La plume parcourt le papier dans un bruit caractéristique que j'appréciais beaucoup. J'écrivais toujours mes lettres à la main, la plume était toujours un outil que j'utilisais, preuve de ma signature en quelque sorte. Sinon, comment savoir qu'une lettre vient de la princesse en personne ? Je n'en faisais pas souvent, mais je faisais toujours des exceptions. Julien en était une ? Je laissais en suspend ma plume d'oie, fine et allongée, l'observant alors que mes pensées vagabondaient quelque peu. Je me revoyais lui donner sa sentence, et même si Morgane m'avait fait parvenir un message de sa part, je ne pouvais pas m'empêcher de me dire qu'il ne devait plus me voir comme avant. Quoiqu'il en soit, je devais rester distante envers lui, je me souvenais des paroles de ma mère. Il fallait que je me méfie, plus encore aujourd'hui. Pourquoi donc lui écrivais-je ces mots ? Je voulais seulement me faire ma propre opinion, savoir un peu vers quoi il s'était tourné, et j'espérais au fond de moi que ce n'était pas une mauvaise voie qu'il avait choisi. Après tout, il avait été jugé, puni par mes mains, pourquoi ne dégoulinerait-il pas de haine et de vengeance ? Je gardais en tête cette possibilité, car j'arriverais mieux à gérer la situation. Était-ce judicieux d'aller le voir ? Je ne me posais pas la question, je choisirais l'endroit et ma sécurité sera assurée autant que le secret du lieu. Je lui avais fait une sorte d'énigme, il fallait qu'il lise entre les lignes, entre mes mots, pour comprendre le l'invitation. Je trempais ma plume dans l'encre noire et continuais d'écrire avant de l'enfiler dans une enveloppe et me diriger vers un garde pour qu'il puisse la rendre en main propre. Advienne que pourra désormais.

Je décidais de me faire couler un bain, j'avais deux heures devant moi pour me préparer physiquement, mais surtout psychologiquement. Je glissais dans l'eau chaude et je commençais à faire défiler tout un tas de choses dans ma tête. Je commençais à me mettre dans la situation, ce que je ne devais pas faire, comment je devais être. Je ne l'avais pas revu depuis un petit moment, mais j'étais trop curieuse de savoir à quel camp il appartenait. Augustus était de retour, et il me fallait savoir s'il le savait déjà, puis le travailler un peu plus. J'évitais de trop me questionner sur cette rencontre peu judicieuse. Krystel me l'aurait dit, Morgane je ne savais pas trop, avait-elle vraiment gardé contact ? Je ne pouvais pas constamment aller la voir désormais, mais j'étais déjà en train de réfléchir à un moyen de se joindre sans que personne ne puisse l'intercepter. J'ouvris les yeux alors que j'entendis un léger tapotement sur la porte, timide. Je savais qu'il était l'heure que je parte. Je me séchais, enfilais un jean noir moulant, une tunique tout aussi sobre couleur bleu nuit et sortis de la salle de bain. Je me chaussais de chaussures plates, des baskets avant de mettre un manteau noir passe-partout. J'étais élégante d'une autre manière, mais il fallait surtout que je n'attire pas l'attention, mes robes et autres accessoires voyant passaient à l'as pour cette fois. J'arrangeais mes cheveux devant le miroir juste à gauche de ma porte d'entrée, un vieux réflexe, avant de me faire escorter jusqu'au lieu désiré.

J'aurais pu aller d'un bout à l'autre en voiture, sauf que je n'avais pas prévu les choses comme cela. On m'arrêta un peu plus loin, j'avais déjà mis mes directives quant à mes autres gardes pour qu'ils sécurisent le périmètre, tandis que ceux qui m'accompagnaient restaient avec moi. Je m'étais dirigée au nord et j'usais de ma vitesse pour parcourir les quelques kilomètres et monter le plus haut que je le pouvais. Une fois sur les lieux, je m'arrêtais et observais les alentours. Je percevais très bien les gardes postés à différent endroit, je pouvais paraître seule et sans défense, mais c'était loin d'être le cas. Après avoir vérifié qu'il n'y avait aucune faille, je décidais d'admirer la vue que l'on pouvait avoir ici. Je marchais jusqu'à une petit falaisee qui se tenait sous mes pieds, mais mes yeux ne s'arrêtaient pas en contre-bas, ils balayaient l'horizon et la ville que je voyais plus loin. Puis, mes oreilles me chatouillèrent et je fis un mince sourire avant de me retourner pour apercevoir Julien posté devant moi. Je restais droite, distance, impassible, il le fallait.

« Tu as donc su déchiffrer mon invitation... » commençais-je lentement. « Tu as sans doute dû t'en apercevoir, mais je ne suis pas seule. Je suis désolée, mais c'est nécessaire. » Je fais une pause, puis je fais quelques pas vers la droite, avant de me remettre face à lui. « As-tu aussi pu deviner le pourquoi de cette invitation ? » J'aimais toujours savoir ce que pensaient mes invités lorsque je les conviais à me rejoindre quelque part. Au moins, cela me permettait-il de ne pas démarrer tout de suite sur ce que je souhaitais, surtout que je ne savais point s'il était au courant pour Augustus, il ne fallait pas que je lâche l'information.

Une simple lettre et le meilleur des plans peut se troubler. Je n’avais plus eu de signe de sa part depuis ma sentence, qu’elle avait dû m’infliger sur ordre de sa mère. En relisant ses mots inscrits à la main sur cette feuille devant moi, je tenter d’éclairer l’obscurité dans mon esprit. Nous avions été clairs elle et moi, bien avant même que mes projets ne changent. Y avait-il autre chose que ce qui avait motivé notre désir d’alliance il y a quelques temps ? Quelque chose pour que nous puissions choisir par nous-même ? Pour l’heure je partais du principe que notre vision du monde nous pousserait chacun à suivre nos voies respectives, mais peut-être pouvais-je rêver d’une alternative…

La lettre manuscrite posée sur mon lit je finissais de m’habiller, répétant ses mots dans ma tête. Je n’avais pas eu besoin de temps pour comprendre que les apparences n’étaient pas la réalité sur le papier. Son invitation était claire pour qui savait lire entre les lignes en faisant appel à notre dernière nuit. La destination de notre rendez-vous y était aussi indiquée, je pris donc la route à pied usant de ma vitesse de vampire.

Arrivé sur les lieux j’optais pour la prudence, après tout rien ne pouvait m’assurer de quoi que ce soit. Ce qui m’avait trotté dans la tête un peu plus tôt n’était pas forcément partagé par Jana. Il ne me fallait pas prendre de risque, quand bien même il s’agissait de Jana. Aussi pris-je la peine de débusquer sa garde supposée mais de manière à ce qu’il soit clair que je n’étais pas une menace, en dépit de ce qu’il pouvait se dire à mon sujet. Quoi qu’il en soit j’avais emprunté le chemin qui me mènerait jusqu’à Jana, jusqu’à arriver dans son dos.

Lorsqu’elle me fit face et s’adressa à moi avec un léger sourire sur son visage, je pris un instant pour l’admirer. Quelques tiraillements sur ma peau me rappelèrent la douleur infligée, mais je ne lui en voulais pas. Pourrait-elle le comprendre si nous venions à en discuter ?

J’ai apprécié avoir des nouvelles de ta part. lui dis-je pour commencer sans bouger, contrairement à elle qui fit quelques pas. Nous n’avons pas eu l’occasion de parler de notre dernière… rencontre. lui dis-je d’un ton doux, dans un murmure sans aucune agressivité, si seulement elle pouvait percevoir mon trouble.

Ne te soucie pas de cela, je sais que ta protection s’impose désormais Jana. Je ne te ferais pas l’affront de te mentir, je suis au courant. lui dis-je ensuite d’un air solennel.

Hj : T'inquiètes, je savais que tu n'étais pas trop dispo ^^

Je ne savais pas que choisir. J'étais partagée entre un certain plaisir de le voir et une certaine réserve. C'était peut-être en repensant à sa punition que cela me paraissait évident, je ne pouvais pas briser cette barrière que j'instaurais. Je ne savais pas comment je réagirais s'il tentait de s'approcher de moi. Éprouverais-je de la colère ou de l'euphorie ? Je ne voulais pas me poser la question, car je ne pouvais pas me le permettre, pas en ces temps. Je ne savais toujours pas si Julien savait, s'il savait pour Augustus, s'il savait pour toute cette merde qui gravitait autour de nous et qui nous menaçait. Peut-être était-il déjà de l'autre côté, peut-être avais-je fait une erreur en lui envoyant cette invitation. En tout cas, j'étais assez ravie de voir qu'il avait pu déchiffrer mon message, cela prouvait quand même que nous avions encore une certaine communication. Je n'avais pas été assez confiante pour me poster dans ces lieux totalement seule et dépourvu de sécurité. Mais j'imaginais fort bien que Julien avait beaucoup de ressources, est-ce que tous mes gardes suffisaient sincèrement ? Le temps me le dira, sinon j'aurais fait une terrible erreur.

Il n'avait pas changé finalement, je l'analysais plus que je ne l'observais. Je connaissais déjà tout de ces traits, de son corps, de sa gestuelle. Mon regard resta quelques secondes sur ses lèvres, un souvenir passa devant mes yeux et tout cela se fit en une fraction de seconde avant que je ne plonge dans son regard. Je refoulais ce frisson qui s'annonçait puis me concentrait davantage encore. Je ne pouvais pas le nier, le fait qu'il parle de notre dernière rencontre ne me plaisait guère, et j'allais sans aucune gêne me passer de lui répondre. Ce n'est pas parce que son message est parvenu jusqu'à moi grâce à Morgane que je l'avais vraiment pris en considération. J'étais d'autant plus tourmentée, un peu persécutée par tout un tas de choses, et ma mère en faisait bien sûr partie. J'avais seulement un mauvais pressentiment, et ce, depuis notre entrevue sur le toit.

J'inspirais, puis soufflais alors que mes yeux se baissaient avant de se perdre dans l'obscurité de la forêt. Je n'arrivais pas à me dire si c'était avantageux ou non pour moi qu'il sache justement.

« En effet. » Je sentais mes hommes se rapprocher et bizarrement, ils me mirent presque mal à l'aise. Je leur avais dit bien sûr d'être prêt, et quoiqu'il arrive, d'intervenir rapidement. « Je suis contente au moins que tu sois encore honnête, enfin, au moins le concernant lui. Tu sais donc qu'il est de nouveau parmi nous. Et arriveras-tu à me dire comment tu as réussi à avoir l'information, sans me mentir ? » Je me tournais de nouveau face à lui, mes yeux le transperçaient. Je restais immobile à environ cinq mètres de lui, cela m'allait parfaitement pour tout dire. Je me demandais véritablement comme il pouvait savoir, alors que l'information était restreinte ? À moins qu'il ait eu une entrevue avec Augustus en personne, mais cela ne présageait rien de bon. J'étais soudainement dans le doute le concernant, je me demandais si mon geste n'avait pas été impulsif, d'autant plus que le lieu était éloigné. Oserait-il franchement attenter à ma vie ? Je devenais paranoïaque, mais je préférais être plus méfiante que jamais. Un seul faux pas et tout s'écroulerait.

La réaction de Jana face à mes paroles était à son image, brute et directe mais dissimulant un trouble que je percevais l’espace d’un instant bien fugace. Si j’avais pu en saisir le contenu, si je pouvais voir en elle ce que j’espérais et pouvoir y croire sans danger, mais avec des si… Je ne pouvais me contenter de suppositions par les temps qui couraient, et Jana était une supposition dans son ensemble, bien qu’à mon côté pragmatique sa fidélité envers sa mère ne faisait pas l’ombre d’un doute. Une nuance dans ses mots sa première phrase me fit reprendre la parole à sa suite, éluant pour un temps tout du moins sa dernière question.

A propos de quel sujet me concernant doutes-tu de ma sincérité Jana ? lui demandai-je, véritablement curieux. Pourquoi avoir indiqué « enfin, au moins le concernant lui » ? Pressentait-elle mon nouvel objectif, étais-je à ce point prévisible ? Peut-être qu’Augustus n’avait au final que profité d’un de mes travers si apparent pour tous… Si tel était le cas il me faudrait prendre davantage de précautions, changer de mes habitudes.

Si seulement tu avais conscience de ce que tu éveilles en moi Jana, de plus… profond que nulle autre auparavant. lui dis-je en soutenant son regard et en faisant un pas en sa direction, avant de m’interrompre car ayant sentis la crispation de ses protecteurs à l’affût. Après avoir marqué un temps d’arrêt je poursuivis ma marche lente, paumes vers le sol en signe de mes intentions pacifiques à l’égard de Jana. Il ne restait plus que deux mètres en elle et moi et en dépit de la situation et de ce qui s’ourdissait dans l’ombre j’avais envie de la prendre dans mes bras.

Je ne veux pas le suivre si telle est ta question. lui dis-je sans détour alors que nous n’étions plus qu’à un mètre elle et moi, ses gardes s’étend plus encore rapprochés mais en attente d’un signe de sa part. Pourquoi m’ouvrir à elle alors qu’elle pourrait causer ma perte si elle percevait mon but derrière mes paroles ? Commençais-je à arpenter ce chemin qui menait à ce sentiment encore inconnu pour moi ? Pourrait-il seulement me détourner de la voie que je me traçais depuis la visite d’Augustus ?

Si lors de sa venue j’avais choisi de suivre l’ancien monarque, mes rencontres qui en avaient découlé m’avait fait comprendre qui j’étais, ce que je voulais vraiment, ce que cachait désormais ce que je croyais être ma loyauté, mon engagement. Leslie avait fini de m’éclairer à ce sujet sans vraiment en avoir conscience probablement. Aussi en ce moment même je ne mentais pas vraiment à celle qui animait peu à peu mon cœur froid, mais peut-être que lorsque mes choix s’afficheraient aux yeux de tous en penserait-elle différemment.

Il est venu à ma rencontre et m’a fait une offre, pour autant tout comme ta mère il n’a pas voulu à une époque de ma loyauté, la remettant en question. Tout comme elle il m’a considéré comme un félon et m’a puni. Ce qui fait qu’aujourd’hui je ne veux plus les servir, ni Lui, ni Elle. lui dis-je prêt à ce qu’elle ordonne à ses soldats de se jeter sur moi. Le cœur a ses raisons…

En revanche un jour viendra où je te proposerai ma loyauté, pour l’éternité… lui dis-je en posant un genou à terre, mon regard plongeant dans le sien. … Ma vie sera alors entre tes seules mains.

Voilà qu'on se retrouvait de nouveau face à face, avec une distance à comparer au néant. Nous étions entourés de mes plus experts et fidèles gardes, si du moins, on pouvait se fier à quelqu'un désormais. Je lui avais laissé croire que je doutais de lui, comment ne pouvais-je pas être méfiante ? Cela m'était impossible, combien même, je savais que Morgane faisait confiance à Julien. J'avais du mal à emmagasiner tout ce qu'il se passait. Après tout, n'avais-je jamais voulu prendre la place de Krystel ? Oui, sa place, je ne l'avais jamais envié, car j'aimais cette part de liberté que je pouvais avoir en tant que Princesse, si infime soit-elle. Je savais aussi que Morgane était tout aussi chamboulée que moi, même d'autant plus alors que sa créatrice l'avait libéré. Je ne savais pas forcément ce qu'elle pouvait éprouver, car après la mort de mon créateur, je m'étais sentie plutôt soulagée. Je n'avais pas eu de regret, pas eu peur de ce vide, car je l'avais tout de suite comblé par le soulagement.
Si cela ne tenait qu'à moi, je ne mettrais pas de distance, je ne m'imposerais pas d'être aussi détachée. Pourtant, il le fallait. J'entends ses mots, et je me laisse le temps pour lui répondre.

« Je doute surtout qu'après ton jugement, ta sentence... » Je m'empêchais d'exprimer quoi que ce soit en repensant à ce que j'avais dû lui infliger, juste après la nuit intense que l'on avait passé. « ... ta loyauté soit indéfectible. Sinon, nous n'aurions jamais eu de problème dans nos rangs, au sein de notre espèce depuis le début. » C'était vrai, si tout le monde ne remettait pas en cause la loyauté, la hiérarchie et tout ce que cela impliquait, nous ne parlerions pas de traitre, la confiance serait en chacun d'entre nous. Mais voilà, il y a le sentiment de jalousie et de pouvoir, parmi d'autres. Il m'arrache à mes pensées, à ma réflexion tandis que ses mots m'interpellent. Il veut aller là où je ne veux pas aller, j'ai du mal à soutenir son regard alors qu'il trouve les bons mots. Il ne faut pas que je vacille, impossible, pourtant, lorsqu'il fait un pas, j'ai l'impression que je m'empêche de respirer. Ma main se lève alors que je vois du coin de l'œil mes gardes qui s'agitent et s'empressent. Je leur impose le calme et le non-agissement, pour le moment. Alors que je sens un moment de détente à son arrêt, je me crispe de nouveau alors qu'il s'avance de nouveau. Mes yeux jettent un coup d'œil, furtif, vers ses mains. Geste pacifique, il avait bien fait de le faire, autant pour mes gardes que pour moi-même. Franchement, je ne pensais pas qu'il puisse attenter à ma vie, mais tout était confus dans ma tête. J'essayais de ne pas faire résonner ses mots auparavant prononcés, pour m'éviter de perdre le but de cette rencontre. Par la même occasion, je ne lui répondais pas, que pouvais-je bien lui dire ?

Deux mètres, je m'efforçais de ne pas reculer, restant enraciné sur ma position. Mon cerveau fusait, je me demandais ce que je pouvais bien lui répondre, mais il parla de nouveau et je fronçais légèrement les sourcils. J'en concluais qu'il l'avait donc rencontré non ? Du moins, je le suspectais, et s'il était encore vivant, cela ne voulait-il pas dire qu'il avait forcément fait un pacte ? Je ne pouvais m'en empêcher, je reculais mon pied gauche.

« Eclaire-moi, cela veut-il dire que tu l'as rencontré ? Si tel est le cas, je me demande ce que tu as pu lui proposer pour être encore en vie. » Je connaissais quand même Augustus, il n'avait pas de pitié et laisser des cadavres derrière lui ne lui faisait pas peur. Sinon pourquoi vouloir tuer ma Mère ? Je voulus de nouveau parler, mais il m'éclairait de suite en s'exprimant de nouveau. J'avais donc vu juste, il l'avait donc rencontré. Il clarifiait un peu mes pensées, les rajustant quelque peu. Alors comme cela, il devenait... neutre ? Ou plutôt, contre tous ? Il venait de me dire qu'il n'était loyal envers personne. J'avais envie de l'étrangler, de fureur d'abord, car pourquoi me disait-il tout cela alors que c'était un acte de trahison ? Je relevais une nouvelle fois ma main alors que j'apercevais les gardes à la lumière de la lune, avant qu'ils ne disparaissent de nouveau.

« Pourquoi m'avouer tout cela ? Tu sais très bien dans quelle position je su... » Je m'arrête, voyant qu'il met un genou à terre. Il ne baisse pas la tête en signe de soumission, son regard me transperce, j'ai du mal à tout coordonner dans ma tête, il faut dire que j'étais loin de m'attendre à cela. Je décide de rester silencieuse et de marcher vers la droite, sur le rebord de la falaise. Mon pas était lent, symétrique, je m'éloigne de deux mètres seulement avant de me retourner vers lui.

« L'avenir est incertain Julien, tu le sais tout autant que moi. Tu ne peux pas... » Je m'arrête, sentant l'irritation me monter progressivement. Il ne fallait pas que je laisse l'impulsivité me dicter. J'aurais voulu lui demander pourquoi il se tournait vers moi, j'aurais voulu lui demander si jamais le jour dont il parlait ne venait jamais... pourrait-il attenter à ma vie ? Au final, je me contentais que d'une seule question. « Quel est ton but Julien ? » Une question très ouverte au final, et je restais immobile, mes talons dans le vide tellement j'étais proche du bord.

Le fait que Jana doutait de ma loyauté du fait principalement de mon jugement n’était pas une surprise. Si elle savait… Quand bien même il en aurait été autrement au sujet de mes choix, je n’étais plus personne au sein de mon espèce, et Krystel et Badenov devaient d’ores et déjà lui avoir répété à plusieurs reprises de se méfier de moi. Pourtant plus le temps passait et plus j’en découvrais sur moi-même. Cela ne faisait que quelques jours que je venais de prendre un tournant risquée dans mon existence mais plusieurs aspects de ma personne m’apparaissaient pour la première fois.

Après mon aveu au sujet d’Augustus je sentis la colère poindre dans son regard, ainsi que d’autres infimes détails que je commençais à connaître à présent. Notre rapprochement depuis notre accord d’alliance d’il y a quelques semaines maintenant s’était fait en douceur, pour autant je commençais à reconnaître lorsque son corps s’exprimait, laissant transpirer ce que son contrôle voulait censurer, et il était probable qu’il en soit de même dans l’autre sens.

La colère laissa place à la surprise chez Jana après que j’eu mis genou à terre quand bien même elle ne poursuivit pas ses paroles. Mais par son corps et son attitude une fois encore elle fit tout comme. Sa prise de distance physique était-elle l’expression de ce qu’elle désirait à mon sujet ? Toujours était-il qu’à seulement deux mètres de moi, au bord du précipice, elle se retourna vers moi et reprit enfin la parole avant de s’interrompre comme hésitante pour finalement trancher par une courte question. A son image celle-ci était directe.

Loin d’être futile sa question m’était déjà connue car au gré de mes rencontres depuis l’entrevue avec l’ancien monarque ma réponse évoluait sans cesse. D’abord avec Constance, puis Leslie et maintenant avec Jana. De serviteur loyale à mon premier Maître, j’étais devenu opportuniste futur régicide par mes choix. Et ce soir qu’étais-je encore devenu ? Quel avenir pouvais-je observer à l’horizon, quelle voie allais-je arpenter ? Comme avec chacun de mes interlocuteurs ces derniers temps j’allais prendre un risque à parler, mais cette fois-ci c’était pour une autre raison.

Vois-tu Jana, je me suis posé cette question à plusieurs reprises ces derniers temps, et cela a commencé après mon jugement. La vengeance ? Le pouvoir ? Le sang ? La guerre ? lui dis-je en guettant sa réaction, me relevant doucement avant de poursuivre sans lui laisser le temps de répondre. L’Amour ?

Ta mère a préparé Morgane pour prendre sa succession, et te concernant ton rôle sera probablement de l'épauler, Augustus souhaite sa mort mais il est las de cette vie. Nul doute que ces deux-là vont prochainement s’affronter pour une dernière danse macabre. lui dis-je en laissant volontairement filtrer des informations quant aux objectifs de notre ancien roi, si elle savait les analyser et en tirer des déductions pour notre avenir à tous.

A présent que je n’ai plus de Maître il me faut trouver un nouveau but mais je m’interroge à ce sujet : dois-je encore me soucier de notre espèce ou vivre le reste de mon existence seul, à l’écart ? Comme toujours je vais parler avec franchise Jana, je n’ai pas encore trouvé la solution à cette question. Pour autant j’ai déjà une certitude…

Quelle que soit cette réponse, ce choix que je vais devoir faire, si je suis venu ce soir c’est que j’espère que tu feras partie de cet avenir lorsque viendra le moment pour moi de répondre à cette question. lui dis-je en plantant mon regard dans le sien afin qu’elle puisse y lire la sincérité de mes mots.

Je venais de m’ouvrir à elle comme jamais, bien que je ne lui avais rien dit au sujet de mon action à venir à savoir séparer Badenov de Krystel. Comme tout au long de mon existence mes plans s’adaptaient au fil de mes rencontres, de ce que j’apprenais mais surtout de ce à quoi j’aspirais. Ce soir je voyais un autre avenir pour moi, sans savoir si Jana serait à mes côtés à ce moment-ci.

Je n'avais clairement pas envie de reparler de cette sentence, car cela n'avait eu que pour effet de presque supprimer notre avant-dernière rencontre, notre dernier tête à tête. Pour moi, j'avais l'impression que cela remontait à une éternité, alors que cela ne faisait que quelques jours, tout au plus. Finalement, cela n'était peut-être pas plus mal, que j'oublie petit à petit ce souvenir, qu'il s'efface de lui-même et qu'il soit remplacé par les tortures faites à son corps. J'avais toujours tiré un certain plaisir à malmener ou torturer des personnes, comme lorsque j'avais tué Yaâqov par exemple. Mais ça avait été autre chose avec Julien. Je m'étais forcée à être impartiale et brutale, impossible de me permettre le moindre écart. Pas même avec lui, il avait mérité sa punition à juste titre. Ce pourquoi je ne pouvais pas l'accueillir à bras ouverts, avec une confiance aveugle. Je l'avais déjà invité, c'était déjà un grand pas pour moi. On pouvait appeler cela un défaut de curiosité, trop grande pour être contrôler, mais je me devais de savoir ce qui trottait dans la tête de Julien. Je voulais l'analyser, oui, pour pouvoir mieux me préparer s'il envisageait de retourner sa veste. Mais pour l'heure, mes pensées étaient un peu confuses, entre le fait qu'il ait pu voir Augustus, qu'il me dise n'être pas loyal envers ni l'un ni l'autre, autrement dit, il était un renégat. Comment devais-je recevoir la nouvelle ? D'autant plus après qu'il s'est agenouillé. Il m'avait troublé, oui, c'était cela, et je m'étais écartée pour pouvoir mieux lui faire face, une fois que j'aurais tout intégré et repris un air impassible.

J'essaie d'en savoir plus, je finis par lui poser une seule et unique question, qui peut me révéler à la fois beaucoup de choses et rien du tout. Je veux savoir comment il va me répondre, comment il va peut-être dévier la question ou me mentir, éventuellement. Ce pourquoi je le toise, j'accroche son regard et j'analyse son visage et sa gestuelle. Je l'écoute parler, puis il se relève. J'entends les mots qu'il prononce, avec certainement un but derrière tout ça. Et puis, le dernier mot me fit réagir, une ou deux secondes de surprise, avant de me reprendre presque aussitôt.

« L'amour ? Je te croyais incapable d'aimer... » ajoutais-je simplement, alors que la phrase était sortie d'elle-même sans que je n'aie à réfléchir. Puis j'enchaine sur autre chose, histoire de laisser derrière ce début de phrase qui n'allait en rien m'aider. « Toi seul connait la réponse, toi seul est maître de tes émotions, tes pulsions. Tu dois pouvoir savoir si tu transpires la vengeance ou si tu cours après le pouvoir. » Le sang et la guerre, je les avais volontairement omis, car je me fixais seulement sur ce qui m'intéressait. Puis il continuait, en venait à parler d'Augustus et de Krystel, de leur fin proche à tous les deux. J'espérais surtout que ma Mère resterait en vie, quitte à choisir, je me tournais vers elle. Augustus n'était devenu que l'ombre de lui-même. Je savais qu'il en avait après la Reine, mais il pouvait aussi vouloir attenter à ma vie, autant qu'à celle de Morgane. Et je ne pouvais le permettre. Je ne savais pas si Julien avait conscience de cela. Je le laisse pourtant continuer, ne voulant pas l'interrompre, et surtout, j'avais besoin de réfléchir quelque peu. Mes sourcils se froncèrent légèrement, alors qu'il parlait de nous, dans un avenir plus ou moins proche. De nouveau, je me demandais comment je devais le prendre. Je fais deux pas, me rapprochant quelque peu de lui par la même occasion, mais restant toujours au bord de cette falaise.

« Dis-toi que dans l'une de tes questions se trouvent une seule réponse. Je me demande pourquoi tu t'interroges autant. Je pense que tu sais déjà où tu veux aller, tu parles de... nous. » Je laisse un petit temps où le silence emporte tout, avant de m'avancer encore quelque peu, je m'amuse à border ce vide et je me retrouve en face de Julien. « Comment puis-je croire en ta sincérité désormais ? Tu me dis avoir eu l'opportunité » C'était un euphémisme en réalité. « de rencontrer Augustus, de ne plus avoir d'allégeance à qui que ce soit... tu es en quelque sorte un électron libre, et sais-tu dans quelle position tu me mets ? Je ne peux pas fermer les yeux à cela... » Je passe de son œil à un autre, me demandant comment il va réagir, s'il va vouloir se défendre physiquement à mon sous-entendu. En toute logique, au vu de ce qu'il m'avait confié, il était préférable qu'il meure non ? Au lieu de ça, je poussais plus loin, et je pensais à Morgane également, qui n'avait pas eu la même vision que notre Mère à son sujet. Elle se rapprochait bien plus de mon opinion. Mais maintenant que tout avait changé, je n'avais pas le droit à l'erreur tout simplement. J'essayais de rester la plus détachée possible, chose qui me faisait défaut, je le savais.

En cette nuit je m’ouvrais à elle bien plus que jamais auparavant. Inutile de préciser qu’elle était la première à provoquer cela en moi, enfin de manière sincère. J’avais prononcé ces mots parfois à l’une ou l’autre de mes victimes humains, des niaiseries à l’eau de rose qui correspondaient à leurs rêves idiots. Mais là il était question de Jana, et de véritables sentiments. Tout comme elle me posa la question sans détour et me fit part par la même occasion de sa surprise, je souris furtivement à ses mots. Moi-même je me croyais incapable d’aimer, n’imaginant cela que comme une faiblesse, une perte de temps, une futilité. Cependant ce que je ressentais pour Jana n’était pas quantifiable, ce n’était même pas contrôlable en définitive. C’était, tout simplement. Etait-ce l’Amour ? Celui des romans dans lesquels on nous dépeignait comme des êtres sanguinaires mais baroques, comme ce livre sur lequel j’étais tombé en m’attaquant à une adolescente fan de littérature vampirique qui raconte l’histoire d’un vampire blond et torturé. Peut-être, je n’étais pas en mesure de le dire en tout cas, tant cela était nouveau pour moi.

Mettant fin pour un temps à mes réflexions intérieures j’écoutais les paroles de Jana, sa réponse à mes questions que je lui avais ouvertes. Elle écarta certains points, par méfiance ou plutôt par curiosité ? L’une ou l’autre de ses propositions ne pouvaient correspondre seules, étant en fait une partie composant un tout. Pouvais-je être hypocrite à écartant les deux ? Résolument non, mais comment lui faire comprendre sans l’effrayer, le devais-je tout simplement ? Pour le moment je m’abstins de lui répondre, la laissant poursuivre alors qu’elle se rapprochait physiquement de moi, peu mais tout de même.

Elle ne mit pas directement en doute mes paroles mais tourna sa phrase pour que ce soit le cas, pour m’amener à défendre ma situation. En dépit de ce qu’elle en pensait son jeune âge ne l’empêchait pas de savoir jouer avec les mots et les tournures de phrases, amenant ses interlocuteurs là où elle le désirait. Tout en parlant Jana marchait le long du précipice, expression inconsciente de son état d’esprit actuel ? Au bord du gouffre mais bien sur la terre ferme, jouant avec les frontières des plans sans chuter, peut-être en redoutant le faux pas qui la fera tomber. Ses derniers mots me firent sourire brièvement, non pas par moquerie mais encore une fois par son talent. Elle tourne la situation de manière à me rendre responsable, considérant de fait son attitude comme logique et pas de son fait. Parfaite Jana, reflet similaire mais différent de moi. Restait à voir si cela serait pour se comploter ou mieux s’éliminer.

J’ai toujours été franc avec toi Jana que ce soit maintenant, avant mon jugement et même autrefois alors que nous étions ennemis et que je cherchais à prouver ta culpabilité. dis-je en évoquant différentes périodes de notre vie commune où notre lien était radicalement différent à ces trois moments. Je me suis ouvert à toi Jana avec sincérité mais je comprends ta question, elle est même logique en réalité. lui dis-je avant de me taire en supportant son regard, en y plongeant même pour conforter mes paroles.

Je ne te demande pas de fermer les yeux sur quoi que ce soit Jana, je ne te demande aucun privilège sinon que tu restes toi-même, qu’importe ce que tu décideras, c’est pour cela que je ne t’ai pas caché ma rencontre avec Augustus.

Je te l’ai dit Jana, je nous rêve un avenir commun, et ce sera toi qui choisira si ce rêve doit se concrétiser ou non.

Mon air était détaché, mes traits imperturbables et mon regard impassible. J’essayais d’égalisé tous ces atouts pour éviter pour le moment que Julien ne puisse lire en moi, d’une quelconque manière. Que ce soit par mes gestes, mes traits ou mon regard. Je me devais de savoir où il en était, entrer en lui pour pouvoir l’analyser correctement et le laisser répondre à mes questionnements ciblés et réfléchis. J’étais toujours au bord de cette falaise, comme si cela m’aidait à mieux réfléchir, ou cela transparaissait-il ma situation actuelle, preuve que l’inconscient réagi sans ma permission. J’aurais très bien pu chuter, tomber maladroitement, mais je restais toujours sûre et droite. Je ne flancherais pas, je ferais tout pour éviter de tomber dans un quelconque piège. J’aurais pu le croire il y a quelque temps encore, lorsque sa situation était légale, si on peut le dire dans ce sens, et que sa loyauté était presque infaillible. Présentement, il m’avait dit clairement qu’il n’irait ni chez l’un ni chez l’une. Il m’avait aussi parlé de nous, du fait qu’il pourrait m’être entièrement dévoué. Je ne pouvais pas le recevoir comme flatteries, je ne pouvais que me méfier davantage. J’écouterais ma Mère pour une fois, elle m’avait dit me méfier de lui, mais dans un autre sens, je savais que Morgane m’avait toujours soutenu à son sujet. Etait-ce toujours le cas à présent ? Je ne savais pas, mais il me fallait me faire ma propre opinion, balayer le passé même s’il était un souvenir exaltant. Pour m’aider, je repensais à sa sentence que je lui avais infligée. Gardait-il des marques psychologiques ? Est-ce que ce qu’il avait dit à Morgane était sincère ? Arrivait-il à ne pas m’en vouloir ? J’écartais aussitôt ses pensées pour m’éviter d’être distraite. Ces questionnements n’étaient pas ma priorité du moment.

Je le mets en garde, essaie de lui expliquer aussi que d’un simple geste, sa tête peut lui être retirée. Il pourrait mourir ce soir de ma simple intention, peut-être par mes propres mains également. Je ne voulais pas qu’il voit en moi une quelconque faille par ce que nous avions partagés ensemble. Je ne voulais pas qu’il se joue de moi, tout simplement. Je suis à deux mètres en face de lui et l’observe, immobile, alors qu’il reprend la parole. Il fait référence à un passé qui m’était lointain, même s’il ne remontait qu’à quelques petites années seulement. En effet, j’avais eu une opinion très négative de lui auparavant, et notre petit arrangement avait permis de mieux se connaître. Enfin c’est ce que je pensais tout du moins. Je préférais le laisser terminer, ne l’interrompant pas pour avoir toutes les informations nécessaires pour pouvoir lui répondre. Sa dernière phrase prononcée, je m’approche lentement et gracieusement de lui, jusqu’à le frôler alors que mes yeux captent son regard. J’aurais bien glissé ma main sur sa joue, dans son cou, mais je n’en fis rien. Je restais autant détaché que possible, mon visage sérieux, analysant le moindre trait de Julien. Je voulais pouvoir ne rien louper quant à ce que j’allais lui demander.

« Pourquoi moi Julien ? Pourquoi te tournes-tu vers moi ? Je suis en train de douter de ta sincérité, car tu m’as avoué ne plus avoir de loyauté envers quiconque, alors seule ta franchise compte. » Je fis une pause, pensant à Morgane. « De quoi as-tu parlé avec ma sœur ? As-tu fait le même discours ? » Là-dessus, je savais qu’il ne pourrait pas me mentir. Je me permettrais d’aller voir ma sœur pour lui demander comment leur entrevue s’était passée. « En dépit de ce que nous avons pu partager, je me dois d’être méfiante, de douter de toi. Comment puis-je être certaine que tu ne complotes pas, que tu ne fais pas tout ça pour mieux te retourner contre moi par la suite ? » Je fais une pause, tandis que mes yeux parcourent son visage lentement avant de revenir me plonger dans ses yeux. « Je veux des preuves, je veux pouvoir être absolument certaine. » Immobile, je ne cille pas et le confronte quelque peu.

Lorsque Jana se rapprocha de moi avec grâce différentes envies me passèrent par l’esprit. Si tout se passait pour le mieux je pourrais les satisfaire avec Jana, dans le cas contraire elles ne seraient qu’un lointain souvenir. Après avoir brisé toute distance entre nous elle reprit la parole pour poser de nouvelles questions.

Est-ce son jeune âge ou Krystel qui l’amène à se méfier ainsi ? J’avais agi avec la plus grande prudence jusqu’à présent et je la sentais plus méfiante que d’habitude. Elle voulait des preuves, de quoi comparer avec les dires de Morgane. Je devais me montrer prudent car sa méfiance pouvait tout faire flancher si elle percevait mes plans véritables.

C’est justement ma franchise qui fait que je ne t’ai pas caché ma rencontre avec Augustus Jana.

Si je m’ouvre à toi c’est parce que je ne vois pas en toi la jeune vampire que certains pensent deviner. Malgré notre différence d’âge je vois une vampire forte, déterminée et qui ne recule pas face à ce qu’elle doit faire. lui dis-je dans un premier temps avant de poursuivre.

Ma rencontre avec Augustus n’avait pas encore eu lieu et je n’ai pas avec Morgane le même lien qu’avec toi, ni les mêmes rêves. Morgane m’a appelé car elle avait besoin d’un soutien suite à sa libération de son lien par votre mère. dis-je encore avant de reprendre sur ses dernières interrogations. Un tel besoin d’être rassurée l’amènerait un jour ou l’autre à ce qu’un opportuniste profite de ce manque chez elle pour viser la couronne, alors tant qu’à faire autant que ce soit moi-même si c’était plutôt mal parti.

Je ne peux t’offrir que ma sincérité, à moins que tu aies une idée à me proposer pour t’en faire la preuve. lui dis-je simplement. Inutile de me justifier vainement cela ne ferait que me décrédibiliser.

En attendant sa réaction à mes paroles je réfléchissais à nouveau à ce qu’avec pu lui dire Krystel, à elle et peut-être même à Morgane. Si elle avait craché son fiel cela pouvait nuire à mes plans au sujet de ses filles. Toujours était-il qu’il me fallait rester prudent quand bien même je jouais à la sincérité avec Jana, je ne pouvais me permettre de faillir.

Hj:


Je me demandais si tout cela ne cachait pas quelque chose d’autre, de bien plus important et dangereux. Ma Mère m’avait dit de me méfier de lui, je savais que Morgane était contre cet avis, elle nous avait toujours soutenus lors de notre projet d’union. Mais voilà que tout changeait de nouveau, la bascule du temps, penchant tantôt d’un côté tantôt de l’autre, n’ayant jamais qu’un équilibre précaire. L’harmonie et la paix entre chaque espèce, et même au sein d’une même espèce était difficile à avoir. Je remarquais Julien qui traçait son chemin, seul, ou plutôt avec Augustus s’ils avaient convenu quelque chose entre eux. J’avais du mal à le croire, parce qu’il fallait que je me méfie de tout désormais. Il fallait que j’oublie tout ce que nous avions pu partager entre nous. Et dire que je me laissais un peu aller avec lui, que je ressentais un brin d’affection pour lui, quelque chose d’autre que son physique qui n’était pas déplaisant. Je ne pouvais pas me contenter de mots, j’avais besoin d’actes, et pour l’heure, tout ce qu’il me disait ne présageait rien de bon. Je lui posais de nouveaux des questions, je voulais comprendre tout simplement, alors que j’avais brisé toutes distances entre nous. Je l’observe et l’écoute attentivement, il est vrai que j’ai encore cette infime attirance que je contre non sans mal. J’étais ici, je l’avais invitée pour mener la danse…

« Tu dois comprendre donc pourquoi je me méfie tant. Tu me révèles certaines choses, dont le fait que tu as vu Augustus et que tu puisses être un électron libre. Comment veux-tu que je pense différemment ? Ce n’est pas possible. À l’aube d’une ère nouvelle, chacun tend à se jouer de la situation… de moi en l’occurrence. » Je fis une pause, scrutant son visage pour percevoir le moindre trait qui le trahirait. Mais rien. Soit il cachait bien son jeu, soit il maîtrisait à la perfection son discours et ses émotions. Il me fait part de sa sincérité, qu’il m’offre seulement comme preuve. Sauf que ce n’est pas cela que je veux, la sincérité passe par les actes aussi. Les mots, je n’en ai que faire ce soir, je ne peux plus m’accrocher à eux. Je me dois d’essayer d’être la plus sûre possible, d’anticiper. Je me tourne sur le côté, fait quelques pas alors que mes yeux passent sur deux de mes gardes qui ne sont pas très loin. Ils écoutent tout, mais ce sont les seuls qui me sont entièrement loyaux. Et enfin, je me tourne de nouveau vers Julien, plonge dans son regard. « Je t’ai écouté ce soir, à moins que tu n’aies d’autres choses à me dévoiler, auquel cas je continuerais d’être une oreille attentive, mais je pense que bientôt je pourrais avoir un avis tranché te concernant. Je voulais pouvoir te voir et discuter de toute cette situation, de la tienne notamment. Je t’avouerais être un peu dans le flou, la chose certaine reste que tu me déçois quelque peu. Mais comme je te l’ai dit, très bientôt, je pense pouvoir juger et décider. Soit tu m’es un soutien précieux, soit tu es un ennemi redoutable. » Il fallait être franc, s’il retournait sa veste, il était tout de même un ennemi dangereux. Je me ferais ma propre opinion, et elle arriverait bien vite…