Faire mumuse avec la nourriture n’était pas pour me plaire. Mais je devais bien passer par là. Au moins provisoirement. Si j’avais accepté ce soir de me montrer à cette réunion de soi-disant conseil inter espèce, c’était uniquement pour faire bonne figure. Je comptais bien placer quelqu’un d’autre à ma place, Morgane sans aucun doute. J’avais autre à faire que de rester assise sur une chaise, à sourire, et à laisser penser aux humains qu’il avait la main mise sur la situation que j’étais dans leur camp. Si j’avais exprimé mon opinion, ce fut pour me « révolter » gentiment sur la PES et les derniers évènements qui l’avaient touchés. J’avais plaidé la cause d’une collaboration entre espèce si nous ne voulions pas voir le carnage des années sanglantes se répéter et que les humains ne devaient pas se montrer au-dessus des propres lois qu’eux-mêmes avaient instaurées. J’avais demandé une transparence totale de tous, point sur lequel nous étions tous tombés d’accord, même si je savais très bien qu’elle ne sera jamais présente. Il ne s’agissait ici que de faire bonne figure et bonne impression après tout. Tout être un tant soit peu intelligent avait conscience de cela.

La réunion s’éternisa plus que je ne l’aurais voulu, souvent relancés par les humains d’ailleurs. La Louve semblait avoir tout aussi hâte que moi de partir de cette pièce dans laquelle nous étions obligés de rester. Au moins n’avaient-ils pas eu la bêtise de nous installer l’une à côté de l’autre. Si on se montrait courtoise, et polie l’une envers l’autre, notre haine mutuelle était palpable pour toute créature surnaturelle. Elle avait fait rouler sur pouvoir sur elle et j’en avais fait de même, alors que nous affichons des sourires amicaux devant l’assemblé. J’aurais sa tête, ou elle aurait la mienne. Voilà une certitude que nous partagions et sur laquelle nous étions d’accord. Nous avons pris d’ailleurs la peine d’éviter de se parler et de s’interpeller directement.

J’avais ainsi perdu une bonne partie de ma soirée. Lorsque je regagnais ma voiture, il était tard et cela m’exaspérait grandement. Sortant mon téléphone, j’appelais à l’étranger pour régler des affaires vampiriques. Et soudainement mon chauffeur fit un écart et la voiture se crasha dans un champ après plusieurs tonneaux. Je fulmine alors que les miens sortent de la voiture. Mon bras est déboité, l’os ressort, et mon haut est déchiré. Je maudis le conducteur me promettant de le tuer ainsi que tous les siens s’il n’est pas encore mort. Je remets tout en place, alors que j’entends mes gardes, quelques places devant moi dans ma limousine, prendre leurs armes et tirer sur je ne sais qui. Je sens plus que je ne vois le sang qui imbibe le véhicule. Pas de doute, il s’agit ici de l’œuvre d’un semi-démon puissant. Je peux apercevoir son pouvoir agir. Je compose le numéro d’urgence sur mon téléphone, l’abandonne sur le siège, et sort, non sans avoir pris une arme. En quelques secondes je me retrouve devant l’humaine qui empestait le parfum toute la soirée. Enfin pas si humaine que ça. Elle fait alors peser son pouvoir sur moi. Elle essaye de s’insinuer dans ma tête, dans mon corps, de me contrôler. Une nécromancienne. Mon roi m’avait parlé de ses anciennes rumeurs sur des êtres pouvant contrôler les morts. Je lutte contre elle, puisant à la fois dans le lien qui me relie à mon créateur, que dans celui qui me relie à Torben. J’arrive à prendre en main mon arme et à la pointer alors qu’elle se met à me parler. Un sourire mauvais vient orner mon visage. Je savais très bien qui elle était, je pouvais ressentir son affiliation avec Caïm. Pour autant je lui répondais Vous n’êtes qu’une pâle copie de ce qu’il fut et jamais vous n’arriverez à vos fins. Certes, vous êtes arrivés à vous débarrasser de certains de mes gardes, mais avez-vous réellement la prétention de croire pouvoir y arriver avec moi ? Votre cher père avait au moins le sens des réalités, contrairement à vous. Vous n’êtes qu’une larve, rien de plus, une larve que je vais écraser sous ma botte

Cette petite garce était douée, oui très douée pour une femme aussi jeune qu’elle. Son pouvoir était grand et je le sentais s’insinuer en moi, repousser mes premières barrières. Je n’avais pas été assez concentrée, et je m’étais laissée tromper par son apparence frêle et fragile. Pourtant, je savais très bien qu’une apparence pouvait être très trompeuse. Son pouvoir, elle le contrôlait très bien car elle était arrivée à me le cacher plus que je pensais qu’un semi-démon pouvait le faire. Nous ne savions finalement que très peu de chose sur  eux, et c’était un problème que nous devrions résoudre le plus tôt possible. Une mission pour Cora, et pour quelques autres de mes humains infiltrés. Je notais mentalement de lancer une vague de capture sur des semi-démons pour les torturer et les étudier. Nous ne pouvions pas laisser une telle menace grandir tout autant que notre ignorance. Elle en savait plus sur moi que moi sur elle. Et cela ne devait plus jamais se reproduire. Passé mon premier étonnement je reprenais pied et la poussais à se retirer de ma tête. Je l’assaillais de violentes attaques à mon tour, fixant mon regard dans le sien et usant de mon hypnose vampirique. Je voyais passer quelques brides de son enfance, lui arrachant des souvenirs douloureux. Mais cela ne suffisait pas. Elle contrôlait les morts et une part de moi était morte. Une part, parce que je possédais à présent un servant humain. Torben et moi étions liés, et nous partagions plus qu’un seul lien maitre à pomme de sang. Je prenais une partie de son humanité et lui de mon vampirisme. Je baissais les barrières que j’avais mise entre nous, laissant sa part m’envahir et la mienne l’envahir. Cela me permit de repousser la jeune femme qui s’était pas attendue à cela.

Je tirais sur elle. Ma balle frôla le haut de son épaule, faisant couler son sang. Je ne la quittais pas des yeux, lui ordonnant de venir jusqu’à moi. Mon regard était pesant dans le sien, et je la voyais lutter intérieurement. Je la forçais à  orienter son pouvoir vers son propre contrôle plutôt que d’essayer de me contrôler moi. Dès qu’elle baissera sa place, elle deviendra mienne. Je lui faisais comprendre ce fait et que je n’aurais aucune pitié, aucune clémence. Elle m’avait provoqué, elle en payera les conséquences. Peu importe le temps que cela prendra. Elle succombera un jour sous mes crocs et c’était important qu’elle le comprenne. Je ne la lâcherais pas et je n’abandonnerais que lorsqu’elle se baignera sans son propre sang, lorsqu’elle me suppliera de mettre fin à ses souffrances     Vous venez de signer votre arrêt de mort. Combien de temps pensez-vous avoir avant que les miens n’arrivent en force ? Je lâchais un ricanement Me pensez-vous aussi stupide pour croire ne serait-ce qu’un seul mot sortant de votre bouche ? Vous n’avez rien à m’offrir et je vous mets au défi de trouver mon servant humain et de vous en débarrasser. La mort n’a aucune crainte et cela ne commencera pas avec vous. Je poussais un peu plus sur mon pouvoir, et je vis sa jambe légèrement trembler. Elle se retenait la gueuse, de ne pas faire un pas vers moi comme je lui ordonnais et de plier ensuite genou à terre. Je le reconnaissais, elle savait user de son potentiel. Seulement moi aussi. Et en plus de cela j’étais la reine des vampires, la créature d’Augustus, et l’une des plus vieilles créatures de ce monde. C’était naïf de sa part de penser pouvoir m’avoir aussi facilement.

La nécromancienne était vraiment sotte. Pensait-elle réellement qu’elle avait une chance face à moi. ? Qu’elle pouvait venir à bout de moi aussi facilement et que je n’avais aucune ressource ? Sous mes ordres, je n’avais pas que des vampires mais aussi des humains, qui étaient prêts à donner leur vie pour la mienne. Et face à des hommes armés et vivants, que pensait-elle être capable de faire. ? Je laissais échapper un rire, et un sourire se dessina sur mes lèvres. Quand elle forca de nouveau l’accès à ma tête, je l’orientais vers ce qu’elle allait voir : une armée sous mes ordres, me prêtant allégeance ; des visions de carnages, de batailles que j’avais mené ; la mort de nombreux êtres de son espèce ; tous ceux comme elle, qui avaient essayés de me défier et qui avait péri sous ma main. Pensait-elle vraiment que je sois une enfant de cœur ? Et puis il y avait « ma mort ». Je l’empêchais de discerner son visage, alors qu’elle essaye de nouveau de prendre le contrôle de mon être. Je la laisse ressentir les émotions de mon servant, mais pas de deviner son identité. La seule chose qu’elle pouvait apprendre était son genre, soit un homme et non pas une femme. Pour le reste, elle n’en saurait pas plus. Je cloisonnais Torben dans un coin de mon énergie, pour ne pas qu’elle en apprenne plus sur lui, continuant de tirer sur notre lien surnaturel pour lui résister. La colère de l’homme m’est très utile, et augmente la mienne, me permettant de la repousser non sans douleur de ma tête. J’incite mon homme de main à continuer de ressentir de la colère, mais à ne pas bouger de là où il était, même si j’étais plus forte lorsqu’il était à mes côtés. Je lui fais comprendre quel type de semi-démone se trouve en face de moi, et je l’entends me souffler une réponse à ses attaques, une réponse que j’avais oublié face à la vivacité des attaques que j’avais du repousser.

Faible? Beaucoup de qualificatifs le caractérise, mais faible n’en fait plus partie. Pensez-vous que vraiment qu’il soit aussi simple d’avoir le pas sur moi ? Pensez-vous vraiment que je sois sans arme face à une créature telle que vous ? Sachez très chère que j’ai grandi dans un foyer très pieu, ou la bible était un livre à connaitre sur le bout des doigts. « Nous prions pour que l'amour du Christ habite en nos cœurs par la puissance de son Esprit-Saint qui purifie et pardonne. Qu'il nous donne de triompher de l'esprit d'égoïsme et de discorde et nous aide à nous sacrifier pour la paix; qu'il crée la paix avec nous-mêmes et avec les autres, de manière que nous devenions des artisans de paix, selon la volonté de Dieu » Je la regardais, ne la lâchant d’un seul regard alors que la prière tombait sur elle comme de le l’argent sur un vampire. Si j’étais croyante ? Pas le moins du monde. Si j’avais été croyante ? Dans ma tendre enfance oui, mais j’avais grandi et ensuite ce soi-disant Dieu m’était apparu comme le gros mensonge du monde. Augustus était un dieu, bel et bien vivant. Je me forçais à penser à autre chose qu’au vampire, répétant inlassablement plusieurs prières. Si elle essayait encore de lire en moi, elle se retrouverait face à ce flot de paroles chrétiennes qui ne lui feraient absolument pas de bien. Je réajustais mon arme, et tira une seconde fois, frôlant son bras droit. M’allier à vous ? Est-ce donc ainsi que vous pensez me convaincre ? Si j’entends votre proposition, je réserve mon jugement. Je n’ai pas de temps de perdre avec vous et d’autres affaires m’attendent. Si j’ai aimé m’amuser avec vous, cela n’est plus à l’ordre du jour. Ne vous en faites pas, je saurais vous retrouver lorsque sera venu le moment, pour moi, de vous livrer ma réponse. . Je la laissais partir, sans faire couler plus son sang. Cette chienne était une garce, mais une garce qui pourrait s’avérer des plus utiles.