Au fond, c'est mieux comme ça. Parce que ma petite routine d'humaine bien rangée, je commençais vraiment à en avoir ras le cul. Maintenant je plie bagage et je me casse en beauté, j'aurai peut être bien la PES au cul parce qu'ils ont vu ma face au St James mais au moins j'aurai ma liberté. Je sais pas encore quel mode de vie je vais adopter, mais ce que je sais par contre c'est que ça sera mieux de toute manière que la vie à laquelle je me suis moi même condamnée avec cette putain de paix merdique. Toute façon aujourd'hui la guerre est à nos portes, alors autant prendre mes aises ! Ouais. Le monde ligué contre nous ou pas, vivre seule et clandestinement m'apportera tout ce dont je rêve : un vent de liberté chargé de sang, de luxure, de mort et de Chaos. Vraiment, ça va être chouette. Bon serveuse, je dis pas non plus que c'était le métier le plus chiant du monde, mais ça commençait sérieusement à me bouffer mon temps. Au lieu de m'entrainer, avec Paul par exemple, je passais mes nerfs sur des ivrognes. Non, je regrette pas de tout plaquer. J'ai enlevé mes traces, je viens d'aller jusqu'au quais jeter mes clefs et mon scooter, puis je suis partie avec mes petites affaires.. J'ai volé une moto, aussi, pour remplacer l'autre. Je vais me barrer de Glasgow une bonne fois pour toutes, direction ma ville natale, mais avant un petit arrêt s'impose.


Et en ce moment, j'ai laissé l'engin quelques mètres plus loin et je m'aventure dans les ruelles, genre du type de celles où j'ai rencontré mes dealers-tortionnaires quand j'avais treize ans. C'est vieux tout ça, mais c'est toujours dans ce type d'endroit où je peux rencontrer des dealers. C'est Paul qui m'a filé un petit coup de main, plus question que je prenne de risque en prenant le liquide à la veine. Pas cette fois, en tout cas. Puis les vampires et humains impliqués dans ce genre de trafic se font buter à grande vitesse, donc j'en profite avant qu'y est plus personne sur cette terre foutu de te vendre une bonne dose. J'ai du fric volé. Au moins, le vol quand on est télékinésiste, c'est pas sorcier. J'ai aussi dans l'intérieur de ma veste, le flingue récupéré sur le connard de la PES qui a voulu me buter au St James. Il a même pas eu le temps de le regretter. Moi j'ai récupéré son machin mais faut que j'apprenne à tirer. Je trouve rapidement le gars que je cherche, l'affaire est expédiée en deux minutes; lui avec mon fric volé, moi avec le précieux liquide rouge. Putain. Ca fait trop envie. Je résiste pas bien longtemps au truc entre mes mains, je l'ouvre et me plonge dedans avec un soupir de soulagement... L'effet est immédiat. Je sens la puissance monter en moi, cette puissance incontrôlable et meurtrière. Mes veines se gonflent, mon corps entier se gorge de ce liquide vital. Je relève la tête. J'ai presque tout bu. Alors j'avale un peu de gin dans une fiole cachée dans l'intérieur de ma veste, avant de finir mon V. Pas beaucoup d'alcool, mais cocktail explosif tout de même. Je me sens toute puissante, invulnérable, comme si je flottais dans une sphère au dessus du monde. Rien ne peut m'atteindre mais ma folie peut frapper tout un chacun. C'est bon, ça. Je laisse tout tomber sur place, la flasque se brise mais je m'en fous, je ressors dans la rue, tenant droite malgré mes sens en furie. Je tiens le coup. J'ai l'habitude.


Je me dirige vers un bar pas loin, mais alors que je m'arrête pour traverser la rue, un visage attire mon attention à quelques mètres. Putain, je connais ce type. Rebroussant chemin, je m'approche de lui d'un pas décidé tandis que la mémoire me revient. On a deux trois mots à se dire, lui et moi. Je le prends par le poignet et l'attire dans une ruelle adjacente à la grand rue, un petit recoin où on devrait être pénards. J'ai pas peur, je sens cette force surnaturelle et impulsive en moi, qui guide chacune de mes actions. Je le plaque contre le mur.

"T'arrête de jouer au chat et à la souris avec moi Ewan, parce que c'est moi l'chat et que j'vais te bouffer. J'veux mon fric."

Ce type, je le connais putain. Malgré la drogue et le peu de drogue que j'ai avalé, les souvenirs mettent pas longtemps à remonter à la surface. Ca fait des années que je le cherche, des années que je lui courre après et que je me tombe dans le panneau à chaque fois. Ewan j'sais-plus-trop-quoi. J'avais pas mal d'années de moins que lui mais c'est moi qui lui ait été utile. Ce type, il avait une sale fascination pour les suceurs, et il tombait peu à peu dans la drogue de leur sang. J'sais même plus où j'l'ai rencontré en fait, ça a pas d'importance. Non, le seul truc qui a de l'importance, c'est qu'il me doit du fric depuis au moins trois ans, et qu'il me l'a toujours pas filé. J'aime pas ça. J'le croyais mort, à force. Parce qu'avec tout le temps que je l'ai mis à le chercher, je me demandais bien où pouvait être ce petit escroc. Ouais, un escroc que j'ai la grande gentilesse d'aider et qui paye même pas sa part du marché. J'sais pas vous, mais moi j'appelle ça un escroc. J'veux bien pas non plus tenir toujours mes paroles, mais moi c'est moi et lui c'est qu'un stupide humain. Alors c'est un escroc. Et mort, il aurait mieux fait de l'être. Quoi, il a filé à l'étranger et il se repointe que maintenant ? Eh bien il aurait mieux fait de jamais se repointer. Parce qu'on a des comptes à régler lui et moi et que je blague pas sur ça. Du fric, c'est du fric, surtout pour le genre de service que je lui ai rendu. Je l'ai aidé à se mettre en relation avec des vampires, vu qu'à l'époque c'était la guerre et qu'on se battait avec eux. Je lui ai filé un peu de drogue aussi, puis plus rien. Plouf ! Disparu le petit humain, existe plus ! Et moi je me démerde, me suis faite avoir comme une conne depuis ces années qu'il me doit quelques billets, il va me les donner. Il se croit plus fort que moi, c'est ça ?

Il va pas s'échapper, il va pas bouger tant que j'aurai pas récupéré mon dû. Ewan, ouais c'est ça, je me souviens bien maintenant. Et lui... Il marque un temps de blocage. Pause. Beug. Réveille ton système, je suis là et t'as des trucs à me donner. Bah ouais, je t'ai pas oublié mec. Pour certaines choses j'ai la mémoire courte, mais pas pour ça. Qu'est-ce qu'il me sort l'imbécile ? Si je l'ai vu quelque part et s'il est vivant ? Il va pas me prendre pour une débile ce lui là... Il va arrêter de se foutre de ma gueule et me passer l'argent illico presto, sinon je le descends. D'une manière ou d'une autre. Je jouis avant, peut être, mais il fera pas long feu. J'éclate d'un grand rire mais me calme vite. Putain, si on me repère, je suis foutue.

« J't'ai dis d'arrêter de te foutre de ma gueule putain ! Je l'ai vu quelque part vu que t'es devant moi, et t'as pas l'air d'un zombie ni d'un suceur donc j'dirais plutôt que t'es vivant, ouais. »

Franchement, le hasard fait bien les choses. Ou alors non c'est peut être pas tellement du hasard vu qu'on est dans le quartier pas très fréquentable des suceurs, et le gars en question les aime bien. Et il est pas futé de balader son cul ici, parce qu'à mon avis je suis pas la seule à qui il doit du fric et il y a beaucoup de possibilités pour que les autres soient là aussi. Pas malin, ou alors il croyait que le temps effaçait ce genre de dettes. Bah non, redescends sur terre, les bisounours ça existe pas, ici tu paies tes comptes ou tu rends l'âme. C'est comme ça et pas autrement, moi aussi j'en ai fait les frais, faut pas croire. Et maintenant que je me suis libérée de ces putains de conventions humaines, je me rends compte tout ce que j'ai à faire. Toutes les petites affaires que j'ai à régler. Lui j'ai failli l'oublier, ouais, parce qu'il semblait mort et que j'avais d'autres choses à foutre que de le rechercher. Mais là, il me tombe sous la main... Je vais pas le laisser filer. Il se croit peut être plus fort parce que je suis une nana et que j'ai l'air frêle, mais j'ai de la ressource. Je suis une semi-démone moi, mon pouvoir il est puissant et c'est pas cette locque humaine qui peut lutter contre. C'est peut être aussi grâce à la télékinésie que je le tiens plaqué contre le mur, d'ailleurs.

J'aime pas qu'on me prenne pour une conne et je lui fais passer le message. Faut pas jouer avec ça ou tu le paieras cher. Très cher. C'est légitime, non ? Je prends ça comme une insulte, alors j'me défends. Et même, depuis quand j'ai besoin d'excuse pour buter des gens ? J'fais ce que j'veux, après tout. Je suis pas une vermine humaine. Je descends des enfers.

Le gars n'a toujours pas bien l'air de capter ce que je lui raconte. Je vais lui mettre une bonne claque si ça continue, ça va lui remettre les idées en place. Enfin... Pas besoin apparemment. Il se décide à l'ouvrir et se met à me vouvoyer et m'appeler Madame. Putain, j'en prends un coup là. Il m'explique que j'le confonds avec son frangin et me demande de le lâcher. Ce que je fais finalement. De toute façon s'il en profite pour fuir, il le regrettera vite.

"Et essaye même pas de te tirer."

Je le dévisage de la tête au pied, avec toujours ce même air et ce sourire en coin.

"Qu'est-ce qui me pousse à t'croire ? N'importe qui pourrait sortir ça alors comment je sais que tu me racontes pas une connerie pour te sortir d'affaire ? Le madame et le vous, tu oublies ça tout de suite, j'ai pas la quarantaine."

Alors comme ça c'est pas Ewan mais le p´tit frangin ? Elle serait bien belle, celle là. Je les aurai confondus. Moi. Genre ce gars est un petit ange et moi grosse démone je dois le croire sur parole. Bah ouais, voyons. Tout va bien dans le meilleur des mondes, ici c'est les bisounours c'est bien connu. Oui, parce qu'il est naïf en plus. Il a l'air naif. Il a l'air terrifié aussi et il l'est peut être bien mais il peut aussi jouer la comédie. Il la jouerait vachement bien alors... Mais je m'en fiche. Il a qu'à trouver un moyen de prouver c'qu'il raconte, le zozo. J'ai passé l'âge où on croit bien gentiment les gens sur paroles. J'crois que je l'ai jamais eu, cet âge, en fait. En attendant, moi je me délecte de la peur qui se lit sur son visage. Je la goute, je l'apprécie à sa juste valeur. Je fais déjà un effort en lui lâchant le poignet alors je peux bien continuer à l'effrayer. La douleur physique c'est devenu trop peu pour moi. Faire mal aux gens j'peux le faire où je veux, quand je veux. C'est mon pouvoir, c'est comme ça. Mais maintenant, je suis passée au niveau supérieur. Je veux les terrifier. Je veux qu'ils tremblent tous, ces pourritures humaines. Pour ça, les blesser physiquement ça suffit pas. C'est dans leur crâne, que ça se passe. Je veux les traumatiser psychologiquement. Ajouté à une torture physique, c'est tellement plus... divertissant.

Il se range bien sagement, le petit. Ouais, j'l'appelle le petit, même si je dois pas avoir plus de cinq ans d'écart avec lui. C'est le petit, parce qu'il est faible. Il va pour m'appeler madame mais se rattrape in extremis. Je lui lance un sourire des moins amicaux avant de rire. J'essaye de pas hausser le ton, faudrait pas se faire chopper.

"Chuis pas flic. Mais vas-y, montre moi ça."

J'attends qu'il s'exécute bien gentiment avant de continuer.

"Alors comme ça, il serait mort ? Depuis presque presque ans ?"

Je me rapproche de lui et plante mes yeux à moitié dilatés par la drogue dans les siens.

"J'veux que tu m'dise tout, ok ? Tout ce que tu sais sur sa disparition, tout ce que ces putain de flics ont trouvé, même si c'est que des hypothèses. Il aurait pu devenir un p´tit suceur ?"

Je m'amusais vraiment comme une folle avec ce gars. Oui enfin, j'étais folle, droguée et tout ce que vous voulez, alors on peut barrer le comme. C'est pas comme si je le torturais, lui faisait mal ou quoi que ce soit, mais je lui faisais peur. Terriblement peur. C'est super, ce pouvoir de terroriser les gens. C'est ce que je veux faire, en plus d'infliger la mort et la douleur. Je veux que le monde entier tremble devant nous, fils des enfers. Je veux qu'ils se sentent misérables et impuissants et que notre simple regard les fasse trembler d'effroi. On en est loin. Encore très loin. Alors je me délecte de la possibilité que j'ai de terrifier un petit humain, si insignifiant, si stupide, que je pourrais briser sa misérable vie en un tour de main. Je pourrais lui tirer une balle, mais ce ne serait pas du tout jouisif. Ce flingue que je gardais, c'était juste pour me défendre si je pouvais rien faire d'autre. Là je pourrais toujours l'étrangler avec une ceinture ou trouver encore autre chose. Sauf si je compte pas le buter tout de suite. Sauf s'il peut m'être utile. D'une manière ou d'une autre. Puis je suis pas sûre que ce soit le meilleur endroit pour un assassinant, parce que ça se remarquerait vite et que je suis pas sûre d'avoir le temps de disparaître avant qu'on me choppe. Je peux pas m'empêcher de rire, même sous cape. Il est extra, ce type. Il croit que je vais le buter pendant qu'il se baisse pour ramasser ses papiers, et moi je les regarde bien gentiment, comme une de ces vermines de flics qui contrôle la populace. Comme si je faisais confiance à un bout de papier. Enfin il est tellement terrorisé que je le sens sincère.

« Tu crois vraiment que si j'recule j'te foutrais moins la pétoche ? Ca changera pas grand chose. »

J'esquissais un semblant de pas en arrière, juste pour lui faire croire que j'allais m'éloigner contre l'autre paroi de la ruelle. Non, j'avais pas envie. Il m'avait dit que je lui foutais les jetons, alors maintenant il assumait. Bien sagement, il répondait à mes questions. L'enquête avait conclu qu'Ewan était mort mais lui et sa mère pensaient qu'il était en vie. Juste comme ça, un pressentiment. C'était risible. Petits humains... Il fallait que je prenne une décision. Je pouvais juste me tirer et le laisser planté là, mais ça n'y pensez même pas. Le buter, ce serait trop con. Le torturer et jouir de lui avant de l'abandonner comme une loque était aussi une possibilité mais ce serait pas le plus intelligent, quand bien même l'envie était forte. Non, il y avait autre chose que je pouvais faire. Peut être une pure imbécillité mais c'était pas moi qui avait quelque chose à perdre dans cette affaire.

« Ok. Alors on a plusieurs possibilités toi et moi. Soit je m'en vais tout simplement, mais j'sais pas si t'a remarqué il y a eu un génocide de bisounours ces dernières années. Je peux m'amuser avec toi, te faire souffrir, te baiser et te torturer, mais j'crois que t'en vaux même pas la peine. J'pourrais te tuer aussi, mais ça servirait à rien. J'te propose un truc. Tu crois que ton frangin il est pas mort. J'peux t'aider à le retrouver. »

Oui, je le proposais de faire équipe avec moi. C'était un peu la seule solution qu'il avait, en fait.

Qu'est-ce qui me poussait à être si... gentille avec lui ? Il était à ma merci, je pouvais en faire ce que je voulais. M'amuser comme je le faisais rarement, foutre une bonne fois pour toutes les conventions humaines en l'air et faire quelques pas de plus sur le chemin qui était le mien. Je pourrais, oui. C'était tentant, très tentant, je souriais d'avance à l'idée de ce que je pourrais lui faire subir... Malgré les risques que je prenais à faire de telles choses dans un tel lieu, ça en valait le coup. Mais non, je lui propose de l'aider. Oui enfin l'aider... C'était peut être un grand mot. Sûrement. En fait, je lui proposais un marché des plus inégal, mais ça il n'avait pas l'air de le comprendre. Si Ewan était vivant, je pouvais le retrouver et lui faire payer le prix, et je me disais que le petit Darren ferait un très bon appât. Je lui proposais de partager le fruit de mes recherches, si elles s'avéraient fructueuses même si une fois retrouvé, il finirait vite en cadavre. Ou en jouet, un joli jouet rien que pour moi. Je pourrais lui faire tout ce que John et Craig m'avaient fait... Remarquez, j'avais pas tellement besoin d'attendre de retrouver Ewan, j'avais un gars à ma merci mais je voulais l'utiliser pour plus grand. Il allait accepter, j'en étais certaine. Comment pouvait -il faire autrement, de toute manière ? Je lui faisais peur et il allait plier, un point c'est tout.

Au lieu de ça, la vermine se met à bégayer parce qu'il comprend pas ce que je veux. Putain, mais il est con ? J'ai pas été claire ou quoi ? Il le fait exprès, de jouer avec mes nerfs, mais c'est un jeu auquel il va lui-même se faire prendre. Il sait pas ce que ça fait quand on joue à ça avec moi. Je souris tout en lâchant un petit rire, presque menaçant. La drogue m'aveugle, me fait agir sans réfléchir. Mon poing fuse dans sa mâchoire pour la lui fracasser, et j'utilise la force de mon pouvoir pour le plaquer au sol. Avec toujours ce rictus sur le visage. Je me retrouve devant lui, lui enfonce mon talon dans son estomac, et le rictus se transforme en véritable sourire sadique. Je ne le quitte pas des yeux, et pointe le flingue sur lui au cas où il crierai.

« Si tu veux pas de mon offre, je vais pas te forcer. Je peux mener ma petite enquête toute seule, j'ai pas besoin d'un boulet. Seulement, si je le retrouve et qu'il est vivant, un matin tu retrouveras son cadavre devant ta porte. Enfin ce sera même plus un cadavre, mais tu sauras quand même que c'est lui. »

Je soulève mon autre pied pour que tout mon point soit réparti sur son ventre, avant de le reposer à terre.

« La proposition tient toujours. A toi de voir. »

J'avais arrêté de me contrôler, dans une certaine mesure. Cette envie irrésistible de lui faire mal, d'user de ma force me titillait depuis le début de notre 'conversation' en fait. Mais je l'avais pas fait, je m'étais retenue pour une putain de raison qui me faisait chier. Ca risquait d'attirer du monde, si je laissais le Chaos prendre le dessus, et je pouvais pas me le permettre, ici, dans une putain de ruelle à côté d'une grande artère. A tout les coups ça alerterait quelqu'un, et j'étais seule, isolée, je pouvais pas me le permettre. Ca me tuait d'avouer que je pourrais pas assurer si on me choppait mais j'étais pas non plus folle en plein. J'veux dire, il me reste quand même un peu de bon sens, d'instinct de survie. Etre ennemi public numéro 1, c'est vachement cool, mais ça peut aussi être vraiment chiant. C'était le cas. C'était bien beau de vouloir s'affranchir de toutes les conventions humaines, mais il fallait aussi penser à sauver sa peau. Là, le gamin m'amusait tellement que j'avais pas pu résister. Terrifié, apeuré, il comprenait pas ce qui lui arrivait. Il comprenait pas qui j'étais et pourquoi je lui faisais ça. Pourquoi cette proposition qui n'avait pas de sens. Au fond, je voulais juste faire mumuse avec lui, un petit joujou humain complètement submergé par la terreur et l'incompréhension. Oh oui, ça me faisait jubiler intérieurement. Je lui montrais mon vrai visage, celui que je rêvais de montrer à la terre toute entière. C'était déjà un début, mais ça ne me suffirait pas bien longtemps. Je le frappais, le collais face à terre. Il pouvait plus refuser, il suffoquait. Si faible... J'aurais bien aimé quelque chose de plus résistant, de plus coriace, mais je me contentais de cette sale vermine. J'aurai plus, plus tard.

Il me suppliait, il m'aurait embrassé les pieds si je le lui avais demandé. Petite chose si insignifiante... J'avais même pas besoin du flingue pour le tenir en respect, mais je prenais quand même mes précautions. Je calmais le démon qui venait de prendre le dessus, pas totalement car c'était bien impossible, mais assez pour que je tienne en place. Savoure quelque instants le type allongé par terre, à ma merci. Je pourrais faire pleins de choses avec lui, avant de le tuer. Froidement et sauvagement. Mais je pouvais pas, je pouvais rien faire, ça m'énervais. Putain.

« Ah tu vois, c'est pas compliqué. »

Je lui disais ça avec un rire, quand il me dit clairement qu'il acceptait. Je lui fis encore plus mal, juste une seconde. Je voulais pas l'achever, pas tout de suite en tout cas. Il me supplie, comme je l'avais prévu.

« Bien sûr que tu vas crever... »

Je laisse planer ma phrase, avant de terminer :

« … mais personne ne sait quand, ni comment »

Oui, le comment, c'était ce qui m'intéressait le plus. Il y avait tellement de façon de tuer quelqu'un... Les détailler me prendrait une éternité. Et je pouvais pas m'éterniser. Pas encore. Alors maintenant, j'allais faire quoi ? Me barrer, rester ici à le torturer ? Le buter, je pouvais pas. Trop risqué. Quoi que... Je lui lance un grand sourire, qui ressemble plus à un rictus qu'à autre chose d'ailleurs. Je me dégageais totalement de lui et rangeais le flingue. Toujours concentrée sur mon pouvoir pour le scotcher au sol, je le retournais d'un coup de pied pour que mon visage soit au dessus du mien. J'ouvrais la bouche, quand j'entendis des bruit de pas venant de l'autre bout de la ruelle. Au moins deux personnes.

« Merde ! »

Lâchais-je dans ma barbe. Un dernier coup d'oeil vers le gars au sol. Me mords la lèvre. Je lui balance mon pied sous le menton et détale en courant à l'opposé des bruits de pas. Putain, cours Esther.