas boire leur sang. Tu vas te nourrir. Sans les tuer. Après nous parlerons. »

Je retire ma main et repousse le couvercle du cercueil. Ils sursautent. Je m’approche d’eux avant que le petit ne le fasse, leur souriant à nouveau, plantant à nouveau mon regard dans le leur. Ca ira. Je leur ferais oublier après… Ok, rien que ça, ça pue… Mais bon, à côté du nouveau-né… Je tourne la tête vers lui. Il va me les abimer…

Des voix, pas très loin. Je sais qu’elles sont loin mais je les entends comme si elles étaient juste à côté de moi. Des battements de cœur aussi. Trois cœurs qui battent. Un peu vite. Je ne comprends pas. J’ai l’impression de n’avoir pas bougé depuis une éternité. Doucement je bouge mes muscles. J’ai mal. Ma jambe me fait mal. Mon poignet aussi. Et mon cou. J’ai l’impression de sentir ces crocs dans ma gorge. Le sang qui s’échappe. Et soudain tout me revient en mémoire. D’un coup. Le chaos, tout autour. Les Semi-démons qui ont détruit la ville. Et cette vampire, qui m’a attaqué. Qui a planté ses crocs dans mon cou. Je m’affole. Je cherche soudain l’accès à mes muscles. Je bouge. Est-ce que je suis mort ? J’ouvre les yeux. Il fait noir. Très sombre. Une main se pose sur mon ventre. Je sursaute, mais mes blessures m’arrachent une grimace. Et puis j’ai faim. Ou peut-être soif. Il y a quelque chose qui ne va pas. Quelque chose qui n’est pas normal. J’ai besoin de quelque chose. Je ne sais pas quoi.

Je me redresse malgré la douleur et me cogne contre quelque chose. Malgré ce voile qui m’embrouille l’esprit, ce besoin qui me brûle de l’intérieur mais que je ne comprends pas. J’entends les cœurs qui battent non loin. Pas le mien. Je n’entends pas le mien. Mais ce n’est pas important, je ne crois pas. Soudain une voix murmure à mon oreille. Ne pas bouger. Je n’avais pas remarqué sa présence. C’est une voix féminine. Pourtant j’entends des hommes, là au dessus. Ils parlent. Ils respirent. Ils sentent l’excitation et l’alcool. Je les voix presque bouger en entendant les bruissements de pas. Mais elle je ne l’ai pas perçue. Je n’entends pas son cœur. Je me tourne vers elle, mon corps restant immobile, et mes yeux s’habituant peu à peu à l’obscurité, me révèlent son identité. C’est elle, qui m’a attaqué. Je tends mes muscles pour me reculer, m’éloigner d’elle. Elle va me bouffer. Encore. Elle passe sa langue sur ses lèvres. Elle va m’attaquer. Mais je n’arrive pas à bouger. Mes muscles refusent de m’obéir. Je ne dois pas bouger. La panique monte en moi. Et ces hommes pas loin qui font tellement de bruit.

La vampire me regarde et me parle, doucement.

« Je… Boire leur sang ? Mais je… Je ne bois pas de sang. Je suis un humain. »

Elle sait que je suis un humain, pourtant. Elle a bu mon sang. Je ne comprends pas. Et ma tête qui me tourne, qui brouille mon esprit. Je la regarde sans comprendre alors qu’elle s’éloigne de moi. Elle pousse le plafond, et la lueur de la Lune nous parvient. Soudain elle sort de mon champ de vision. Je la cherche des yeux, paniqué. Où est-elle ? Je la trouve rapidement, juste à côté de ceux dont les discussions m’ont réveillé. Je me lève à mon tour. Ma jambe me fait mal, mais pas autant que ma tête. Les paroles de la Vampire repassent en boucle dans ma tête. Boire leur sang. Me nourrir. Ne pas les tuer. Sans m’en rendre compte je m’avance vers eux. J’oublie même sa présence à elle. Je m’avance et me tourne vers le plus proche. Boire leur sang. Me nourrir. Ne pas les tuer. Un pas encore, plus près. Je ne sens plus ma jambe, la douleur est effacée par les coups dans ma tête. Le cœur de l’homme s’accélère. Je sens un peu de panique mais je m’en fiche. Boire leur sang. Me nourrir. Ne pas les tuer. Mes yeux s’arrêtent sur son cou. Je vois son sang qui bat sous sa peau. Boire leur sang. Me nourrir. Ne pas les tuer.

Une sensation nouvelle vient envahir ma bouche. J’ouvre la bouche, par réflexe. Je ne comprends pas ce que je fais. Je ne contrôle pas ce que je fais. Je dévoile mes dents, et me jette sur lui. Je plante mes dents dans son cou, et le sang gicle dans ma bouche. Un goût métallique et une chaleur coulent sur ma langue, dans ma gorge. J’aspire. C’est bon. Je sens un soulagement m’envahir. C’était ça. J’avais besoin de ça. Boire leur sang. Encore. Il m’en faut plus. Ma bouche se colle plus près encore. Je lèche les gouttes qui se sont échappées lorsque mes dents se sont plantées. Il bouge. Il me pousse. J’attrape ses mains et je plaque ses bras contre son corps. Là. Ne bouge pas. Il m’en faut encore.

Il bouge. D’un côté, je suis infiniment soulagée. Si, sérieux, je suis heureuse. D’un autre, je commence à … quoi ? M’inquiéter ? Ouais, on va dire. C’est pas que jusque-là, je n’avais pas réfléchis… mais un peu quand même. Oui, un jour, il faudra que j’arrête de faire ça. Me poser des questions une fois que tout est fini. Un jour.
Mais là, il s’agite, bel et bien réveillé. Il se cogne, il panique. J’essaie de le calmer. Mais ok, je comprends, il me reconnait et flippe encore plus. Salut. Je lui parle. Même si je sais pas trop comment m’y prendre. Hummm. Non, mon choupinet, tu n’es plus humain. Un peu brutal oui. Et si tu boiras. Tu en redemanderas même. Quoique je dise ou fasse, rien n’arrangera cet état de fait, ni la colère, la haine ou la rancune qu’il pourra avoir à mon égard. Alors je me contente de sortir, de m’approcher des seuls humains présents à des dizaines de mètres à la ronde.

Je tourne la tête. Il sort à son tour. Je vois bien qu’il ne comprend pas vraiment. Mais il a soif. Il s’approche quand même. Bon. Va falloir faire plus que juste appuyer leur envie pour qu’ils ne partent pas en courant. Il commence à ouvrir la bouche, celui qui m’a nourri hier, je le stoppe d’un doigt sur ses lèvres et plonge mon regard dans le sien. « Reste sage. » Le gamin a fini par s'avancer vers le plus proche, le mordant.
Le troisième le regarde, fait un pas en arrière et me regarde, un début de panique dans les yeux. Je lui souris et accroche son regard. Il ne manquerait plus que l’un d’eux sorte en hurlant. On finirait sans doute sur un bûcher, un pieu dans le cœur, entourés de flammes. Bon, j’exagère un peu… Quoique je n’en suis pas sûre. Je finis de l’apaiser et il se tient tranquille. Je vais refermer par sécurité les portes du caveau.

Le gosse a dû oublier une partie de mes demandes, parce que là, il n’a pas vraiment l’air de vouloir s’arrêter. Me serais-je arrêtée moi s’il me l’avait ordonné ? Oui, sans aucun doute. Mais il ne l’a pas fait. Jamais. Cela aurait-il changé quelque chose ? Sans aucun doute aussi. Je l’aurais certainement moins haï. Je me serais certainement moins haï. Enfin, lui, c’était pas sûr, vu la pourriture que c’était… Mais je n’aurais pas été hanté par les yeux des humains apeurés que j’avais vidé de leur sang durant tout ce temps au côté de mon maître.
Je m’approche de lui.

« Ca suffit. » Je croise le regard moitié paniqué, moitié extatique de l’humain. Oui, avoir peurde mourir n’empêche pas que ça puisse être agréable. Bon, là en l’occurrence, d’accord, il flippe plus qu’autre chose. Non, je ne veux pas qu’il le tue. Quand bien même je m’en foutrais qu’il meurt dans l’absolu. Mais autant pas lui rajouter ça sur les épaules au gosse, pas vrai ? Ouais, j’suis une gentille. Et alors ? Ouais, ma bonté me perdra pour de bon… incessamment sous peu…
Je pose ma main sur la joue de l’humain, et l’autre sur la nuque du gamin. « J’ai dit Stop. » Et si parler d’une voix ferme ne suffisait pas ?
« Ne le tue pas gamin. Si tu as encore faim, prends-en un autre. » Ouais, comme au fast-food.
Je le regarde. « Et je vais pas continuer à t’appeler gamin ou le gosse, tu t’appelles comment ? »
Quoi ? Bon, ok, il est ptre pas en état de trop réfléchir. Après qu’il se soit nourri alors… et s’il me grogne dessus, je le baffe. Ouais, autant partir sur des bases saines et solides….

La vampire se rapproche de moi, je l’entends se déplacer. Mais je ne bouge pas. J’aspire le sang de l’humain, si chaud. Je ne me rend même pas vraiment compte de ce que je fais. J’en ai besoin. Et ça fait du bien. C’est tout ce que je comprends. Là, maintenant. J’entends sa voix, derrière moi, mais je ne l’écoute pas. Je n’ai pas envie. Et puis, je ne suis pas sûr qu’elle me parle à moi. Sa main se pose sur ma nuque, un peu durement. Elle serre mon cou, et elle répète son ordre. A contre-cœur je lèche une dernière fois la plaie dans le cou de l’Homme et me recule. Me léchant le pourtour des lèvres je me tourne vers elle, d’un air implorant.

« J’en veux encore. »

Je m’entends et d’un coup je me rends compte. C’est son sang que je veux. Le sang d’un humain. Les connexions se font, et je comprends, en la regardant. Je la revois me vider de mon sang, comme j’ai failli vider cet homme qui me regarde d’un air paniqué. Mes yeux se posent sur la tombe encore ouverte d’où je suis sorti quelques minutes plus tôt. Je suis un vampire. Je ne suis plus humain. Je suis mort. Et maintenant je suis un vampire. Et je viens de boire du sang, du sang humain. Je sens mon estomac se contracter, ma gorge s’acidifier, et je me plie en deux. Un liquide rouge se répand sur le sol poussiéreux. Et avant que je n’aie pu m’essuyer la bouche, ce besoin, cette faim, me reprend. Et cette fois je sais ce que c’est. Je sais comment l’assouvir. Comment aller mieux.

En moins d’une seconde, sans que je ne comprenne comment j’ai pu faire aussi vite, j’ai planté mes crocs dans la gorge d’un autre. Son sang envahit ma bouche. Ce même goût métallique, cette même chaleur, et pourtant un goût différent. Une saveur plus parfumée, plus sucrée. Je m’éloigne quelques secondes, essuyant mes lèvres, et je réponds à sa question.

« Darren »

Je me replonge dans le cou du second homme, aspirant le liquide et léchant les coulées le long de son cou. Et puis je me souviens de sa réaction. Il ne faut pas le tuer. Je me recule, et le pousse, un peu trop fort. Il part en arrière et atterrit contre le mur du caveau, un peu violemment. Mais je ne le regarde pas, je regarde déjà le dernier avec envie, avec curiosité. Me demandant quel goût aura son sang. Je me jette sur lui et le plaque contre le mur. Je le regarde, et je vois dans ses yeux un mélange de peur et d’excitation. Il bouge sa tête sur le côté, dégageant son cou. Je souris et plante mes crocs dans sa gorge. Nouvelle saveur, plus proche je crois du premier que du second. J’aime moins, mais je bois, encore un peu. J’ai encore soif, un peu. Et je finis par me reculer. Mon esprit est moins embrumé, maintenant. Mon corps se contracte, un peu, mais je retiens mon envie de vomir. Je vais mieux avec ce sang dans mon organisme. Je me sens mieux. Je me tourne vers elle, un peu hésitant. Et maintenant ?

Il finit par le lâcher. A contrecoeur, mais il le fait. Et d’un coup, de la supplication, il passe à la compréhension.
Je vois tous ses doutes, ses interrogations, ses peurs apparaître et se succéder dans ses yeux et sur son visage. Ouais. Désolée gamin. C’était pas voulu. Ni réfléchi. Comme souvent avec moi.Enfin, ça, il s’en apercevra bien vite le pauvre.
Je fais un pas en arrière, alors qu’il recrache une partie du sang qu’il vient d’avaler. Tu parles d’un gâchis. Parce que genre toi, ça t’a rien fait quand tu t’en es rendu compte ? Je l’observe, plié en deux, le dégout laissant la place à nouveau à la faim. Je revois le regard dur et froid de Nikos. Le corps encore plus froid du gosse à qui j’avais enlevé la vie la toute première fois. La cruauté de mon maître devant une scène de ce genre. Non. Soit heureux gamin, je serais bien plus douce et compréhensive qu’il ne l’aura jamais été avec moi.
Et alors qu’il se jette sur le second, je m’approche de celui qu’il a un peu trop amoché. Ses yeux s’écarquillent un peu trop. Je pose à nouveau ma main sur sa joue. Il se calme.
« Tout va bien. Tu as été à une soirée avec tes amis. Il y avait deux jolies vampires. Vous vous êtes bien amusés avec elles.
Lui » Je désigne le gosse. « tu l’oublies, tu ne l’as jamais vu. Moi, tu m’as vu au bar hier. » Je lui souris sans le quitter des yeux. « Oh, et la prochaine fois, évitez d’aller dans un endroit tellement à l’écart, ça peut être dangereux. Mais vous avez de la chance, ce soir, tout s’est bien passé. »
Il manquerait plus qu’on parle du gosse et que l’un d’eux se dise ‘eh, mais je le connais lui, c’t’une saloperie de suceur de sang !’… La bonne blague…
Il cligne des yeux et hoche vaguement la tête. Il va falloir que ses potes l’aident lui à mon avis.

Je me tourne vers le gosse. Mon vampire nouveau-né. Darren. Qui cette fois-ci semble avoir pris en considération ce que j’ai demandé. Impressionnant, y a du progrès. L’humain atterrit contre le mur, alors que Darren se dirige vers le dernier. Il m’écoute. Super. Je recommence mon petit manège avec le second humain alors qu’il se nourrit sur le troisième. Avais-je eu aussi faim ? Avais-je encore aussi faim ? Je me tourne vers lui, alors qu’il s’éloigne un peu. Et j’ai faim moi aussi. Je passe une main dans les cheveux de l’humain, et il penche la tête pour moi aussi. Je souris et je le mords. Il se tend vers moi. Doucement petit, il a déjà pris pas mal de ton sang. Qu’est-ce que c’est saoulant de devoir être raisonnable ! Je m’éloigne de lui, passant ma langue dans son cou, le faisant frissonner, puis sur mes lèvres. Et je lui répète mon petit laïus. Je les pousse vers la sortie, leur demandant de rentrer sagement chez eux et de se reposer. Ouais, une vraie mère poule, qu’est-ce qu’il va être heureux de m’avoir dis donc…

Je me tourne vers le gosse. Mon gosse. Darren. Il attend. Merde. Je l’observe un instant. Commence pas à flipper, ce sera bien assez tôt que tu devras affronter les hauts de cieux. Merde.
Lui dire quoi ? Autant y aller franco non ?

« Je m’appelle Lucy.
Tu te souviens de ce qu’il s’est passé ? Il y a 6 jours, quand tout a merdé, les démons, tout ça, que je t’ai attaqué ? » Ouais, vu sa panique quand il m’a reconnu tout à l’heure, il se souvient.
« J’l’avais pas vraiment décidé. C’était pas… voulu. » J’hausse les épaules, on s’en fout non ? Le résultat est le même. Il était agonisant. « Bref.
Je voulais pas que tu meurs à cause de moi. J’ai pas réfléchi. Et dans tout ce merdier ambiant, j’avais pas 50 solutions. J’étais même pas sûre que ça marcherait en fait… t’avais perdu tellement de sang déjà. Mais c’était la seule chance que j’ai vu.
Alors j’ai tenté. De te ramener. »

Ouep, y a pas à dire, tu dois être méga impressionnante et rassurante.
Je m’approche de lui. Lentement, sait-on jamais. Dois-je lui dire qu’il risque de mourir encore une fois et pour de bon, selon ce que les Reines décideront ? Et que moi aussi par la même occasion… Non. Il a déjà assez à assimiler pour le moment.
Faudrait vraiment que je réfléchisse parfois. Ouais, mais bon, il te suffirait de le tuer maintenant. Personne n’en saurait rien. Mais tu veux pas, pas vrai ? Clair, je l’ai pas ramené pour rien quoi. Ça a marché. Je souris.

« Tu vas rester avec moi. Tu m’obéiras, parce que t’as pas le choix de toute façon.
Première règle, on ne tue pas. Sauf pour te défendre si besoin, mais ça n’arrivera pas. Interdiction de tuer, de blesser, et autres conneries du genre. Ok ? »

Putain, c’est qu’un gamin. Arrête de le regarder comme si t’allais lui sauter dessus. J’avais jamais eu envie de Nikos. J’allais certainement pas imposer ça. A un gosse qui plus est. Ouais mais… mais t’as envie. Merde.

« Et je pense que pas mal de choses sont revenues en arrière pendant qu’on dormait. Je sais pas encore trop à quel point. Donc on va faire profils bas. Et tu ne t’éloignes pas de moi. »

Inconsciemment, je passe ma main sur sa joue, essuyant une trace de sang. Je porte le pouce à ma bouche. Ok. Merde.

Je l’entends parler à celui qui m’a nourri juste avant. J’entends ses mots distinctement, alors qu’elle ne parle pas très fort. Elle murmure presque. Pourtant ce n’est pas comme si je l’entendais crier. Je sais que sa voix est douce, et qu’elle est éloignée de quelques mètres. Mais je l’entends parfaitement. Comme si mon audition était devenue plus précise. Je m’étonne quelques secondes de ce phénomène que j’oublie tout aussi vite alors que le sang du second homme pénètre mon organisme, attisant ma faim à mesure qu’elle la comble. Alors que je le sens faiblir légèrement, je m’écarte de lui. Je ne dois pas le tuer. Je n’ai pas le droit. Je le pousse contre le mur et m’attaque au troisième.

Doucement je me rends compte que le besoin est moins pressant. En plus celui-là n’est pas si bon. Je préférais le deuxième. Je le regarde avec envie alors que je laisse le troisième homme de côté. Je me sens un peu étrange. Mon corps me semble si différent. Je ne le comprends plus vraiment, et j’ai l’impression que je ne le contrôle pas tout à fait. Je ne sais pas si c’est vraiment moi qui ait voulu ce sang, ou si je me suis persuadé que j’en avais envie pour satisfaire ce corps. Je suis complètement perdu. Alors que je cherche la Vampire des yeux, je la trouve accrochée au cou de celui que je viens de laisser de côté. Je suis pris d’une espèce de jalousie que je n’identifie pas. Est-ce que je suis jaloux d’elle, qui profite d’un jouet que j’ai laissé de côté mais dont j’ai finalement encore envie ? Ou est-ce que je suis jaloux de lui, qui affiche un air ravi, semblant profiter de la proximité avec la Vampire. Je n’en sais rien mais ça m’énerve, je le sens. Je sens une colère monter en moi. Un énervement. Je me rends compte du rictus agressif sur mes lèvres au regard que me lance le type qui sert de poche à sang, et je me reprends avant qu’elle ne tourne la tête dans ma direction.

La vampire a l’air de se décider enfin à s’occuper de moi, après avoir pris un temps qui me paraît très long à prendre je ne sais quelles précautions avec ces trois hommes. Elle se tourne enfin vers moi et se présente. Je ne dis rien. Je suis énervé. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis énervé. J’ai pas envie de lui parler. Je m’appuie contre le mur et crois mes bras devant moi, dans une position clairement fermée. Je veux pas te parler. Je boude. Elle tente de m’expliquer qu’elle a essayé de me sauver.

« T’as pas essayé de me sauver, t’as essayer de me bouffer.»

Même ses explications m’énervent. J’ai l’impression qu’elle essaie de se donner bonne conscience. Mais je me souviens qu’elle s’est jetée sur moi, et que j’ai perdu tellement de sang. Je me souviens de l’odeur de mon propre sang, avant que je perde connaissance. Elle m’a tué. Et maintenant quoi ? Elle m’a transformé, c’est ça ? Je suis condamné à vivre la nuit et à boire du sang ? Pour l’éternité à moins qu’un humain anti-vampire ou un loup-garou me bute ? Elle veut que je lui dise merci en plus ? Je la regarde un peu méchamment alors qu’elle se rapproche de moi.

« Et toi alors ? Pourquoi moi je peux pas tuer ? Tu m’as bien tué, toi, non ? »

Je sais pas pourquoi je réagis comme ça. C’est pas mon genre en plus d’être violent. Mais là plus elle parle et plus elle m’énerve. Je sens sa main sur ma joue, et son regard sur moi, envieux, séducteur. Il y a une partie de moi qui a soudain envie de l’embrasser, en voyant ses lèvres rougies par le sang qu’elle vient de boire. Et l’autre partie qui s’énerve encore un peu plus. Le même regard qu’elle a lancé plus tôt à ces hommes. Je pousse sa main, un peu fort, et je la contourne pour m’éloigner un peu d’elle.

« Il faut que je prévienne ma mère. Elle doit s’inquiéter.»

Elle avait déjà perdu un fils qui avait disparu pendant les Années Sanglantes. Je ne voulais pas lui infliger ça. Il fallait qu’elle sache que j’étais pas mort. Enfin que je l’étais plus. Il fallait qu’elle sache ce qui m’était arrivé. Et là je voulais pas voir le visage de Lucy. Elle m’agaçait. Je lui en voulais sans trop savoir pourquoi. Enfin si. Je lui en voulais d’avoir décidé de ce que serait ma vie sans même me demander mon avis.

Bien. Il ne fera aucun effort. Je le regarde, adossé au mur, les bras croisé. Fermé. En même temps, pourquoi en ferait-il des efforts ? Oh, je pourrais le forcer. Je pourrais simplement lui dire d’être gentil. De me sourire. D’être agréable. Il serait forcé de le faire. Mais je ne vois pas l’intérêt. Il a des raisons de me faire la gueule. De m’en vouloir. De me haïr.
Je l’observe un instant, face à lui, avant de lentement acquiescer.

« C’est vrai. J’ai succombé bien vite au chaos qui régnait. Je ne suis pas assez vieille pour me targuer d’avoir essayé d’y échapper. Alors, j’ai essayé de te bouffer oui. Et j’ai malheureusement réussi. Mais je ne voulais pas. Même si ca n'excuse rien.
Et te ramener est la seule solution que j’ai trouvé. »

Je m’approche de lui. Il se ferme encore davantage. Avant de me regarder méchamment. Ai-je jamais été aussi chiante ? Peut-être au début. Mais ce genre de comportement m’est très rapidement passé. Parce que je me retrouvais à terre, en sang, avant même d’avoir fini ma phrase. Et ça uniquement parce que j’avais eu la chance que Nikos soit colérique plutôt que réfléchi par moment. Sinon… j’avais subi bien pire quelques très très rares fois. J’avais vite compris.
Mais je ne suis pas lui. Jamais. Peut-être devrais-je quand même lui faire capter qu’il a de la chance de m’avoir. Ouais, il a l’air tellement ravi…

J’arrive près de lui. « Moi, je ne l’ai pas décidé.
On m’a rarement laissé le choix sur ce que je pouvais ou non faire. Sur ce que je pouvais dire ou ce qu’il était préférable que je taise. Tu ne veux pas du traitement que j’ai eu Darren. Mon maître était l’archétype même du comte Dracula. Dur, froid, méprisant et violent. J’aurais été comme lui, tu serais déjà à terre à moitié mort pour tes paroles gamin. »

Je me passe la langue sur les lèvres, avant d’essuyer une trace de sang sur sa joue. Il repousse ma main, toujours plein de colère et s’éloigne. Je plisse les yeux et me retourne vers lui.
« Je suis guère patiente Darren, alors soit un peu plus gentil. »

Je parle plus sèchement. Et j’insiste sur le gentil. Je serais bien tentée de me dire que c’est parce qu’il est jeune, que c’est encore un gamin. Qu’il faut que je lui explique. Qu’il est en colère contre moi à juste titre. Mais il commence à me saouler là. Instinctivement, j’inspire comme pour me calmer.

« Tu veux savoir pourquoi je t’interdis de tuer ? Vraiment ? Tu veux que je te ramène un des hommes qui était là ? Pour que tu puisses le vider de son sang ? Tu veux savoir ce qu’on ressent après avoir tué quelqu’un gamin ? Tu veux savoir comment on se sent quand la personne tombe inerte au sol pour ne plus se relever ? Moi, je veux t’éviter ça, sans parler que ce soit interdit hein, mais après, si t’es si curieux, dis-moi. »

Peut-être qu’en vieillissant, si je vieillis, cela m’amusera et que je me délecterais de la souffrance et de la peur qui émane des humains. Peut-être que quand j’aurais découvert tout ce qu’il y a à découvrir, il ne me restera plus que ce genre de spectacle pour me distraire. Mais pas maintenant. Je ne dis pas que je n’aime pas. Mais c’est p’tre justement ça qui me fait flipper, encore maintenant.

Ah, il fallait bien que ça arrive. Moi je n’avais rien à regretter. Si ce n’est mon humanité elle-même. Ça m’avait facilité la tâche. Lui, par contre…
J’ai envie de rire. J’ai envie de le câliner. Mais je me retiens, parce qu’il me fait mal au cœur. Ouais, je sais.
Je secoue la tête.

« Non. Tu n’iras pas. Je suis réellement désolée, mais tu ne peux pas. Tu n’approcheras ni ta mère, ni quiconque que tu as connu. Et c’est une interdiction. »

J’enchaîne avant qu’il ne se mette à hurler, ce qui ne tardera pas à arriver.

« Dans l’immédiat, y a de grandes chances que tu veuilles juste lui sauter dessus pour la bouffer ta mère. On va donc éviter ça. »

Je m’approche à nouveau de lui, restant dans son dos. S’il veut pas me voir, m’en fous, grand bien lui fasse.

« Et si jamais tout ça te pose le moindre problème. Que tu sois un nocturne. Que je ne t’ai pas laissé le choix. Que tu puisses encore te réveiller toutes les nuits et vivre. Dis-le. C’est simple. »

Je le contourne et me plante en face de lui. Je pose ma main sur sa joue, le forçant à me regarder.

« Soit tu acceptes et on continues. Et tu verras que ce n’est pas si terrible, que ça peut même être vraiment chouette. Et que je ne suis pas si horrible que tu as l’air de le penser.
Soit tu t’entêtes et tu refuses cette chance que je t’ai imposée. J’ai déjà pris assez de risques pour toi gamin. »

Ouais, ok, ça me ferait chier. Mais autant mettre les points sur les i de suite. Je lui laisse le choix. Soit il vit, même si ce n’est pas ce qu’il aurait voulu, ce que je peux comprendre. Soit…

« Si tu n’es pas satisfait Darren, je peux régler ça de suite. Je te promets que ce sera rapide et indolore. »

Des excuses, encore. Au moins elle reconnaît qu’elle a essayé de me bouffer. Je boude toujours, mais je l’écoute, un peu. Lorsqu’elle se rapproche de moi je me ferme à nouveau. Un regard mauvais dans sa direction. Elle me déstabilise, et l’agressivité est la seule solution que j’ai trouvé pour exprimer ça. Je lui en veux de m’avoir infligé ça. Même si, peut-être elle n’a pas eu le choix, même si peut-être c’est le chaos ambiant qui l’a poussée à s’en prendre à moi. Après tout elle ne s’est pas jetée sur ces hommes, elle les a laissés repartir. Peut-être qu’elle dit vrai. Que si les semi-démons n’avaient pas foutu un bordel monstre dans la ville, elle n’aurait pas planté ses crocs dans mon cou. Peut-être. Peut-être que je la croirai, un jour, et que je lui pardonnerai. Mais pour l’instant je ne peux pas. Et son discours sur la chance que j’ai que ce soit elle qui m’ait transformé et pas quelqu’un comme celui qui l’a transformée elle m’énerve. Elle veut que je la plaigne ? Si c’était si horrible ce qui lui est arrivé, alors pourquoi elle m’inflige la même chose ?

Je repousse sa main, un peu sèchement, alors qu’elle la pose sur ma joue. Elle me rembarre un peu sèchement. Je ne dis rien et me contente de la regarder méchamment. J’ai envie de sortir les crocs, et de me jeter sur elle. Elle m’énerve à m’appeler gamin. Je suis pas un gamin. Mes lèvres frémissent sans que je ne les contrôle vraiment, les muscles retroussent la peau le long de mes dents. Mais avant que mes dents ne se dévoilent entièrement, je la vois respirer profondément, et je la sens bouillonner de l’intérieur. J’ai l’impression de ressentir son énervement, quelque part à l’intérieur de moi. Je sens comme un reflet de son émotion, qui vient bousculer les miennes. Ma colère retombe, un peu, soufflée par une curiosité qui me pousse à essayer de comprendre ce phénomène. Mais avant que je n’arrive à retrouver cette sensation, elle me parle, me faisant perdre ma concentration. Je suis un peu plus attentif à ses propos, maintenant que ma colère est retombée. Mais je garde mon attitude un peu rebelle. Je ne veux pas admettre que j’ai réagi un peu fort, que je me suis un peu trop énervé.

Son petit speech sur le fait de tuer refroidit encore un peu mes ardeurs. Ok, elle a raison. J’ai pas envie de tuer. C’est pas moi. Je suis pas un tueur. Je suis pas comme ça. C’est juste que tout à l’heure, ça me semblait possible. Et même facile. Lorsque j’ai goûté à son sang, que je l’ai senti complètement sous mon contrôle, à ma merci. Ca semblait si facile de simplement me nourrir jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à en tirer. Et puis je le connais pas. Je marmonne entre mes dents, moitié penaud, moitié toujours en colère.

« Non ça va. Je suis pas curieux.»

Je fais quelques pas vers la porte du caveau, laissée légèrement entrouverte par les hommes qui en sont sortis quelques minutes avant, mais un mot de sa part me stoppe dans mon élan. Elle m’explique que je ne peux pas aller voir ma mère. Que je ne peux pas voir les gens que j’ai connus. Parce que si je les vois, je risque de les tuer. Une nouvelle émotion me traverse. La culpabilité. Ma mère, ma soeur, Sav, Lexie. Ils vont penser que je suis mort. Ma mère aura perdu un deuxième fils. Et je ne peux même pas aller la voir, lui expliquer. Des larmes coulent sur mes joues. Je les sens couler. Je ne dis rien, je n’y arrive pas. Je la laisse me parler, dans mon dos. Je n’ai plus la force d’être énervé contre elle. Je suis brisé de l’intérieur. Je ne veux pas les faire souffrir. Ma famille, mes amies. Ne pas pouvoir les revoir, craindre de les tuer sans le vouloir. Devoir les laisser faire leur deuil. Loin d’elles. C’est trop difficile.

Je sens soudain sa main sur ma joue, je ne résiste pas à sa pression et tourne la tête vers elle. La regardant à travers le rideau de mes larmes, l’écoutant et m’accrochant à ses mots.

« Est-ce que je peux au moins leur dire ce qu’il m’est arrivé. Leur expliquer que je ne suis pas mort.»

Ma voix se brise sous les sanglots. Je m’assois par terre, dans la poussière, et enfonce la tête entre mes bras. Puis je lui réponds, entre deux pleurs.

« Je ne veux pas mourrir. Pas maintenant. Mais je ne veux pas que ma famille et mes amis me pensent morts. Même si je ne peux pas les voir. Je te promets que je ne chercherai pas à les approcher. Si c’est risqué. Je t’écouterai. Je serai gentil. Mais il faut qu’ils sachent.»

Je plante mes yeux dans les siens.

« S’il te plaît, Lucy.»

Alors que je commence m’énerver à mon tour, je le sens presque d’un coup s’apaiser. Bon, pas totalement. Mais y a un mieux. Même si j’ai envie de lui en coller une parce qu’il commençait limite à vouloir grogner sur moi. J’aimais pas ça avec Nikos. J’avais oublié. Ne plus être vraiment seule. Qu’est-ce que j’avais détesté ça avec lui. Ressentir ses émotions…. Et qu’il ressente les mienne. Ah, et il en jouait à merveille… Mais ouais. S’il s’énerve, je m’énerve. Bon, non, il a été réellement gonflant. Et j’avais oublié, ce que ça faisait… d’être liés. Merde. J’essayerais de faire gaffe. Ouais, tu parles.
J’essaye de ne pas m’énerver, de lui expliquer calmement. Non, tuer ce n’est pas bien, ce n’est pas si marrant… Bon, si ça l’est… mais non. J’me comprends. S’il me répond que oui, il aimerait savoir ce que ça fait, jsuis pas dans la merde. Mais non. Il a l’air de se calmer davantage. Ah, verrais-je même le début d’un sentiment autre que la colère ? Je me contente d’hocher la tête, soulagée. Il voudra à nouveau plus tard. Quand il aura à nouveau faim. Qu’il sera à nouveau en colère. C’est-à-dire bientôt si je prends exemple sur ce que j’étais…

Alors qu’il se dirige vraisemblablement vers la sortie, je l’arrête. Non mais sérieux, je vais pas le laisser vagabonder pour qu’il saute sur le premier quidam qu’il rencontre parce que son ventre aura gargouillé hein… Pis bon, sa famille… c’est une super mauvaise idée. Ouais, jsuis désolée de lui imposer ça. Ouais, moi, j’avais été tranquille à ce sujet. Lui par contre… Il se met à pleurer. Merde. Mais au final, je m’en fous. Il fera ce que je dis point. C’est cool pour une fois d’être certaine que la personne fera ce que tu dis en fait. Pas de discussion, pas de chantage, pas de tentatives…. Bon, si il peut tenter. Mais quoiqu’il dise, je déciderais. Et ça, c’est cool.
Ma main sur sa joue, j’essaie de lui faire comprendre. Ouais, gentiment.
Merde. Je suis pas prête à être mère moi. J’arrive à peine à me gérer. Et là, je dois faire quoi ? Lui en coller une pour qu’il arrête de chouiner ?

Je réponds pas de suite. Je lui propose juste de remédier à tout cela si c’est si difficile. Simple et rapide. Ouais, ça m’embêterait… Après tout, c’est mon bébé… si on veut. Je retiens un sourire en me disant qu’il détestera que je l’appelle comme ça. Oui, je le retiens, parce que là il pleure, ça le ferait pas.
Je l’observe un instant, alors qu’il s’assoit, se cache et pleure de plus belle. Ca va être chouette de le nettoyer après pour sortir… Devrais-je lui dire que ça tâche le sang ? S’est-il seulement rendu compte que ses larmes sont rouges ?

Je m’accroupis face à lui, ramenant ma jupe contre moi.
Il ne veut pas mourir. A nouveau. C’est bien. Parce qu’il n’y aura pas de nouvelle chance. Pour le reste, par contre

« Je suis réellement désolée Darren. Vraiment. »

Il redresse la tête et me regarde. Oh, pov choupi…. Pour un peu, il me briserait le cœur avec toutes ses promesses et ce regard.
Je pose mes genoux à terre, finis d’arracher un bout de son t-shirt qui pendait. Il va lui falloir des fringues. On verra plus tard, concentres-toi ! Je passe lentement le tissu sur son visage, essayant d’essuyer ses larmes de sang.

« Tu comptes leur annoncer quoi ? Je vais bien, mais je peux pas rentrer ? Je suis mort, mais toujours là ? Je suis un nocturne, mais vous inquiétez pas ? »

Je secoue la tête et continue de parler d’une voix douce.

« Tu ne peux pas. Tu ne peux pas leur dire Darren. J’en suis désolée. Déjà parce qu’ils te chercheraient et que ce s’rait vraiment pas une bonne idée. Et puis… Je n’avais pas forcément le droit de te ramener. Comme ça. Pas du tout même. Il faudra qu’on… que j’aille m’expliquer… avant que ce soit découvert… »
Et qu’est-ce que je voulais pas. Me retrouver face aux Reines… Je grimace malgré moi. Ouais. Penses à autre chose qu’à ta décapitation chérie. « Mais c’est pas le souci. »

Je pose à nouveau ma main sur sa joue.

« Ecoute, je suis sûre que tu serais gentil. Peut-être plus tard. » Ou pas. Je sais pas. J’avais jamais eu ce problème moi. Il faut que je trouve quelqu’un pour m’aider… et que j’aille voir les hauts responsables. Youpi.
« Mais là c’est trop tôt. Même par téléphone. Quand bien même ce soit difficile pour toi. Ou pour eux. »

Il chiale de plus belle ou il s’énerve à nouveau, je sais pas trop lequel je préférerais.
Je lui offre un petit sourire et parle encore plus doucement.

« Merci de pas m’obliger à te tuer. Pour de bon je veux dire…. »

Je me penche, et dépose un baiser sur son front. Ouais, son front. Sage, j’ai dit.
Je me redresse un peu, me remettant accroupie. Il va falloir qu’on rentre après. Qu’il se nourrisse encore si besoin. Et moi aussi, j’ai faim.

J’ai peur. Lorsque j’entends ces mots, cette proposition. Mettre fin à ma vie. J’ai juste à le lui dire et elle ne m’imposera plus la vie d’un vampire. Non. Je ne veux pas. Je ne veux pas mourir. Pas comme ça. Pas sans avoir pu dire au revoir, sans avoir préparé ma mère, mes amis. Pas si tôt. Ma mère ne peut pas perdre deux enfants. Les mères ne devraient pas subir ça. Perdre un enfant. Non, je ne veux pas mourir. Je préfère ça à la mort. Je crois. Pour l’instant, en tous cas. Mais si je ne suis pas mort, il faut qu’ils le sachent. Je ne peux pas les laisser me croire mort. Ils vont souffrir. Et ils m’en voudront. Ils ne comprendront pas que j’ai fait ça. Pas après que mon propre frère ait été porté disparu, sans jamais qu’il ne soit retrouvé ni ne se soit manifesté.

Et si lui aussi il avait été transformé de force. On y a bien pensé, mais on s’était dit qu’il nous aurait contactés. Qu’il nous aurait prévenus, rassurés. Il n’aurait pas pu nous laisser seuls si longtemps, inquiets, tristes. Et maintenant je me dis qu’il a peut-être été transformé de force, comme moi. Que celui qui l’a transformé lui a peut-être interdit de nous revoir. Et qu’il n’a pas eu le choix. Car je sens que je n’ai pas le choix. L’idée de contourner son ordre refuse de se frayer un chemin jusqu’à mes réflexions, mes plans. Je sens qu’elle est là, quelque part, cette idée. Je sais qu’il y a des possibilités de les prévenir, de les revoir, malgré ce qu’elle a dit, mais c’est comme si ces solutions m’étaient inaccessibles, je n’arrive pas à me concentrer dessus. Je me sens coupable d’essayer, je me sens même mal. Je la supplie. C’est le seul moyen que je trouve. Je plante mes yeux plein de larmes dans les siens et je la supplie. Je ne peux pas les laisser, les abandonner comme ça.

Elle s’approche encore de moi, accroupie, et cette fois je ne la repousse pas. J’ai baissé les bras. Je ne lui en veux pas, presque pas. Je veux juste qu’elle fasse quelque chose pour eux. Je ne peux pas les abandonner, et puisque je ne peux rien leur dire sans son accord visiblement, je dois la convaincre, elle. Mais elle se contente de me dire qu’elle est désolée, ce qui m’arrache encore un peu plus de larmes. En plus des larmes, elle m’arrache un morceau de tissu sur mon T-shirt déjà couvert de terre et de sang humain et je ne bouge pas. Je la laisse faire, je suis effondré. Elle essuie les larmes sur mes joues, je sens le contact du tissu. Et soudain je vois le tissu. Rouge. Je regarde mes mains, rouges elles aussi. Mes larmes ne sont plus transparentes, ce sont des larmes de sang. Encore un nouveau choc, qui bloque ma respiration pendant quelques secondes.

Je ne dis rien à propos du sang. J’imagine que c’est normal, pour un vampire, puisque ça n’a pas l’air de l’inquiéter. Je me concentre sur elle, sur ce qu’elle dit, sur ses émotions. Je sens qu’elle est touchée, troublée un peu. Elle n’est plus énervée, comme avant, je le sens en moi.

« Oui. Je peux leur dire que tu as dû me transformer pour me sauver. Que je serai mort sinon. Mais que je ne peux pas rentrer à la maison parce que ce serait trop dangereux pour le moment. Que je vais bien, et que je les contacterai lorsque je pourrai le faire. Qu’ils ne doivent pas chercher à me voir pour l’instant. Ils comprendront, je suis sûr. Ma sœur étudie les créatures surnaturelles. Elle fait une thèse. Elle comprendra tout ça. Elle leur expliquera… »

Elle brise mon espoir une nouvelle fois. Tu ne peux pas. Et des excuses, encore. Je ne comprends pas ce qu’elle veut dire, qu’elle aille s’expliquer, tout ça. Mais je ne demande pas. Je sens son inquiétude, un peu. Il y a quelque chose qui la tracasse, elle a peur. Je le sens, et je me tend vers elle, je m’ouvre, pour la rassurer, je crois. Pour lui faire sentir que je suis là, et que c’est pas grave, même si je sais pas trop quel est le problème. Je pose ma main sur son bras. Je sens qu’elle se calme, mais elle ne change toujours pas d’avis. Peut-être plus tard. C’est mieux que jamais, non ?

« C’est quand, plus tard ? Et pourquoi je ne peux pas leur dire par téléphone ? Je ne risque pas de les tuer, par téléphone. Ils me chercheront si je ne leur donne pas de nouvelles. Je les connais. Ils n’ont jamais vraiment cessé de chercher mon frère, lorsqu’il a disparu. »

Je ne sais pas vraiment pourquoi je m’accroche encore. Elle a dit que c’était impossible. Mais je n’ai pas envie d’y croire. Je veux bien accepter d’être un vampire, de boire du sang. Faire ce qu’elle me dit, mais je ne veux pas laisser ma famille et mes amis. Je ne peux pas. Elle va le comprendre, j’en suis sûr. Sans savoir trop comment j’essaie de pousser mon sentiment à travers nous, vers cette peur que j’ai senti en elle quelques minutes plus tôt. J’ai senti sa peur, je l’ai comprise, elle peut comprendre ma peur à moi, mon besoin.

Elle s’éloigne de moi, se relève, et je perds le contact. Je la sens plus distante, plus lointaine. Elle dépose un baiser sur mon front et le contact de ses lèvres me fait perdre complètement ce que j’essaie de faire. Je sens toujours ses lèvres sur ma peau, alors qu’elles ne sont plus là. Elles n’ont fait que m’effleurer et pourtant j’ai senti un contact fort, un contact que j’ai envie de retrouver. Sans réfléchir je me penche vers elle et attrape son bras pour la faire basculer vers moi. Mon autre main se pose sur son cou, et je pose mes lèvres sur les siennes, quelques secondes, avant de me reculer. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. J’en avais envie. Une peur me prend soudain. J’ai peur d’avoir mal agi. Je n’aurai pas dû faire ça. Elle va m’en vouloir. J’avais promis d’être sage, d’écouter ce qu’elle me dirait, de ne pas faire de vague, et voilà que je l’embrasse de force, sans raison. Moi qui n’ait jamais eu le courage de le faire avec celles qui me plaisaient. Je ne me comprends plus du tout. J’ai honte, un peu. Et peur de sa réaction.

Ai-je le droit de me plaindre et de dire que je préférais quand il était en colère ? Sans déc. ! Bon, ok, j’aurais finis par lui en coller une. Et je l’aurais regretté, sans doute. Donc, vaut ptre mieux pas au final. Mais là, sérieux, je sais pas trop comment m’y prendre. Pis merde. J’vais mas m’apitoyer sur lui, même si ok, y a de quoi.
Quant à moi, je suis infiniment soulagée. Qu’il préfère galérer un peu, saisir la chance offerte… Ouais, ok, je lui aurais pas sauté à la gorge, j’aurais pas eu à le transformer pour éviter de le voir mourir par ma faute. Ok. Mais j’y étais pour rien, j’avais pas voulu. Enfin, j’me comprends. Toujours est-il que oui, qu’il ne veuille pas mourir c’était cool.

Je m’approche lentement, je lui parle doucement. J’essaie de lui faire comprendre qu’il ne peut pas, de lui faire entendre raison. Contacter sa famille, ses amis…. Je le comprends. Même pour eux.
Mais non. Clairement et définitivement non. Je risque déjà de me faire tuer par les nocturnes pour l’avoir ramener, sans autorisation. Si en plus je dois me coltiner une ribambelle de fanatiques humains qui hurlent au meurtre…
Pourquoi je me fais chier ? Je lui dis non, il obéira point barre. Y a même pas à discuter en fait…. Mais c’est pas si simple. Parce que j’veux pas ressembler à Nikos. En rien. Il n’aura pas le choix, mais s’il pouvait comprendre pourquoi…

Et je le vois réfléchir. Puis se bloquer. Oui, les larmes de sang ça fait bizarre au début, je confirme. Un faible sourire nait sur mon visage. Tout comme les réflexes qu’il garde sans raison. Enfin, sans raison si. Respirer quand on est entouré d’humains, c’est utile. Sinon… Mais il finira par s’en rendre compte tout seul. Je vais pas rajouter une couche là direct sur toutes ses réactions et tout ça… On verra bien au fur et à mesure.

Je secoue la tête. Allez on réessaie.
« Non trésor. Ils ne comprendront pas. Parce qu’ils t’aiment sans doute. Parce que tu ne peux pas dire à quelqu’un ‘je vais bien, mais ne me cherche pas’. Parce qu’automatiquement il te cherchera. Et on ne peut pas… »

Et puis… Tant que je ne sais pas ce qui va advenir de nous… Pour le peu qu’on finisse rapidement définitivement morts tous les deux… Et d’un coup, je le sens. Je le regarde. Et souris. Je le laisse essayer de me rassurer, sa main sur mon bras. Si seulement tu savais Darren… Je t’ai ramené, mais pour combien de temps ?
Accroupie devant lui, je sers sa main dans la mienne. Gentil gamin qui tente de réconforter celle-là même qui lui a enlevé la vie.

« Je ne sais pas Darren. Comprends que ça ne dépend pas uniquement de moi. Il y a… d’autres personnes à qui je dois parler. » Je me passe la langue sur les lèvres, retire ma main de la sienne. « Je suis navrée pour ton frère, mais ce sera la même chose pour toi. Et cela même par téléphone. Ils te chercheront si tu les appelle. »

Je penche la tête sur le côté. A nouveau, il essaie. A nouveau, je le sens se tendre vers moi. Tester ce nouveau jouet. Ce lien. J’esquisse un sourire.

« Pas la peine de forcer, je ressens tout ça. Ça marche dans les deux sens tu sais. »
Je pose à nouveau ma main sur sa joue. « Je refuse non pas parce que je ne comprends pas Darren. Au contraire. Mais ce n’est tout simplement pas possible. »

Je me redresse, après avoir déposé un baiser sur son front. Ouais. Ok. Je le reconnais. Je recherche son contact. J’ai toujours été comme ça. Et alors ?
J’ai à peine le temps de m’interroger pour savoir si j’ai juste envie ou si ça vient du lien, qu’il m’attrape le bras et m’attire vers lui. Je retombe à genoux, face à lui. Mes yeux s’écarquillent malgré moi une seconde sous le coup de la surprise, avant que ses lèvres ne touchent les miennes, sa main dans mon cou. Je ferme les yeux. Et il se recule déjà. Merde. T’as dit que tu serais sage. Ouais, sauf que là, c’est lui, pas moi. Et j’en veux encore. Ce contact… Merde.
Et il a peur. De quoi ? Vu comme il me regarde… De moi ? Ah. De ma réaction ?

« De quoi as-tu peur ? Que je me fâche ? Si c’est pour ça, t’en fais pas c’est pas le cas.
Par contre… Si tu ne veux pas aller plus loin gamin, j’éviterais de faire ce genre de choses si j’étais toi. »
Ma main vole jusqu’à sa joue, alors que je me penche vers lui et que c’est maintenant moi qui lui vole ses lèvres. Les miennes s’y posent un instant, avant de lentement jouer avec les siennes. Je m’éloigne de quelques centimètres, ma main passant dans son cou, à la naissance de ses cheveux.

« Parce que je n’ai jamais été douée pour me raisonner et être sage moi. J’essaie de l’être avec toi. Ne me rends pas la tâche plus difficile. » Je m’approche à nouveau de lui, avant de le fixer un instant. Je souris, amusée. « Il te suffit de me dire d’arrêter maintenant, et je le ferais. »

Parce que ouais, non, malgré mon envie, je veux pas, toujours pas, le forcer. Mais...
Ma bouche rejoint à nouveau la sienne, lentement, avant que ce ne soit ma langue qui ne franchisse délicatement ses lèvres pour retrouver la sienne. Ma main joue avec ses cheveux, alors que la deuxième se pose sur sa joue. Merde. J’avais oublié comme ça pouvait être fort ces liens, cette recherche de contact. Si tu veux arrêter, c’est maintenant gamin.

Ma question ne trouve pas de réponse. Plus tard ça ne veut rien dire. Je peux attendre quelques jours. J’imagine que mes parents et ma famille seraient inquiets si ils n’ont pas de nouvelles pendant deux ou trois jours, mais ils comprendraient lorsque je leur expliquerai. Mais si plus tard veut dire 2 mois ? Ou pire, 20 ans ? Après tout les vampires vivent très longtemps, ils ne doivent pas vraiment voir la notion du temps pareil que nous. Enfin, que les humains. J’ai du mal à me faire à l’idée. Et puis pour l’instant je n’ai pas ce problème. Le temps ne me paraîtra pas différent avant un moment, j’imagine. Mais pour elle ? Si ça se trouve ça fait 500 ans que c’est une vampire. Quand on vit 500 ans plus tard ça peut être 20 ans. Elle se rendrait même pas vraiment compte que pour moi ça ferait une éternité, tout ce temps. Et que pour mes parents ce serait beaucoup trop long. Ils auraient fait leur deuil, ils m’auraient pleuré, et ils comprendraient pas si je retournais les voir dans 20 ans en leur expliquant tout. J’ai envie de lui demander encore, de l’obliger à me répondre, mais je sens que ça ne servira à rien. Apparemment il faut qu’elle parle à d’autre personnes. Celui qui l’a transformée elle, peut-être ? Ou les Reines vampires , celles qu’on voit souvent à la télé ? Peut-être que j’en saurai plus quand on leur aura parlé, enfin si j’ai le droit d’être là. J’espère que j’aurai le droit. Peut-être que j’arriverai à convaincre ces autres personnes que c’est moins risqué de leur dire plutôt que de me cacher. Peut-être qu’on pourra leur faire croire que c’est moi qui lui ai demandé de me transformer ? Je veux bien leur mentir là-dessus si je peux avoir le droit de leur dire où je suis.

Plus ou moins inconsciemment j’essaie de lui faire comprendre tout ça, en essayant de pousser mes pensées à travers cet espèce de lien que j’ai senti entre nous, quand elle s’est énervée tout à l’heure, et lorsqu’elle s’est inquiétée. Si j’arrive à sentir un peu de ce qu’elle ressent, elle doit pouvoir ressentir ce que moi je ressens. Et peut-être qu’elle comprendra. Mais elle me rembarre gentiment, en me donnant l’impression d’être hyper pas discret. Bon en même temps c’est peut-être le cas. Je comprends pas trop comment ça marche, cette espèce de lien que je sens entre nous. Mais quand même, je me sens un peu vexé. Elle pose sa mains sur ma joue, et m’explique encore une fois que ce n’est pas possible. Par réflexe je soupire, pour exprimer ma frustration. Mais mes pensées sont chassées d’un coup par un nouveau contact entre nous. Sa bouche sur mon front. Je sens ses lèvres, un peu humides, et étonnamment chaudes, sur ma peau. Et je perds les pédales. Je ne sais pas pourquoi, mais j’attrape son cou alors qu’elle se redresse pour s’éloigner, et je pose mes lèvres sur les siennes. Réalisant ce que je suis en train de faire, je la repousse, et me recule contre le mur. Elle a été gentille jusqu’à maintenant. Pourquoi j’ai fait ça ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Et si elle le prenait mal ? Ce serait normal après tout. Ca se fait pas d’embrasser des filles qu’on connaît presque pas sans leur demander leur avis.

Mais elle me regarde avec un air pas du tout énervé. J’ai même plutôt l’impression que c’est le contraire. Elle me rassure, un peu, avant de me perturber encore plus. Aller plus loin ? Qu’est-ce qu’elle entend par là ? Avant que je n’ai le temps de réfléchir au sens de ses paroles, elle se rapproche de moi et m’embrasse à son tour. Ok, je réfléchirai plus tard. Sa main vient se poser sur mon cou, et je fais automatiquement la même chose. Elle lâche mes lèvres quelques instants et me murmure quelques mots qui font redémarrer mon cerveau. Etre sage. Avant que je n’ai eu le temps de vraiment comprendre, elle se penche à nouveau sur moi. Mes lèvres répondent aux siennes. Je n’ai jamais embrassé personne mais ça ne m’a soudain l’air pas si compliqué. Je me demande pourquoi j’avais peur de le faire avec Alexis, et avec Sav. Soudain je sens quelque chose d’humide. Sa langue. Avant que j’ai réagi elle se glisse entre mes lèvres. Qu’est-ce qu’il se passe, là? Je sais absolument pas ce que je suis sensé faire. Sa main contre mon cou et une autre sur ma joue, sa langue dans ma bouche. Et soudain je panique. Qu’est-ce que je fais ? Je pose mes mains sur ses bras, pour la repousser. Je la regarde, je regarde ses lèvres. Et je me sens idiot. C’est moi qui ai commencé. C’est moi qui l’ai embrassée. Et maintenant je lui dis non ? C’est débile, elle va me prendre pour un gamin qui ne sait pas ce qu’il veut maintenant c’est sûr. Et pourtant, je suis pas sûr d’avoir envie. J’ai cormpris, je crois ce qu’elle voulait dire. Je sais pas si je suis prêt à ça. Si je veux que ça se passe comme ça. Je comprend pas mes réactions, mes émotions, mon corps. Et je vois vraiment pas comme lui expliquer que je la repousse.

« Je... Je crois pas que ce soit une bonne idée... »

Ouais la réplique pourrie. Mais je sais pas comment lui expliquer.

« C’est pas toi... J’en ai envie, je crois, un peu...»

Je regarde à nouveau ses lèvres. Je sens encore leur goût et leur chaleur contre les miennes.

« Beaucoup, même... Mais je sais pas... Je suis pas comme d’habitude... Je... Je sais pas si tu comprends...»

Je suis gêné. Hyper gêné. Je me dégonfle, alors que j’ai une vampire bien foutue prête à se jeter sur moi. N’importe qui aurait sauté sur l’occasion, non ? Alors pourquoi moi je veux pas ? Parce que j’ai peur de pas savoir comment on fait ? Que j’ai l’impression que je ne contrôle pas mon corps, et que je ça me rassure pas ? Je suis pas comme d'habitude, ouais. Mais je serai jamais plus comme d'habitude, maintenant que je suis un vampire...

Je sais que j’y arriverais pas seule. Pas sur le long terme. Ou court terme. Je sais pas trop. Déjà parce que je suis pas assez vieille. Ouais, j’avoue, sortir ça, ça craint.
Non et puis, j’ai pas eu le meilleur maître qui soit. Est-ce qu’il y en a des mieux ? J’ose espérer que oui. Il m’a jamais vraiment aidé à… être mieux. Ou à savoir comment réagir, me comporter, être.
Et puis, j’ai pas un train de vie de ouf, ça risque d’être compliqué. Et j’ai pas la vie la plus… ok, pas saine, parce que vous un nocturne, c’est pas trop ça, mais dans le genre quoi.
Ouais, ok. Je suis toujours en vie. Je m’en suis pas trop mal sortie. J’ai appris au fur et à mesure. Avec d’autres. Mais lui, là, le gamin, Darren, il avait une vie avant tout ça. Oui, moi aussi. Mais à part mon chat, j’avais personne quoi. Personne sur qui compter, soit, mais personne qui comptait sur moi. Et ça, c’était cool.

Et là, j’ai beau avoir l’impression de faire les choses à peu près correctement, jsuis pas sûre du résultat. Ni que ce soit vraiment à faire ou dire. Et je sais même pas comment réagir alors qu’il pleure et se lamente. J’hésite entre le baffer et le câliner. Ouais, tout ou rien. Mais j’essaie. Je lui parle. La patience incarnée. Sauf qu’il est particulièrement têtu le p’tit. Mais pas plus que moi.
Et il est complétement paumé. Ok. Je comprends aussi. Je fais ce que je peux. Même s’il m’aide pas.
Il se rend pas compte. Il est tellement déboussolé. Mais j’ai faim. Et ouais, j’ai carrément envie de contacts. Non, pire, j’en ai besoin. Ouais contacts. Jvais pas dire que j’ai envie de le baiser. Même si c’est ça. Que ce soit le lien ou juste parce que j’ai faim et que ça a toujours été lié pour moi, le fait est que ouais, c’est compliqué. Je veux pas lui sauter dessus. Sage.
Et lui, que j’ai créé, trouve rien de mieux à faire que de m’embrasser. Avant de se rendre compte de ce qu’il fait. Sérieux, je fais si peur que ça ? Merde. Presque malgré moi, je m’approche et à mon tour, je lui vole un baiser. Je ne devrais pas. Mais il me répond. Et d’un coup, je sens sa peur… ouais peur, quand ma langue passe ses lèvres. Il me repousse et me regarde. Merde. Pourtant je sens qu’il en a envie.

Je laisse lentement retomber mes mains, près de mes genoux, au sol. Toujours un peu penchée vers lui, je l’observe. Il a l’air tellement paumé. J’espère bien que c’est pas moi gamin, je serais carrément blessée. Enfin, si on veut… Un peu ? Je souris alors qu’il fixe mes lèvres. Ah. Oui. Mieux. Je penche la tête sur le côté. Oui, je comprends sauf que… Je sens sa gêne… et son… inquiétude ? Toujours pour ma réaction, ou y a-t-il autre chose ? Quel âge a-t-il ? … Est-ce que…

« Si c’est pas moi, c’est déjà ça de pris je suppose, c’est toujours moins vexant hein… » Je lui souris. « Je comprends. Tu n’es plus vraiment toi. Ca reviendra. Je t’aiderais, promis.

Dis-moi Darren. De quoi as-tu peur ? » Oh, allez, t’es vache là. Non, je suis curieuse. C’tout.
« Tu n’as jamais été plus loin qu’un baiser hein ? »
Mon sourire amusé disparait lentement. « Je suis désolée gamin…
T’inquiètes pas, j’te forcerais à rien. Pas la-dessus. Je f’rais pas cette erreur. »
Je souris, à nouveau taquine. « Si tu changes d’avis, je pourrais t’apprendre. J’essayerais même d’y aller doucement. Mais… Je te laisse le choix. »

Je me redresse un peu, frotte mes mains pour en retirer la poussière et m’assoies sur mes talons. « Mais on ferait mieux d’y aller alors. Parce que j’ai faim. Et que j’ai envie de… » Je me passe la langue sur les lèvres en le regardant. De lui ok. Merde.
De contacts, de toucher, de baiser ouais ok soit.
« Je trouverais bien quelqu’un en route. » Ouais, ok, j’ai parlé à haute voix. Aucune importance. Pour me nourrir, pour… plus. Putain, ça va pas du tout être galère avec lui à mes côtés.

Je suis gêné, de ce que j’ai fait. Et de pas oser continuer, alors qu’elle a l’air d’en avoir envie. C’est nul, et j’ai l’impression d’être un gamin, encore plus que lorsqu’elle m’appelle gamin. Mais c’est juste que ça va trop vite. Je… Je sais pas si j’en ai vraiment envie. C’est compliqué, j’ai envie de sang, encore, je crois. Et je crois que j’ai envie de l’embrasser, encore. Mais je suis pas sûr, et ça me fait peur tout ça. Etre un vampire, déjà. J’ai du mal à le réaliser, et à l’accepter. Et je sais pas si je suis prêt à faire des trucs avec une vampire. Même si elle est jolie, et que j’ai clairement une bosse dans mon pantalon plein de terre et de sang séché depuis que mes lèvres ont rencontré les siennes. Je m’excuse et me recule. Mes excuses valent pas grand-chose, et je me sens vraiment ridicule, mais je crois qu’elle comprend quand même. Elle me sourit. Ca me rassure, je me dis que tout va bien. Et puis évidemment il faut qu’elle me pose des questions…

Mon visage vire au rouge tomate, et je bégaye, cherchant mes mots, et parlant de moins en moins fort.

« Ben heu… Je… C’est… Je… Non… »

La fin de ma non-phrase se termine presque en silence. Mais je suis sûr qu’elle a entendu quand même. Ce que son visage me confirme rapidement alors que je lui jette un regard gêné en me pinçant un peu les lèvres. Elle prend un visage sérieux et me dit qu’elle comprends et qu’elle ne me forcera pas. Parce qu’elle aurait pu me violer ? Quand même pas quand même, si ? Je sais pas. Peut-être que oui. Peut-être que certains vampires ça les dérangerait pas. Enfin bon la question ne se pose pas puisqu’elle se recule, et m’a dit qu’elle me laisserait le temps. Je me calme un peu, avant d’entendre la suite et de voir son sourire.

« Euh… Merci. Je crois. »

C’était pas ça qu’il fallait dire ? Je sais pas. Je sais pas si c’était sérieux. Pour l’instant en tous cas je pense que c’est mieux qu’on fasse rien. Je suis pas sûr d’être prêt. C’est déjà difficile de gérer le reste… Je me lève sans rien dire, et la suit. J’ai faim aussi, mais je ne le dis pas. Le reste de sa phrase m’a encore perturbé. Ouais il m’en faut peu. Je sais pas où on va, mais je n’ose pas demander. Je verrai bien. Elle a dit que je devais faire profil bas dehors, tout à l’heure.

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